Un cas de métastase intrathyroïdienne d’un primitif inhabituel

Un cas de métastase intrathyroïdienne d’un primitif inhabituel

Cancer/Radiothérapie 13 (2009) 213–215 Cas clinique Un cas de métastase intrathyroïdienne d’un primitif inhabituel A case of thyroid metastasis of a...

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Cancer/Radiothérapie 13 (2009) 213–215

Cas clinique

Un cas de métastase intrathyroïdienne d’un primitif inhabituel A case of thyroid metastasis of an unusual cancer H. Dhouib a , A. Ben Hmida a , J. Daoud b , M. Frikha c , I. Charfeddine a , A. Ghorbel a,∗ a

Service ORL et chirurgie cervicofaciale, CHU Habib Bourguiba, avenue Magida Boulila, 3029 Sfax, Tunisie b Service de radiothérapie, CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie c Service de carcinologie médicale, CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie Rec¸u le 26 mai 2008 ; rec¸u sous la forme révisée le 6 janvier 2009 ; accepté le 18 janvier 2009 Disponible sur Internet le 26 mars 2009

Résumé Le cancer du nasopharynx touche préférentiellement l’adulte jeune. Les métastases ganglionnaires et viscérales sont fréquentes, ce qui explique une partie des échecs thérapeutiques. Nous rapportons une observation de métastase intrathyroïdienne. Il s’agissait d’un patient âgé de 50 ans atteint d’un cancer du nasopharynx de stade T4 N2M0. Quatre ans après une chimioradiothérapie concomitante, ont été mises en évidence une masse compressive de la loge thyroïdienne compressive et des adénopathies cervicales, qui après une thyroïdectomie totale se sont avérées être des métastases d’un carcinome indifférencié du nasopharynx. Une nouvelle chimioradiothérapie concomitante a fait fondre la tumeur mais l’évolution a été marquée par plusieurs épisodes de récidive ganglionnaire. Les cancers secondaires de la glande thyroïde sont rares. L’origine nasopharyngée n’a été qu’exceptionnellement rapportée. Elle pose plusieurs problèmes quant à son étiopathogénie et son traitement qui n’est pas codifié dans la littérature. Le pronostic comme pour toute forme métastatique de cancer du nasopharynx reste défavorable. © 2009 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Cancer du nasopharynx ; Métastase ; Glande thyroïde

Abstract Nasopharyngeal carcinoma affects preferentially young adults and is characterized by a high rate of node and visceral metastases that explains a part of therapeutic failure. We report a case of thyroid metastasis of a nasopharyngeal carcinoma. A 50-year-old patient had been treated of a nasopharyngeal carcinoma (T4 N2M0). Four years after a concomitant chemoradiotherapy, he presented with a compressive mass in the thyroid loge associated to cervical nodes. He underwent a total thyroidectomy and the definitive result concluded to an carcinome indifférencié de type nasopharyngé (UCNT) thyroid metastasis. A new concomitant chemoradiotherapy was delivered and consequently the tumor disappeared. Secondly, several node recurrences occurred. Metastasis of UCNT in thyroid gland is exceptional. Several problems are related to its aetiopathogenesis and to its treatment that is not systematized in the literature. The prognosis like for all metastatic forms of nasopharyngeal cancer is unfavorable. © 2009 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Nasopharyngeal cancer; Disease metastatic; Thyroid gland

1. Introduction Le cancer du nasopharynx touche préférentiellement l’adulte jeune et les métastases ganglionnaires et à distance sont fréquentes, ce qui explique une partie des échecs thérapeutiques. Ces métastases sont surtout pulmonaires, osseuses et hépatiques.



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Ghorbel).

Nous rapportons une observation de métastase thyroïdienne d’un cancer du nasopharynx pour en dégager les caractéristiques thérapeutiques et évolutives. 2. Observation Monsieur C .M., âgé de 47 ans, a été atteint en 1996 d’un carcinome indifférencié du nasopharynx découvert à l’occasion d’un syndrome otologique, d’un syndrome neurologique et d’un syndrome ganglionnaire. La tumeur a été classée T4 N2 M0

1278-3218/$ – see front matter © 2009 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.canrad.2009.01.004

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selon les recommandations de l’union internationale de lutte contre le cancer (UICC) de1997. Le patient a été traité par trois cures de farmorubicine et de cisplatine puis par une irradiation bifractionnée (deux séances quotidiennes de 1,6 Gy à six heures d’intervalle) de 70 Gy dans le nasopharynx et les premiers relais cervicaux bilatéraux et 50 Gy dans le reste des aires ganglionnaires. L’évolution était favorable avec une rémission complète locale et ganglionnaire. Après quatre ans, le patient a été hospitalisé pour une tuméfaction basicervicale antérieure évoluant depuis un mois avec dysphagie aux solides, dysphonie mais sans dyspnée ni signes de disfonctionnement thyroïdien. À l’examen, il s’agissait d’une masse de la loge thyroïdienne, indurée, fixée au plan profond, à limites imprécises, de 4 cm de grand axe et à prédominance droite. La palpation cervicale a trouvé de multiples adénopathies jugulocarotidiennes supérieures, bilatérales, centimétriques. L’endoscopie laryngée a montré un hypopharynx et un larynx de muqueuse normale avec une mobilité cordale diminuée à droite. L’échographie cervicale a rattaché cette masse à la glande thyroïde, qui était par ailleurs multinodulaire et a objectivé de multiples adénopathies cervicales bilatérales de tailles variables, d’allure suspecte. La scintigraphie thyroïdienne a conclu à un volumineux nodule froid totolobaire droit. L’IRM du nasopharynx et cervicale a montré : • un nasopharynx symétrique sans aspect de récidive locale ; • une lésion expansive aux dépens du lobe droit de la thyroïde envahissant les parties molles en regard et engainant partiellement l’œsophage cervical (Fig. 1). La radiographie du thorax, l’échographie abdominale et la scintigraphie osseuse étaient normales. Le bilan a été complété

Fig. 1. IRM cervicale, coupe axiale, après injection de gadolinium : tumeur du lobe thyroïdien droit envahissant les parties molles antérieures, la paroi trachéale latérale droite et engainant l’œsophage cervical. La tumeur arrive en arrière jusqu’au plan prévertébral. Cette tumeur se rehausse de fac¸on hétérogène après injection de gadolinium. Cervical MRI, axial cut, after gadolinium injection: tumor of the right thyroid lobe invading the former soft parts, the right-hand side of trachea and around the cervical esophagus. The tumor arrives until the prevertebral plan. It raises in a heterogeneous way after gadolinium injection.

Fig. 2. Scanographie cervicale de contrôle après deux ans, coupe axiale : disparition totale de la tumeur cervicale. Cervical CT after two years, axial cut: total disappearance of the cervical tumor.

par une panendoscopie sous anesthésie générale qui a trouvé une légère résistance à l’introduction de l’œsophagoscope au niveau la partie proximale de l’œsophage cervical avec muqueuse normale, évoquant une compression extrinsèque. L’hypopharyngoscopie a montré un œdème de la paroi externe du sinus piriforme droit. La laryngoscopie ainsi que la trachéoscopie et la cavoscopie étaient normales. Devant ce tableau clinique, vu la fréquence élevée des cancers différenciés de la thyroïde et la rareté des formes métastatiques d’origine nasopharyngée, une forme néoplasique thyroïdienne a été la plus évoquée. La cytoponction, ainsi pratiquée n’était pas concluante Une cervicotomie exploratrice, diagnostique et thérapeutique a été alors décidée. Il a été constaté pendant l’opération que la tumeur infiltrait la glande thyroïde et les structures de voisinage, périchondre du cartilage thyroïde et de la trachée, œsophage, nerf récurrent droit, axe vasculaire cervical droit. Le patient a bénéficié d’une exérèse large de la tumeur et d’une thyroïdectomie totale respectant l’axe laryngotrachéal. L’examen anatomopathologique extemporané et définitif a conclu à une infiltration multifocale de la thyroïde par un carcinome indifférencié de type nasopharyngé. Une nouvelle chimioradiothérapie concomitante a été délivrée. Dès la deuxième cure, la déglutition s’est améliorée. Six mois après la fin du traitement, l’examen a noté une fonte totale de la tumeur (Fig. 2). Une récidive ganglionnaire, sous-mentale et axillaire est survenue à deux ans et été traitée par chirurgie et quatre cures de paclitaxel, puis sont apparues des adénopathies médiastinales antérieures. Un traitement palliatif a été alors indiqué mais le patient est décédé suite à des troubles respiratoires. 3. Commentaire Les métastases des cancers extrathyroïdiens dans la glande thyroïde ne représentent que 4 % des tumeurs malignes de la

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thyroïde. Leur taux d’incidence peut atteindre 24 % dans les séries cadavériques [12]. Ils sont plus fréquents chez les patients âgés de plus de 60 ans [11]. La voie de dissémination métastatique à la glande thyroïde est discutée. La voie hématogène est la plus évoquée [4,8] et elle explique la rareté de ces cancers secondaires. En effet, l’hypervascularisation de la glande thyroïde empêche la fixation des emboles néoplasiques dans cet organe [8]. Plusieurs types de cancers ont été décrits à l’origine des métastases intrathyroïdiennes. Le cancer du rein a été le plus incriminé [12]. Le carcinome nasopharyngé a été rarement rapporté comme responsable de ces cancers secondaires [5,7]. La métastase intrathyroïdienne peut révéler ou apparaître au cours du suivi du cancer primitif [8]. Le délai entre la tumeur primitive et métastase peut varier de un mois et 26 ans [3,6,10,13]. Selon Chen et al., 80 % des cancers secondaires de la thyroïde apparaissent après trois ans de la cure de la tumeur primitive [2]. Sur le plan clinique, le mode de révélation de ces métastases thyroïdiennes n’est pas spécifique et les manifestations cliniques sont rares [13,3]. Il s’agit d’un ou de plusieurs nodules thyroïdiens évoluant dans un contexte d’euthyroïdie [3]. La paralysie récurrentielle est rare [4]. Le diagnostic de la métastase, suspecté cliniquement, peut être mieux orienté par la cytologie à l’aiguille fine, qui selon certains auteurs doit être dans ce contexte systématique. Elle permet de montrer l’aspect de néoplasie secondaire de la thyroïde dans environ 80 % des cas [1,2]. Cependant, le caractère peu ou indifférencié de ces tumeurs rend l’interprétation de cet examen difficile, surtout en cas de cancer primitif non connu [3,8,10]. Le traitement des métastases intrathyroïdiennes est discuté. L’attitude chirurgicale est sujette à des controverses quant à sa légitimité et son étendue. La décision thérapeutique dépend du résultat du bilan d’extension préopératoire. En cas de métastase thyroïdienne isolée ou si les autres métastases sont opérables, une chirurgie thyroïdienne est proposée [9,10,13]. Elle est variable selon les auteurs. Certains pratiquent thyroïdectomie totale, d’autres se contentent d’une loboisthmectomie quand la tumeur est unilatérale [8,9]. Papi et al. ont séparé leurs patients en deux groupes : un qui a bénéficié d’une thyroïdectomie totale et l’autre qui n’a pas été opéré. Ils ont conclu que la chirurgie n’a eu d’effet ni sur la survie globale ni la durée moyenne de survie, donc elle ne permettait pas d’allonger la vie des patients. Elle pourrait être utile pour éviter plus de dissémination de la tumeur primitive [11]. Le curage

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ganglionnaire cervical est discuté, surtout en cas de carcinome nasopharyngé, tumeur connue radiosensible. Peu d’auteurs ont pratiqué une chirurgie ganglionnaire face à une métastase thyroïdienne mais de primitif non nasopharyngé. Dequanter et al. ont pratiqué huit curages ganglionnaires cervicaux. À l’examen anatomopathologique, le curage n’a été « positif » que dans trois cas [3]. Pour certains, le curage peut être indiqué dès qu’il y a des adénopathies cervicales palpables [3]. La chimiothérapie et la radiothérapie peuvent être indiquées chez les patients atteints de multiples métastases [1,6]. Le pronostic est défavorable, comme dans les métastases extrathyroïdiennes [6,11]. Références [1] Bakhos D, Lescanne E, Beutter P, Morinière S. Métastase thyroïdienne d’un cancer rénal. Ann Otolaryngol 2007;124:301–4 (doi: 10.1016/j.aorl.2006.11.003). [2] Chen H, Nicol Tn, Udelsman R. Clinically significant, isolated metastatic disease to the thyroid gland. World J Surg 1999;23:177–81. [3] Dequanter D, Lothaire Ph, Larsimont D, de Saint-Aubain de Somerhausen N, Andry G. Métastases intrathyroïdiennes : série de 11 cas. Ann Endocrinol 2004;65:205–8. [4] Heffess CS, Wenig BM, Thompson LD. Metastatic renal cell carcinoma to the thyroid gland. A clinicopathologic study of 36 cases. Cancer 2002;95:1869–78. [5] Jalaludin MA, Rajadurai P, Va R, Prasad U. Thyroid metastatic from nasophryngeal carcinoma: a case report. J Laryngol Otol 1994;108:886–8. [6] Kim T, Kim W, Gong G, Hong S, Shong Y. Metastasis to the thyroid diagnoses by fine-needle aspiration biopsy. Clin Endocrinol (Oxf) 2005;62:236–41. [7] Lam KY, Lo CY. Metastatic tumors of the thyroid gland: a study of 79 cases in Chinese patients. Arch Pathol Lab Med 1998;122:37–41. [8] Ménégaux F, Chigaux JP. Les métastases thyroïdiennes. Ann Chir 2001;126:981–4. [9] Mirallié E, Rigaud J, Mathonnhet M, Gibelin H, Regenet N, Hamy A, et al. Management and prognosis of metastases to the thyroid gland. J Am Coll Surg 2005;200:203–7. [10] Nakhjavani M, Gharib H, Goellner JR, Van Heerden JA. Metastasis to the thyroid gland, a report of 43 cases. Cancer 1997;79:574–8. [11] Papi G, Fadda G, Carsello SM, Corrado S, Rossi ED, Radighieri E, et al. Metastases to the thyroid gland: prevalence, clinicopathological aspects and prognosis: a 10-year experience. Clin Endocrinol (Oxf) 2007;66:565–71. [12] Silverberg SG, Vidone RA. Metastatic tumors in the thyroid. Pac Med Surg 1966;74:175–80. [13] Wood K, Vini L, Harmer C. Metastases to the thyroid gland: the Royal Marsden experience. Eur J Surg Oncol 2004;30:583–8.