Annales de chirurgie plastique esthétique 51 (2006) 394–402
a v a i l a b l e a t w w w. s c i e n c e d i r e c t . c o m
j o u r n a l h o m e p a g e : w w w. e l s e v i e r. c o m / l o c a t e / a n n p l a
Traitement percutané des malformations veineuses Percutaneous treatment of venous malformations F. Hammer Service de radiologie vasculaire et interventionnelle, centre des anomalies vasculaires, cliniques universitaires Saint-Luc, 10, avenue Hippocrate, 1200 Bruxelles, Belgique
MOTS CLÉS Malformation veineuse ; Sclérothérapie ; Éthanol
Résumé La sclérothérapie percutanée peut être utilisée dans le traitement de certaines malformations veineuses. Son but sera d’en réduire le volume lésionnel, sa symptomatologie douloureuse, la gêne fonctionnelle ou le préjudice esthétique qui en découle. Cette modalité de traitement, simple en apparence, nécessite une prise en charge pluridisciplinaire et une technique rigoureuse pour éviter des complications parfois dramatiques. Ce chapitre détaille la technique, les différents agents sclérosants employés, les complications et les résultats de la sclérothérapie réalisée sous contrôle radioscopique.
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KEYWORDS Venous malformation; Sclerotherapy; Ethanol
Abstract Percutaneous sclerotherapy under fluoroscopic guidance can be used to treat venous malformations, in order to reduce the lesion’s size and associated pain, to improve fonctional impairment or esthetic prejudice. Although this treatment modality seems to be simple, a multidisciplinary approach and rigorous technique is required to avoid serious complications. Technical details, the various sclerosing agents, possible complications and results are reviewed.
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Le traitement des malformations veineuses (MV) est habituellement conservateur. Dans certains cas, dépendant de la localisation, de la taille et du retentissement fonctionnel ou esthétique, un traitement peut être envisagé, une fois que le diagnostic correct et l’extension de l’anomalie vasculaire sont clairement établis par une imagerie adéquate. Ce bilan comporte, en premier lieu, un examen par échodoppler couleur qui démontre l’absence de processus tumoral, et confirme la présence de structures ou lacs veineux compressibles présentant un flux nul ou à basse vélocité. Un CT-scan ou si possible une IRM, en pondération T2–sup-
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pression de graisse, montrant la MV sous forme de structures veineuses ou logettes hyperintenses, sont indispensables pour apprécier correctement l’extension lésionnelle, en particulier par rapport aux organes profonds, aux nerfs, muscles, tendons et cavités articulaires. Dans la plupart des centres pluridisciplinaires traitant les anomalies vasculaires, la sclérothérapie par ponction directe est le traitement de choix pour réduire le volume de la MV, associée parfois dans un second temps à une exérèse chirurgicale. Ce traitement est efficace, mais nécessite habituellement plusieurs séances espacées de deux à trois mois. L’objectif n’est pas la guérison complète, mais une réduction suffisante du volume lésionnel pour obtenir une amélioration, voire disparition, de la douleur, du gonflement, de l’hémorragie, du préjudice esthétique ou de l’handicap fonctionnel
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Traitement percutané des malformations veineuses
(moteur, respiratoire ou visuel). Les MV diffuses sont les plus difficiles à traiter. Même si la sclérothérapie en soi peut être considérée comme une procédure simple, une préparation, un suivi périopératoire, un matériel angiographique performant et une équipe pluridisciplinaire comportant un radiologue interventionnel expérimenté sont des facteurs déterminants dans le succès de cette technique. Les agents sclérosants, en particulier l’alcool à 96 %, comportent en effet des risques de complications locales et systémiques pouvant être redoutables. L’information correcte du patient est par conséquent essentielle.
Technique de sclérothérapie Anesthésie et préparation La procédure doit en principe être réalisée dans une salle d’angiographie digitalisée, dans des conditions d’asepsie et sous anesthésie générale, le patient étant intubé et curarisé. Les MV des membres peuvent éventuellement être traitées sous bloc anesthésique, mais cela comporte un risque de moins bonne analgésie. De petites MV superficielles peuvent, lorsqu’elles sont bien localisées, être traitées au moyen d’agents sclérosants ou à l’éthyl-cellulose [1] et ce, sous anesthésie locale. Après induction de l’anesthésie, une sonde urinaire est placée pour un contrôle de la diurèse et la détection d’une éventuelle hémoglobinurie. Les lésions intrabuccales peuvent être traitées par un abord transjugal ou sousmandibulaire (Fig. 1), mais nécessitent habituellement la mise en place d’un ouvre-bouche, voire d’un laryngoscope pour un abord muqueux direct. Pour les lésions ORL comportant un risque d’obstruction des voies respiratoires telles que les MV de la base de la langue ou du pharynx, l’intubation sera toujours nasale et maintenue un minimum de 24 heures jusqu’à réduction suffisante de l’œdème postprocédure. Une trachéotomie préalable est parfois préférable lorsque plusieurs séances de sclérothérapie sont nécessaires pour traiter les MV péritrachéales ou endobuccales obstruant les voies respiratoires. Une corticothérapie par voie orale (dexaméthasone) est débutée la veille de l’inter-
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vention. Une hyperhydratation intraveineuse, avec éventuellement alcalinisation par perfusion de bicarbonate en cas d’hémoglobinurie, est mise en route au moment de l’anesthésie et maintenue pendant 24 heures.
Technique et matériel de ponction Phlébographie La MV est repérée par palpation, éventuellement par échographie pour les lésions plus profondes ou difficiles à délimiter. La ponction est effectuée au moyen d’un cathéter intraveineux (angiocathéter 19–20 G) ou d’une aiguille à ailettes (« butterfly » 21–23 G). L’aiguille est ensuite lentement retirée jusqu’à obtention d’un reflux sanguin, habituellement d’aspect plus rouge que le sang veineux périphérique, car bien oxygéné. Du produit de contraste dilué est alors injecté avec réalisation d’une acquisition d’images angiographiques digitalisées soustraites (DSA, cadence 1–2 clichés/s). Celle-ci a pour but de : ● s’assurer de l’absence d’extravasation ou d’opacification d’une structure artérielle ou veineuse normale ; ● évaluer le volume de la poche veineuse ; ● visualiser d’éventuelles veines de drainage. Différentes classifications des MV ont été proposées, en fonction de leur aspect phlébographique [2–4]. L’aspect le plus typique et le plus fréquemment rencontré est un amas de lacs veineux confluents bien circonscrits, d’aspect « lobulaire », avec ou sans visualisation de veines de drainages sur les clichés tardifs (Fig. 2). Le drainage se fait vers des veines normales ou dilatées. Plus rare est la forme « variqueuse », avec opacification rapide de veines de drainage ectasiques ou dysplasiques. Des formes intermédiaires avec opacification de petites cavités (aspect spongieux), associées à des drainages veineux plus ou moins rapides, sont courantes. L’analyse des veines de drainage et l’appréciation de la vitesse du flux sont essentielles pour la technique de traitement, pour l’injection de l’agent sclérosant, et probablement aussi pour le succès thérapeutique. Un contact moins prolongé avec les parois des lacs veineux ou
Figure 1 Patient âgé de 48 ans présentant une malformation veineuse de la base de la langue. A : IRM préthérapeutique : coupes axiales TSE pondérées T2 ; B : accès intrabuccal sous anesthésie générale (intubation nasale, ouvre-bouche en place) ; C : injection de 13 ml d’éthanol après réalisation de la phlébographie.
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tion doit être lente, en suivant le remplissage en radioscopie, tout en surveillant le monitoring cardiorespiratoire, la coloration cutanée et la consistance de la MV. Un blanchiment de la peau (extravasation ou injection intraartérielle), une tension intralésionnelle ou une induration trop rapide ou importante, une coloration violacée ou l’apparition de phlyctènes imposent l’arrêt immédiat de l’injection en cours. Plusieurs poches de la MV peuvent être ponctionnées lors de la même séance, la dose de 1 ml/kg de poids corporel pour l’éthanol (maximum 60 ml) et de 30 ml pour le Thrombovar® 3 % étant considérée comme un taux maximal. En cas de pose d’un garrot ou d’un manchon pneumatique, celui-ci sera laissé en place pendant toute la procédure et maintenu au moins dix minutes après la dernière injection, avant d’être relâché progressivement. Cela permet un meilleur contact de l’agent sclérosant avec l’endothélium des MV, et également de réduire le risque de complications (extension de la thrombose, effet systémique). Les aiguilles sont retirées lorsque l’effet de remplissage et d’induration lésionnelle semble correct, voire après une injection d’une petite quantité de produit de contraste pour vérifier l’état de thrombose de la poche veineuse et déterminer si un complément d’injection est nécessaire. En fin de procédure, l’application locale d’une pommade antibiotique (néomycine ± bacitracine) et de glace emballée permet de contrôler les saignements potentiels et de diminuer la réaction inflammatoire. Figure 2 Phlébographie par ponction directe d’une MV veineuse de l’avant-bras. De multiples phlébolithes disséminés sont visibles. Le compartiment injecté montre des logettes veineuses (aspect « lobulaire ») bien circonscrites, sans extravasation ni drainage veineux précoce. L’injection d’éthanol pourra donc être réalisée sans pose de garrot.
des veines anormales et un passage plus rapide vers les structures veineuses risquent non seulement d’affecter le résultat final (moins bonne sclérose, davantage de récidive), mais aussi d’accroître le risque de complications par embolisation du produit telles que phlébites, embolies pulmonaires, et complications systémiques. Le contrôle de la fuite de l’agent sclérosant par une compression extrinsèque (manuelle, garrot) doit être réalisé en cas de drainage visible et/ou de connexion avec des structures veineuses normales, en particulier profondes (Fig. 3). Technique d’injection Après déconnexion de la seringue de produit de contraste, un masque à blanc (sans injection) du site à traiter est réalisé en angiographie digitalisée par soustraction (« roadmapping »), et une seringue contenant l’agent sclérosant est connectée à l’aiguille à ailettes ou via un court raccord à l’aiguille–cathéter de ponction. L’éthanol absolu (95–98 %) et le tétradecyl sulfate de sodium à 3 % (Thrombovar®) sont habituellement utilisés, très faiblement dilués (10:1) avec un produit de contraste radio-opaque (produit de contraste iodé 370 mgI/ml, ou du lipiodol) pour suivre l’injection sous radioscopie en « roadmapping ». L’éthanol est habituellement utilisé pour des lésions profondes, alors que le tétradecyl sulfate de sodium est employé pour des lésions superficielles, les malformations variqueuses ou les MV situées à proximité d’une structure nerveuse. L’injec-
Prise en charge pendant et après la procédure Pour l’éthanol et les scléroses agressives, une corticothérapie systémique est primordiale pour diminuer l’œdème postopératoire. Débutée la veille de l’intervention par voie orale, elle sera maintenue un à deux jours par voie intraveineuse et progressivement réduite (per os) pour pouvoir être interrompue au cinquième jour après l’intervention. Nous utilisons par exemple du phosphate sodique de dexaméthasone à la dose de 0,3 mg/kg (maximum 4 mg), relayé par de la prednisolone : 1 mg/kg par jour (maximum 15 mg) à j3, puis 0,5 mg/kg par jour (maximum 10 mg) à j4 et j5. Une antibiothérapie parentérale (céphalosporine) est administrée avant le début de la procédure. Une hyperhydratation peropératoire (150 % de la maintenance/24 h + bicarbonate 3 mEq/kg par 24 heures si hémoglobinurie) est poursuivie pendant les 24 premières heures pour éviter toute complication rénale. Des analyses d’urine et la mesure du débit urinaire pendant 24 à 48 heures permettent de détecter une hémoglobinurie et d’ajuster les perfusions parentérales (± administration de furosémide). L’analyse du sédiment urinaire et des paramètres sanguins (formule, plaquettes, ionogramme, urée–créatinine, fibrinogène, éventuellement D-dimères) est répétée jusqu’à normalisation de ces paramètres. Les patients ayant des taux élevés de D-dimères, suite à une consommation intravasculaire localisée dans leur MV, sont traités par des héparines de bas poids moléculaire pendant les deux semaines précédant la sclérothérapie, et une vingtaine de jours en postopératoire [5]. Les antalgiques (paracétamol, pompe à morphine…) et les soins locaux (solutions antiseptiques, parages chirurgicaux…) sont à adapter en fonction de la symptomatologie. Une consultation postopératoire est prévue la semaine sui-
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Figure 3 Jeune fille de 16 ans présentant une MV de la plante du pied et du mollet. A : imagerie par IRM en coupe sagittale (TSE pondération T2, avec suppression graisse) ; B : phlébographie par ponction directe d’un compartiment de la voûte plantaire. Aspect typique de lacs veineux agglomérés avec un drainage rapide, via de petites veines dysplasiques, vers une veine tibiale postérieure normale ; C : contrôle en scopie, en cours de procédure, après ponction de trois compartiments. L’injection d’éthanol opacifié par du produit de contraste iodé (10:1) a été réalisée en bloquant la veine de drainage au moyen d’un garrot.
vante et réitérée en fonction de l’évolution. Une nouvelle séance de sclérothérapie ne sera pas envisagée avant quatre à six semaines, pour permettre une évaluation clinique correcte, complétée éventuellement par une nouvelle imagerie radiologique (écho-doppler ± IRM).
Agents sclérosants Éthanol L’alcool absolu (95–98 %) est le produit sclérosant le plus agressif et probablement le plus efficace. Il agit en précipitant le protoplasme des cellules endothéliales, et en fracturant la paroi vasculaire jusqu’au niveau de la lame élastique, induisant ainsi une thrombose rapide et en principe définitive. La diffusion vers les tissus avoisinants est malheureusement toujours possible par effraction de la paroi veineuse, ainsi que le passage au travers des veines de drainage vers la circulation pulmonaire et systémique. Les complications peuvent par conséquent être redoutables : nécrose cutanée, lésions nerveuses périphériques habituellement réversibles, dépression du SNC, hypoglycémie, hémolyse, hypertension et hyperthermie, vasospasme, œdème pulmonaire et arythmie cardiaque pouvant conduire à l’asystolie [6–8]. Il convient donc impérativement de bien contrôler l’injection, d’éviter toute extravasation et passage rapide et massif d’éthanol vers la circulation systémique. L’adjonction d’une petite quantité de produit de
contraste iodé à haute concentration (370 mgI/ml), ou mieux de lipiodol ultrafluide (10:1), permet de suivre l’injection sous radioscopie. L’injection doit être faite sous anesthésie générale, avec un monitoring minutieux, certains prônant même le placement d’une sonde de Swan-Ganz pour un monitoring de la pression artérielle pulmonaire. Compte tenu du caractère agressif de ce monitoring, nous le réservons aux MV nécessitant des volumes d’injection importants ou comportant des veines de drainage à flux rapide difficiles à contrôler. Pour les grosses MV des membres inférieurs en particulier traitées après pose d’un garrot, il est primordial de lever celui-ci de façon progressive en fin de procédure après un délai d’attente d’au moins dix minutes après la dernière injection. Une corrélation linéaire entre la quantité d’alcool injectée par poids corporel et l’alcoolémie systémique a pu être démontrée, indépendamment de l’aspect morphologique de la MV et mêmes des voies de drainage [9]. Il est donc essentiel de ne pas dépasser la dose recommandée de 1 ml/kg de poids corporel (maximum 60 ml) par séance. Afin de permettre une meilleure stagnation et dès lors une action optimale de l’éthanol dans la poche veineuse, un mélange d’alcool et de cellulose a été développé par une équipe de Caen [1]. Cette association permet de diminuer la quantité d’alcool nécessaire pour traiter la même lésion, les risques postopératoires étant ainsi réduits. Cette procédure semble également moins douloureuse et peut être effectuée sous anesthésie locale. Les résultats préliminaires sont très encourageants.
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Agents détergents Ce groupe inclut des produits comme le polidocanol 60 mg (Aetoxysclerol® 3 %), le tétracyl sulfate de sodium (Thrombovar® 3 %) ou tétradecyl sulfate de sodium (Sotradecol®), le morrhuate de sodium 5 % et l’éthanolamine. Ils agissent en modifiant la tension de surface au niveau cellulaire induisant un phénomène de macération par dénaturation de la paroi, et sont habituellement employés en petite quantité (1–3 ml par poche injectée). Moins douloureux à l’injection, et engendrant moins de réaction inflammatoire, ils peuvent être utilisés en ambulatoire sans anesthésie générale pour de petites MV superficielles (Fig. 4). Des antalgiques de la classe I, associés à une pommade antibiotique, sont habituellement suffisants. La thrombose induite est cependant plus lente qu’avec l’éthanol, et les recanalisations semblent plus fréquentes. Ces substances n’induisent en revanche pas de complication neurolytique. Un cas d’arrêt cardiaque réversible a néanmoins été décrit avec le polidocanol [10]. L’utilisation d’une mousse obtenue en mélangeant la substance sclérosante à un gaz (air ambiant, dioxyde de carbone ou oxygène) et du lipiodol est un procédé devenu très populaire connu sous le nom de « foaming » [11]. Le mélange le plus utilisé est composé de 10 ml d’agent détergent + 3 ml de lipiodol + 5 à 10 ml d’air. Ces différents agents sont brassés au moyen de deux seringues et d’un robinet à double voie. Le but de cette technique est de maximaliser le contact entre l’agent sclérosant et la paroi des lacs veineux. Compte tenu du risque d’hémoglobinurie, les patients doivent également être hyperhydratés pendant la procédure, comme pour l’alcool absolu.
Ethibloc® L’Ethibloc® est une solution alcoolique (60 %) contenant 210 mg de zeïn (protéine de maïs), 162 mg de diatrizoate de sodium (pour la radio-opacité), 145 mg d’oleum papaveris (pour une consistance molle), et 6 mg de propylène glycol (pour conserver la stérilité) par millilitre d’alcool. La technique d’administration est similaire à l’injection d’éthanol (angiocathéters ou aiguille de 18–21 G). L’Ethibloc® induit une réaction gigantocellulaire inflamma-
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toire qui perdure plusieurs semaines. De bons résultats ont été rapportés, notamment chez l’enfant (74 % de bons résultats, 50 % de guérison) [12]. Le principal inconvénient est l’extériorisation fréquente du produit par fistulisation cutanée, ce qui a conduit de nombreuses équipes à l’abandonner et à lui préférer l’alcool absolu.
Techniques adjuvantes Polymères acryliques ou colles chirurgicales Le N-butyl-2-cyanoacrylate (Histoacryl®, Braun) et le comonomère NBCA (Glubran-2®, Biocorp) sont des agents polymérisants au contact de toute substance ionique, telle que le sang ou le sérum physiologique. Ils sont dilués (1:5 ou 1:6) avec du lipiodol ultrafluide (Codali®) pour permettre leur visualisation en radioscopie, et retarder leur vitesse de polymérisation. Leur injection à l’aiguille ou le cathéter de ponction nécessite le rinçage préalable au sérum glucosé. Ils sont utilisés de façon exceptionnelle, car leur résorption est extrêmement lente et ils sont source d’importantes réactions à corps étrangers. La MV reste par conséquent fortement indurée pendant plusieurs semaines, et ce, malgré une réaction inflammatoire œdémateuse moins importante qu’avec l’éthanol. L’indication la plus appropriée semble être le traitement préopératoire des MV du genou, touchant la synoviale. Dans cette indication l’éthanol est en effet formellement contre-indiqué, compte tenu du risque de chondrolyse, alors que le NBCA permet de contrôler le saignement et d’améliorer le repérage et la délimitation de la lésion lors de la résection chirurgicale [5]. Les complications potentielles sont le collage de veines de drainages ou de veines profondes inextirpables chirurgicalement, ainsi que l’embolisation pulmonaire, voire l’embolisation paradoxale via un foramen ovale patent. L’utilisation d’agents polymérisants a été décrite également dans un cas de MV orbitaire [13]. La plus grande prudence est cependant recommandée dans ce type d’application, compte tenu du risque de syndrome des loges pouvant conduire à une perte de la vision, surtout si on utilise des agents à occlusion définitive ou induisant de fortes réactions inflammatoires comme l’éthanol [14].
Figure 4 Patiente de 35 ans présentant une petite MV sus-labiale. Photos prises avant (A) et six semaines après la sclérothérapie (B), réalisée par injection d’1 ml d’Aetoxysclerol® (polidocanol) sous anesthésie locale.
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Spires métalliques Les spires métalliques ou en platine sont employées de façon exceptionnelle dans le traitement des MV. Leur seul intérêt réside dans la possibilité de réduire le flux dans certaines lésions à drainage veineux rapide, non contrôlable par des techniques de compression externe, ou pour le traitement de formes variqueuses, avant l’injection de l’agent sclérosant. L’agent sclérosant peut ainsi être injecté avec un risque moindre de thromboembolisation et avec un effet local accru. Les spires sont placées dans la poche à scléroser ou à un endroit distant du site de ponction, par exemple au niveau d’un site de confluence de veines de drainage anormales. Le largage des spires peut se faire soit au moyen d’un cathéter angiographique 4F, soit directement via l’aiguille de ponction ou enfin au moyen d’un microcathéter introduit de façon coaxiale, réduisant ainsi la taille de l’orifice de ponction.
Résultats et complications L’analyse objective des résultats est difficile, car les guérisons complètes sont rares. On doit donc surtout se fonder sur la réduction du volume lésionnel (évaluation clinique et/ou par IRM), et sur l’amélioration fonctionnelle et des plaintes décrites par les patients. Des guérisons partielles ou complètes ont été rapportées chez 70–81 % des patients après de multiples séances (en moyenne trois séances), avec un suivi d’un à deux ans (Figs. 5–7) [2,15–18]. Les résultats ne semblent pas être liés au type de lésion ou à l’importance du drainage veineux, mais plutôt à leur taille,
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les lésions diffuses ou volumineuses étant de moins bon pronostic [19,20]. Le nombre de séances et le sexe masculin seraient également des facteurs prédictifs favorisant le succès thérapeutique [2]. Des complications sont décrites dans 12–17,5 % des procédures, soit 20 à 31 % des patients traités par l’éthanol [15,17,18]. Les complications cutanées sont les plus fréquentes et se présentent sous différentes formes, pouvant aller de la simple phlyctène (jusqu’à 50 % des cas) [2] (Fig. 6C) à l’ulcération profonde (10–15 %) (Fig. 8). Elles sont traitées de façon conservatrice et nécessitent rarement le recours à la chirurgie réparatrice. Le gonflement secondaire à l’œdème postopératoire est normal, mais peut être source de complications lorsque la MV est proche des voies respiratoires ou au niveau périorbitaire. L’hémoglobinurie est fréquemment observée et habituellement banale, mais peut causer une insuffisance rénale aiguë réversible. Pour les malformations veineuses intramusculaires ou à proximité de structures tendineuses, le risque potentiel de fibrose douloureuse pouvant avoir des répercussions fonctionnelles importantes n’est pas négligeable. Dans une étude rétrospective portant sur 399 sessions de sclérothérapie à l’éthanol réalisées chez 87 patients, B.B. Lee décrit quatre cas de fibrose musculaire : trois patients ont pu être améliorés par une physiothérapie intensive pour compenser le déficit musculaire, mais un patient a dû bénéficier d’une correction chirurgicale (allongement du tendon d’Achille) [17]. Des lésions nerveuses (parésies ou paralysies) ont été observées dans 1–2 % des procédures, soit 5– 10 % des patients [2,17]. Ces atteintes sensitives ou motrices périphériques sont habituellement transitoires et com-
Figure 5 MV de l’hémilèvre inférieure droite : aspect clinique avant (A) et après (B) une séance de sclérothérapie à l’éthanol 95 % : double ponction, phlébographie (C) avant injection de 5,5 ml d’éthanol 95 %.
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Figure 6 MV intramusculaire. Phlébographie (A) et injection d’éthanol avec pose d’un tourniquet (B, C) pour contrôler la fuite veineuse. Contrôle IRM (D) à deux mois montrant la disparition de la MV avec involution adipeuse du site musculaire traité.
plètement réversibles en deux semaines à quatre mois, mais des paralysies définitives ont été rapportées pour les nerfs péronier et facial [16,17]. Ces complications nerveuses ont été décrites exclusivement avec l’alcool. Un contrôle précis de l’injection est indispensable pour éviter toute extravasation d’éthanol. L’injection intra-articulaire d’éthanol est formellement contre-indiquée en raison du risque de chrondolyse irréversible, et une grande prudence doit être de mise pour le traitement de MV ayant un contact potentiel avec une capsule ou synoviale articulaire (par exemple le coude, l’épaule ou le genou). Le risque de dépression cardiorespiratoire, d’arythmie ou d’œdème pulmonaire est rarissime, lié probablement à un passage rapide et massif d’éthanol dans la circulation systémique [7]. Des embolies pulmonaires, secondaires à une thrombophlébite des veines de drainage, ont également été rapportées. Une coagulopathie par
consommation peut aussi survenir lors du traitement de larges MV [5,6].
Conclusion Le traitement percutané des MV est un traitement techniquement aisé, mais nécessite une prise en charge pluridisciplinaire, une planification précise du geste et un suivi postprocédure. La plupart des patients en retirent un bénéfice clinique, mais une information précise quant aux complications éventuelles doit être donnée avant d’envisager ce traitement. Celui-ci est en effet lourd, nécessitant généralement plusieurs séances et hospitalisations répétées, et parfois un geste chirurgical complémentaire ou réparateur.
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Figure 7 Patient âgé de 40 ans. A : MV du menton traité dans l’enfance par chirurgie ; B : IRM en coupe coronale — suppression de graisse, pondération T2 — avant la procédure ; C : résultat 24 heures après l’injection d’éthanol (cinq ponctions) montrant la formation de phlyctènes ; D : résultat à 12 mois.
Figure 8 Ulcération profonde de la plante du pied chez une jeune fille de 12 ans. Séance de sclérothérapie réalisée au moyen de trois ponctions et injection de 20 ml d’éthanol 95 %.
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