Tumeur du scalp : mode révélateur rare de carcinome vésiculaire thyroïdien

Tumeur du scalp : mode révélateur rare de carcinome vésiculaire thyroïdien

Médecine Nucléaire 35 (2011) 578–580 Cas clinique Tumeur du scalp : mode révélateur rare de carcinome vésiculaire thyroïdien Scalp tumor: A rare pre...

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Médecine Nucléaire 35 (2011) 578–580

Cas clinique

Tumeur du scalp : mode révélateur rare de carcinome vésiculaire thyroïdien Scalp tumor: A rare presenting sign of thyroid follicular carcinoma O. Boumaaza *, H. Guerrouj, I. Ghfir, N. Ben Raïs Aouad Service de médecine nucléaire de l’hôpital Ibn Sina, université Mohamed V Souissi, Rabat, Maroc Reçu le 21 juin 2011 ; accepté le 24 juin 2011 Disponible sur Internet le 19 septembre 2011

Résumé Les métastases cutanées du carcinome vésiculaire de la thyroïde sont rares. Sa révélation par une métastase au niveau du scalp reste exceptionnelle. Nous rapportons le cas d’une patiente de 70 ans, qui a consulté pour une tuméfaction du scalp augmentant progressivement de volume. Une tomodensitométrie a révélé un processus tumoral important du scalp au niveau occipital avec une discrète lyse osseuse en regard. Une intervention chirurgicale pour résection de la tumeur a été réalisée et l’examen anatomopathologique a mis en évidence une métastase cutanée d’un cancer vésiculaire thyroïdien. Cette observation illustre le mode révélateur rare de carcinome vésiculaire peu différencié. La topographie de ces métastases au niveau du scalp est caractéristique. Elles surviennent dans un contexte de dissémination métastatique diffuse et apparaissent comme un élément de mauvais pronostic dans l’évolution des cancers thyroïdiens différenciés. # 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Métastase cutanée ; Cuir chevelu ; Cancer vésiculaire thyroïdien

Abstract Cutaneous metastases of thyroid follicular carcinoma are rare. A scalp metastasis revealing a thyroid cancer is exceptional. We report the case of a 70 year-old women who presented with a scalp tumor progressively increased. Morphological imaging disclosed an important cutaneous tumor in occipital region with osteolysis. Surgical resection of this tumor was performed and pathology identified a cutaneous metastasis of a thyroid follicular cancer. This case report illustrates a rare presenting sign of thyroid follicular cancer. Cutaneous metastases coexists with other metastases (bone or lung) and means and ominous prognostic factor for the evolution of thyroid follicular cancer. # 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Cutaneous metastasis; Scalp; Thyroid follicular cancer

1. Introduction

2. Observation

Les métastases cutanées des carcinomes différenciés de la thyroïde sont rares avec seulement 44 cas décrits dans la littérature. Lorsqu’elles existent, elles intéressent essentiellement le cuir chevelu et la région cervicale. Nous rapportons le cas d’une métastase du scalp révélant un carcinome vésiculaire de la thyroïde multimétastatique.

Chez une femme de 70 ans, avec antécédents de thyroïdectomie totale pour un goitre multihétéronodulaire, l’examen anatomopathologique a été non concluant et la patiente a été perdue de vue. Trois ans plus tard, la patiente a présenté une tuméfaction du scalp en région occipitale. La TDM a objectivé un processus tumoral au niveau du cuir chevelu en région occipitale avec une discrète lyse osseuse en regard. Une biopsie puis une résection chirurgicale ont été réalisées et l’examen histologique a trouvé une métastase d’un carcinome vésiculaire thyroïdien. Le bilan initial de référence avait objectivé la présence d’un résidu cervical avec des localisations métastatiques osseuses et un taux élevé de la thyroglobuline. La patiente a été traitée par lévothyroxine à dose frénatrice :

* Auteur correspondant. Résidence Al Irfane, immeuble 24, appartement 10, Agdal-Ryad, Rabat, Maroc. Adresse e-mail : [email protected] (O. Boumaaza).

0928-1258/$ – see front matter # 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.mednuc.2011.06.009

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2,4 mg/kg par jour. Plusieurs cures d’irathérapie sont dès lors justifiées. 3. Discussion Les métastases cutanées des carcinomes différenciés de la thyroïde sont rares. La littérature décrit 44 cas de carcinome de la thyroïde avec métastases cutanées [1,2]. Dahl et al. [3], sur leur groupe de 43 métastases cutanées recensées, ont rapporté que le carcinome papillaire était la forme la plus fréquemment en cause dans la mesure où elle représente 41 % des cas, suivi par le carcinome vésiculaire (28 % des cas). Koller et al. [4] ont rapporté, quant à eux, une incrimination plus marquée de ces formes vésiculaires dans la genèse des métastases cutanées. Le mécanisme de dissémination métastatique au niveau de la peau du cancer thyroïdien est probablement hématogène [5,6]. Le plus souvent, ces métastases entrent dans le cadre d’une maladie néoplasique disséminée [7,8]. Cliniquement, elles se manifestent le plus souvent par un ou plusieurs nodules souscutanés, fermes, mobiles, recouverts d’une peau normale ou inflammatoire de couleur chair, habituellement indolores. Leur taille varie de quelques millimètres à plusieurs centimètres de diamètre. L’évolution spontanée se fait vers l’ulcération nécrotique avec surinfection fréquente. L’érosion de l’os sous-jacent est possible, mais elle est discrète et parfois non évidente aux examens morphologiques [3,9–13]. Chez notre patiente, la tumeur était indolore, d’une taille de 11 cm, ulcérée et surinfectée avec érosion de l’os sous-jacent. Chez certains patients, comme c’est le cas pour notre patiente, les métastases cutanées peuvent constituer le seul

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élément révélateur de la néoplasie thyroïdienne primitive à un stade occulte [4,12,14]. Leonard rapporte dans son étude que les métastases cutanées étaient présentes chez 7,6 % des patients comme premier signe d’une néoplasie méconnue [10]. Les métastases révélatrices d’un carcinome différencié de la glande thyroïde sont rares. Leur incidence est plus importante dans le cas de carcinome vésiculaire que dans le cas de carcinome papillaire. Leur présence au moment du diagnostic initial est un facteur de pronostic défavorable quel que soit le type histologique. Elles sont présentes initialement dans 1 à 3 % des cancers papillaires et dans 7 à 15 % des cancers vésiculaires. Elles sont significativement associées à une diminution de la survie [1,2,8,14]. Le cuir chevelu constitue le siège de prédilection de ce type de métastases ; il n’y a pas de différence liée au sexe [3,7,11]. Chez notre patiente, la métastase cutanée siégeait au niveau du scalp en région occipitale sous forme d’une importante masse palpable. La confirmation diagnostique repose sur une biopsie des lésions cutanées, complétée par un examen histologique après résection de la tumeur. Les métastases cutanées se caractérisent par la présence d’une prolifération tumorale dermique et/ou hypodermique faite de cellules malignes d’origine extracutanée [1,3,7,15–17]. Le diagnostic histologique des métastases cutanées est souvent difficile, notamment lorsque la tumeur primitive est méconnue [1,8–10]. Cependant, l’examen histologique initial peut s’avérer non concluant et il est intéressant, dans ce cas, d’effectuer une étude immuno-histochimique pour confirmer la nature thyroïdienne de la métastase [1,8,10]. Les examens immuno-histochimiques peuvent être, dans certains cas, privilégiés et permettent de démontrer l’origine de

Fig. 1. Balayage corps entier à l’iode 131 à dose diagnostique, en incidence antérieure, après sevrage de quatre semaines, montrant des métastases osseuses multiples. Iodine 131 whole-body scanning ‘‘diagnostic dose’’, anterior view, displaying multiple bone metastases.

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la métastase, notamment dans les cas de tumeurs exprimant des antigènes spécifiques d’organe. En effet, les métastases cutanées du cancer de la thyroïde peuvent être parfois prises à tort pour des cancers cutanés primitifs et poser un problème de diagnostic différentiel, suscitant ainsi l’utilisation de marqueurs immuno-histochimiques, notamment les anticorps anti-thyroglobuline ou encore un anticorps anti-facteur de transcription thyroïdienne (TTF1) qui ont l’avantage de différencier les métastases d’origine thyroïdienne des autres carcinomes primitifs ou tumeurs mésothéliales [1,4,7–10,18]. Il y a lieu de rapporter le cas d’une tumeur fibromusculaire au niveau du tiers inférieur du bras droit évoquant en premier une tumeur sarcomateuse du tissu mou, mais le diagnostic de métastases d’un carcinome folliculaire de la thyroïde a été établi par immuno-histochimie [9]. Le pronostic est le plus souvent sombre, avec un taux de survie moyen après la découverte des métastases cutanées, estimé à 19 mois [1,7,8,14]. Cela peut être expliqué par le fait que ce type de métastases survient dans un contexte de dissémination métastatique diffuse, coexistant avec d’autres types de localisations secondaires à distance, notamment osseuses et/ou pulmonaires. Comme c’est le cas pour cette patiente dont le bilan d’extension a mis en évidence des métastases osseuses multiples (Fig. 1). 4. Conclusion Les métastases cutanées du carcinome vésiculaire de la thyroïde sont rares. Sa révélation par une métastase au niveau du scalp reste exceptionnelle, présentant un facteur de très mauvais pronostic. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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