65e Congrès franc¸ais de médecine interne, Clermont-Ferrand, 14–15 et 16 juin 2012 / La Revue de médecine interne 33S (2012) S1–S109
Discussion.– Le syndrome cataracte-hyperferritinémie est une maladie héréditaire rare de transmission autosomique dominante. Il est caractérisé par l’association d’une élévation persistante du taux de ferritine sérique, sans surcharge en fer associée (coefficient de saturation de la transferrine normal ou abaissé), et d’une cataracte de développement précoce et progressif. Il est causé par des mutations du motif IRE des ARN messagers de la L-ferritine entraînant une perte de la régulation traductionnelle médiée par le fer de la L-ferritine et une augmentation constitutive de sa production dans les tissus, indépendante des stocks de fer. L’accumulation intracellulaire de ferritine dans le cristallin participerait au développement de la cataracte. Contrairement à certains diagnostics différentiels comme l’hémochromatose de type 4A, il n’existe pas de surcharge hépatique en fer associée. L’apparition d’une cataracte chez des patients lupiques est connue avec notamment un effet iatrogène de la corticothérapie. Une association entre lupus et hyperferritinémie a, par ailleurs, été décrite dans la littérature, associée à la présence d’anticorps anticardiolipines. Cependant la coexistence d’un syndrome cataracte-hyperferritinémie et d’un lupus n’est pas classique. Conclusion.– L’association d’une hyperferritinémie à fer sérique normal et d’une cataracte précoce doit faire penser à ce syndrome de transmission autosomique dominante et entraîner un conseil génétique. Le dosage de la férritinémie chez les apparentés permet un bon dépistage car l’hyperferritinémie est un signe constant. L’expressivité est cependant variable en ce qui concerne la cataracte. Les saignées doivent être proscrites car très mal tolérées du fait de l’absence de surcharge en fer. doi:10.1016/j.revmed.2012.03.124 CA005
Un cas de syndrome héréditaire hyperferritinémie et cataracte (SHHC) V. Chelban , S. Rosenstingl , M. Gatfossé Service de médecine A, centre hospitalier René-Arbeltier, Coulommiers, France Introduction.– Le syndrome héréditaire associant une hyperferritinémie sans surcharge martiale et une cataracte bilatérale précoce (SHHC) est une maladie génétique rare, de transmission autosomique dominante. Patients et méthodes.– Cas clinique. Observation.– Une patiente de 19 ans est adressée pour une hyperferritinémie connue depuis l’âge de 14 ans, associée à une anémie par carence martiale. À 15 ans elle a été opérée d’une cataracte bilatérale. Son père a été opéré d’une cataracte à 34 ans et son grand-père paternel à 30 ans. Son père a une hyperferritinemie. La famille est originaire d’Espagne. L’exploration moléculaire du gène FTL retrouve la mutation A40G à l’état hétérozygote. On confirme le syndrome héréditaire d’hyperferritinémie et cataracte et on corrige la carence martiale associée ! Discussion.– Chez un sujet normal, la synthèse de la L-ferritine est régulée par l’interaction d’une protéine cytoplasmique, l’Iron Regulatory Protein (IRP) avec l’Iron Responsive Element (IRE) une séquence située dans la région non codante en 5 de l’ARNm du gène FTL. La fixation de l’IRP sur l’IRE inhibe la synthèse de la L-ferritine. L’excès de fer modifie la conformation de l’IRP, diminuant son affinité pour l’IRE, ce qui aboutit à une production accrue de L-ferritine [1]. Le SHHC est secondaire à une mutation ponctuelle ou a une délétion partielle, dans la séquence codant pour l’IRE affectant son affinité pour l’IRP. Il s’ensuit une production accrue de L-ferritine alors que le stock de fer est normal [2]. Il y a plus de 30 mutations décrites. La mutation A40G porte le nom de mutation Paris car décrite initialement chez une famille franc¸aise mais a été retrouvée également en Espagne [3].
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La cataracte est la seule conséquence de ce syndrome. Elle est due à l’accumulation de L-ferritine dans le cristallin. Sa sévérité n’est pas corrélée au taux de ferritine. Les plaintes visuelles surviennent vers la deuxième décade. Conclusion.– Ce syndrome doit être différentié des hémochromatoses juvéniles et les saignées évitées car mal tolérées du fait de l’absence de surcharge martiale. Pour en savoir plus [1] Bonneau D, et al. Rev Med Genet 1995;32(10):778–9. [2] Beaumont C, et al. Rev Nature Genet 1995;11(4):444–6. [3] Del Castillo R, et al. Med Clin (Barc) 2007;129:414–17.
doi:10.1016/j.revmed.2012.03.125 CA006
Une carence martiale par géophagie J. Valageas a , C. Tafani b , T. Carmoi b , S. Lecoules b , E. Tuleja b , J.-P. Algayres b a Service de médecine interne, HIA Val-de-Grâce, Paris, France b Service de médecine interne, hôpital du Val-de-Grâce, Paris, France Introduction.– Le pica est un trouble du comportement alimentaire caractérisé par l’ingestion de substances non alimentaires, favorisé par des facteurs culturels, et pouvant entraîner une anémie profonde par carence martiale. Patients et méthodes.– Nous rapportons le cas d’une patiente de 20 ans atteinte d’une anémie par carence martiale d’origine non retrouvée. Observation.– Une jeune femme de 20 ans, d’origine camerounaise, est hospitalisée pour une anémie (Hb : 9 g/dL), microcytaire (VGM : 74 g/L) bien tolérée et chronique malgré un traitement par fer. Il n’existe pas de syndrome inflammatoire et l’électrophorèse de l’hémoglobine est normale. La carence martiale est confirmée par une ferritinémie effondrée (< 10 g/L). L’examen clinique est normal et ne retrouve pas de saignement digestif ou gynécologique expliquant cette carence martiale. La gastroscopie est normale et les biopsies montrent l’absence d’atrophie villositaire, mais une gastrite chronique à Helicobacter pylori qui a été éradiqué. En l’absence de cause à cette carence martiale, l’interrogatoire est repris et la patiente signale une consommation excessive et irrépressible de Kaolin depuis quelques mois, sans raison évidente. Elle a rec¸u une supplémentation ferrique par Fer intra veineux qui a corrigé cette anémie après que toute consommation de Kaolin ait cessé. Discussion.– Le pica est rare, plus fréquemment retrouvé chez les jeunes filles et associé à des facteurs culturels ou ethniques, il n’est retrouvé que dans 5 % des anémies par carence martiale, comme cause principale ou associée. Le pica est caractérisé par une envie compulsive et irrépressible de consommer une substance non alimentaire et est dans 50 % des cas compliqué d’une anémie par carence martiale [1]. Ces habitudes alimentaires déviantes sont peu recherchées à l’interrogatoire et en tout cas jamais exprimées spontanément. Il n’a pas encore été démontré si le pica est cause ou symptômes de la carence martiale. Dans le cas de notre patiente, la carence martiale peut être expliquée par des troubles de l’absorption du fer par interférence avec la consommation de Kaolin. Cependant, la diminution du pica après correction de l’anémie conforte l’hypothèse que le pica est autant un symptôme de la carence martiale qu’une cause. Conclusion.– Une anémie par carence martiale d’origine indéterminée doit systématiquement faire rechercher un PICA par un interrogatoire policier et une enquête alimentaire afin d’éviter des investigations répétées et une errance diagnostique. Références [1] J Med Case Reports 2008;2:324.
doi:10.1016/j.revmed.2012.03.126