Tendinopathies du coude

Tendinopathies du coude

Revue du rhumatisme monographies 79 (2012) 64–71 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Tendinopathies du coude Tendinitis of the elbow Albe...

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Revue du rhumatisme monographies 79 (2012) 64–71

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Tendinopathies du coude Tendinitis of the elbow Albert Haddad Fédération de rhumatologie, centre Viggo Petersen, hôpital Lariboisière, 1, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : ´ 2011 Accepté le 5 decembre Disponible sur Internet le 14 mars 2012 Mots clés : Coude Tendinopathies Épicondylites

r é s u m é Avec une prévalence de 1 à 3 % de la population générale, les tendinopathies du coudes constituent une pathologie fréquente, dominée par l’atteinte de l’épicondyle latéral (90 % des cas). Elles sont liées essentiellement à la répétition de mouvements de traction sur l’insertion tendineuse, à l’occasion d’activités sportives, domestiques ou professionnelles. Au plan histologique, la lésion débute par des microruptures du collagène, véritables fissures de fatigue tendineuses. Les autres causes (médicamenteuses ou microcristallines notamment) sont exceptionnelles. L’évolution dépasse souvent six à 12 mois, ce qui en fait fréquemment une pathologie chronique. Les répercussions économiques sont importantes en cas de maladie professionnelle. Le traitement des tendinoses du coude implique avant tout l’arrêt de l’activité vulnérante. On y associe la contention, les applications de glace, la rééducation et la physiothérapie (Ultrasons notamment). Les infiltrations locales de dérivés cortisoniques ont une utilité discutée. De nombreuses innovations thérapeutiques, dont la place est encore à définir, sont apparues ces dernières années. Citons les injections locales de gelée plaquettaire autologue (Platelet Rich Plasma ou PRP), les injections de toxine botulique, les patchs de Trinitrine® ou les injections d’acide hyaluronique intramusculo-tendineuses. Le traitement chirurgical ne se conc¸oit actuellement qu’en cas d’échec du traitement médical. Cependant, l’introduction de nouvelles techniques micro-invasives et arthroscopiques nous fait entrevoir des indications plus précoces de la chirurgie. Tout cela mérite encore de nombreux essais contrôlés. Comme on le voit, le chapitre des tendinopathies du coude n’est pas clos et reste passionnant, malgré un profil réputé classique. © 2012 Société franc¸aise de rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

a b s t r a c t Keywords: Elbow Tendinitis Epicondylitis

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With a prevalence of 1% to 3% of the general population, tendinitis of the elbow is a common condition evidenced by injury to the lateral epicondyle (90% of cases). It is essentially due to repeated movements of traction on the tendon insertion during sporting, domestic, or professional activities. Anatomically, injury starts with micro-tears of collagen fibers, literal stress injuries of the tendon. Other causes (druginduced or crystal-induced) are rare. The course typically exceeds 6 to 12 months, which frequently means that it should be considered as chronic pathology. Economic implications are significant in the case of work-related injuries. Treatment of elbow tendinitis includes i) discontinuing the causative activity, ii) addition of contention bandage, icing, rehabilitation and physical therapy (ultra sounds in particular) Local steroid injections are of questionable value. Numerous therapeutic innovations have raised over the last few years but their place remains to be defined. We will mention local injections of platelet rich plasma (PRP), botulinum toxin injections, nitroglycerin patches, or intramusculo-tendinous injections of hyaluronic acid. Surgical treatment is currently only considered when medical treatment has failed. However, new micro-invasive and arthroscopic techniques could lead to earlier indications for surgery. Additional controlled studies are needed in this area. The topic of elbow tendinitis is far from being exhausted and remains exciting despite its classic profile. © 2012 Société franc¸aise de rhumatologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Les tendinopathies du coudes sont dominées par l’atteinte de l’épicondyle latéral (anciennement dénommée « épicondylite »), de loin la plus fréquente. Leur mécanisme principal réside dans la répétition de mouvements délétères mettant en jeu les

1878-6227/$ – see front matter © 2012 Société franc¸aise de rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.monrhu.2012.01.002

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muscles épicondyliens latéraux. Il s’agit donc essentiellement d’une pathologie mécanique [1], d’hyperutilisation. Souvent d’origine professionnelle voire domestique, l’épicondylite latérale doit sa dénomination classique de tennis elbow aux technopathies rapportées au cours des sports de raquette, dont le tennis [2]. L’épicondylite médiale (anciennement dénommée épitrochléite ou golf elbow) est moins fréquente, de même les atteintes tendineuses affectant le plan antérieur (tendinopathie de l’insertion basse du biceps brachial) ou postérieur (essentiellement la tendinopathie d’insertion du triceps brachial). La réputation, classique autrefois, de pathologie bénigne au traitement bien codifié, doit aujourd’hui être nuancée. Les formes rebelles sont fréquentes de même que les récidives. Les tendinopathies d’origine professionnelle sont souvent responsables de coûteuses incapacités. Les résultats de la chirurgie sont parfois décevants et les diverses séries de la littérature ne permettent pas toujours de détacher une conduite thérapeutique précise faisant consensus. Les méthodes thérapeutiques se sont multipliées ces dernières années. Qui plus est, le classique Wait and see des auteurs anglo-saxons fait son chemin conduisant, nous y reviendrons, certains auteurs à rester minimalistes dans la conduite du traitement. « Revisitées », les infiltrations locales de dérivées cortisoniques ne sont plus toujours à leur avantage ! Bref, l’image des tendinopathies du coude évolue. Nous allons essayer d’en brosser une mise à jour. 1. Anatomie 1.1. Muscles s’insérant sur l’épicondyle latéral Les muscles épicondyliens latéraux sont au nombre de cinq. Ils s’insèrent en haut sur l’épicondyle latéral et en bas sur diverses structures de la face dorsale du poignet et de la main. L’extenseur des doigts (ED) ou extenseur commun des doigts a une action complexe. Il étend complètement la première phalange (P1) et à un moindre degré P2 et P3 (quand les fléchisseurs sont détendus). Il est également extenseur accessoire du poignet. Il est innervé par le nerf radial après son émergence du supinateur. Le court extenseur radial du carpe (CERC) ou deuxième radial est responsable exclusivement d’une extension du poignet. Il est innervé également par le nerf radial (racines C6 et C7). C’est, avec l’extenseur des doigts, le muscle le plus impliqué dans les épicondylites latérales. Les autres muscles sont moins touchés : long extenseur radial du carpe (LERC) anciennement appelé premier radial, extenseur ulnaire du carpe (EUC) ou cubital postérieur, et extenseur du cinquième doigt. 1.2. Muscles s’insérant sur l’épicondyle médial Les épicondyliens médiaux sont au nombre de quatre ou cinq (le long palmaire étant inconstant). Ils s’insèrent en haut sur l’épicondyle médial et en bas de fac¸on variable sur la face palmaire de la main et du poignet et sur le radius : Le rond pronateur (RP) est pronateur et fléchisseur accessoire du coude. Organisé en deux chefs qui se réunissent en une boutonnière où passe le nerf médian, il s’insère à la partie moyenne du radius sur sa face latérale. Il est innervé par le nerf médian (racines C6 et C7). Le fléchisseur radial du carpe (FRC) anciennement dénommé grand palmaire se termine sur la face antérieure de la base du deuxième métacarpien. Il est fléchisseur et abducteur du poignet. Il est innervé par le nerf médian (racines C6 et C7). Les muscles RP et FRC sont les deux muscles les plus impliqués dans les épicondylites médiales. En dedans du FRC se trouve de fac¸on inconstante le long

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palmaire ou petit palmaire qui est fléchisseur accessoire du poignet sur l’avant bras. Le fléchisseur ulnaire du carpe (FUC) ou cubital antérieur se termine essentiellement sur le pisiforme avec plusieurs expansions de voisinage. Il est fléchisseur et adducteur du poignet. Il est innervé par le nerf ulnaire (racines C8 et T1). Le fléchisseur superficiel des doigts ou fléchisseur commun superficiel n’est que rarement impliqué dans les épicondylites médiales. 1.3. Muscles du pli du coude Deux muscles peuvent être impliqués par leurs insertions basses dans la pathologie tendineuse du plan antérieur du coude : le biceps brachial et, plus rarement, le muscle brachial ou brachial antérieur. La longue et la courte portion du biceps brachial se réunissent au dessus du coude et leur terminaison tendineuse commune s’insère sur la tubérosité bicipitale du radius. Une expansion interne s’insère également sur l’aponévrose antébrachiale. Le muscle est fléchisseur du coude mais son action essentielle est la supination. Il est innervé par le nerf musculocutané (racines C5 et C6). Le muscle brachial s’insère sur la moitié inférieure de la face antérieure de l’humérus et se termine sur la face antérieure de l’apophyse coronoïde de l’ulna. Il est fléchisseur du coude et légèrement pronateur. Il est innervé par le musculocutané (racine C5 et C6) et souvent par un filet du radial. 1.4. Tendons postérieurs En pratique seul le triceps brachial est impliqué dans les tendinopathies postérieures du coude. Sa terminaison se fait à la face postérieure de la partie postérieure l’olécrâne. Il est extenseur du coude et innervé par le nerf radial (C7 et C8). 1.5. Arcade de Frohse C’est une structure anatomique importante à connaître dans la pathologie des épicondylites latérales, notamment des formes chroniques. Elle constitue un point de compression classique de la branche postérieure motrice du nerf radial près du coude. Elle est formée par le chef superficiel du muscle supinateur (court supinateur) qui forme dans 30 à 80 % des cas une arche fibreuse [3] sous laquelle passe le rameau moteur (postérieur) du nerf radial. 2. Physiopathologie 2.1. Causes microtraumatiques Les tendinopathies du coude ont presque toujours une origine microtraumatique : professionnelle, domestique ou sportive. Il s’agit de la répétition d’un mouvement vulnérant qui aboutit à la lésion tendineuse. Anatomiquement, le caractère biarticulaire des muscles épicondyliens a pour conséquence une exposition des tendons à une course excentrique. Le travail répété « excentrique » est majoré si le muscle et le tendon sont étirés (revers au tennis avec poignet insuffisamment ferme). Plus le mouvement est répétitif, plus le tendon est utilisé pour économiser le travail musculaire[4,5]. Les tendinopathies d’origine professionnelles [6] sont connues de longue date (inscription au Tableau du régime général et du régime agricole, délai de prise en charge sept jours). Elles représentent, selon les séries, 35 à 65 % des tendinopathies du coude [1]. Le travail à la chaîne, sur des machines obligeant à des mouvements en flexion-extension répétés du coude peut rapidement être responsable de tendinopathies invalidantes. La position de travail, le matériel inadapté, le port d’outils trop lourds, le cumul de

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gestes à risque et globalement la mauvaise ergonomie du poste de travail constituent des facteurs déclenchant des tendinopathies du coude. Le coût social de cette maladie professionnelle est très important et mérite des efforts de prévention. Il s’agit presque toujours d’épicondylites latérales mais rappelons aussi les classiques épicondylites médiales de la couturière, de la repasseuse ou du violoncelliste. Les épicondylites domestiques et de loisirs sont fréquentes : le ménage, de bricolage, la traction des « Caddy » lors des courses, l’excès d’activité sur ordinateur sont pourvoyeurs de nombreuses tendinopathies du coude. Les technopathies des sports sont responsables de 5 à 10 % des tendinopathies épicondyliennes [1,2]. Il s’agit essentiellement de gestes répétitifs avec un matériel inadapté (raquette trop lourde ou mal équilibrée par exemple) ou de la mauvaise réalisation d’un geste technique répété (un mauvais swing responsable du golf elbow par atteinte de l’épicondyle médial du coude dominant pour un overlapping grip classique). Enfin, des traumatismes directs peuvent aussi être impliqués dans la genèse de l’épicondylite latérale. Les atteintes de la branche motrice du nerf radial sous l’arcade de Frohse peuvent être associées à d’authentiques tendinopathies d’insertion, probablement en raison de certains mécanismes communs qui provoquent le conflit du nerf sous l’arcade et la tendinose épicondylienne latérale. Cette arcade est souvent fibreuse et, lors des mouvements répétitifs, il peut se produire une souffrance du nerf par compression. C’est une lésion à rechercher systématiquement, notamment si un geste chirurgical est décidé.

2.2. Causes médicamenteuses On sait que la prise de fluoroquinolones favorise les tendinopathies, notamment celles du tendon d’Achille, voire la rupture tendineuse. Une volumineuse littérature sur ce sujet existe depuis de nombreuses années. En revanche, peu d’études font état de tendinopathies iatrogènes du coude. Saint, Salomon, Cicco et al. en 2001 [7], dans une intéressante revue sur les tendinopathies liées aux fluoroquinolones, trouvent dans 90 % des cas une atteinte achilléenne, le plus souvent bilatérale, mais aussi d’autres localisations isolées ou associées, comme des tendinopathies épicondyliennes. En faveur de la cause médicamenteuse, on retient la bilatéralité, la survenue rapide après la prise du médicament et l’absence de facteur mécanique associé. Les statines, médicaments inhibiteurs de la HMG-CoA, sont actuellement largement prescrites. Leurs atteintes musculaires qu’ils peuvent induire sont bien connues, les atteintes tendineuses commencent maintenant à être bien documentées. Marie et al. [8] font état de neuf atteintes des épicondyliens (contre 50 cas pour le tendon d’Achille) sur 96 cas où l’imputabilité a été démontrée. Malgré ce petit nombre de cas et l’absence d’étude cas-témoins, cette exposition médicamenteuse mérite d’être recherchée par l’interrogatoire. Les anti-aromatases prescrites dans la prévention des rechutes de cancer du sein sont connues pour leur effet néfaste sur la masse osseuse. Elles sont aussi souvent responsables de douleurs squelettiques diffuses : articulaires, notamment des mains, musculaires mais aussi tendineuses [9]. Des épicondylalgies ont été observées. Les glucocorticoïdes ont un effet atrophiant sur le tissu conjonctif et sont parfois responsables de ruptures tendineuses. La corticothérapie générale est un facteur classique de fragilisation des tendons. Les injections de corticoïdes aussi. Rappelons la contreindication des injections tendineuses de dérivés fluorés. La vitamine A, acide isorétinoïde, est parfois associée à des tendinopathies du coude.

2.3. Atteintes microcristallines La goutte et les dépôts apatitiques peuvent entraîner des atteintes inflammatoires des tendons. Le contexte clinique, les données biologiques (hyperuricémie pour la goutte) et la radiographies (dépôts calciques d’apatite) permettent le plus souvent de faire un diagnostic rapide. 2.4. Autres causes D’autres causes ou facteurs favorisants, plus ou moins documentées, sont parfois mis en avant : la déshydratation est classiquement un facteur d’altération tendineuse à l’effort. L’état général, un diabète sucré, des modifications rapides de poids, certains états myotoniques sont parfois en cause. 3. Anatomie pathologique des formes communes Les études histologiques ne trouvent pas de cellules inflammatoires dans les tissus des tendinopathies épicondyliennes avérées [2,4] Les microruptures du collagène, véritables « fissures de fatigue » tendineuses, d’origine mécanique, siégeant essentiellement sur l’insertion du tendon, sont probablement à l’origine de la maladie [1]. Il s’agit d’une véritable atteinte tendino-périostée. L’inflammation existe cependant au début mais seulement pendant les premiers jours, puis s’installe une phase de prolifération granuleuse qui coexiste avec les microruptures. Cette phase conduit en trois semaines environ à un tissu conjonctif granuleux très fragile. La cicatrisation reste longtemps incomplète. La phase de récupération et de remodelage tendineux peut durer des mois. À trois mois, le tendon est encore au tiers de sa résistance à la traction par rapport à un tendon normal. La reprise des contraintes mécaniques peut favoriser la chronicité des lésions aboutissant à une tendinose dont la cicatrisation sera très longue. Le CERC (anciennement deuxième radial) et l’ED (anciennement extenseur commun des doigts) sont les deux tendons les plus impliqués dans la tendinose latérale. Le FRC (anciennement grand palmaire) et le RP (rond pronateur) sont les plus impliqués dans les tendinoses médiales, à un moindre degré le FUC (anciennement cubital antérieur). 4. Signes cliniques Les tendinopathies épicondyliennes touchent autant la femme que l’homme, surtout entre 30 et 50 ans. La prévalence se situe à 1 à 3 % de la population générale [1]. Les épicondylites latérales représentent 90 % des tendinopathies du coude. L’évolution de la maladie varie de six à 12 mois voire plus en l’absence de traitement. Les formes chroniques résistantes au traitement ne sont pas rares et font discuter la chirurgie. 4.1. Épicondylites latérales Elles donnent une douleur de la face externe du coude qui s’installe assez rapidement après le ou les efforts vulnérants, augmentant progressivement en intensité. Cette douleur est de type mécanique, irradiant souvent vers le bas dans la masse musculaire des épicondyliens latéraux et déclenchée par différents gestes de la vie courante : ouvrir une porte, saisir une bouteille pour verser de l’eau, serrer la main et, bien entendu, par la reproduction du geste délétère ou les chocs directs. La douleur est déclenchée par la percussion de l’index de l’examinateur sur l’os épicondylien. La palpation par le pouce de l’examinateur retrouve une zone exquisément douloureuse sur la pointe de l’épicondyle latérale et un peu en dessous.

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On reproduit la douleur par l’extension contrariée du poignet et du coude. Il existe également une douleur à l’extension contrariée du troisième, voire du quatrième doigt de la main alors que l’extension contrariée du deuxième rayon est normale. Ces manœuvres ont avantage à être réalisées avant la palpation appuyée de la zone douloureuse qui en atténue la sensibilité. Dans certaines formes chroniques sévères on peut constater un petit flexum antalgique du coude voire même une rupture partielle myotendineuse au palper [10,11]. Les diagnostics différentiels seront systématiquement éliminés : • l’arthrose du coude : perception de craquement par la mobilisation de l’articulation radio-ulnaire supérieure et limitation articulaire. L’arthropathie radio-ulnaire peut exceptionnellement être secondaire à l’atteinte tendineuse dans certaines formes chroniques car la stabilisation de l’articulation n’est plus assurée normalement, ce qui augmente les contraintes locales ; • la souffrance de la branche postérieure motrice du nerf radial doit être recherchée par la palpation de l’arcade de Frohse et la recherche d’un déficit radial (extension des doigts) ; • une pathologie affectant le rachis cervical (« épicondylalgie » par NCB C6), l’épaule ou le défilé thoracobrachial doit être systématiquement recherchée. Les autres diagnostics différentiels sont éliminés par la radiographie et l’imagerie. Fig. 1. Discret enthésophyte épicondylien.

4.2. Épicondylites médiales

Collection du Dr Laurence Bellaïche, clinique Bachaumont et INSEP.

La douleur siège à la face interne du coude. Elle donne souvent moins d’irradiation basse que les épicondylites latérales. L’examen met en évidence une douleur locale à la palpation, souvent très précise et une douleur reproduite par la flexion contrariée du poignet doigts fléchis, en inclinaison cubitale. On doit s’assurer de l’absence d’atteinte du nerf ulnaire au coude (dysesthésies des quatrième et cinquième doigt, Tinel au coude).

Dans la phase aiguë le tendon apparaît comme épaissi et hypoéchogéne. En phase chronique, il devient hétérogène avec souvent des microcalcifications parfois non visibles sur les radiographies. L’échographie peut mettre en évidence des ruptures partielles de l’enthèse.

4.3. Autres tendinopathies du coude

5.3. Tomodensitométrie

Elles sont plus rares [12]. Le diagnostic de tendinopathie d’insertion du triceps sur l’olécrane est évident cliniquement. Cependant, la douleur locale doit être distinguée d’un hygroma débutant. La palpation locale et l’extension contrariée de l’avant bras déclenchent la douleur. La tendinite d’insertion du biceps au coude sur la tubérosité bicipitale du radius donne une douleur du pli du coude assez profonde, déclenchée par la palpation et la flexion contrariée de l’avant bras. Les ruptures de ces deux tendons, parfois inaugurales, ne sont pas rares et constituent des urgences chirurgicales. Les tendinopathies d’insertion basse du muscle brachial donnent une douleur ulnaire au pli du coude. Le diagnostic est le plus souvent fait à l’imagerie par résonance magnétique (IRM).

Le scanner et surtout l’arthroscanner ont un intérêt pour préciser une arthropathie mise en évidence par la radiographie standard. La seule en relation directe avec l’atteinte tendineuse, est l’arthropathie radio-ulnaire supérieure secondaire à une épicondylite vieillie souvent multi-infiltrée. Comme nous l’avons dit, la fonction stabilisatrice défaillante des épicondyliens, favorise la surcharge mécanique de l’articulation radio-ulnaire. Cette forme est plus fréquente dans la pathologie professionnelle [14].

5. Examens complémentaires 5.1. Radiographie standard Elle n’est pas indispensable dans les formes communes au début. Elle a surtout le mérite d’éliminer une autre cause d’épicondylalgie : motte de cristaux d’apatite, arthrose du coude, ostéochondromatose, tumeur osseuse, ostéochondrite chez l’adolescent, notamment. Elle peut montrer, surtout dans les formes chroniques, un enthésophyte linéaire souvent à la limite de la visibilité (Fig. 1). Des microcalcifications des parties molles étaient notées dans 16 % des cas d’une série de 296 cas [13].

5.2. Échographie

5.4. Imagerie par résonance magnétique (IRM) L’IRM ne se justifie pas dans l’étude des tendinopathies communes du coude. En revanche, certaines localisations comme la tendinopathie basse du biceps ou l’atteinte des insertions basse du muscle brachial, ne sont diagnostiquées avec précision que par l’IRM qui vient ici compléter l’étude échographique. L’examen comporte une série de coupes en T2 saturation de graisse pour chaque plan de l’espace, ainsi qu’une série coronale pondérée en T1. L’injection intraveineuse de contraste n’est pas effectuée de routine. L’IRM objective la tendinopathie (Fig. 2a et b) et montre dans les formes évoluées un œdème osseux en regard de l’insertion tendineuse. Dans les formes chroniques ou évoluées elle peut mettre en évidence des zones de déchirure et un œdème locorégional des parties molles avoisinantes. Elle permet aussi l’exploration de l’articulation du coude avec parfois la visibilité d’une frange synoviale dans l’articulation radio-ulnaire supérieure.

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Fig. 2. IRM du coude en coupes frontale (a) et axiale (b). En T2 suppression de graisse : fissure partielle à la face profonde du tendon des épincodyliens latéraux avec hypersignal T2 franc à l’interface tendon-os. Collection du Dr Laurence Bellaïche, clinique Bachaumont et INSEP.

Chez le sportif de haut niveau son indication est impérative pour optimiser la prise en charge. Elle est couplée systématiquement à la radiographie standard et à l’électromyogramme (EMG). 5.5. Électromyogramme (EMG) L’EMG est indiqué chaque fois que l’on soupc¸onne une association à une atteinte neurologique notamment de la branche motrice du nerf radial sous l’arcade de Frohse et du nerf ulnaire dans les atteintes tendineuses médiales. Pour beaucoup, l’EMG doit être fait de principe avant toute chirurgie épicondylienne latérale. 6. Traitement 6.1. Traitement médical De multiples moyens sont utilisés dans le traitement des tendinopathies du coude avec plus ou moins de bonheur. Cette multiplicité de moyens est un peu un constat d’échec. Leur évaluation est souvent difficile. Les traitements antalgiques et les anti-inflammatoires non stéroïdiens per os ne sont utiles qu’en cures courtes et avec une efficacité symptomatique limitée. Le rapport bénéfice/risque ne plaide pas en faveur de leur utilisation en traitement prolongé. Plusieurs types de traitements sont utilisés. 6.1.1. Méthodes ergonomiques et orthèses L’idée de réduire les contraintes induites par les tractions musculaires sur le coude est le bon sens même. De fait, le repos sportif, l’arrêt des mouvement professionnels ou domestiques à l’origine des douleurs suffisent dans plus de 80 % des cas à guérir – sans autre traitement – la tendinopathie du coude, pour peu que l’on soit un peu patient, l’évolution pouvant être de six à 12 mois avant d’aboutir à une sédation totale de la douleur (c’est la méthode wait and see des anglo-saxons) [10,15,16]. La mise en place d’un plâtre ou d’une orthèse d’immobilisation ne se justifie que dans les formes aiguës, très algiques et pour une période limitée à un ou deux semaines, compte tenu des contraintes que cela impose. Des moyens intermédiaires sont cependant souvent proposés : un bracelet de contention fixé immédiatement sous le coude diminue le transfert de charge sur l’enthèse ce qui n’est pas le cas quand on le place plus bas notamment au poignet [17]. On peut aussi utiliser une coudière légère, amovible, avec une partie en sorbotane

en contact avec l’épicondyle dont le mérite est surtout d’éviter les chocs directs. Des difficultés existent cependant lorsque la tendinopathie est d’origine professionnelle et qu’un changement de poste ou d’ergonomie est impossible dans l’entreprise. Faut-il légitimer un arrêt de travail prolongé de plusieurs mois pour une tendinopathie ? Le problème se pose aussi en milieu sportif car, malgré les modifications du geste sportif ou du matériel, l’évolution spontanée est longue. Cela a amené à envisager d’autres traitements parfois plus agressifs pour raccourcir l’évolution de la tendinopathie. 6.1.2. Traitements locaux non infiltratifs Les applications de froid (15 à 20 min deux à trois fois par jour) sur le coude ont, semble-t-il, un bon effet antalgique. Elles peuvent être un préalable à des applications de crèmes anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou de patchs locaux délivrant un AINS. Les pansements occlusifs ou auto-adhésifs de pommade AINS sont également possibles mais souvent agressifs pour la peau. Ces traitement n’ont pas donné lieu à des études contrôlées mais sont largement utilisés dans les formes communes, en cures courtes [18]. Les patchs de trinitrine ont également été proposés. Le Clycéryl Trinitrate se transforme après le passage transdermique en monoxyde d’azote qui est connu comme un activateur des fibroblastes. L’effet attendu est une augmentation locale de la synthèse du collagène ainsi qu’une augmentation locale du débit sanguin par effet vasodilatateur. Une étude randomisée comportant un groupe placebo a été réalisée dans 86 épicondylites par Paolini et al. [19] avec des résultats très encourageants : 81 % des patients étaient asymptomatiques à six mois dans le groupe traité contre 60 % dans le groupe placebo. Les effets généraux, les céphalées et les phénomènes locaux irritatifs limitent la généralisation de ce traitement qui ne bénéficie pas d’une AMM dans cette indication. La physiothérapie par ultra sons est réputée efficace dans les atteintes tendineuses en général. Les ultra sons réduiraient la douleur et favoriseraient la cicatrisation des lésions. On conseille souvent des séances assez rapprochées, plusieurs fois par semaines. En cas d’exacerbation des douleurs il faut arrêter le traitement. Aucune étude randomisée ne permet d’appuyer ces effets thérapeutiques. Le traitement par ondes de choc a fait l’objet de nombreuses publications dans la littérature depuis une dizaine d’années [20–23]. Les ondes de choc extracorporelles sont une catégorie

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d’ondes acoustiques discontinues de très haute énergie. La sonde est placée sur la région à traiter et le nombre de chocs est de l’ordre de 1000 à 3000 par cession. Ce traitement permettrait de soulager la douleur par la théorie du gate control. Le traitement peut se compliquer de poussées douloureuses, d’une réaction vagale voire d’un discret hématome local. Il est contre-indiqués en cas d’inflammation aiguë, de traitement anticoagulants et chez l’enfant (en raison du risque d’altération du cartilage de conjugaison). Un essai randomisé en double insu contre placebo a été réalisé par Melikyan, et al. [21] chez 74 patients présentant une épicondylite latérale. Une évaluation de la douleur, un score fonctionnel (questionnaire DASH) et des mesures de la force musculaire ont été utilisés pour évaluer l’efficacité du traitement sur un an. Aucune de ces mesures n’a permis de trouver une différence significative entre les patients traités et le groupe témoin. L’acupuncture à l’aiguille, l’acupuncture au laser et l’électroacupuncture sont utilisées dans le traitement des épicondylites. Les études comparant l’efficacité de l’acupuncture classique à un placebo ou à l’absence de traitement [18,22,24] montrent, au mieux, un effet légèrement supérieur de l’acupuncture sur le placebo et uniquement à court terme. Dans cette indication, l’acupuncture reste donc un traitement purement symptomatique et de courte durée de la douleur.

• dans les formes chroniques évoluant depuis plus de six mois, parfois déjà infiltrées, les infiltrations nous paraissent définitivement contre-indiquées ; • dans les formes aiguës récentes évoluant depuis quelques jours, la pratique d’une infiltration locale unique nous paraît justifiée à condition qu’elle soit associée à des règles strictes d’ergonomie voire d’immobilisation provisoire avec, bien entendu, une éradication du geste délétère, ce qui implique une information et une éducation claires du patient. Cette attitude nous paraît justifiée par l’existence à ce stade de cellules inflammatoires dans les lésions ; • dans les formes intermédiaires ou d’emblée peu douloureuse nous conseillons l’attentisme. Cependant, la pratique d’une infiltration après le troisième mois de traitement physique [1,2] peut éventuellement se discuter si le contrôle de la douleur est impossible par d’autres moyens. Le patient doit être dans ce cas clairement informé du caractère provisoire de l’effet de ce geste qui n’a d’autre but que de lui donner un certain confort et lui permettre d’attendre la guérison par cicatrisation spontanée (souvent plus longue !). Là encore, l’information du patient est très importante car le risque est une reprise trop précoce des activités voire même la reprise de l’activité délétère responsable de la tendinopathie.

6.1.3. Traitements par infiltrations locales de dérivées cortisoniques Les infiltrations classiques de dérivés cortisoniques sont utilisées depuis longtemps dans le traitement des tendinopathies du coude [24]. La technique de l’injection est peu discutée. On doit injecter au contact du tendon, en principe au contact de sa face superficielle, en évitant l’injection intradermique ou immédiatement sous-cutanée, génératrice d’atrophie cutanée. En ce qui nous concerne, nous n’allons pas jusqu’au contact osseux. La pratique de trois infiltrations à huit à dix jours d’intervalle, bien que classique, est discutable, nous y reviendrons. Dans tous les cas, si les deux premières sont un échec, la troisième ne doit pas être faite. Les complications générales des infiltrations de corticoïdes sont rares si on respecte les contre-indications de la corticothérapie (diabète de type II déséquilibré notamment). Seules des complications locales peuvent survenir : atrophie avec dépigmentation au point de ponction (régressive en 18 mois environ), augmentation transitoire de la douleur (en rapport avec les microcristaux cortisoniques en suspension). Les dérivés fluorés, très atrophiants, sont contre-indiqués. On utilise le plus souvent l’acétate de prednisolone (Hydrocortancyl® ) ou le cortivazol (Altim® ). L’évaluation du bénéfice réel des infiltrations de dérivés cortisoniques est en fait difficile à établir. Nous avons tous une expérience personnelle de ce type de traitement et de multiples exemples de patients améliorés voire guéris par une à trois infiltrations locales. Si bien que cette méthode thérapeutique reste encore maintenant un des piliers du traitement médical. Cependant les études de la littérature viennent pondérer cette vision. Dans des études bien conduites au plan méthodologique [25–27] comparant des épicondylites avérées (plus de six semaines d’évolution) traitées soit par infiltrations, soit par « attentisme » (méthode wait and see), soit par kinésithérapie et ultra sons, le bénéfice des infiltrations n’excède pas six à 12 semaines avec à un an de meilleurs résultats pour les méthodes dites physiques (ultrasons, massages transverses profonds) ou même l’absence de traitement ! Dans ces études, le soulagement lié à l’infiltration est toutefois plus rapide mais peu durable. Comment intégrer ces études à notre expérience personnelle ? Nous lanc¸ons ici quelques pistes pour répondre à cette question : quand faire une infiltration ?

6.1.4. Autres infiltrations locales À côté des infiltrations locales de dérivés cortisoniques, les infiltrations de toxine botulique, de facteurs de croissance et d’acide hyaluronique ont été utilisées dans le traitement des tendinopathies du coude. La toxine botulique a été utilisée seule [28–30] ou en association [31] avec d’autres méthodes dans le traitement des tendinopathies du coude et en particulier des épicondylites latérales. Son action est réversible et la durée de la paralysie induite est de trois à six mois, l’idée étant la diminution des forces de traction des extenseurs sur l’enthèse. Morre et al. [32] ont comparé, dans une étude randomisée, l’efficacité de ce traitement et celui de la chirurgie, dans 40 formes chroniques d’épicondylite et en font un traitement alternatif possible au traitement chirurgical. D’autres publications vont également dans le sens d’une efficacité des injections de toxine botulique dans les extenseurs [33]. En revanche, dans une étude randomisée en double insu, Hayton et al. [34] ne retrouvent pas de bénéfice évident de ces injections de toxine botulique dans le traitement des épicondylites chroniques. Rappelons par ailleurs que ce traitement n’est pas pris en charge par l’assurance maladie. L’utilisation de facteurs de croissance pour activer la cicatrisation des lésions tendineuses est assez ancienne puis que l’injection de sang autologue dans le tendon du court extenseur radial du carpe (deuxième radial) a été publiée dès 2003 par Edwards et Calandruccio [35] pour traiter des épicondylites latérales rebelles. Les résultats de cette étude étaient encourageants (79 % de bons résultats) mais la méthodologie critiquable (pas de groupe témoin notamment). L’idée était d’utiliser les facteurs de croissance présents dans le sang total pour accélérer la régénérescence du tissu conjonctif. Plus récemment, certains auteurs ont voulu isoler les facteurs de croissance plaquettaires (PDGF, TGF ␤, VEGF) en injectant, non pas du sang total, mais un concentré plaquettaire autologue (PRP ou Platelet Rich Plasma) obtenu par un appareil mis au point aux États-Unis [36] (GPS : gravitational platelet separation sytem), immédiatement utilisable en consultation, avec quelques millilitres de sang prélevé chez le patient. L’injection est faite en général sous échographie. Des arguments théoriques et expérimentaux, dont certains très récents [37], vont effectivement dans le sens d’une stimulation du tissu tendineux avec prolifération et différenciation des ténocytes humains en réponse à l’injection de ces préparations riches en

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plaquettes. Les études cliniques publiées concernant plusieurs localisations tendineuses (tendon d’Achille, aponévrose plantaire etc.) vont également dans ce sens. En ce qui concerne l’épicondylite latérale, l’étude de Mishra et Pavelko en 2006 [36] a inclus 20 patients, 15 traités par PRP et cinq pour le groupe témoin traités par la seule injection d’un anesthésique local. Dans le groupe traité, les auteurs notent 60 % d’amélioration à huit semaines, 81 % à six mois, 93 % en fin de suivi (12–38 mois). Trois patients du groupe témoin sont sortis de l’étude ne permettant pas de faire une étude comparative. Globalement, d’autres études avec une méthodologie rigoureuse, sont encore nécessaires pour évaluer l’efficacité de ces traitements. Des injections d’acide hyaluronique ont été également proposées pour traiter les épicondylites latérales. Dans une étude prospective de Petrella et al. [38], comportant un groupe témoin, chez 331 sportifs de raquettes, deux injections d’acide hyaluronique ont été pratiquées à une semaine d’intervalle dans le tissu sous-cutané et dans le muscle à 1 cm de l’épicondyle latérale. Divers paramètres sont étudiés (évaluation de la douleur, force de préhension, reprise des activités, satisfaction globale). Les auteurs trouvent des résultats significativement meilleurs dans le groupe traitée par acide hyaluronique que dans le groupe témoin, avec une reprise plus précoce de l’activité sportive. Ces résultats méritent d’être confirmés. 6.1.5. Traitement rééducatif Le traitement rééducatif [39,40] doit être quasiment toujours associé aux différents traitements utilisés contre la douleur. Il permet une récupération fonctionnelle plus rapide du coude. Il comporte essentiellement les méthodes classiques, massages transverses (MTP ou massages transversaux profonds de Cyriax) et étirements et les méthodes de renforcement musculaire dites « excentriques » utilisant des appareils type Cibex® (matériel de rééducation isocinétique utilisé pour le renforcement et l’évaluation musculaire). À ces méthodes purement rééducatives sont le plus souvent associées des techniques physiothérapiques diverses (ultra sons, ionisations d’AINS, laser, ondes pulsées électromagnétiques) et l’acupuncture. Les études concernant ce type de traitement dans les tendinopathies du coude sont nombreuses mais souvent peu satisfaisantes au plan méthodologiques. Dans un important travail réalisé par Trudel et al. [41] au Canada sur 209 publications de la littérature publiées entre 1983 et 2003, concernant des épicondylites latérales, seulement 31 ont été considérées comme exploitables. Les auteurs trouvent une efficacité significative (de niveau B) concernant la douleur et la fonction du coude pour les MTP, les étirements, les ultra sons, les ionisations au diclofénac et l’acupuncture et une inefficacité pour le laser et les ondes pulsées. Un travail visant à comparer les méthodes classiques de rééducation et la méthode excentrique sur Cybex® a été réalisée par Croisier et al. [42] sur 92 épicondylites réparties en deux groupes. Après dix séances les deux groupes sont significativement améliorés mais de fac¸on égale. Après 20 séances, seul le groupe traité par méthode excentrique continue de s’améliorer. D’autres études démontrent l’utilité des méthodes de renforcement musculaire excentriques des muscles épicondyliens avec application du protocole de Stanish [43] (travail majoré progressivement en respectant strictement la non douleur). Plusieurs exercices simples d’autorééducation en excentrique ont été proposés en complément des séances effectuées chez le kinésithérapeute [40,44]. Au total, le schéma rééducatif qui paraît aujourd’hui le plus efficace [45] est celui associant une rééducation classique avec étirements et MTP, une autorééducation simple en excentrique, à différentes méthodes physiothérapiques dont les ultra sons. Les rééducations sur appareil type Cybex® sont plus difficiles à mettre en œuvre et souvent appliqués aux sportifs de haut niveau. À ce schéma thérapeutique il faut ajouter un apprentissage des règles

d’ergonomie avec correction et reprogrammation des mouvements délétères à l’origine de la tendinopathie. 6.2. Traitement chirurgical La chirurgie est peu indiquée dans le traitement des tendinopathies du coude [46]. La quasi-totalité des lésions tendineuses finissant par cicatriser spontanément ou grâce au traitement médical. Elle ne se justifie qu’après échec de tous les autres traitements et, en pratique, jamais avant 12 à 18 mois d’évolution. Cependant certaines situations méritent d’être envisagées : Les ruptures basses du biceps ou du tendon olécranien du triceps, parfois inaugurales, sont – nous l’avons dit – une urgence chirurgicale et conduisent à une réparation immédiate. Ces ruptures sont parfois secondaires à des infiltrations locales de dérivés cortisoniques que, pour notre part, nous ne recommandons pas dans ces localisations. Des ruptures partielles sont également possibles. Les indications dépendant alors des données cliniques et de l’IRM. Les indications chirurgicales pour l’épicondylite médiale sont exceptionnelles et les résultats de cette chirurgie souvent médiocres [22] ce qui doit inciter à la plus grande prudence dans les indications. L’attentisme est souvent ici plus efficace que la chirurgie, même si l’évolution paraît longue. La stratégie chirurgicale comporte une excision des tissus pathologiques, un avivement de l’épicondyle médial et une réparation du tendon avec souvent un allongement en V ou Y des muscles. L’état du nerf ulnaire mérite d’être évalué par un EMG préopératoire et la technique chirurgicale doit prendre en compte sa compression éventuelle. Une difficulté est l’instabilité du nerf ulnaire qui peut donner des tableaux mimant une douleur épicondylienne médiale et qu’il faudra traiter chirurgicalement. La chirurgie de l’épicondyle latérale est finalement la seule pratiquée de fac¸on significative dans les tendinopathies du coude. L’intervention comporte une section ou une désinsertion des tendons extenseurs radiaux du carpe, si besoin une exploration avec nettoyage de l’articulation huméro-radiale et résection méniscale si son aspect est pathologique, un avivement de l’épicondyle latéral et la résection des saillies osseuses présentes. Elle doit être précédée d’un EMG pour dépister une éventuelle compression de la branche motrice du nerf radial sous l’arcade de Frohse si la clinique est évocatrice. Certains auteurs préconisent une libération de principe de cette branche postérieure du nerf radial en sectionnant le chef superficiel du supinateur. Le bras est laissé en immobilisation antalgique pendant quelques jours puis une mobilisation progressive est débutée. La récupération est souvent longue, de l’ordre de plusieurs mois. Les complications graves de la chirurgie épicondylienne sont rares, en revanche, un petit flexum du coude, des douleurs séquellaires et une perte de force de l’extension du poignet ne sont pas exceptionnels. Les résultats décevants sont malheureusement assez fréquents, peut-être en raison du caractère très évolué des lésions au moment de l’intervention. Cela a conduit à d’autres méthodes chirurgicales moins traumatisantes : la chirurgie micro-invasive percutanée avec section limitée des épicondyliens latéraux sous anesthésie locale qui autorise une mobilisation du coude dès le lendemain et la chirurgie arthroscopique qui permet un débridement sous vidéo chirurgie des extenseurs radiaux du carpe. L’idée est ici d’intervenir plus tôt, sur un tendon moins délabré, afin d’obtenir une remise en fonction plus précoce et un meilleur résultat final. Les résultats sont encore difficiles à évaluer, non seulement en raison du manque de recul mais aussi en raison de la difficulté à les situer dans la hiérarchie des thérapeutiques. Globalement, les résultats statistiques de la chirurgie épicondylienne sont difficiles à établir car les études contrôlées sont rares. En 2001, la revue de Buchbinder et collaborateurs sur la base de

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données Cochrane [46] ne pouvait conclure à la supériorité de la chirurgie sur les autres traitements et Lo et Safran en 2007 [47] ne trouvaient pas d’efficacité d’une méthode chirurgicale sur une autre. Une autre difficulté de cette chirurgie est l’existence fréquente d’intrications médico-légales (maladie professionnelle). 7. Conclusion Les tendinopathies du coude sont dominées par les épicondylites latérales. Les mouvements répétitifs domestiques, sportifs ou professionnels, sont responsables d’une tendinose par altération progressive du complexe tendinopériosté de l’insertion musculaire. Cette pathologie est responsable d’un handicap fonctionnel dont les répercussions économiques sont importantes lorsqu’il s’agit de maladies professionnelles. Le traitement reste discuté. L’élément le plus important est l’arrêt de l’activité vulnérante. La chirurgie classique doit rester une thérapeutique d’exception, cependant les méthodes percutanées – chirurgie micro-invasive et chirurgie arthroscopique – constituent des pistes intéressantes qui méritent d’être évaluées dans le futur. Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Bard H. Physiopathologie, réparation, classification des tendinopathies mécaniques. In: Bard H, Cotten A, Rodineau J, editors. Tendons et enthèses. Montpellier: Sauramps Médical; 2003. p. 165–78. [2] Bard H. Tendinopathies, bursopathies et pathologie liée au sport. In: Bardin T, Orcel P, editors. Traité de thérapeutique rhumatologique. Paris: Flammarion Médecine-Sciences; 2007. p. 712–25. [3] Laulan J., Le Dû C. Chirurgie des lésions tendineuses du coude. EMC (Elsevier Masson SAS), Techniques chirurgicales–Orthopédi-traumatologie, 44-315, 2007. [4] Bouchaud-Chabot A, Bard H. Épicondylite. In: Kahn MF, Bardin T, Meyer O, Orcel P, Lioté F, editors. L’actualité rhumatologique 2008. Paris: Elsevier; 2009. p. 173–86. [5] Skorupska E, Samborski W. Recent update on tennis elbow pathomechanics. Chir Narzadow Ruchu Ortop Pol 2011;76:69–76. [6] Descatha A, Leclerc A, Chastang JF, et al. Les épicondylites médiales en milieu de travail : évolution et prévention. Arch Mal Prof Med Travail 2003;64: 235–45. [7] Saint F, Salomon L, Ciccio A, et al. les tendinopathies liées aux fluoroquinolone : les sujets à risque, les mécanismes physiopathologiques incriminés, la prise en charge thérapeutique. Prog Urol 2001;11:1331–4. [8] Marie I, Delafenêtre H, Massy N, et al. Tendinis disorders attributed to statiness: a study on ninety-six spontaneous reports in the periode 1990–2005 and review of the littérature. Arthritis Rheum 2008;59:367–72. [9] Martens HA, Schröder CP, Van der Eeden, et al. Severe distabling tendinopathy cause by Anastrazole. Rheumatol 2007;46:1619–21. [10] Assendelft W, Green S, Buchbinder R, et al. Tennis elbow. BMJ 2003;327:329. [11] Fichez O. Épicondylite histoire naturelle et étude critique des différents traitements. J Traumatol Sport 1998;15:163–72. [12] Trèves R. Le coude douloureux de l’adulte. Rhumatologie pratique - Site officiel du journal (http://www;rhumatologie-pratique.com) 2010. [13] Faro F, Wolf JM. Lateral epicondilitis. Review and current concepts. J Hand Surg Am 2007;32:1271–9. [14] Sinclair A. Tennis elbow in industry. Br J Med 1965;22(2):144–8. [15] Bjordal JM. Review of tennis elbow was biased. BMJ 2004;10:897–8. [16] Bisset L, Beller E, Jull G, et al. Mobilisation with movement and exercise, corticosteroïde injection, or wait and see for tennis elbow: randomised trial. BMJ 2006;4:939.

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