Rev. Fr. Transfus. I-I6mobiol., 1991, 34, 63-75
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PRATIQUE TRANSFUSIONNELLE
Transfusion autologue programm6e en chirurgie coronarienne : exp6rience sur 106 patients p a r M . F . F r u c h a r t * , F. Hbritier*, P. Weiss**, M. S i m o n n e a u * , C. Boulat*, J.P. B o u r d a r i a s * * * H6mobiologie-transfusion. ** Service de cardiologie : H6pital Ambroise-Par6, Boulogne-sur-Seine.
RESUME Contrairement ~ une opinion regue dans le passd, le sujet coronarien candidat ~ une chirurgie cardiaque programmOe peut bOnd[icier de la Transfusion Autologue Programmde (TAP) en compldment des techniques de trans[usion autologue peropdratoire classiquement utilisdes. Notre expdrience porte sur 106 sujets candidats ?~ des pontages aortocoronariens non urgents (3 en moyenne). La tr~s bonne toldrance que nous avons observde suppose des crit~res d'exclusion et une surveillance strictes (tensionnelle, notamment), et pour nous une compensation voldmique systdmatique par un solutd macromol~cuIaire (Plasmion). Ce choix repose sur la modification, chez ces sujets coronariens, de l'adaptation physiologique l'hypovotdmie par les traitements vasodilatateurs ou bOta-bloquants ndcessaires ?~ces patients. La modification des paramOtres hdmatologiques n'est pas diffdrente de celle des autres patients candidats gz la TAP. Le taux d'Hb postopdratoire observ~ est satis[aisant et compatible avec une [onction cardiaque normale, surtout aprOs correction de la cardiopathie. L'efficacitd en terme d'autosuffisance est globalement de 74 % et optimale, 84 %, chez les sujets qui peuvent Otre prdlevds trois lois.
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Ces protocoles de TAP appliquds au sujet coronarien suppose une parfaite concertation entre les dquipes mddicales du CTS et du service de cardiologie. Outre les avantages bien connus de la TA, nous en voyons trois suppldmentaires : une stimulation de l'drythropoi~se en prdopdratoire, une hdmodiIution normovoldmique progressive, peut-~tre bdn~fique au coronarien, et enfin une amdlioration de la prdparation psychologique l'intervention. SUMMARY Patients undergoing elective coronary bypass surgery can benefit from Preoperative Autologous Blood Donation (PAB), despite some opinions to the contrary, as a complement of intra-operative blood salvage techniques. We report herein 106 patients elegible [or coronary bypass surgery included in our PAB program. We observed a very good tolerance owing to strict exclusion criteria, a close monitoring of vital signs, and as far as we are concerned, to the in[usion o[ a macromolecular solution (Plasmion) in a 1:1 ratio, to maintain intra-vascular volume. We chose a volume replacement because the physiological adaptation to hypovolemia is altered by the beta-blocking and/or vasodilating agents which cannot be discontinued in patients with coronary heart disease. The changes in the hematological parameters are not different from those observed in other patients eligible for PAB. The postoperative hemoglobin level is satisfactory and compatible with a normal myocardial [unction inasmuch as the cardiopathy has been corrected. The efficiency of PAB is good since overall, 74 % o[ the patients did not require homologous blood, this proportion rises to 84 % for patients donating 3 or more units. Preoperative Autologous Blood Donation for patients with coronary heart disease implies a perfect coordination between the Blood Bank physicians and their colleagues from the Cardiology Department. Aside from its well known advantages, PAB allows a stimulation of erythropoiesis, a progressive normovolemic hemodilution perhaps beneficial to patients with coronary heart disease, and finally, a better psychological preparation to surgery. INTRODUCTION
La Transfusion Autologue (TA) a des avantages bien connus : pr6vention de l'immunisation 6rythrocytaire et surtout des infections transmissibles : cytom6galovirus (CMV), h6patites, virus de l'immunod6ficience humaine (VIH) toujours redout6es ; malgr6 l'introduction de nouveaux tests pour la pr6vention des h6patites (HCV) et l'am61ioration des tests de d6pistage HIV, un risque r6siduel, mal 6valu6 encore, persiste.
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Des 6quipes frangaises et 6trang6res [1, 2, 3, 4, 5] ont montr6 qu'il 6tait possible d'appliqucr los protocolcs dc transfusion autologuc prograrnm6e (TAP) aux patients atteints de cardiopathics et candidats/~ unc inter~'cntion de chirurgie cardiaque. Notre exp6riencc a ddbut6 cn 1987 et porte sur 106 sujets coronariens candidats fl une rcvascularisation myocardique par pontages aortocoronariens non urgents. Ces patients nous scmblent pouvoir b6n6ficier non sculcment dc la TA mais aussi d ' u n e h6modilution pr6op6ratoire progressive. Notre stratdgie organisatiormelle a pour particularit6 de comportcr un transfert des unit6s auto!ogues prdlevdcs dans un autre Centre dc Transfusion (CTS), l'h6pital A.-Par6 6tant d6pourvu de service dc chh-urgie cardiaque.
P A T I E N T S ET M E T H O D E S Patients
De d6cembre 1987 fl septembre 1990, 125 patients coronariens ont 6te propos6s au CTS pour l'inclusion dans un protocolc de TAP, fl la suite dc la r6tmion m6dicochirurgicale du service de cardiologie de l'h6pital Ambroisc-Par~. L'indication 6tait toute chirurgic coronariennc prograrnm6e non urgcnte n6cessitant tree CEC. Les principales contre-indications retcnucs ont 6t6 los m6mes que celles qui avaicnt 6t6 fix6cs au d6but de l'6tude [ I], c'est-fl-dire : un angor instable, unc HTA non 6quilibr6e, une insuffisancc cardiaquc au stade III ou IV dc la classification NYHA, une andmic (taux d'hdmoglobine ~< 11,5 g/dl), une infection 6volutive. Aucmle limite d'figc n'a 6t6 envisag6e. Une sdropositivit6 VIH ou HCV c t / o u une antig6n6mic HBs 6tait uric cause formellc d'cxclusion du protocole ct d'dlimination du prdlbvement. Sur lcs 125 candidats fl la TAP, 8 (6,4 %) ont 6t6 exclus, 3 pour angor instablc, 1 pour an6mie, 1 pour syndrome infectieux, 1 pour l y m p h o m c non hodgkinien, 1 pour hypotcnsion lots du premier pr61bvement, 1 pour inaptitude "~ suivre le protocolc. Onzc dossiers sont encore cn cours. Cent six patients (98 hommcs, 8 femmcs) sont 6valuables. Leur fige moyen 6tait de 60,4 ans + 10 arts (33-76) et le h o m b r e moyen de pontages par patient de 2,7 (1-5). Cos 106 patients repr6sentent environ 50 % des m ~ a d c s propos6s pour un pontage aortocoronarien. Au m o m e n t de l'inclusion, le poids moycn 6tait de 73,4 + 8 kg (47-94), la fr6quence cardiaque m o y c n n c de 65 + 9 (45-100). La prcssion art6rieUe 6tait de 131 ± 12 m m H g (75-110) pour la systolique et de 78 ± 8 m m H g (105-60) pour la diastoliquc et la fraction d'6jcction moyerme de 60 % ± 11 (32-77). Soixante-quatorzc patients (70 %) 6taient trait6s par bcta-bloquants, 81 (76 %) par des d6riv6s nitr6s, 6 (6 %) par des diur6tiques et 68 (64 %) par des inhibiteurs calciques.
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Protocole de pr61~vement Le protocole, c o n f o r m e aux r e c o m m a n d a t i o n s de la Soci6t6 Nationale de Transfusion Sanguine [6] et ~tla r6glementation en vigueur depuis aofit 1990, a d6j5 6t6 d6crit en dhtail dans une 6tude ant6rieure [1]. Tous les malades ont regu un traitement martial ~ la dose de 320 m g de fer m6tal par jour pendant la dur6e du protocole. La fr6quence cardiaque et la pression art6rielle ont 6t4 mesur4es avant, et aprhs le pr41bvement et parall61ement chez 10 donneurs de sang de m 6 m e age. Le n o m b r e de pr61bvements planifi6 6tait de 3 a priori p o u r ces malades devant avoir 3 pontages aortocoronariens en moyenne. Le traitement antiangineux (B6tabloquants, vasodilatateurs, diur6tiques) a toujours 6t6 poursuivi jusqu'~ l'intervention ~ la diff6rence de n o m b r e u x auteurs [2, 3, 4, 5]. Les malades ont 6t6 soumis ~ une compensation volume p o u r volume par un solut6 macromol6culaire (Plasmion ®) imm6diatement apr6s le pr61bvement (perfusion de 20 rain). Le traitement antiplaquettaire a 6t6 arr6t6 une ~tplusieurs semaines avant l'intervention en fonction du m6dicament employ6 et de sa dose.
Examens biologiques Un bilan h6matologique et martial a 6t6 effectu6 lors de l'inclusion et en m o y e n n e au 8¢ jour postop6ratoire ; il comportait une num6ration formule sanguine, une num6ration des plaquettes, un dosage du fer s6rique, de la capacit6 totale de fixation de la saturation et de la ferritine (Tab. I e t II). I
Tableau
Hb Ht VGM GB Plaquettes
14,3 ± 1,3 g/d1 45,5 ~: 4,7 % 93,2 k 4,6 ~t3 7,8 ± 1,8 106/1 260 ± 74 10~/1
Tableau
Fer s6rique Capacit6 totale Saturation Ferritine
(11,1 - 1 6 , 9 ) (32,3 - 51,3) (87- 105) (4,2- 13,2) (153- 450)
II
16,4 ± 4,2 ~moles/1 69,3 ± 8,2 ~moles/1 24 ± 7 % 257 ± 50 ~moles/1
(7,2 - 32,8) (42 - 95) (10 - 41) (21 - 720)
Mat6riels Nous avons utilis6 des poches de pr61bvement triples SAG, et depuis janvier 1990 des poches ,, autotransfusion ,, Baxter ®, avec e m b o u t Luer en Y, p e r m e t t a n t le b r a n c h e m e n t d ' u n e perfusion g l'endroit du pr616ve. ment.
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Le contr61e de la pression artbrieUe et de la fr6quence cardiaque a 6t6 fair grhce h u n appareil semi-automafique Dynamap ®. La consommation d'oxygbne (VO2) a 6t6 mesurde par un apparefl Deltatrack (Latex®).
R6sultats Le n o m b r e m o y e n d'tmit6s pr61ev6es a 6t6 de 2,7 par malade. Soixante-dix malades ont subi au moins 3 pr616vements (6 patients ont eu 4 pr616vements) et 36 n ' o n t eu que 2 prfl~vements. Le d61ai m o y e n entre l'inclusion et le premier pr61bvement a 6t6 de 11,9 jours (0-75), de 7,6 jours entre le premier et le deuxi6me pr616vement et de 8 jours entre le 2 ~ et le 3% L'intervention a eu lieu en m o y e n n e 23,2 jours (12-97) aprbs l'inclusion et 8,3 jours (3-12) aprbs le dernier pr61bvement. Nous n'avons pas observ6 de s6rologie HIV ou HCV positive ni d'antig6n6mie HBs qui aurait entrain6 l'exclusion du protocole. L'intervention a eu lieu /~ l'h6pital de la Piti6 (71 malades), au Centre m6dico-chirurgical de la Porte de Choisy (22 malades), ~t l'h6pital Lariboisi6re (11 malades) et g l'h6pital Broussais (2 malades). Dans la p6riode postop6ratoire immfdiate, il y a eu deux d6c6s (un par m6diastinite, l'autre par choc cardiog6nique irr6versible). Onze patients ont eu des complications graves mais qui n ' o n t pas laiss6 de s6quelle : 4 m6diastinites, 2 tamponnades, 1 arr6t cardiaque, 1 infarctus du myocarde, 1 lfichage des sutures costo-stemales, et 2 accidents vasculaires c6r6braux transitoires.
Tol6rance elinique La tol6rance clinique a 6t6 bonne puisque settlement 7 incidents star 285 pr61~vements ont 6t6 observ6s soit 2,4 %. Trois incidents sont survenus durant le premier pr616vement : deux douleurs thoraciques abr6g6es par la trinitrine avec darts les deux c a s t m ECG postcritique normal, et u n malaise vagal b6nin rapidement r6solutff avec 0,5 m g d'atropine. Quatre incidents se sont produits lots du 2 e pr61bvement : 1 malaise vagal spontan6ment r6solutif, 1 malaise vagal c6dant avec 0,5 m g d'atropine avec tree gbne pr6cordiale, I'ECG n'6tant pas modifi6, 1 douleur thoracique pr6coce calm6e par l'administration d'un d~riv6 nitr6 et une douleur thoracique retard6e de quelques heures, avec un ECG inchang6. Aucun de ces incidents n ' a entrain6 l'arr~t du protocole. Aucun incident n'est apparu lors d ' u n 3 ~ ou 4 ~ pr616vement. La baisse tensionnelle (tension systolique) provoqu6e par le pr61~vement sanguin a 6t6 faible, en m o y e n n e de 7,3 ± 2,8 m m H g chez les patients coronariens alors que dans une population de donneurs du mbme fige elle a 6t6 de 11 ± 5 m m H g (Fig. 1). Cette diff6rence n'est pas significafive (test de Student). Les variations de la fr6quence cardiaque
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V a r i a t i o n s de la PA s v s t o l i a u e au cours des or61@vement~, PA systolique en mmHg 140 120 100 8O 6O 40 20 O
-
Inclusion
ler pr#l@v.
2@me pr@l@v.
3@mepr@l@v.
[ ] Avant ]e pr~l~vement [ ] imm~dlatementapr~s ]e pr~l~v. [ ] apr~s compensation ~6.
I. - P r e s s i o n a r t 6 r i e l l e m o y e n n e
au cours des pr616vements.
ont 6t6 minimes : 2 pulsations/min en m o y e n n e (0-10). La consommation d'oxyg6ne a 6t6 mesurhe avant, pendant et apr6s les prfl6vements chez 10 coronariens et 2 valvulaires : aucune modification significative n ' a 4t6 observ6e.
Tol6rance h6matologique La tol6rance hdmatologique a 6t6 6galement satisfaisante. La baisse m o y e n n e du taux d'h6moglobine entre le 1~r et le 2 e pr61bvement a 6t4 de 0,73 g/dl et de 0,22 g/dl entre le 2~ et le 3~ pr616vement, soit au total moins de 1 g/dl. Au 8~ jour postop@atoire le taux m o y e n d ' H b 6tait de 11 g/dl (voir Fig. 2). Les r~ticulocytes 4taient en m o y e n n e de 8 3 - 5 0 0 / m m 3 initialement de 9 6 0 9 0 / m m 3 avant le 2 e pr616vement, de 1 1 2 0 0 0 / m m 3 avant le Y pr61~vement et de 150 0 0 0 / r a m 3 au 8e jour postop6ratoire (Fig. 3). Le fer s6rique 6tait de 16,4 micromoles/1 avant le i e~ pr416vement et de 7,6 micromoles/1 au 8~ jour postop6ratoire. Treize malades (10 h o m m e s et 3 femmes) sur 106 avaient ~ l'inclusion un taux d ' H b infhrieur ~ 13 g/dl (12 g/dl en moyenne), si bien que le n o m b r e de pr616vement a dfl htre limit6/~ deux chez 11 d'entre eux.
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taux d'h~moglobine g/dl
15" 14" 13 12 11 10 9 8 initial
i
I
1er pr~l~vement
I
2~me pr~l~vement
I
8~me jour
3~me pr~l~vement
post-op~ratolre
FIG. 2. - Variation d u taux m o y e n d ' h 6 m o g l o b i n e .
reticulocytes/mm
3
170 150 130 110, 90q J
70 ~0
1er prel.
I
2~me prel,
I
3eme prel.
FIG. 3. - Variation d u n o m b r e m o y e n de r6ticulocytes.
I
8~me jour post-op~ratoire
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taux d'hL,moglcb:c.e en g/dl 16 14 12 10 8 6 4 2 0 1
2
3
4
5
6
7
1 : Biologie de depart 2: Avant le premier pr~l~vement 3: Avant le deuxi~me pr~l~vement 4: Avant le troisi~me pr~l~vement 5: En pr~-op~ratoire imm~diat 6: En post-op~ratoire immediat 7: Au 8~me jour post-op~ratoire FIG. 4. - Evolution d u t a u x d ' h 6 m o g l o b i n e chez les patients a v e c t a u x i m m 6 d i a t e m e n t pr6- et postop6ratoires.
Chez les 23 patients dont le taux d'h6moglobine a pu ~tre mesur6 imm~diatement avant et apr~s l'op6ration (taux d'Hb moyen initial de 14 g/dl), les taux d'Hb imm6diatement pr6- et postop6ratoires 6taient respectivement de 12,2 g/dl et 8,9 g/dl en moyenne (Fig. 4). Compte tenu de la diminution du taux d'h6moglobine entre l'inclusion et l'intervention de 14,3 g/d1 A 12,2 g/d1, soit 1,8 g/dl en moyenne, on peut consid6rer que l'on a r6alis6 une h6modilution pr6op6ratoire progressive.
Autosuffisance Pour les 106 malades, l'autosuffisance globale a &t~ de 74 %, elle a ~t6 de 84 % pour les 70 patients pr61ev6s trois lois et seulement de 52 % pour les 36 patients qui n'avaient 6t& pr~lev&s que deux lois, soit en raison
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d'une baisse du taux d'h6moglobine, soit le plus souvent en raison d ' u n ddlai trop court entre l'inclusion et l'intervention (Fig. 5). Les 27 malades (26 %) chez qui une transfusion homologue a 6t6 n6cessaire avaient un h o m b r e m o y e n de pontages 6gai /t celui de la population globaie : ils ont requ 96 concentr6s globulaires homologues soit 3,6 par malade. Les 13 patients qui ont eu des suites op6ratoires compliqu6es se trouvent parmi les 27 patients non autosuffisants. Par ailleurs 50 % des 13 malades ayant u n taux d ' H b initial < 13 g/dl ont 6t6 autosuffisants.
DISCUSSION
La tol6rance aux pr616vements a 6t6 bonne darts l'ensemble : la fr6quence des incidents : 2,4 % (7 sur 285 pr61~vements) est similaire/t celle qui est observ6e chez les donneurs de sang, donc indemnes de cardiopathie [7, 8]. Ceci rejoint l'exp6rience d'autres 6quipes [2, 3]. Ces incidents ont eu une 6volution favorable avec u n traitement simple: sulfate d'atropine ou trinitrine. La baisse de TA d'ailleurs moddr6e n ' a pas entrain6 de tachycardie r6flexe, ce qui aurait eu pour cons6quence d'augmenter les besoins en oxyg6ne du m y o c a r d e et donc l'isch6mie. La consommation d'oxyg~ne (VO2) 6gale au produit du d6bit cardiaque et de la diff6rence art6rioveineuse en Oz est rest6e constante. Un malaise vaso-vagal pendant le pr616vement, g6n6ralement le premier, repr6sente n6anmoins un incident s6rieux pouvant amener/~ interrompre le protocole d'autotransfusion, c o m m e ce fur le cas pour l'un des malades exclus. En effet, il peut 6tre plus s6v~re en raison de l'hypovol6mie relative ou absolue secondaire aux diur6tiques, aux m6dicaments vasodilatateurs (d6riv6s nitr6s, certains inhibiteurs calciques, inhibiteurs de l'enzyme de conversion) et de la bradycardie induite par les b6tabloqueurs ou certains inhibiteurs calciques. En outre, les b6tabloqueurs pr6viennent ou abolissent la tachycardie r6flexe induite par l'hypovol6mie. I1 nous semble donc pr6f6rable chez ces patients coronariens de corriger rapidement l'hypovol6mie secondaire an pr616vement par une compensation vol6mique syst6matique. Le choix du Plasmion ® a 6t6 dict6 par sa demi-vie (3-4 heures), sa b o n n e tol6rance (les accidents allergiques 6tant peu fr6quents et r a r e m e n t graves) et son faible cofit. L'espacement optimal des pr616vements nous semble ~tre de sept jours, en raison de l'6volution des pararn6tres h6matologiques : l'augmentation des r6ticulocytes se situe entre le deuxi6me et le troisi6me pr616vement soit, en moyenne, entre le 8 ~ et le 19~ jour. Si le taux d'h6moglobine initial est un peu bas (compris entre 11,5 et 13 g/N), il peut sembler logique de difffirer prdf6rentiellement le deuxi6me pr616vement. Si la baisse du taux d ' H b pendant la p6riode des pr616vements est sup@ieure aux limites observ6es dans cette 6tude, c'est-g-dire : 1 g/dl au
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73 %
84 %
52 ,%
FIG. 5. - Autosuffisance. Autosuffisance chez les 106 c o r o n a r i e n s : 73 %. Autosuffisance c h e z les patients pr61ev6s trois lois o u plus : 84 %. Autosuffisance chez les patients pr61ev6s dettx lois o u m o i n s : 52 %.
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total, il peut btre utile d'effectuer un brian digestif/t la recherche d'une 16sion h6morragique. Une telle baisse n'a pas 6t6 observ6e dans notre population. La baisse du taux d'h6moglobine entre le i er et le 3e pr616vement a 6t6 de 0,9 g/dl soit 7,5 %. Une telle diminution du tanx de l'Hb peut 8tre compens6e par une augmentation proportionnelle du d6bit cardiaque pour rnaintenir la quantit6 d'Oz transport6e ; cette augmentation du d6bit cardiaque est possible chez la plupart des patients sanf chez les patients en bloc auriculo-ventriculaire chronique, porteurs d'un stimulateur, et les patients en insuffisance cardiaque. Chez le coronarien, l'hypotension induite par la salgn6e peut avoir deux cons6quences d6favorables : une diminution de la pression de perfusion/~ travers la st6nose coronaire et une tachycardie r6flexe qui augrnente les besoins en oxyg6ne du myocarde. A l'oppos6 il est possible que l'h6modilution entraln6e par les prN~vements puisse avoir des avantages rhdologiques, la diminution de la viscosit6 sanguine facilitant la perfusion tissulalre, notamment rnyocardique, comme certaines 6tudes exp6rimentales et cliniques l'ont montr6 [9, 10, 11]. L'arr6t des th6rapeutiques antiaggr6gantes dans un d61ai variable avant l'intervention permet de limiter les risques h6morragiques pr6 et perop6ratoires. Quatre-vingt-quatre pour cent des patients pr61ev6s trois fois ont b6n6fici6 d'une TA exclusive alors que seulement 52 % des patients prdlevds deux fois ont 6t6 autosuffisants. I1 est donc pr6f6rable d'envisaget de pratiquer trois pr616vements chez les patients subissant trois pontages, ce qui suppose un taux d'h6moglobine initial sup6rieur 13 g/dl. Cependant un taux d'Hb compris entre 11,5 et 13/dl nd'doit pas faire h6siter/~ proposer ce protocole car dans 50 % des cas, ces malades ont 6t6 autosuffisants et leur taux d'Hb postop6ratoire 10,3 g/dl est acceptable. Le rythme id6al nous semble 8tre de trois pr618vements/~ sept joars d'intervalle. Lorsque l'intervention a lieu dans des d61ais plus rapproch6s il est possible de r6aliser le dernier pr616vement trois jours avant l'intervention. Si les besoins sont sup6rieurs /~ trois concentr6s 6rythrocytaires, il serait clans l'avenir utile de pouvoir pr61ever sur PAGGS-Mannitol (actuellement non autoris6) permettant une conservation de 42 jours) [12].
CONCLUSION Cette 6tude confirme que les sujets coronariens candidats fi des pontages programm6s peuvent b6n6ficier des avantages de la TA. Les techniques de pr616vements programm6s en vue de transfusion autoiogue diff6r6e, utilis6es chez ces 106 patients coronariens, en compl6ment des techniques perop6ratoires de TA ont permis d'6viter la transfusion homologue/~ 74 % d'entre eux. Le taux d'autosuffisance optimal de 84 % a 6t6 observ6 pour les malades pr61ev6s 3 fois. Le nombre optimal de pr61bvements g programmer semble 6tre de trois pour 3 pontages. I1 est
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donc souhaitable de disposer d ' u n d41ai suffisant (3 semaines) avant l'intervention p o u r effectuer ces pr416vements. L'inclusion de ces patients dans des protocoles de TAP doit donc 6tre, c o m m e dans notre exp6rience, propos6e le plus t6t possible dhs l'indication chirurgicale pos4e. Le risque des pr61~vements chez le sujet coronarien semble millime condition d ' a v o i r des crit6res stricts d'exclusion. Les crit~res d'exclusion imp4ratifs sont : un t a u x d ' H b inf6rieur ~t 11,5 g / d l et une crise angineuse dans les jours pr6c6dant le pr616vement et un 6tat infectieux. La b o n n e tol6rance observ6e suppose u n e surveillance m6dicale stricte, la proximit6 d ' u n service d'hospitalisation lors des pr61bvements, et pour nous u n e c o m p e n s a t i o n vol6mique p a r u n solut6 m a c r o m o l 6 c u l a i r e ; ce choix repose sur la fragilit4 particulihre de ces malades soumis a des th6rapeutiques modifiant l ' a d a p t a t i o n et la sensibilit6 physiologique l'hypovol4mie entrain6e p a r le pr616vement. Deux autres avantages de cette m 6 t h o d e nous apparaissent : la r6alisation d ' u n e h6modifution h o m o v o l 6 m i q u e progressive mod4r6e darts la phriode pr6op6ratoire, p e u t 6tre b6n6fique p o u r le sujet coronarien et d ' a u t r e p a r t une am61ioration de la pr6paration/~ l'intervention : surveillance accrue lots des visites au CTS et prise en charge psychologique de ces patients qui participent ainsi activement ~t leur intervention. Dr. M.F. FRUCHART Poste d ' H 6 m o b i o l o g i e Transfusion H6pital Louis-Mourier 92701 Colombes Cedex.
BIBLIOGRAPHIE
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