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Annales Franc¸aises d’Anesthe´sie et de Re´animation 27 (2008) 819–824 http://france.elsevier.com/direct/ANNFAR/
Article original
Tole´rance de la caspofongine chez les patients de re´animation : e´tude prospective Tolerance of caspofungine in intensive care unit: A prospective study J.-M. Constantin a,*, L. Roszyk b, R. Guerin a, F. Bannier a, C. Chartier a, S. Perbet a, E. Futier a, S. Cayot-Constantin a, V. Sapin b, J.-E. Bazin a a
Poˆle anesthe´sie-re´animation, service de re´animation adulte, hoˆpital Hoˆtel-Dieu, CHU de Clermont-Ferrand, boulevard Le´on-Malfreyt, 63058 Clermont-Ferrand, France b Service de biochimie et biologie mole´culaire, CHU de Clermont-Ferrand, 63000 Clermont-Ferrand, France Rec¸u le 23 janvier 2008 ; accepte´ le 3 juin 2008 Disponible sur Internet le 5 octobre 2008
Re´sume´ Introduction. – La caspofongine a montre´ une efficacite´ et une tole´rance remarquable lors de candidoses profondes ou d’aspergilloses chez les sujets neutrope´niques ou non. Le but de cette e´tude e´tait d’e´valuer la tole´rance de la caspofongine chez les patients de re´animation. Patients et me´thode. – Sur une pe´riode de 36 mois, 1430 patients ont e´te´ admis dans le service de re´animation et entre´s dans une base de donne´e saisie prospectivement. Tous les effets secondaires cliniques ou biologiques rapporte´s dans les e´tudes multicentriques ont e´te´ recherche´s. Les patients ont e´te´ stratifie´s en deux groupes, selon que la fonction he´patique e´tait normale ou alte´re´e a` la mise en route du traitement. Re´sultats. – Un traitement par caspofongine a e´te´ instaure´ chez 73 patients (5,1 %). Dans ce groupe de patients, 58 % e´taient immunode´prime´s. Les causes de l’immunosuppression e´taient une he´mopathie maligne dans 30 % des cas et une transplantation d’organe dans 20 %. L’IGS2 e´tait plus e´leve´ (51 20 versus 44 20 ; p < 0,05) ainsi que la mortalite´ (60 % versus 23 %). Plus de 90 % des patients traite´s e´taient ventile´s et 55 % ne´cessitaient une e´puration extrare´nale. L’indication de caspofongine e´tait une aspergillose invasive dans 12 cas et une candidose invasive pour 33 patients. Le taux de re´ponses comple`te ou partielle au traitement a e´te´ de 72 %. La dure´e me´diane de traitement a e´te´ de 11 jours, aucune cytolyse ni cholestase attribuable a` la caspofongine a e´te´ rapporte´e, quelle que soit la fonction he´patique initiale. Conclusion. – Ces donne´es confirment la tre`s bonne tole´rance de la caspofongine, notamment chez les patients les plus graves. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. Abstract Objective. – Caspofungin has shown efficacy and very low toxicity in empirical antifungal therapy in refractory invasive Aspergillus infections and invasive candidiasis in neutropenic (or non) patients. To date, there is no data on tolerability of caspofungin in ICU patients. The aim of this study was to evaluate caspofungine tolerability in critical care patients. Patients and method. – Over a 36-month period, 1430 patients were admitted in a general intensive care unit. All patients data were collected in a prospective database. All the clinical or biological side effects reported in the multicentric studies were required. The patients were laminated in two groups, according to the initial hepatic function. Results. – Seventy-three patients were treated with caspofungin (5.1%) and 58% were immunocompromised. Immunosuppression was due to acute leukemia (30%), solid organ transplant (20%) or other causes of immunosuppression. In this group, SAPS2 was higher (51 20 versus 44 20; p < 0.05) as mortality rate was (60% versus 23%). More than 90% of patients were ventilated and 55% needed extrarenal therapy. Caspofungin treatment was initiated for aspergillosis in 12 patients, candidiasis in 33 patients and others indications. Partial or complete response
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (J.M. Constantin). 0750-7658/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.annfar.2008.06.013
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to treatment was 72%. Median duration of caspofungin administration was 11 days, no liver dysfunction or acute renal failure due to caspofungin was reported whatever initial liver function was. Conclusion. – This prospective open study demonstrate the very low toxicity of caspofungin even in critical care patients. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. Mots cle´s : Infection fongique ; Re´animation ; Aspergillose ; Tole´rance ; Candidose ; Caspofongine Keywords: Fungal infections; Candidiasis; Aspergillosis; Safety; Critical care
1. Introduction La survenue d’une infection fungique, qu’elle soit candidosique ou aspergillaire, est une complication de plus en plus fre´quente chez les sujets immunode´prime´s mais aussi chez l’immunocompe´tent [1–4]. La morbidite´ et la mortalite´ attache´es a` ces infections est d’autant plus importante que le traitement initial est tardif ou inadapte´ [5–7]. La mise a` disposition de mole´cules moins toxiques que l’amphote´ricine B, comme la caspofongine ou le voriconazole, pourraient repre´senter une alternative inte´ressante pour les patients fragiles et porteurs de nombreuses comorbidite´s hospitalise´s en re´animation [8]. Dans les principales e´tudes randomise´es et controˆle´es, la caspofongine apparaıˆt comme un antifongique mieux tole´re´e que les mole´cules plus anciennes [9,10]. Les principaux effets secondaires rapporte´s sont [11–13] : ane´mie, ce´phale´es, thrombophle´bites au site d’injection, troubles digestifs aspe´cifiques, rash cutane´s, prurit, sueurs et fie`vre. Sur le plan biologique, ont e´te´ note´s une e´le´vation des transaminases, une cholestase biologique, une augmentation de la cre´atinine´mie ou encore une ane´mie. Exceptionnellement, des cas de dysfonction he´patique, de choc anaphylactique, de syndrome de de´tresse respiratoire aigue¨ (SDRA) ou d’hypercalce´mie ont e´te´ de´crits. N’interagissant pas avec le cytochrome P450, elle pre´sente peu d’interactions me´dicamenteuses [14]. Ne´anmoins, des interactions me´dicamenteuses et des majorations des effets he´patotoxiques ont e´te´ rapporte´es avec certains traitements concomitants. ` ce jour, nous ne disposons pas de donne´es claires quant a` A la tole´rance de la caspofongine chez les patients de re´animation. L’objet de cette e´tude e´tait de rechercher de fac¸on prospective la survenue d’effets secondaires chez des patients conse´cutivement traite´s par caspofongine dans un service de re´animation chirurgicale. 2. Patients et me´thode Il s’agit d’une e´tude prospective, observationnelle et monocentrique, conduite dans un service de re´animation me´dicochirurgicale de 16 lits prenant entre autre en charge des patients d’he´matologie. Durant 36 mois, tous les patients admis dans le service de re´animation ont alimente´ une base de donne´es, saisie prospectivement, a` partir d’un dossier patient informatise´ (Careview, Philips, Eindhoven, Nederland). La recherche des effets secondaires de la caspofongine a e´te´ re´alise´e en prenant en compte tous les effets « inde´sirables » rapporte´s ou recherche´s dans les e´tudes multicentriques, ainsi que ceux de´crits dans le re´sume´ des caracte´ristiques du produit (RCP) : ce´phale´es, tachycardie, phle´bite/thrombophle´bite,
bouffe´es vasomotrices, dyspne´e, douleurs abdominales, nause´es, diarrhe´e, vomissements, rash, prurit, sueurs, fie`vre, douleurs, frissons, complications au niveau de la veine perfuse´e, ane´mie, œde`me du visage, prurit, sensation de chaleur ou bronchospasme, œde`me pulmonaire, syndrome de de´tresse respiratoire aigu, choc anaphylactique. Les anomalies biologiques suivantes ont e´te´ recherche´es : l’e´le´vation des tests he´patiques (ASAT, ALAT, phosphatases alcalines, bilirubine) ; l’e´le´vation de la cre´atinine´mie ; la diminution de l’he´moglobine, de l’he´matocrite ; l’hypokalie´mie, l’hyponatre´mie, l’hypocalce´mie ; la leucope´nie, l’hypere´osinophilie, la thrombope´nie, la neutrope´nie ; l’hypoprote´ine´mie, la prote´inurie ; l’allongement du temps de Quick. Les crite`res d’efficacite´ du traitement antifungique ont e´te´ ´ definis a priori [15] : la re´mission comple`te (RC) : disparition de tous les signes cliniques radiologiques et microbiologiques ; la re´mission partielle (RP) : disparition des signes cliniques et microbiologiques avec persistance de signes radiologiques ; la stabilite´ ou aggravation (S-Ag) : persistance ou aggravation des signes cliniques, microbiologiques et radiologiques de l’infection fungique ; le succe`s (S) : disparition de tous les signes a` l’arreˆt du traitement ; le non e´valuable (NE) : les patients ont e´te´ qualifie´s de NE lorsqu’aucune e´tiologie fungique n’a e´te´ retrouve´e ; le devenir : vivant ou de´ce´de´ a` la sortie de re´animation ; le de´ce`s attribuable ou non attribuable : le de´ce`s a e´te´ conside´re´ comme attribuable lorsque la cause du de´ce`s e´tait directement lie´e a` l’agent pathoge`ne (choc septique avec candide´mie, insuffisance respiratoire aigue¨ re´fractaire avec aspergillose invasive pulmonaire . . .). En cas de de´ce`s par une autre cause (de´faillance multivisce´rale, limitation de soins, SDRA. . .), le de´ce`s a e´te´ conside´re´ comme non attribuable. Seule la mortalite´ en re´animation a e´te´ prise en conside´ration, les patients sortant de l’e´tude a` leur sortie du service. Les re´sultats sont exprime´s en moyenne e´cart-type pour les variables continues et en me´diane et interquartiles pour les variables non continues. Les comparaisons ont e´te´ effectue´es par un test de khi2 ou de Fischer pour les variables non continues et par un test de Wilcoxon ou test t de Student pour les
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variables continues (XL stat, addinsoft). Une valeur de p < 0,05 a e´te´ conside´re´e comme significative. 3. Re´sultats Du 1er janvier 2004 au 31 de´cembre 2006, 1430 patients ont e´te´ admis dans le service de re´animation dont 73 ont be´ne´ficie´ d’un traitement par caspofongine (5,1 %) a` la posologie de 50 mg/j apre`s une dose de charge de 70 mg le premier jour. Les caracte´ristiques cliniques de ces patients sont re´sume´es dans le Tableau 1. Les patients ayant rec¸u de la caspofungine pre´sentaient un indice de gravite´ simplifie´e (IGS2) plus e´leve´s (51 20 versus 44 20) et la pathologie responsable de l’admission en re´animation e´tait plus souvent me´dicale 53/73 contre 744/1430 ( p < 0,05). La proportion de patients immunode´prime´s e´tait plus importante dans le groupe ayant rec¸u de la caspofungine (58 % versus 7 %). Les causes de l’immunosuppression e´taient une he´mopathie maligne pour 22 patients (30 %) (dont cinq allogreffes de moelle), une transplantation d’organe solide dans 15 cas (20 %), deux aplasies postchimiothe´rapie (hors he´mopathie) et trois aplasies me´dicamenteuses. Les indications de la mise sous caspofungine ainsi que l’issue du traitement sont re´sume´es dans le Tableau 2. Neuf patients (12 %) n’e´taient pas e´valuables en termes de re´ponse, 12 (16 %) avaient une infection stable ou s’e´taient aggrave´e sous caspofongine, 25 (35 %) avaient une re´mission comple`te a` la sortie de l’e´tude et 27 (37 %) e´taient en re´mission partielle. La dure´e me´diane d’administration e´tait de 11 jours [1–48 jours]. Dans 90 % des cas, la caspofongine e´tait associe´e a` du parace´tamol, de la cyclosporine dans 17 % des cas et de la fucidine dans 22 % des cas, sans re´duction de la posologie. Sept patients ont rec¸u de fac¸on concomitante du tacrolimus et de la caspofongine. Les posologies de tacrolimus ont e´te´ adapte´es en fonction des concentrations plasmatiques. L’e´volution durant le traitement des transaminases (ASAT et ALAT) des gammaglutamyl transfe´rase (gGT) et des phosphatases alcalines (PAL)
Tableau 1 Caracte´ristiques cliniques des patients
n ˆ ge (ans) A Sex-ratio (H/F) IGS2 Med/Chir (%) Immunosuppression (%) EER (%) Cate´cholamines (%) VM (%) VM > 48 h (%) DMS (j) Mortalite´ % (n)
Te´moins
Caspofongine
p
1430 54 19 1,43 44 20 52 7 10 1044 (73) 77 75 12 19 23 (329)
73 58 20 1,65 52 20 72 58 55 73 (100) 97 95 29 31 60 (44)
NS NS < 0,05 < 0,05 < 0,05 < 0,001 < 0,001 < 0,05 < 0,05 < 0,001 < 0,001
IGS2 : indice de gravite´ simplifie´ ; DMS : dure´e moyenne de se´jour ; cate´cholamines : patients ayant rec¸u une administration de noradre´naline pendant plus d’une heure durant leur se´jour ; VM : pourcentage de patients ventile´s (ventilation invasive et non invasive) ; VM > 48 heures : pourcentage de patients ventile´s plus de 48 heures (ventilation invasive et non invasive). La mortalite´ indique´e correspond a` la mortalite´ en re´animation.
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Tableau 2 Indications et efficacite´ du traitement par caspofongine Indications
n
Efficacite´
Aspergillose invasive
12
Mucormycose Candidoses profondes non septice´miques
2 21
Candidoses profondes avec septice´mie.
12
5 RC 2 St-Ag 5 RP 2 St-Ag 15 RC 6 RP 2 RC 7 RP 3 St-Ag 2 RC 2 RP 3 ST-AG 1 RC 1 St-Ag 1 RC 1 St-Ag 9 NE 6 RP
Septice´mie sans candidose profonde
7
Angiocholite a` candidas
2
Endocardite
2
Trt empirique N.F
15
RC : re´mission comple`te ; St-Ag : stabilite´ ou aggravation ; RP : re´mission partielle ; NE : non e´valuable ; Trt empirique NF : traitement empirique de la neutrope´nie fe´brile.
sont rapporte´es dans les Fig. 1 et 2 selon la fonction he´patique initiale. Un patient a pre´sente´ une cytolyse (ASAT 211 UI/l et ALAT 204 UI/l) sans e´tiologie retrouve´e. Cet e´pisode a e´te´ spontane´ment re´solutif en six jours sans interruption de la caspofongine. Dans le sous-groupe des patients avec un bilan he´patique alte´re´ au moment de la mise en route de la caspofongine, la bilirubine´mie e´tait de 100 188 mmol/l au de´but du traitement, de 104 126 mmol/l au plus haut et de 96 149 mmol/l en fin de traitement (NS). Lorsque le bilan he´patique initial e´tait normal, la bilirubine´mie e´tait de 8 6 mmol/l au de´but, de 10 9 mmol/l au plus haut et de 8 10 mmol/l en fin de traitement (NS). Le recours a` une e´puration extrare´nale (EER) a e´te´ ´ necessaire pour 40 patients dans le groupe caspofongine. Dans aucun de ces cas, l’insuffisance re´nale aigue¨ n’a pu eˆtre imputable a` la caspofongine. Dix-huit e´taient sous EER avant le de´but du traitement. La cre´atinine´mie des 22 autres patients e´tait e´gale a` 296 104 mmol/l avant le de´but du traitement par caspofungine. Chez les patients n’ayant pas ne´cessite´ d’EER durant leur se´jour, la cre´atinine´mie avant mise sous caspofongine e´tait e´gale a` 93 127 mmol/l au plus haut et 76 139 mmol/l en fin de traitement. Ces re´sultats ne pre´sentent aucune diffe´rence statistiquement significative. Un patient a pre´sente´ une tachycardie sinusale a` 130 battements par minute durant les deux premie`res injections de caspofungine sans hypotension associe´e. Il n’a pas e´te´ note´ de veinite ni de thrombophle´bite sur cathe´ter. Il n’a pas e´te´ note´ d’autre effet inde´sirable attribuable a` la caspofongine. 4. Discussion Les patients de cette e´tude, traite´s par caspofongine, sont tre`s graves (IGS2 > 50, ventilation me´canique supe´rieure a` 90 %), trois quarts d’entre eux sont me´dicaux, pre`s de 60 % sont
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Fig. 1. E´volution du bilan he´patique des 41 patients ayant rec¸u de la caspofongine avec une fonction he´patique normale a` la mise en route du traitement. Les diffe´rents temps correspondent a` : (A) imme´diatement avant la mise en route du traitement, (H) la valeur la plus haute durant le traitement et (F) la fin du traitement. Lorsque le traitement n’e´tait pas interrompu a` la sortie de re´animation, la valeur au moment de la sortie a e´te´ utilise´e.
Fig. 2. E´volution du bilan he´patique des 32 patients ayant rec¸u de la caspofungine avec une fonction he´patique alte´re´e a` la mise en route du traitement. Les diffe´rents temps correspondent a` : (A) imme´diatement avant la mise en route du traitement, (H) la valeur la plus haute durant le traitement et (F) la fin du traitement. Lorsque le traitement n’e´tait pas interrompu a` la sortie de re´animation, la valeur au moment de la sortie a e´te´ utilise´e.
immunode´prime´s et plus de la moitie´ ont une fonction he´patique alte´re´e. Aucun effet inde´sirable grave n’a e´te´ mis en e´vidence et aucune interruption du traitement pour intole´rance n’a e´te´ constate´e. Avant de discuter les re´sultats, quelques limites me´thodologiques doivent eˆtre mises en avant. Il s’agit en effet d’une e´tude monocentrique, d’une dure´e prolonge´e, avec constitution prospective d’une base de donne´es. L’indication du traitement antifongique ainsi que le choix de la mole´cule ont e´te´ laisse´s a` la discre´tion du clinicien. D’un autre point de vue, cette e´tude correspond a` une activite´ clinique re´elle au sein d’un service de re´animation me´dicochirurgicale. Les patients enroˆle´s n’ont pas e´te´ se´lectionne´s en fonction de leur gravite´ ou de leurs comorbidite´s. La re´alisation de cette e´tude chez des patients de re´animation a probablement limite´ l’incidence des effets secondaires retrouve´s. En effet, l’e´le´vation de la cre´atinine´mie
rapporte´e dans les e´tudes initiales n’a pas pu eˆtre retrouve´e dans notre se´rie du fait de la proportion de patients en insuffisance re´nale aigue¨ au moment de la mise en route du traitement. L’absence de thrombophle´bites au point d’injection s’explique par le fait que, contrairement aux pre´ce´dentes e´tudes [16,17], tous nos patients be´ne´ficiaient d’une voie veineuse centrale. Un seul patient a pre´sente´ une cytolyse attribuable a` la caspofongine. Celle-ci a cependant e´te´ re´gressive sans diminution de la posologie. Lorsqu’il existait un bilan he´patique initial perturbe´, la mise sous caspofongine n’a pas entraıˆne´ d’aggravation de la cytolyse ou de la cholestase. L’utilisation de la caspofongine n’est pas recommande´e en pre´sence d’une insuffisance he´patique. Cependant, chez des patients pre´sentant une insuffisance re´nale et he´patique sous traitement immunosuppresseur, le choix d’une classe d’antifongiques est difficile. Le voriconazole interfe`re avec le
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me´tabolisme du cytochrome P450, l’amphote´ricine B meˆme liposomale est ne´phrotoxique [18] et la caspofongine potentiellement he´patotoxique. Les re´sultats que nous rapportons confirment la tre`s bonne tole´rance des e´chinocandines. Les dure´es de traitement rapporte´es sont bre`ves. Cela est duˆ a` la mortalite´ importante des patients dans cette se´rie, d’une part, et a` la sortie de re´animation avant la fin du traitement, d’autre part. Au demeurant, meˆme chez les patients ayant be´ne´ficie´ d’une administration prolonge´e (48 jours) nous n’avons pas note´ d’effets inde´sirables plus importants. Les nouveaux antifongiques, comme le voriconazole et la caspofongine, pre´sentent un profil de tole´rance bien plus inte´ressant que celui de leurs pre´de´cesseurs [2,19]. La caspofungine a e´te´ compare´e au fluconazole pour de´terminer directement ce profil. Une e´tude randomise´e, controˆle´e, en double insu a e´value´ l’efficacite´, l’innocuite´ la tole´rance de la caspofongine (50 mg/j intraveineuse) et du fluconazole (200 mg/j intraveineuse) chez des patients pre´sentant une oesophagite a` Candida confirme´e par endoscopie [20]. Dans cette e´tude, des effets inde´sirables lie´s aux produits ont e´te´ rapporte´s pour pre`s de la moitie´ des patients de chaque groupe. Les seuls effets inde´sirables graves e´taient des cellulites qui compliquaient la perfusion de fluconazole. Chez aucun patient du groupe caspofongine, le traitement n’a duˆ eˆtre arreˆte´ pour cause d’e´ve´nement inde´sirable lie´ au produit. L’anidulafongine a e´te´ compare´e au fluconazole dans une e´tude en double insu incluant 245 patients [21]. L’e´chinocandine n’e´tait pas infe´rieure au fluconazole en termes d’efficacite´ (objectif principal de l’e´tude). La tole´rance de l’anidulafongine e´tait statistiquement supe´rieure a` celle du fluconazole que ce soit en termes de perturbation du bilan he´patique (1,5 % versus 7,2 %) ou d’arreˆt du traitement pour intole´rance (15 patients du groupe anidulafongine versus 27 patients dans le groupe fluconazole). Dans une e´tude pre´ce´dente, la caspofongine a e´te´ adminis´ tree a` 90 patients atteints d’aspergillose invasive qui n’avaient pas re´pondu a` sept jours de traitement standard ou qui ne le tole´raient pas. Dans cette e´tude ouverte et non comparative, 86 % des patients e´taient re´fractaires a` l’amphote´ricine B ou a` ses formes lipidiques ; 14 % e´taient intole´rants aux traitements antifongiques ante´rieurs. Il s’agissait d’une e´tude portant sur un traitement de rattrapage chez des patients graves. La majorite´ pre´sentait une he´mopathie maligne, une tumeur solide ou avait subi une allogreffe de moelle ou de cellules souches. D’une manie`re ge´ne´rale, les e´ve´nements inde´sirables ont e´te´ mode´re´s et peu fre´quents (moins de 3 % des sujets) [22]. Sur les 90 patients traite´s, deux sont sortis de l’e´tude en raison d’e´ve´nements inde´sirables graves : un infiltrat pulmonaire lie´ au produit et une hypercalce´mie. Dans un travail re´cent, 595 patients ont e´te´ inclus et ont rec¸u soit de la micafongine (un bras 150 mg/j et un bras 100 mg/j) soit de la caspofongine [23]. Ces patients pre´sentaient dans plus de 80 % des cas une candidose invasive. Les auteurs concluaient a` une efficacite´ remarquable des e´chinocandines mais aussi a` une excellente tole´rance. Les arreˆts de traitement pour mauvaise tole´rance e´taient de l’ordre de 3 % quel que soit le groupe. La cause la plus fre´quente e´tait une perturbation du bilan he´patique.
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Du fait de son absence d’interaction avec le cytochrome P450, la caspofongine pre´sente peu d’interactions me´dicamenteuses [14]. Lorsqu’elle e´tait associe´e avec de la cyclosporine ou de l’acide fucidique, la tole´rance n’a pas e´te´ modifie´e, comme cela avait e´te´ rapporte´ pre´ce´demment [15,24]. En de´pit des probables augmentations de concentration de la caspofongine lors de ces associations [24,25], aucune re´duction de posologie n’a e´te´ faite par les cliniciens en charge des patients. Cela souligne la tre`s bonne tole´rance de la caspofongine, meˆme a` posologie e´leve´e [26]. D’un point de vue de l’efficacite´ du traitement, le protocole de l’e´tude (fin d’inclusion a` la sortie du service) ne permettait pas d’apporter une re´ponse pre´cise. Les re´sultats que nous rapportons (70 % de re´ponses partielles ou totales) sont cohe´rents avec ceux pre´ce´demment rapporte´s [15]. Ils soulignent l’efficacite´ de la caspofongine y compris chez les patients les plus graves [27], comme en te´moigne la mortalite´. La bonne tole´rance des e´chinocandines souligne´e dans les e´tudes randomise´es et te´moins incluant des patients me´dicaux et chirurgicaux, pre´sentant des comorbidite´s varie´es (diabe`te, immunode´pression, insuffisance re´nale, he´patique. . .) est confirme´e dans cette se´rie de patients de re´animation [9,10,18,21,23,28]. La caspofongine repre´sente donc une alternative inte´ressante et se´curitaire dans la prise en charge des infections fongiques invasives, notamment chez les patients les plus fragiles et les plus graves. Re´fe´rences [1] Dupont H. Infections fongiques en reanimation. Enqueˆte transversale. Ann Fr Anesth Reanim 2001;20:413–7. [2] Lipsett PA. Surgical critical care: fungal infections in surgical patients. Crit Care Med 2006;34:S215–24. [3] Gauzit R, Cohen Y, Dupont H, Hennequin C, Montravers P, Timsit JF, et al. E´pide´miologie et facteurs de risque des candidoses syste´miques en re´animation. Presse Med 2003;32:440–9. [4] Sellami A, Sellami H, Makni F, Bahloul M, Cheikh-Rouhou F, Bouaziz M, et al. La candidurie en milieu de reanimation: signification et inte´reˆt de la nume´ration des levures dans les urines. Ann Fr Anesth Reanim 2006;25:584–8. [5] Eggimann P, Garbino J, Pittet D. Management of Candida species infections in critically ill patients. Lancet Infect Dis 2003;3:772–85. [6] Montravers P, Dupont H, Gauzit R, Veber B, Auboyer C, Blin P, et al. Candida as a risk factor for mortality in peritonitis. Crit Care Med 2006;34:646–52. [7] Dupont H, Paugam-Burtz C, Muller-Serieys C, Fierobe L, Chosidow D, Marmuse JP, et al. Predictive factors of mortality due to polymicrobial peritonitis with Candida isolation in peritoneal fluid in critically ill patients. Arch Surg 2002;137:1341–6 [discussion 7]. [8] Datry A, Thellier M, Traore B, Alfa Cisse O, Danis M. Utilisation des antifongiques dans le traitement des candidoses syste´miques : antifongigramme, point sur les re´sistances, donne´es pharmacologiques. Ann Fr Anesth Reanim 2001;20:389–93. [9] Maertens J, Raad I, Petrikkos G, Boogaerts M, Selleslag D, Petersen FB, et al. Efficacy and safety of caspofungin for treatment of invasive aspergillosis in patients refractory to or intolerant of conventional antifungal therapy. Clin Infect Dis 2004;39:1563–71. [10] Mora-Duarte J, Betts R, Rotstein C, Colombo AL, Thompson-Moya L, Smietana J, et al. Comparison of caspofungin and amphotericin B for invasive candidiasis. N Engl J Med 2002;347:2020–9. [11] Kontoyiannis DP, Lewis RE. Caspofungin versus liposomal amphotericin B for empirical therapy. N Engl J Med 2005;352:410–4 [author reply -4].
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