Une nouvelle historiographie pour la psychanalyse ou de la psychanalyse comme science ? À propos de… « Revolution in Mind: The Creation of Psychoanalysis » de George Makari

Une nouvelle historiographie pour la psychanalyse ou de la psychanalyse comme science ? À propos de… « Revolution in Mind: The Creation of Psychoanalysis » de George Makari

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L’évolution psychiatrique 76 (2011) 550–560

À propos de. . .

Une nouvelle historiographie pour la psychanalyse ou de la psychanalyse comme science ? À propos de. . . « Revolution in Mind: The Creation of Psychoanalysis » de George Makari夽 Patricia Cotti ∗ Docteur en psychopathologie et psychanalyse, psychologue clinicienne, CHS de Maison-Blanche (Paris), chargée d’enseignement, UFR de sciences humaines cliniques, université Paris 7–Denis-Diderot, 26, rue de Paradis, 75480 Paris cedex 10, France Rec¸u le 15 f´evrier 2010 Disponible sur Internet le 27 juillet 2011

« L’histoire, si on la considérait comme autre chose que des anecdotes ou des dates, pourrait transformer de fac¸on décisive l’image de la science dont nous sommes actuellement empreints » T.S. Khun [1]. « Making Freud. . . Making the Freudians. . . Making Psychoanalysis » Ce qui a fait Freud, les freudiens et la psychanalyse, voici les trois temps, trois parties, de Revolution in Mind. The creation of Psychoanalysis [2] que nous présente George Makari, psychiatre, psychanalyste, professeur de psychiatrie et directeur du département d’histoire de la psychiatrie au Cornell’s Institute de New York. Making laisse d’emblée saisir quelque chose de la perspective de l’auteur. Making dit un processus en cours, une fabrication, une formation. Il s’agit de mettre en évidence les facteurs qui, pendant près d’un siècle, ont concouru au développement d’une discipline – la psychanalyse – et d’une profession – psychanalyste. Dès lors, G. Makari nous convie à un décentrement. Il n’est pas question ici de la volonté ou de l’inconscient d’un homme, Freud, qui aurait forgé seul son destin. Il s’agit de mettre en évidence des systèmes de pensée et des interrogations philosophiques et scientifiques qui vont trouver, dans la création d’une nouvelle discipline, une solution inattendue : 夽 ∗

Makari G. Revolution in Mind. The Creation of Psychoanalysis. New York: Harper Perennial; 2009. p. VIII–613. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected]

0014-3855/$ – see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.evopsy.2011.06.002

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« Dans tout le récent tumulte autour de Freud, il est souvent passé inaperc¸u que ces exposés apparemment antithétiques ne sont que les faces opposées d’une même pièce ; les plus dévots admirateurs comme les détracteurs les plus féroces prétendent tous que les réponses aux questions critiques que pose la psychanalyse sont à chercher dans la biographie de ce jeune homme qui descendit du train à Paris en 1885. . . aucun exposé plus large n’a été donné sur la fac¸on dont s’est développée la psychanalyse sur le lieu de sa naissance, c’est-à-dire au centre et à l’Ouest de l’Europe. Il en résulte que tout un ensemble d’idées, d’expériences, de jugements et de débats ont disparu. Nous avons perdu une grande partie de la logique et de l’illogisme de ce qui était une véritable entreprise humaine, mais plus que cela nous avons perdu un monde, un monde pas si éloigné, qui fut rendu plus lointain par les massacres du vingtième siècle. . . » ([2], p. 2) L’entreprise de Revolution in Mind est-elle si novatrice ? Dans l’essai qui va suivre, nous allons analyser la manière dont G. Makari construit son récit. Nous allons voir comment sa manière d’interpréter et de mettre en évidence des éléments – dont certains sont pourtant bien connus – lui permet d’écrire « une autre histoire », de mettre en scène de fac¸on différente les forces démiurgiques, les débats et les enjeux qui ont fait la psychanalyse. Chemin faisant, nous verrons aussi comment, grâce à cette nouvelle historiographie, G. Makari va faire une place à la psychanalyse parmi les sciences. 1. Entre Franc¸ais et Américains : Freud toujours, Freud encore Pour mieux apprécier l’originalité de Revolution in Mind, il nous faut retracer un peu ce que fut, et ce qu’est encore, l’histoire de la psychanalyse au moins en France et aux États-Unis. Comme le fait remarquer John Forrester ([3], p. 191–3) la tradition franc¸aise d’histoire de la psychanalyse est différente de la tradition anglo-saxonne. Alors que les Américains écrivent et ont écrit une histoire contextuelle, les Franc¸ais, héritiers de l’épistémologie de Canguilhem, ont tenté essentiellement des approches conceptuelles et « vues du dedans » de la psychanalyse. L’ouvrage le plus exemplaire à cet égard reste, sans conteste, Le vocabulaire de la psychanalyse [4]. Depuis, confortablement adossés à cette tradition, désormais facilitée par l’usage de fichiers informatiques, les Franc¸ais ont multiplié les dictionnaires, les index historiques, thématiques et conceptuels de l’œuvre de Freud. Mais loin d’approfondir et de poursuivre l’entreprise du Vocabulaire, osons dire que ces gros ouvrages, en ont souvent caricaturé l’esprit et la forme. La plupart d’entre eux ne proposent qu’une approche non dialectique des concepts freudiens, extraits de traductions hétérogènes, qui ne donnent à sentir ni l’élaboration d’une pensée, ni ses errances ou ses contradictions. Ces livres se contentent, en somme et pour toute ambition historique, de suivre une certaine exposition chronologique. De leur côté, les Anglo-Saxons ont poursuivi leur tradition contextuelle. Après E. Jones [5], aujourd’hui très critiqué, H. Ellenberger [6] et F. Sulloway [7] ont éclairé les origines de la pensée freudienne en se tournant pour l’un vers l’univers psychiatrique et pour l’autre vers la biologie. Contrairement aux Franc¸ais, les Anglo-Saxons, de J.M. Masson [8] jusqu’à P. Swales [9], sont passés maîtres dans l’exhumation de sources nouvelles, dans le dévoilement des identités de patients, des aventures sexuelles et des mésaventures thérapeutiques, des témoignages et des prédécesseurs oubliés ou des protagonistes d’épisodes cachés, mis au purgatoire de l’histoire. En quelques trente ans, des deux côtés de l’Atlantique, l’exégèse est cependant devenue plus pointue et les critiques plus coriaces. Désormais, les dictionnaires présentent sur tous les thèmes – et plus seulement sur les concepts psychanalytiques – un empilement de citations du « maître »,

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comme d’autres ouvrages épinglent ses erreurs cachées ou la suite des idées qu’il aurait volées à des prédécesseurs, en remontant jusqu’aux Grecs, jusqu’à la nuit des temps. Quant aux traits personnels ou excentriques de l’homme Freud, ils sont volontiers interprétés comme la preuve de son charlatanisme et de son absolue tyrannie. Cependant, ni l’approche conceptuelle à la franc¸aise – devenue au fil du temps plus opaque que rigoureuse –, ni l’historiographie américaine avec ses coups de théâtre et ses mises en scènes, n’échappent à la focalisation sur le père, génie ou imposteur : Sigmund Freud. Et lorsque les ouvrages de psychanalyse ne se limitent pas à Freud, on passe en un clin d’œil, et comme par un prolongement naturel de la pensée, de Freud à Lacan et de Lacan à Klein. 2. Une nouvelle historiographie pour la psychanalyse ? Or, dès 1962, dans La structure des révolutions scientifiques, T.S. Kuhn [1] mettait en garde contre une certaine manière d’envisager l’histoire des sciences, qui avait notamment conduit à l’impasse et à l’illusion l’histoire de la physique. Il soulignait alors trois apories de la démarche historique : • l’idée selon laquelle le progrès s’effectue par accumulation et par conséquent le choix d’une historiographie qui décrit une accumulation de notions et de découvertes ; • l’idée que la découverte ou l’invention est avant tout celle d’un individu particulier en milieu hostile ; • l’idée que les théories dépassées et abandonnées sont moins scientifiques que celles auxquelles on adhère encore ([1], p. 17–20). À l’heure où la psychanalyse cherche à faire valoir sa scientificité, on ne peut que constater que son historiographie peine encore à sortir de l’édification du culte de Sigmund Freud et de la transmission d’un dogme. Le mythe du splendide isolement a été en partie forgé par Freud lui-même. Mais que dire de sa prétendue ‘découverte de l’inconscient’ ou de l’idée selon laquelle il fut le premier à séparer la pulsion de l’instinct, à parler de zones érogènes ou de sexualité infantile ? De telles approximations, déformations et erreurs conduisent à mésestimer le véritable apport d’un homme et l’originalité de ses idées. De plus, les récits qui présentent « une » théorie freudienne – voire psychanalytique – unifiée qui se serait forgée par accumulation, sans contradiction et sans paradoxe, semble être, pour certains, la meilleure défense contre les attaques des « anti ». Or, que devrait être l’histoire d’une discipline qui revendique le statut de science, qui veut montrer qu’elle a fonctionné comme une science et qu’elle a l’avenir d’une science ? Kuhn, dans le chapitre que nous venons de résumer, attribue un rôle important à l’histoire : celui de faire le « compte rendu de l’activité de recherche elle-même » ([1], p. 17). 3. Une révolution scientifique ? Revenons à présent à l’ouvrage de G. Makari. Revolution in Mind n’est pas un xième récit des origines de la psychanalyse. Bien sûr, on y retrouve des noms et des théories connues, mais G. Makari ne se contente pas d’aligner les éléments et de nommer les précurseurs, il ne prétend sans doute pas faire une histoire exhaustive et l’on pourrait trouver, dans les quelques 600 pages de son ouvrage, que tel ou tel élément « important » a été négligé.

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S’il commence classiquement par invoquer le voyage de Freud à la Salpêtrière, G. Makari insiste surtout sur la fac¸on dont Freud se dissocie de Charcot et Bernheim à travers les traductions mêmes qu’il fait de ces maîtres franc¸ais, pour ne pas sombrer avec eux, ni disparaître dans leur discorde. Si G. Makari restitue bien la place de la psychophysique ou le climat philosophique insufflé par les néo-kantiens en Europe à la fin du dix-neuvième siècle, il montre surtout en quoi Freud répond, à un moment donné, à des questions qui n’ont pas trouvé de solution dans ces approches de l’esprit : comment Freud se dégage de la question de l’observateur et de l’observé, de celle de la subjectivité et de l’objectivité, du débat sur l’inné et l’acquis. En somme, pour G. Makari, Freud est celui qui va se trouver à l’intersection de plusieurs courants de pensée, et y faire résonner les énigmes de la formation et du fonctionnement de l’esprit. C’est alors que G. Makari introduit les éléments historiques et culturels qui montrent combien l’engagement de Freud dans telle ou telle direction – contre la théorie de la dégénérescence, par exemple – est aussi une prise de position politique et affective, de l’homme Freud et rejoint une avant-garde artistique et anti-conformiste : « La psychanalyse, écrit G. Makari, a émergé à une époque où les Européens étaient en train de changer radicalement la manière dont ils s’envisageaient eux-mêmes. Elle tira son épingle du jeu. . . à partir d’une masse de théories concurrentes qui avaient toutes été suscitées par des changements cataclysmiques en philosophie, en science, et en médecine. Ce livre est une tentative pour embrasser ces grands changements et y situer la psychanalyse comme un corps d’idées et un mouvement. Un large canevas est nécessaire pour situer les influences particulières qui ont définit la psychanalyse, car Sigmund Freud n’a pas fait dériver les principes majeurs de la discipline d’un unique penseur ou d’un seul savoir. Au contraire, il réunit ensemble de nouvelles idées et les données provenant de divers domaines pour forger une nouvelle discipline. Le but était de gagner à la science l’objet traditionnel de la culture humaniste – la vie intérieure de l’être humain. . . Comment pouvait-on faire une science de la subjectivité ? Pendant des siècles la science occidentale fit de grands progrès en faisant valoir qu’une connaissance véritable n’était possible que si l’objet d’étude était observable et quantifiable. Mais que dire alors de la vie mentale, cette réalité qui semblait n’être ni observable, ni quantifiable ?. . . voilà l’énigme à laquelle s’affrontaient les prétendants à l’étude scientifique de l’esprit. Sigmund Freud était l’un de ces nombreux penseurs qui essayèrent de résoudre cette énigme et sa solution devait finalement lui attirer des disciples et lui assurer un grand avenir » ([2], p. 3–4). Là encore la présentation de G. Makari semble assez semblable à celle que T.S. Kuhn donne des révolutions scientifiques. Selon Kuhn en effet, la découverte scientifique d’un homme n’est pas ce qui provoque une révolution scientifique, celle-ci est la réponse à une crise profonde dans un domaine scientifique donné : « C’est justement parce que l’apparition d’une nouvelle théorie brise une tradition de recherche scientifique et en introduit une nouvelle, conduite selon des règles différentes, dans le cadre d’un univers discursif différent, qu’il est probable que cette apparition ne se produira que lorsque l’impression prévaudra que la première tradition est gravement erronée. Cette remarque. . . débouche sur des questions qui relèvent des compétences d’un psychologue plus encore que d’un historien. Qu’est-ce que cette recherche extraordinaire ? Comment rend-on l’anomalie conforme à la loi. . . » ([1], p. 125).

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Le parallèle que je tente ici entre la dynamique des révolutions scientifiques telle que la conc¸oit Kuhn et le projet de G. Makari, éclaire, il me semble, la manière dont est construit et articulé Revolution in Mind, et les enjeux d’une telle historiographie. Or, absorbé par sa tâche, G. Makari, n’a pas pris le temps de s’adosser à une tradition historiographique particulière, ni de citer les historiens des sciences qui l’ont éventuellement guidé dans la conception de son projet. Pourtant, c’est bien le choix d’une méthode d’exposition et le traitement particulier des données qui permettent indéniablement à G. Makari de mettre en évidence comment, au tournant du vingtième siècle, la « création de la psychanalyse » est venue répondre à un questionnement des sciences humaines et médicales sur la nature et le fonctionnement de l’âme. Notons au passage que G. Makari parle d’esprit (mind) mais que Freud parlait d’âme (Seele), une âme qu’il s’agissait pour les scientifiques positivistes du dix-neuvième siècle d’arracher au discours religieux (ce détail aurait pu servir la démonstration de G. Makari !).

4. Quelle place pour Freud ? Dans Dispaches from the Freud’s wars, J. Forrester faisait remarquer que « chaque précurseur transforme le rôle de Freud de celui d’un découvreur (ce que l’historien chasseur de précurseur veut alors contester) à celui d’un intermédiaire [conduit] entre les ressources culturelles de son – de notre ? – temps » ([3], p. 191). Un des meilleurs exemples de cette recherche érudite des précurseurs me semble être le livre de L.B. Ritvo, L’ascendant de Darwin sur Freud [10]. Freud en sort perdu dans la forêt vierge des évolutionnistes sans que ne soient jamais questionnés ni la nécessité interne à la théorie freudienne, ni les enjeux politico-affectifs qui ont poussé Freud, à un moment donné, à faire appel à une certaine doctrine de l’évolution. Revenons à Revolution in Mind. Si l’ambition déclarée de G. Makari est d’écrire une histoire de la création de la psychanalyse qui ne soit pas centrée sur la personne de Freud, il a, en outre, bel et bien réussi à dépasser l’écueil qui consiste à noyer Freud dans la masse indéniable de ses précurseurs. En effet, Revolution in Mind n’est pas, loin s’en faut, une histoire sans l’ombre d’un Freud – ce qui ne serait qu’un exercice d’école un peu vain, comme on a, un temps, prétendu expliquer la Révolution en comptabilisant les quintaux de blé. Renvoyant dos à dos l’historiographie mythifiante de la psychanalyse et celle, plus récente, dite « révisionniste » et iconoclaste, G. Makari s’attache à décrire et à comprendre la manière dont les sollicitations et les énigmes du milieu intellectuel et culturel ont interagi avec les qualités personnelles des hommes, et tout d’abord d’un homme : Sigmund Freud. Pour G. Makari, Freud a surtout et avant tout le sens de la synthèse, une qualité qui peut d’abord sembler étrange pour le père de la Psychoanalyse ([2], p. 118–20, 295). En disant que Freud a fait preuve d’un puissant esprit de synthèse, G. Makari ne le considère pas comme un simple conduit et il ne fait pas ce que J. Forrester dénonce fort justement dans l’entreprise de F. Sulloway ou d’autres : à savoir considérer Freud comme un biologiste, un sexologue ou un darwiniste dans une lignée d’autres biologistes, d’autres sexologues ou d’autres darwinistes. Au contraire, G. Makari souligne comment l’extraordinaire interdisciplinarité de Freud va lui permettre de métaboliser certaines notions de philosophie, de psychophysique et de médecine en les sortant de leur discipline de référence et en les confrontant à un champ d’expériences et à un domaine théorique nouveau.

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Mais, si nous tenons là, selon G. Makari, la qualité intellectuelle qui a permis à Freud de faire de l’esprit un nouvel objet scientifique – en posant les jalons d’un dispositif technique qui le rende saisissable – ce n’était guère suffisant pour créer un mouvement et une profession. 5. Une dynamique pour un mouvement ? Selon G. Makari, les premiers freudiens avaient évité le conflit sur la question de l’inconscient sexuel et Freud lui-même avait adopté une position pragmatique en laissant la place aux débats. Mais après le congrès de Nuremberg (mars/avril 1910) apparaît une toute autre politique : « En dépit des nombreux efforts de Freud pour construire une psychologie de la vie intérieure qui soit conforme à la science, les freudiens de l’après Nuremberg devinrent. . . un groupe conduit par l’intérêt polémique. . . Pour entrer dans le groupe, on devait non seulement accepter des principes issus de l’évidence, mais aussi accepter une conclusion qui ne pouvait pas être totalement prouvée. Après 1910, le projet freudien se resserra et la théorie de la libido se rigidifia en une déclaration de foi. Les découvertes qui contredisaient la théorie comme celles des Zurichois sur la psychose n’étaient pas acceptables. . . Un travail de fond avait été mené pour transformer la grande synthèse freudienne en un système de pensée monotone et hermétique et les freudiens semblaient destinés à devenir une secte unie par sa croyance en son chef et dans une entité impossible à connaître – non pas Dieu, mais un autre Ding an sich, l’inconscient sexuel. . . » ([2], p. 296–7). G. Makari fait sans ambages allusion à la manière dont, entre 1910 et 1914, la théorie de la libido et le complexe d’Œdipe vont être imposés comme un dogme, devenir un « schibboleth » de la psychanalyse, comme le montrent les comptes rendus des débats de la Société psychanalytique de Vienne et comme l’ont révélé aussi plusieurs recherches et ouvrages (notamment ceux de P. Roazen sur Tausk [11], de P.E. Stepanski sur Adler [12], de E.J. Lieberman sur Rank [13], etc.). D’autre part, G. Makari fait bien sentir la surdétermination des conflits et la manière dont les hypothèses théoriques recouvrent des enjeux affectifs et confessionnels, notamment entre Freud et Jung. La psychanalyse dont les débuts peuvent être comparés à ceux d’une science en formation aurait bien pu disparaître, après 1910, entre les exclusions et les options théoriques qui menac¸aient alors de la muer en un mécanisme rigide et téléologique. « Étonnement cependant, cela ne se produisit pas » ([2], p. 297) ! Commence alors, et contre toute attente, ce que G. Makari nomme « la révolution de velours ». Freud va, en effet, répondre aux critiques par la démonstration et la clinique (publication du cas de L’homme aux loups [14]), puis il va remettre en cause lui-même sa théorie de la libido et ira jusqu’à contredire sa métapsychologie, tout en revendiquant un nouveau droit pour la spéculation avec Au-delà du principe de plaisir [15] et l’introduction de la pulsion de mort ([2], p. 314–23). Cette superposition d’idées contradictoires va permettre une diversification de la psychanalyse parfois en totale opposition avec la pensée du fondateur ou s’appuyant sur un premier Freud contre un second Freud. En faisant l’éloge de cette diversité de la pensée et de cet éclatement des options théoriques, G. Makari ne prône pas la résolution des paradoxes freudiens, et il ne se fait pas non plus le chantre d’une théorie psychanalytique unifiée ou dans laquelle tout se serait accumulé sans couacs. Bien au contraire, G. Makari voit dans la capacité de Freud à se remettre en cause, dans les contradictions de cet « intellectuel sans répit qui se sentait surtout vivant dans l’effervescence de la création », comme

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dans la variété des hypothèses de ses élèves, une chance pour le mouvement psychanalytique et la preuve de l’ouverture scientifique de la discipline ([1,2], p. 297). S’appuyant, ici encore, sur une compréhension de la science indéniablement très proche de celle de Kuhn, G. Makari disqualifie au passage la conception de la science erronée d’un Ernst Mach comme de ceux qui ont raillé le retour à la philosophie dans la psychanalyse. Il souligne que la spéculation et que la déduction, au-delà des résultats directs de l’expérience, fait aussi partie de la démarche scientifique ([2], p. 298). 6. Vers de nouveaux paradigmes ? Mais alors comment s’est bâti et consolidé le mouvement psychanalytique dans une telle diversité d’idées et d’hypothèses ? Comment, dans ces conditions, revendiquer l’unité d’une discipline ? « Au milieu des années vingt [explique G. Makari] il devint possible de s’opposer à une idée freudienne en en arborant une autre et en faisant valoir ces différences dans une communauté plus ouverte. Comment définir l’inconscient ? Était-il sexuel, agressif, les deux, ou peutêtre quelque chose d’autre ? La psychanalyse était-elle une psychologie des profondeurs ou une psychologie du ‘Je’ ? Ces questions devinrent alors déterminantes pour une profession, et non plus l’enjeu d’une déclaration de foi à un mouvement. Ce changement qui mena d’une culture freudienne à une culture psychanalytique fut favorisé par la création des instituts et des centres de formation, dans lesquels les questions théoriques conflictuelles étaient compensées par le besoin de transmettre aux étudiants une pratique clinique et de construire une méthode cohérente et consensuelle de recherche et de traitement. Cette importance accordée à la technique se développa conjointement avec une psychologie du ‘Je’ dont l’expérience était plus évidente. . . alors qu’il était difficile de revendiquer (claim) l’objectivité de contenus inférés de l’inconscient, il était plus facile de défendre la nature scientifique de la psychanalyse en se focalisant sur le caractère » ([2], p. 406). L’histoire de la psychanalyse écrite par G. Makari est scandée par les claims. Le mot claim – nom et verbe – renvoie tout à tour à la revendication, l’affirmation ou la prétention. Claim fait aussi partie du vocabulaire du droit et peut désigner le titre de propriété ou de gloire. Freud a la vindicte chevillée au corps, il se décrit lui-même comme un conquistador ([2], p. 103) et, dès le début de son ouvrage, G. Makari fait sentir la volonté d’un homme de se faire un nom. Puis, G. Makari reconstitue et met en scène les grands moments, plus ou moins dramatiques, où les hommes s’exposent pour leurs idées (Jung, Adler, Reich, Horney, Klein). En maintes occasions, G. Makari donne à sentir combien les préoccupations politiques, les visions du monde, les zones d’ombres et fantômes personnels des premiers psychanalystes viennent forger (are making) leurs différentes revendications conceptuelles. Mais, à partir des années vingt, G. Makari remarque que s’amorce un tournant décisif. Loin de voir les psychanalystes se déchirer encore au sujet de questions théoriques, c’est autour de la définition d’une pratique et d’une profession, de sa présentation et de sa reconnaissance par le monde extérieur (institutions médicales, monde universitaire, pouvoir politique, etc.) que vont se jouer les débats et les éventuelles exclusions (Rank, Reich) au sein de la communauté analytique. Ainsi, G. Makari montre-t-il que le mouvement psychanalytique va finalement s’organiser et se cimenter autour de la définition de règles concernant la pratique de la psychanalyse et son enseignement.

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Ces règles apparaissent d’abord comme des limites face à diverses tentatives de manipuler le transfert et le cadre des séances, afin d’avoir une action sur les résistances et d’éviter la mise en échec du traitement dans certaines pathologies. Mais les règles sont aussi une nécessité lorsqu’il s’agit de transmettre un savoir et d’initier les jeunes psychanalystes à une méthode commune ([2], p. 368–91, 406–18). À lire G. Makari, l’histoire de la psychanalyse de cette période semble fonctionner comme ce que T.S. Kuhn explique au sujet de la « science normale », c’est-à-dire de la science en dehors d’une période de révolution scientifique : « La science normale ne peut avancer sans règle qu’aussi longtemps que le groupe scientifique accepte, sans se poser de questions, les diverses solutions de problèmes déjà mises au point. Il serait donc normal que les règles deviennent importantes et que le manque d’intérêt qui les entoure habituellement s’évanouisse dès que les paradigmes ou les modèles semblent moins sûrs » ([1], p. 77). Or, à quel « paradigme » renvoient ces règles de l’analyse qui ont été adoptées d’abord à la polyclinique de Berlin, à cause de la nécessité de transmettre une méthode et une technique ? Il est clair que selon G. Makari c’est la notion de « transfert » – et par conséquent la question de son maniement (que peut-on faire ou pas dans la situation d’analyse, avec un analysant ?) – qui apparaît alors comme le paradigme central sur lequel se fonde et se clive la psychanalyse. Et ce n’est sans doute pas un hasard si, justement, G. Makari parle à la fin de son ouvrage du « paradigme » du transfert ([2], p. 431) alors qu’il n’utilise par ailleurs pratiquement jamais ce terme – évidemment lié à la conceptualisation de Kuhn concernant l’histoire des sciences. Le transfert serait-il le paradigme psychanalytique par excellence ? L’ouvrage de G. Makari laisse indéniablement sentir que l’idée de transfert et de contre-transfert constitue l’apport principal de la révolution psychanalytique, la marque de ce changement de perspective qui permit de concevoir une étude scientifique à partir d’une approche subjective en créant les conditions d’une science de l’introspection, et aussi le paradigme autour duquel vont s’édifier les règles d’une pratique qui peuvent être considérées comme l’équivalent du dispositif expérimental de certaines sciences. Outre le transfert, le développement du mouvement psychanalytique voit l’avènement d’autres idées nouvelles qui mériteraient sans doute aussi le qualificatif de paradigme. C’est le cas, par exemple, dans l’affaire de l’opposition entre Anna Freud et Mélanie Klein que G. Makari présente avant tout comme un retour de « la question séculaire de la nature et de la culture » ([2], p. 427). S’appuyant sur des observations cliniques qui mettent en doute l’effet traumatisant d’un environnement sévère alors que, d’autre part, elle peut retrouver des angoisses et des craintes de castration chez des enfants particulièrement choyés, Klein attribua de moins en moins d’importance à l’environnement pour expliquer le développement psychique de l’enfant. Elle en arriva à élaborer une théorie du fantasme et de l’inné selon laquelle les différentes périodes du stade oral étaient sensées expliquer des pathologies mentales complexes telle que la psychose maniacodépressive. C’est avec humour, mais sans concession, que G. Makari souligne la grandiloquence de Klein, l’extrémisme de ses théories et son incapacité à restreindre ses prétentions – là encore, claims ! – quand bien même ses observations cliniques remettaient valablement en cause certaines assertions de la théorie freudienne ([2], p. 432–7). Autant d’éléments qui s’opposent à l’approche pragmatique et concise d’une Anna Freud arrivée à maturité et dont la formation à la pédagogie

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va déterminer une pratique plus accessible, partant du moi et de ses mécanismes de défense. Les préférences de G. Makari semblent ici assez claires ! Mais, on peut être étonné que le récit de cet épisode capital de l’histoire de la psychanalyse des enfants n’ait pas conduit G. Makari à souligner la manière dont la notion et le contenu de traumatisme ont changé depuis la théorie de la séduction de S. Freud. Pour le dire en quelques mots, en un siècle, nous sommes passés de l’idée d’un trauma par l’excès (de séduction et de sexuel) à celle d’un trauma provoqué par le manque et la frustration d’amour et de soins. Quand s’est effectué le changement ? D’où vient-il ? Revolution in Mind ne dit rien sur cette évolution conceptuelle majeure. Pourtant, comme dans le cas du transfert, on assiste bel et bien ici à l’avènement et à la modification d’un paradigme. De plus, l’évolution de l’idée de traumatisme a eu des répercussions bien plus étendues que les réflexions autour du transfert et des règles de l’analyse (qui, somme toute, n’ont d’intérêt qu’au sein de la profession des psychanalystes et psychothérapeutes). En effet, le concept de traumatisme, comme manque d’amour et d’affection, a radicalement changé notre vision de l’enfance et a non seulement influencé certaines pratiques psychothérapeutiques mais aussi les méthodes d’éducation, les pédagogies et plus largement certaines politiques sociales de l’enfance. Ce sont de telles idées, vulgarisées bien au-delà des limites de la conceptualisation et de la pratique d’une discipline, qui ont fait de la psychanalyse a whole climate of opinion selon l’expression de W.H. Auden, reprise par J. Forrester ([3], p. 184–207). 7. En guise de conclusion : un travail à poursuivre Qu’est-ce donc que la psychanalyse ? Nombreuses sont les définitions qui présentent d’abord la psychanalyse comme une technique d’exploration de l’esprit – littéralement une psycho-analyse, basée sur l’association dite libre – avant d’envisager les théories freudiennes et post-freudiennes de la névrose et de la psychose, de la sexualité infantile, du complexe d’Œdipe, ou les différentes topiques et théories pulsionnelles, et avant de débattre de son caractère thérapeutique ou non. Vox populi, vox Dei ? En tout cas, l’appréciation d’un grand nombre de non-spécialistes rejoindrait la dynamique mise en relief par Makari. La psychanalyse serait (devenue ?) un art parmi d’autres – celui de la connaissance de l’esprit – c’est-à-dire une pratique (admettant certaines variantes) désormais à la disposition du plus grand nombre, dans de nombreux pays. Il est vrai aussi que l’histoire de la psychanalyse en France semble corroborer cette perspective. Les différentes scissions, notamment celles entre les Lacaniens d’avec l’International Psychoanalytical Association (IPA), se sont faites à propos de la technique, du cadre des séances et de la formation des analystes. Dans la multitude d’idées et d’affaires que nous fait parcourir Revolution in Mind, les spécialistes ne manqueront pas de trouver, ici ou là, quelques éléments dont la présentation semble trop effacée et ils pourront sans aucun doute ressentir l’envie de contredire tel ou tel point spécifique. Personnellement, outre la question du traumatisme (voir section précédente) j’ai regretté que G. Makari reste un peu trop vague sur la question du recours de Freud à la phylogenèse (histoire de l’espèce) à partir de 1910. G. Makari qualifie, à plusieurs reprises, cette nouvelle dimension théorique de « lamarckisme » de Freud et de Jung ([2], p. 273–4, 419), alors qu’il s’agit beaucoup plus précisément, pour Freud notamment, de faire valoir en psychanalyse la loi de récapitulation d’Haeckel, pour sécuriser, contre les attaques de Jung, le complexe d’Œdipe en posant l’hypothèse d’un événement précurseur de ce complexe, aux débuts de l’humanité. La référence à Haeckel et à sa loi de récapitulation est aussi essentielle pour comprendre comment, à la même époque, et dans le même mouvement, entre la peur de voir disparaître la Cause et la volonté d’expansion,

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Freud [16] et ses fidèles lieutenants (Rank et Sachs [17]) vont revendiquer l’hégémonie de la théorie de la libido sur les sciences humaines. Ces éléments auraient pu largement contribuer à la démonstration de G. Makari selon laquelle la psychanalyse de l’après Nuremberg a encouru le risque de se rigidifier autour d’un dogme. De même, face aux remarques judicieuses de G. Makari sur la traduction en anglais de l’œuvre de Freud – Strachey préfère une langue plus simple mais se pliera finalement aux idées de Joan Rivière et au choix de mots dérivés du latin : Ego et Super Ego viennent alors remplacer I et Over I ([2], p. 463–4) –on voudrait en savoir davantage sur la manière dont le changement de langue et de culture a influencé le devenir de la psychanalyse dans les pays anglo-saxons. Mais de nombreuses recherches restent encore à faire. Mais après ces quelques réflexions critiques et toutes celles qui pourraient venir s’y ajouter, il reste que la lecture de Revolution in Mind suscite l’admiration et la reconnaissance pour un auteur qui a su proposer une nouvelle historiographie de la psychanalyse et trouver une perspective qui ancre sérieusement la psychanalyse du côté de la science. Le parallèle que j’ai mené entre les idées de Kuhn concernant la structure des révolutions scientifiques et la fac¸on dont G. Makari présente l’invention de la psychanalyse, s’est imposé à moi lors de ma lecture de Revolution in Mind et je l’ai développé sans savoir si G. Makari s’était éventuellement appuyé sur Kuhn ou un autre historien des sciences. Cependant, c’est à J. Forrester [18] que revient d’avoir souligné la fac¸on dont la vision kuhnienne de la science est particulièrement adaptée au développement des disciplines qui s’organisent autour des histoires de cas telles que la jurisprudence ou la psychanalyse. À l’heure où je termine la rédaction de cet « À propos », j’espère l’envoyer à G. Makari et susciter ses commentaires. Si la piste ouverte par G. Makari est suivie par de nombreux chercheurs et historiens de sciences humaines, elle permettra sans aucun doute un renouveau dans notre conception de la psychanalyse et dans la manière d’écrire son histoire en particulier en Europe et en France. Il faut aussi espérer que Revolution in Mind soit rapidement traduit en franc¸ais où il sera d’un apport considérable pour tous ceux qui veulent savoir d’où vient la psychanalyse, comment elle se rattache à une tradition philosophique et scientifique, et comment elle a répondu, lors de sa création, à de nombreuses questions laissées en suspend par les théories de l’esprit qui l’ont précédée. Déclaration d’intérêts L’auteur n’a pas transmis de déclaration de conflits d’intérêts. Références [1] Kuhn TS. La structure des révolutions scientifiques [traduction de l’édition augmentée de 1970]. Paris: Flammarion, coll. « Champs Sciences »; 2008. [2] Makari G. Revolution in mind. The creation of psychoanalysis. New York: Harper Perennial; 2009. [3] Forrester J. Dispatches from the Freud wars. Psychoanalysis and its passions. London/Cambridge: Cambridge University Press; 1997. [4] Laplanche J, Pontalis JB. Vocabulaire de la psychanalyse. Paris: PUF; 1967. [5] Jones E. La vie et l’œuvre de Sigmund Freud (3 vol.). Paris: PUF; 1958. [6] Ellenberger H. The discovery of the unconscious: the history and evolution of dynamic psychiatry. New York: Basic Books; 1970. [7] Sulloway F, Freud J. Biologist of the mind. New York: Basic Books; 1979.

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[8] Masson JM. The assault on truth: Freud’s suppression of the seduction theory. New York: Farrar, Straus and Giroux; 1984. [9] Swales P. Freud, Minna Bernays and the conquest of Rome: new light on the origins oF Psychoanalysis. New Am Rev 1982;1:1–23. [10] Ritvo LB. L’ascendant de Darwin sur Freud. Paris: Gallimard; 1992. [11] Roazen P. Animal mon frère toi. L’histoire de Freud et Tausk. Paris: Payot; 1971. [12] Stepansky PE. Adler dans l’ombre de Freud. Paris: PUF; 1992. [13] Lieberman EJ. La volonté en acte. La vie et l’œuvre d’Otto Rank. Paris: PUF; 1991. [14] Freud S. L’Homme aux loups. À partir de l’histoire d’une névrose infantile. Paris: PUF, coll. « Quadrige »; 1990. [15] Freud S. Au-delà du principe de plaisir. Œuvres complètes de Freud, T. XV. Paris: PUF; 1996. p. 277–338. [16] Freud S. L’intérêt que présente la psychanalyse. Œuvres complètes de Freud, T. XII. Paris: PUF; 2005. p. 95–125. [17] Rank O, Sachs H. Die Bedeutung der Psychoanalyse für die Geisteswissenschaften. Wiesbaden: J.F. Bergmann; 1913. [18] Forrester J. On Kuhn’s case: psychoanalysis and the paradigm. Crit Inq 2007;33(4):782–819.