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Gastroentérologie clinique et biologique 32 (2008) S64-S69 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
Traitement de l’hépatite chronique B : nouvelles perspectives New perspective in chronic hepatitis B therapy M. Bourlière*, P. Castellani Service d’Hépato-Gastroentérologie, Hôpital saint joseph, 26, bd de Louvain, 13008 Marseille, France
MOTS CLÉS Clevudine ; Tenofovir ; Vaccinotherapie ; Hépatite chronique B, traitement
KEYWORDS Clevudine; Tenofovir; Vaccine therapy; HBV treatment
Résumé Les nouvelles molécules, mais aussi la vaccination thérapeutique et les traitements immunomodulateurs constituent de nouvelles approches pour le traitement de l’hépatite chronique B. Le ténofovir disoproxil fumarate et la clévudine permettent d’obtenir une virosuppression efficace avec un profil de résistance qui semble excellent. Cependant même avec ces molécules, l’élimination du virus de l’hépatite B reste difficile à obtenir. L’immunothérapie par la restitution d’une réponse immunitaire efficace devrait contribuer à la clairance du virus et au contrôle de la maladie hépatique. L’immunothérapie spécifique par des cellules T activées est une approche intéressante. La vaccinothérapie par un vaccin protéique ou à ADN permet d’obtenir une restauration d’une réponse immunitaire T spécifique du virus de l’hépatite B permettant une virosuppression qui reste souvent transitoire. L’intérêt de la vaccinothérapie associée à un traitement antivirale est suggéré par certaines études mais reste inconstante. Une meilleure connaissance des réponses T antivirales devrait permettre de mieux sélectionner les patients pouvant bénéficier de ces traitements. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract New antiviral drugs, therapeutic vaccines and immunotherapies are interesting therapeutic option for treatment of chronic hepatitis B. Tenofovir disoproxil fumarate and clevudine are very effective in suppressing viral load with lack of resistance at short term. However antiviral drug rarely eliminate the virus. Immunotherapies by inducing HBV – specific T-cell responses may contribute to virus control. Adoptive T-cell therapy is an interesting approach to eliminate persistently infected cells. Therapeutic vaccines with either protein-based or DNA vaccines induce an HBV – specific T-cell responses leading to a more often transient decrease of viral load. Combination of antiviral drug and therapeutic vaccines may be an interesting therapeutic option. However additional larger scale and more systematic studies of the understanding of HBV specific T-cell response have to be performed in order to select which patient can benefit of such therapies. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Le traitement actuel de l’hépatite chronique B repose sur d’une part l’interféron alpha et d’autre part sur les analogues nucléosidiques (lamivudine, entécavir et telbivudine) et nucléotidiques (adéfovir dipivoxil). Ces traitements permettent d’obtenir chez la plupart des patients une virosuppression efficace qui est associée à une amé© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
lioration des lésions histologiques et à une diminution significative de la morbidité et de la mortalité. Cependant l’élimination du virus est rarement obtenue. Les traitements par analogues, nécessitent un traitement prolongé dont l’efficacité est limitée par la sélection de mutations de résistance. Parmi les perspectives théra-
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Traitement de l’hépatite chronique virale B : nouvelles perspectives peutiques, les nouvelles molécules, mais aussi la vaccination thérapeutique, les traitements immunomodulateurs peuvent constituer des nouvelles approches pour augmenter l’élimination du virus.
Les nouvelles molécules Le ténofovir disoproxil fumarate (TDF) (Viread®) et la clévudine (LFMAU) sont les molécules qui devraient obtenir prochainement leur autorisation de mise sur le marché. Le ténofovir disoproxil fumarate (TDF) est un analogue nucléotidique, utilisé dans le traitement du VIH depuis le début des années 2000. Son efficacité sur le virus de l’hépatite B (VHB) est connue depuis cette période notamment chez les patients ayant une résistance à la lamivudine. Il agit en inhibant l’ADN polymérase du VHB et en obligeant une terminaison de chaîne. Le TDF (300 mg/j) est beaucoup plus efficace que l’adéfovir à la fois sur les virus sauvages et sur les virus résistants à la lamivudine avec un ADN VHB < 105 cp/mL. Le TDF est efficace chez 100 % des malades à 48 semaines de traitement contre 44 % chez les patients sous adéfovir. De plus, aucune mutation de résistance n’a été observée après 2,5 ans de traitement [1]. Récemment la même équipe à montré, chez 71 patients résistants à la lamivudine, qu’un traitement par TDF permettait d’obtenir un ADN VHB < 400 cp/mL chez 63 % des patients à 6 mois, 90 % des patients à 12 mois et 100 % des patients à 18 mois. De plus une séroconversion HBe était observée chez 43 % des patients dans un délai moyen de 14 ± 2,1 mois et une séroconversion HBs chez 9 % des patients, dans un délai moyen de 15 ± 4,9 mois. Dans cette étude aucun patient n’a développé de résistance après un suivi moyen de 33 mois et pour certains après un suivi de 5 ans [2]. Par ailleurs Le TDF est efficace chez les patients résistants à la lamivudine ayant une réponse sous optimale sous adéfovir [3]. Les études de phase III ont montré la supériorité du TDF par rapport à l’adéfovir. Dans une première étude de 266 malades ayant un antigène HBe positif (AgHBe +), l’ADN VHB était indétectable (< 400 cp/mL) après 48 semaines de traitement chez 76 % des malades sous TDF contre 13 % des malades sous adéfovir (p < 0,001). L’amélioration du score histologique affirmé par une diminution d’au moins 2 points du score nécrotico-inflammatoire de Knodell sans aggravation du score de fibrose était observée chez 74 % des malades sous TDF contre 68 % des malades sous adéfovir (NS). La séroconversion HBe était similaire dans les 2 groupes de malades (20,9 % versus 17,5 %). En revanche la perte de l’antigène HBs (AgHBs) était significativement plus importante dans le groupe TDF par rapport aux patients sous adéfovir (3,2 % versus 0 %) (p = 0,018) [4]. Dans une deuxième étude de 375 patient antigène HBe négatif (AgHBe -), l’ADN VHB était indétectable (< 400 cp/mL) chez 93 % des patients sous TDF contre 63 % dans le groupe adéfovir (p < 0,001). Dix-huit pourcent des malades avaient été traités par lamivudine ou emtricitabine et 93 % d’entre eux avaient une charge virale indétectable sous TDF à 48 semaines de traitement. L’amélioration du score histolo-
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gique affirmé par une diminution d’au moins 2 points du score nécrotico-inflammatoire de Knodell, sans aggravation du score de fibrose était observée chez 72 % des malades sous TDF contre 69 % des malades sous adéfovir (NS). La tolérance rénale était excellente, en particulier chez des malades traités par TDF [5]. De plus, le profil de résistance de la molécule semble excellente car aucune mutation de résistance n’est détectable après un an de traitement chez les patients ayant une infection par le VHB [4,5] ni après 6 ans d’utilisation chez les patients coinfectés VIH VHB. La clévudine (LFMAU) est un analogue nucléosidique de la thymidine qui est un puissant inhibiteur de l’activité ADN de la polymérase du VHB. Chez la marmotte, la clévudine est un puissant inhibiteur de l’ADN super enroulé. La clévudine induit une chute importante de l’ADN VHB au bout de 24 semaines de traitement avec une remontée lente de la charge virale à l’arrêt du traitement [6,7]. Les études de phase III ont montré que la clévudine à la dose de 30 mg/j pendant 24 semaines puis 10 mg/j pendant 24 semaines de traitement entraîne une virosuppression puissante à la fois chez les patients AgHBe + (ADN VHB < 300 cp/mL chez 55 % des patients à 24 semaines, 63 % à 48 semaines de traitement et de 31 % 12 semaines après l’arrêt du traitement) et chez les patients AgHBe - (ADN VHB < 300 cp/mL chez 100 % des patients à 24 et 48 semaines de traitement et chez 92 % d’entre eux 12 semaines après l’arrêt du traitement). Par contre la négativation de l’antigène HBe (AgHBe) est rare : 8 % après 24 semaines de traitement, 16 % après 48 semaines de traitement et 17 % 3 mois après l’arrêt du traitement [8]. De plus, ces études ont montré que la clévudine, du fait de son activité antivirale importante, entraîne une diminution significative du titre de l’AgHBs qui est peut être corrélée à une diminution de l’ADN super enroulé [9]. Bien que des mutations de résistance à la clévudine aient été décrites in vitro en position M550I, L526M et M550V, aucune mutation de résistance n’a pour l’instant été observée dans les études cliniques, mise à part une mutation A527T qui ne confère pas de résistance à la clévudine. A coté de ces deux nouvelles molécules, le pradefovir mésylate, précurseur métabolique de l’adéfovir, est actuellement en phase II. Par ailleurs, un nouvel analogue guanosique le LB 80380 (ANA 380) est lui aussi en développement de même que la valtorcitabine, le ramafovir, l’alamifovir et l’amdoxovir. Tous ces nouveaux antiviraux vont nous amener à revoir nos stratégies thérapeutiques, que ce soit en termes de réponse antivirale ou en termes d’induction de résistance.
L’immunothérapie Le VHB est un virus non cytopathique et la réponse immunitaire joue un rôle primordial à la fois dans les lésions induites par le VHB et dans la clairance du virus. Les lésions histologiques sont principalement dues à une réponse immunitaire de l’hôte vis à vis des cellules hépatiques infectées et à une réponse inflammatoire non spécifique [10]. La réponse immunitaire cellulaire contribue
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S66 également à la clairance du virus. Ces deux fonctions opposées sont attribuées aux mêmes cellules. Lors de l’infection aiguë résolutive, les réponses cellulaires T cytotoxiques et T auxiliaires sont puissantes, polyclonales et spécifiques de la majorité des protéines virales (enveloppe, nucléocapside et polymérase). Au contraire, lors de l’infection chronique cette réponse est faible, de spécificité plus restreinte et difficilement détectable en périphérie. Des lymphocytes T spécifiques peuvent être mis en évidence au niveau du foie où ils sont souvent accompagnés d’un fort infiltrat lymphocytaire non spécifique [11]. Les cellules T CD8+ spécifiques ont la capacité de détruire les hépatocytes infectés mais également d’éliminer le virus en inhibant sa réplication via la sécrétion de cytokines de type Th1 [12]. Par contre, lors de l’infection chronique, contrairement à ce que l’on observe lors de l’infection aiguë, la production de cytokines nécessaires au contrôle viral par les lymphocytes T stimulés par l’antigène, est faible ou absente [13]. Les différences qualitatives et quantitatives des réponses antivirales, observées au cours de l’infection aiguë résolutive par rapport à l’infection chronique, suggèrent que la restauration thérapeutique de l’immunité antivirale devrait permettre le contrôle de la réplication virale et la résolution de la maladie chez les porteurs chroniques. Par ailleurs, plusieurs arguments sont en faveur des approches immuno-thérapeutiques. Des réponses cellulaires T peuvent être mises en évidence chez les patients ayant résolu leur infection chronique soit spontanément, soit après traitement par l’interféron. Dans ce cas, ces réponses T sont d’intensité comparable à celles observées lors du contrôle de l’infection aiguë [14]. Après traitement par la lamivudine de porteurs chroniques du virus, une réponse T CD4+ peut être détectée lorsque la charge virale est réduite. A plus long terme, on observe également une restauration de la réponse T CD8+ [15]. Néanmoins, cette restauration est seulement transitoire et il a été suggéré que, pour se maintenir, ces réponses T devraient être stimulées par une thérapie vaccinale administrée après le traitement antiviral [16]. Le contrôle de l’infection au niveau du foie se fait via des cytokines de type Th1 produites par les cellules du système immunitaire inné et adaptatif. Cette production est diminuée ou absente lors de l’infection chronique [12]. Les lymphocytes des malades porteurs chroniques de l'AgHBs sont capables de secréter des anticorps neutralisants anti-HBs in vitro [17]. Le concept d’immunothérapie a été directement validé lors de la transplantation de moëlle de donneurs ayant une immunité anti-VHB chez des porteurs chroniques receveurs. Après transfert, ces patients résolvent l’infection chronique et éliminent l’AgHBs chez 64 % des patients [18]. Ces observations faites chez l’homme, ainsi que des expériences dans des modèles animaux de souris transgéniques pour l’AgHBs, suggèrent que les réponses T spécifiques du VHB pourraient être soit rappelées, soit activées chez les porteurs chroniques du VHB au moyen d’une stimulation antigénique appropriée telle que la perfusion de cellules T activées ou la vaccination.
M. Bourlière et al. Immunothérapies non spécifiques ou spécifiques par les cellules T activées Les cytokines, qui ont une activité antivirale liée à l’augmentation non spécifique de la réponse immune telle que l’interféron gamma ou les interleukines (IL-2, IL-12, IL18), ont peu d’effet sur la réplication virale B ou sur l’activité de la maladie hépatique [19]. Par contre la stimulation des récepteurs d’entrée ou l’inhibition de l’IL-10 sont des options qui doivent être étudiées [20]. Les traitements basés sur l’administration de cellules T activées ou de sous populations de cellules T maturées in vitro, en vue d’éliminer les cellules infectées par le VHB, sont une autre approche thérapeutique. Ce concept repose sur l’observation que, lors de la transplantation de moëlle de donneurs ayant une immunité anti-VHB chez des receveurs porteurs chroniques du VHB, on observe une élimination de l’AgHBs chez 64 % des patients [18]. Cependant, comme la réponse T est responsable à la fois de la clairance du virus mais aussi des lésions hépatiques, il peut exister un risque d’aggravation des lésions hépatiques accompagnant l’élimination du virus. Sun et al ont montré que la retransfusion de lymphocytes activés, de façon non spécifique, permettait de contrôler la réplication virale B et améliorait les lésions hépatiques chez 8 patients sur 14 infectés par le VHB, et ce pendant une période limitée de temps [21]. Une activation plus spécifique ainsi qu’une stimulation plus importante pourraient améliorer ce résultat. Une autre approche, actuellement en cours de développement, consiste à modifier les cellules T en greffant des récepteurs recombinants ou en utilisant des récepteurs chimériques pour augmenter la réponse immune spécifique [20].
Vaccinothérapie Quatre types de vaccinothérapie ont été développés pour lutter contre l’infection à VHB. Il s’agit soit de vaccin d’origine protéique basé sur l’injection de protéine recombinante du VHB ou de particules d’enveloppe du VHB, soit de vaccin basé sur l’injection intramusculaire ou intradermique d’ADN codant pour des antigènes d’intérêt permettant d’induire une réponse immunitaire vis-à-vis d’une protéine, exprimée in vivo directement à partir d’un ADN plasmidique nu, soit de vaccin basé sur des épitopes peptidiques des cellules T provenant de différentes protéines du VHB. Enfin, dans plusieurs études, ces vaccins étaient associées à un agent antiviral afin d’augmenter la restauration immunitaire.
Vaccinothérapie avec un vaccin protéique Plusieurs études pilotes ou ouvertes ont suggéré l’efficacité de la vaccinothérapie dans le traitement de l’hépatite B chronique active. Une équipe Canadienne a montré qu’un vaccin lipopeptidique utilisé chez 90 patients ayant une hépatite B chronique pouvait induire une réponse T cytotoxique, mais que cette réponse était insuffisante pour entraîner une clairance virale [22]. Un essai rando-
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Traitement de l’hépatite chronique virale B : nouvelles perspectives misée Français incluant 118 patients ayant une hépatite B chronique, a montré que 3 injections de vaccin Genhevac B contenant les petite et moyenne protéines d’enveloppe du VHB (pré-S2/S) ou la petite protéine S seule (vaccin Recombivax) permettaient d'augmenter significativement le taux de négativation de l’ADN VHB (17 %) par comparaison à un groupe non vacciné (3 %) (p=0,04). En l’absence d’arrêt de la multiplication, 2 injections supplémentaires réalisées 3 et 6 mois après la primovaccination permettaient une diminution significative de la multiplication virale [23]. Ainsi, l’efficacité de la vaccinothérapie protéique spécifique anti-VHB semble réelle et spécifique, bien que modeste. Cet effet partiel pourrait être lié à l’importance de la multiplication virale chez les patients inclus. Une autre approche est l’utilisation de complexe immun associant l’AgHBs et des immunoglobulines anti HBs. Ces complexes augmentent l’effet immunogénique de l’AgHBs en augmentant la capture par les cellules présentatrices et en augmentant la prolifération des cellules T spécifique du VHB. Chez 10 patients porteurs chroniques du VHB dans une étude contrôlée, la moitié des patients ont eu une diminution de l’ADN VHB de 2 à 3 log, une séroconversion HBe et une poussée de cytolyse. Concernant la réponse T, une induction transitoire des cytokines était observée après 6 injections [24].
Vaccinothérapie avec un vaccin à ADN Le vaccin à ADN est basé sur l’injection intramusculaire ou intradermique d’ADN codant pour des antigènes d’intérêt afin d’induire une réponse immunitaire vis-à-vis d’une protéine, exprimée in vivo directement à partir d’un ADN plasmidique nu. Cette méthode permet d’induire à la fois une réponse humorale et une réponse cellulaire spécifique. Cette efficacité particulière est liée à la néosynthèse in vivo des antigènes, permettant leur dégradation intracellulaire par le protéasome et leur présentation sous forme de peptides antigéniques associés et présentés en surface par les molécules de classe I du complexe majeur d’histocompabilité. La réponse cellulaire ainsi induite est forte, de type cytotoxique, capable de tuer les cellules infectées. Par ailleurs, la production d’antigènes par les cellules infectées ou ayant capturé l’ADN est responsable d’une réponse humorale spécifique et d’une réponse cellulaire T auxiliaire restreinte par les molécules de classe II du complexe majeur d’histocompabilité. La forte réponse Th1 obtenue par l’immunisation génétique est liée à la présence dans les plasmides bactériens de motifs d’ADN activateurs de l’immunité innée appelés motifs CpG. Les vaccins à ADN possèdent leur propre adjuvant stimulant la voie Th1 et sont synergiques avec la réponse spécifique de l’antigène. Dans l’hépatite B, il est admis que les réponses cellulaires et humorales sont toutes deux nécessaires pour obtenir une « guérison » spontanée de l’infection. La vaccination génétique apparaît comme un outil potentiel pour stimuler efficacement les réponses humorales et cellulaires nécessaires au contrôle de l’infection virale.
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Une étude de phase I a été réalisée en France, pour tester la tolérance d’une vaccinothérapie avec un vaccin par ADN nu chez 10 patients porteurs chroniques du VHB et vaccinés après la survenue d’un échappement du virus à la lamivudine. Six d’entre eux avaient été préalablement traités par interféron-α sans efficacité. Les patients ont reçu 4 injections intramusculaires d’un milligramme de vaccin ADN dont les gènes d’intérêt étaient les gènes préS2 et S codant pour les petites et moyennes protéines d’enveloppe du VHB. Les 3 premières doses d’ADN ont été injectées par voie intramusculaire à 2 mois d’intervalle et la dernière 6 mois après la 3ème. Aucun effet secondaire sévère n’a été observé à la suite des 4 injections d’ADN chez les 10 patients inclus après 28 à 34 mois de suivi. Chez deux patients, une exacerbation biologique (cytolyse entre 11 et 16 fois la limite supérieure de la normale) a été observée sans insuffisance hépatique et a été associée à une diminution importante de la virémie et une séroconversion HBe. Un arrêt de la multiplication virale a été observé chez l’un d’entre eux. Chez le second, la virémie a diminué de façon importante jusqu’à atteindre un niveau proche du seuil de détection puis est restée stable. Chez 4 patients, la diminution de la virémie quantitative a atteint 48 à 83 % après 3 injections, mais est revenue ensuite au taux pré-thérapeutique vers le 10ème mois. L’analyse des réponses immunitaires T chez les patients au cours du protocole de vaccinothérapie a montré une induction ou une amplification du nombre de cellules T spécifiques du VHB et secrétant de l’interféron-γ. Des réponses T prolifératives à l’AgHBs ont été observées chez deux patients après vaccination. Les résultats obtenus au cours du suivi des 15 premiers mois montrent que la vaccination a induit une réponse cellulaire de type T CD8+ et CD4+ , spécifique des antigènes pré-S2 et S contenus dans le vaccin [25,26]. Plus récemment a été testé, chez 12 porteurs chroniques du VHB et naïfs de tout traitement, un vaccin ADN contenant 5 plasmides différents codant pour la plupart des antigènes du VHB et un autre plasmide codant pour l’interleukine 12 humaine [27]. Les 12 patients ont reçu une injection par voie intramusculaire du vaccin ADN, toutes les 4 semaines et 100 mg/j de lamivudine pendant 52 semaines. Le suivi à l’arrêt du traitement a été de 52 semaines. A la fin des 52 semaines de suivi, 6 patients sur 12 avaient une charge virale indécelable et étaient définis comme « répondeurs ». L’exploration des réponses cellulaires T ex vivo a montré la présence de cellules productrices d’interféron-γ à la 12e injection chez les 7 patients pour lesquels un prélèvement était disponible. Ces réponses étaient absentes avant le début du traitement. L’étude de la longévité de la réponse cellulaire T ex vivo a montré que les patients répondeurs avaient plus de cellules productrices d’interféron-γ spécifiques de l’enveloppe, du Core et de la Pol que les non-répondeurs, à la fin du traitement et un mois après. Ces réponses persistaient chez 4 répondeurs sur six, 5 mois après la fin du traitement et disparaissaient chez les non-répondeurs. Dix mois après la dernière vaccination, les réponses étaient presque indécelables. En revanche, des réponses cellulaires T après mise en culture étaient décelables
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S68 chez les patients répondeurs, 5 et 10 mois après la dernière vaccination, suggérant la présence de cellules T mémoires centrales chez ces patients, qui seraient plus efficaces que les cellules T mémoires effectrices dans la suppression de la charge virale. La caractérisation de ces cellules T mémoires centrales a montré qu’elles sont principalement CD4+. Pendant le traitement, 4 patients sur 6 ont eu une séroconversion HBe mais l’AgHBe est réapparu dans les 5 mois qui ont suivi la dernière vaccination chez le patient qui avait les plus faibles réponses T centrales et effectrices. La séroconversion HBs n’est apparue que chez le patient qui avait les plus fortes réponses T mémoires. Enfin, l’induction de cellules productrices d’interféron-γ n’était pas corrélée à l’augmentation du taux de l’alanine aminotransférase, suggérant que, dans une infection contrôlée, le virus pourrait être inactivé en intracellulaire par ces cellules productrices d’interféronγ, puis supprimé des hépatocytes sans destruction hépatique massive. Les cellules T mémoires sécrétrices d’interféron-γ induites par la vaccination pourraient être corrélées à une suppression à long terme de la charge virale à l’arrêt du traitement. Malgré les 12 injections et la quantité d’ADN vaccin injecté (8 mg par 12), soit 96 mg par patient, aucun effet indésirable grave n’a été observé. Les 2 seuls effets indésirables observés étaient comparables à ceux observés au cours du traitement par la lamivudine seule. Dans une étude de phase IIa, 53 patients ayant un AgHBe + ont été traités par une première vaccination par un vaccin ADN suivi par deux vaccins Ankara (MVA) à 3 semaines d’intervalles, seul ou en association avec la lamivudine, ou par de la lamivudine seul. Vingt patients ont développé une réponse des cellules T sécrétrices d’interféron-γ mais avec une faible puissance. Par contre, la séroconversion HBe était plus fréquente dans le groupe vaccin 24 % versus 5 % pour le groupe vaccin plus lamivudine [28].
Vaccinothérapie associée à un traitement antiviral L’arrêt de la multiplication virale B associé à la lamivudine s’accompagne d’une « restauration immunologique » antivirale B avec augmentation significative des réponses prolifératives T CD4 et à plus long terme de la lymphotoxicité T CD8 [15]. En ce qui concerne la réponse T sous traitement par adéfovir, la réduction de la charge virale après traitement est associée à une diminution du nombre de cellules T régulatrices et une restauration partielle de la réponse immune [29]. Cette restauration immunologique, associée à l’arrêt de la multiplication virale, pourrait être mise à profit pour amplifier l’efficacité immunomodulatrice antivirale B de la vaccinothérapie et ainsi diminuer le risque d’échappement. Dans une étude pilote, 72 patients (40 patients AgHBe +, 32 patients AgHBe -) atteints d’hépatite chronique B ont été traités par lamivudine pendant un an, associés chez 15 patients, à 12 injections intradermiques de 20 µg de vaccin protéique toutes les 2 semaines. L’association lamivudine et
M. Bourlière et al. vaccin a permis une négativation de l’ADN VHB chez tous les patients AgHBe + contre 48 % des patients AgHBe + traités par lamivudine seule. De plus la séroconversion HBe a été plus fréquente en cas d’association (respectivement 56 % et 16 %) [30]. Ces résultats encourageants n’ont pas été retrouvés dans deux autres études contrôlées. Dans l’étude de Zhong et al, 120 enfants AgHBe + ont été randomisés en trois groupes de traitement : interféron 10 MUI 3 fois par semaine pendant 6 mois, interféron et lamivudine ou interféron et 6 injections de vaccin. En terme de réduction de l’ADN VHB, de séroconversion HBe, l’association interféron-lamivudine était supérieure à l’association interféron-vaccin ou à l’interféron seul [31]. Enfin dans l’étude de Vandepapelière et al, 195 patients AgHBe + ont été randomisés en deux groupes de traitement par lamivudine seul ou lamivudine associé à 12 injections sous cutanée d’un candidat vaccin AS02B. Malgré l’induction d’une forte réponse lymphoproliférative spécifique anti HBs et la présence d’anticorps anti-HBs, l’association n’a pas augmenté le taux de séroconversion HBe [32].
Conclusion Parmi les perspectives thérapeutiques du VHB, l’apport des nouvelles molécules est considérable car elles permettent une virosuppression efficace avec un risque faible d’induction de résistance. Les stratégies de combinaison, qui doivent être étudiés, devraient permettre d’augmenter cette efficacité. Cependant, même avec ces molécules, l’élimination du VHB reste difficile à obtenir. L’intérêt de l’immunothérapie et notamment de la vaccinothérapie dans ces situations est largement suggéré par un certain nombre de travaux. Cependant de nouvelles études sont nécessaires pour explorer et mieux comprendre l’effet des réponses T antivirales sur la suppression virale et notamment mieux comprendre et sélectionner les patients qui pourront bénéficier de ces immunothérapies au cours de l’hépatite chronique B. Conflits d’intérêts : Le Dr Marc Bourlière est consultant pour les laboratoires Schering Plough, Roche, Gilead, Novartis ; intervenant comme membre de comités scientifiques et comme orateur pour les laboratoires Roche, Schering Plough, BMS ; membre d'un conseil/ comité scientifique national ou international des laboratoires Roche, Schering Plough, BMS, Idenix, Gilead. Le Dr Paul Castellani déclare n'avoir aucun conflit d’intérêts.
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