Une nouvelle méthode pour le diagnostic rapide d’arthrite septique utilisant la spectroscopie infrarouge

Une nouvelle méthode pour le diagnostic rapide d’arthrite septique utilisant la spectroscopie infrarouge

Revue du rhumatisme 83 (2016) 295–300 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Article original Une nouvelle méthode pour le di...

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Revue du rhumatisme 83 (2016) 295–300

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Article original

Une nouvelle méthode pour le diagnostic rapide d’arthrite septique utilisant la spectroscopie infrarouge夽 Jean-David Albert a,∗,b , Valérie Monbet c,d,e , Anne Jolivet-Gougeon f , Nadia Fatih g , Maëna Le Corvec g , Malik Seck c , Frédéric Charpentier g , Guillaume Coiffier a,b , Catherine Boussard-Pledel h , Bruno Bureau h , Pascal Guggenbuhl a,b,c , Olivier Loréal b,c a

Département de rhumatologie CHU de Rennes, 2, rue Henri-le-Guilloux, 35000 Rennes, France Inserm UMR 991, 35033 Rennes, France c Université de Rennes 1, 35043 Rennes, France d UMR-CNRS 6625, institut de recherches en mathématiques de Rennes (IRMAR), 35033 Rennes, France e INRIA/ASPI, 35033 Rennes, France f EA 1254 microbiologie, pôle de biologie, université de Rennes 1, CHU de Rennes, 35033 Rennes, France g DIAFIR, Le Gallium, 80, avenue des Buttes-de-Coesmes, 35700 Rennes, France h ISCR UMR-CNRS 6226, verres et céramiques, université de Rennes 1, 35042 Rennes, France b

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Accepté le 28 mai 2015 Mots clés : Spectroscopie infrarouge déportée Fluides synoviaux Arthrite Infection Diagnostique

r é s u m é Objectif. – Évaluer la capacité de la spectroscopie infrarouge déportée à discriminer des échantillons de liquide synovial de patients atteints d’arthrite septique des autres causes d’épanchement articulaire. Méthodes. – Les liquides synoviaux de patients adressés pour une suspicion d’arthrite ont été recueillis, analysés et classés selon des procédures diagnostiques standard en arthrite septique ou non septique. Une analyse spectroscopique moyen infrarouge utilisant une fibre optique en verre de chalcogénure sur des échantillons de liquide synovial a été effectuée. Après une analyse factorielle des spectres normalisés et le calcul d’un test de Fisher pour sélectionner les éléments les plus pertinents, un modèle de régression logistique a été établi, permettant d’attribuer une note comprise entre 0 – non septique – et 1 – septique. Résultats. – Dans une première phase, nous avons analysé des échantillons de 122 liquides synoviaux d’étiologie diverse dont 6 arthrites septiques. Les liquides synoviaux septiques ont été identifiés avec une sensibilité de 95,8 % et une spécificité de 93,9 % et une AUROC de 0,977. L’analyse d’un deuxième groupe indépendant d’échantillons (n = 42, dont deux arthrites septiques) a donné des résultats similaires. Conclusion. – Nos données soulignent l’intérêt potentiel de la spectroscopie infrarouge déportée qui pourrait être utilisée au lit du patient pour un diagnostic rapide et facile de l’arthrite septique. Ces résultats doivent à présent être confirmés dans une étude multicentrique sur un panel plus large de patients. ´ e´ Franc¸aise de Rhumatologie. Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv ´ ´ es. © 2016 Societ

1. Introduction Une arthrite septique doit être évoquée et éliminée en première intention devant tout tableau d’arthrite aiguë en particulier dans un contexte de fièvre. L’apparition rapide de lésions articulaires, dont les conséquences fonctionnelles peuvent être définitives, et le risque de dissémination systémique de l’infection font de

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.jbspin.2015.05.009. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais la référence anglaise de Joint Bone Spine avec le doi ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-D. Albert).

l’arthrite septique une urgence diagnostique et thérapeutique. Afin d’éviter les conséquences fonctionnelles, un traitement associant une antibiothérapie parentérale à forte posologie et un drainage par ponction articulaire itérative ou arthroscopie doit être mis en place le plus rapidement possible. Le retard au diagnostic et thérapeutique est associé à des dommages cartilagineux et un mauvais pronostic fonctionnel [1–3]. Le diagnostic d’arthrite septique repose sur l’examen microscopique et l’analyse bactériologique du liquide synovial obtenu par ponction articulaire. L’examen microscopique du liquide frais comprend la recherche des cristaux d’urate de sodium (goutte) et de pyrophosphate de calcium (chondrocalcinose). La recherche de bactéries est effectuée après coloration de Gram ; le résultat peut être obtenu en quelques heures. Cependant, la coloration de

http://dx.doi.org/10.1016/j.rhum.2016.05.007 ´ e´ Franc¸aise de Rhumatologie. Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv ´ ´ 1169-8330/© 2016 Societ es.

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Gram a une faible sensibilité et une faible valeur prédictive négative pour le diagnostic d’arthrite septique, en raison du faible inoculum bactérien dans le liquide synovial au début de l’infection. Il est souvent nécessaire d’attendre 48 à 72 heures et parfois jusqu’à sept jours pour obtenir le résultat des cultures bactériologiques du liquide synovial [4]. L’utilisation de la réaction de polymérisation en chaîne (PCR) en temps réel a été proposée dans des laboratoires spécialisés pour établir un diagnostic d’infection en quelques heures (PCR universelle ARN16S [rrsA] ou superoxide dismutase [sodA]). Les résultats rapportés semblaient prometteurs mais il existait des différences de sensibilité et de spécificité entre les études, possiblement en raison des différences de technique de purification de l’ADN et de celles existant dans les amorces utilisées pour la réaction de PCR [4–7]. Les PCR spécifiques d’un micro-organisme sont plus sensibles mais un seul micro-organisme, soupc¸onné a priori, peut être détecté dans un échantillon, limitant ainsi l’utilisation de cette technique à un diagnostic d’exclusion ou de confirmation d’infection à un germe en particulier. Ainsi, il existe encore un besoin d’une méthode rapide, simple et fiable de diagnostic positif d’arthrite septique pour éviter de méconnaître le diagnostic et son cortège de complications et, a contrario, éviter un diagnostic par excès qui induirait des dépenses d’hospitalisation inutiles et un traitement injustifié avec d’éventuels effets secondaires pour le patient et un coût indu pour la société. La spectroscopie moyen infrarouge (MIR) permet de réaliser le profil métabolique global d’un échantillon biologique. En effet, les fréquences de vibrations principales des liaisons chimiques présentes dans les biomolécules se situent dans le moyen infrarouge, et génèrent donc des absorptions importantes dans ce domaine spectral [8]. L’analyse par spectroscopie MIR a été utilisée pour l’analyse d’échantillons biologiques [9,10], dont des études de microbiologie [11–13]. De plus, les fibres de verre de chalcogénure permettent de mesurer ce signal de fac¸on déportée et en temps réel, grâce au concept de spectroscopie d’onde évanescente (connu sous l’acronyme anglais FEWS pour Fiber Evanescent Wave Spectroscopy) [14–17]. Enfin, les fibres de chalcogénure ont démontré leur efficacité pour recueillir le spectre d’absorption de liquides biologiques, où la forte absorption de l’eau masque usuellement la signature des biomolécules. La méthode permet ainsi de recueillir une empreinte métabolique des échantillons. Il est ensuite possible d’utiliser des modèles statistiques pour détecter des variations de cette empreinte, et de mettre à profit ces variations comme marqueur d’un état pathologique ou sain [18–23]. Notre objectif est d’évaluer la capacité de la spectroscopie FEWS moyen infrarouge à identifier les échantillons de liquides synoviaux d’arthrite septique parmi les autres causes d’épanchement articulaire.

2.2. Caractérisation du liquide synovial Un examen microscopique et bactériologique standardisé de liquide synovial frais était réalisé sur tous les échantillons selon les procédures diagnostiques de routine. Cet examen était considéré comme le standard de référence de cette étude [24,25]. liquides étaient classés comme mécaniques Les non-inflammatoires s’ils ne contenaient pas plus de 2000 leucocytes/mm3 . Les liquides inflammatoires (> 2000 leucocytes/mm3 ) étaient classés comme septiques lorsqu’une bactérie était mise en évidence par la culture microbiologique. Les liquides synoviaux étaient classés comme métaboliques (arthropathie microcristalline) lorsque l’examen microscopique en lumière polarisée objectivait des cristaux (urate de sodium pour le diagnostic de goutte ou pyrophosphate de calcium pour le diagnostic de chondrocalcinose articulaire) et que les cultures microbiologiques étaient négatives. Ils étaient classés comme liés à un rhumatisme inflammatoire lorsque : • la recherche de cristaux était négative ; • et les cultures microbiologiques étaient négatives ; • et le patient était connu pour une maladie inflammatoire articulaire chronique (par exemple : polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite, arthrite psoriasique). 2.3. Analyse par spectroscopie MIR déportée L’analyse spectroscopique des liquides synoviaux a été réalisée en utilisant une sonde optique en fibre de verre de chalcogénure (DiafirTM FG1) présentant une bonne transparence dans le moyen infrarouge entre 400 to 4000 cm−1 [16]. La fibre optique, de diamètre 250 ␮m, est enroulée en boucles de 2 mm dans zone de mesure pour une sensibilité optimale (Fig. 1) [26]. Le système de mesure (Fig. 2) est constitué d’un spectromètre infrarouge à transformée de Fourier (FT-IR) Bruker V22 (Bruker Corporation, Billerica, MA, États-Unis), du capteur à fibre et d’un détecteur refroidi au mercure-cadmium-tellure. Un kit d’adaptation optique fourni par Bruker permet de collimater le signal infrarouge à l’entrée de la fibre, puis vers le détecteur en sortie de fibre. La résolution spectrale utilisée est de 4 cm−1 .

2. Méthodes 2.1. Patients Il s’agit d’une étude monocentrique transversale. Des échantillons de liquide synovial ont été collectés de manière prospective chez les patients adultes consultants dans le service de rhumatologie du CHU de Rennes en raison d’un épanchement articulaire. Une ponction articulaire à visée diagnostique et thérapeutique selon les recommandations cliniques était réalisée. Le surplus de liquide articulaire était congelé à −80 ◦ C au centre de ressources biologiques du CHU de Rennes jusqu’à réalisation de l’analyse par spectroscopie infrarouge. Les données cliniques et biologiques habituelles étaient aussi collectées. Cette étude a été approuvée par le comité d’éthique local et tous les patients ont donné leur consentement informé écrit.

Fig. 1. Photographie du capteur fibre optique utilisé dans cette étude.

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Fig. 2. Représentation schématique de l’installation expérimentale qui comprend une transformée de Fourier de la spectroscopie infrarouge, un détecteur couplé avec la fibre par des connecteurs.

Lorsqu’un liquide biologique est mis en contact avec la fibre optique, l’onde infrarouge évanescente circulant à la surface de cette dernière est partiellement absorbée par le liquide, selon les lois de réflexion totale atténuée (ou Attenuated Total Reflection [ATR]) [26,27]. Le signal optique enregistré à la sortie du capteur est donc le spectre d’absorption infrarouge du système et de l’échantillon. Celui-ci est déduit du signal enregistré préalablement avec le capteur seul pour obtenir le spectre d’absorption de l’échantillon de liquide synovial placé sur le capteur. La mesure d’un échantillon est effectuée selon le protocole suivant : • • • • •

le spectre du capteur seul est enregistré (100 scans) ; le capteur est mis en contact avec 10 ␮L de liquide synovial ; le capteur est retiré du liquide ; le spectre infrarouge est mesuré (100 scans) ; le spectre d’absorption du liquide (spectre capteur seul–spectre capteur avec liquide) est calculé et enregistré.

Une première série de spectres a été mesurée sur échantillons (n = 112) puis une seconde série a été mesurée sur la même base d’échantillons (n = 94) pour estimer la reproductibilité. Ensuite, la validation du modèle construit sur les deux premières séries de mesure a été réalisée en mesurant un lot différent d’échantillons (n = 42). 2.4. Détermination du modèle discriminant Les spectres contenant un grand nombre de variables (une par nombre d’ondes mesurées, tous les 4 cm−1 , soit plus de 1700) par rapport au nombre de mesures (n = 248), il n’est pas possible d’appliquer directement un modèle de régression. Il a donc fallu réduire le nombre de dimensions ; pour cela, une analyse en composantes principales (ACP) a été effectuée pour réduire le nombre dimensions à 20 et sélectionner parmi elles les zones de spectres permettant la meilleure différenciation des arthrites septiques et non septiques. Toutefois, nous avons observé lors des mesures de fortes variations d’intensité d’absorption entre les échantillons (Fig. 3), probablement due à la variation de la surface de contact entre la goutte de liquide et la boucle du capteur, qui s’établit de fac¸on aléatoire en fonction du dépôt et de la viscosité de l’échantillon. Pour compenser cette différence de signal, les données ont été normalisées en retirant une ligne de base commune à tous les spectres par régression linéaire selon la formule suivante (1) : Sx = ax Sm + Ex

(1)

Fig. 3. Exemples de spectres acquis sur du liquide synovial par spectroscopie moyen infrarouge déportée. L’intensité d’absorption diffère selon les acquisitions de spectres. L’un des spectres diffère fortement des autres avec une intensité de pics plus faible.

Nous avons utilisé les spectres recueillis sur le premier lot d’échantillons, soit les deux premières séries de mesures (n = 112 + 94) pour générer la base de normalisation. Un modèle ACP a ensuite été construit en utilisant les courbes normalisées Sm + Ex, sur cette base d’apprentissage de 206 spectres. Ensuite, un test de Fisher a permis de sélectionner les vecteurs (composantes principales) discriminants ; ceux-ci ont été utilisés pour construire un modèle de régression logistique [28]. Le modèle a été utilisé pour attribuer à chaque spectre un score compris entre 0 et 1, 0 correspondant une arthrite non septique et 1 à une arthrite septique. Enfin, il convenait de déterminer un seuil (valeur comprise entre 0 et 1) au-dessus duquel les échantillons seraient considérés comme septiques, et non septiques en dessous. Pour cela, nous avons extrait de fac¸on aléatoire des spectres d’arthrites septiques et des spectres non septiques de la base. Ces spectres ont été utilisés pour valider le modèle construit avec le restant des mesures. Chaque spectre de validation a été évalué par le modèle et a rec¸u un score compris entre 0 et 1. Les arthrites recevant un score supérieur au seuil étaient considérées septiques et les autres non septiques. Chaque score a été évalué par rapport au diagnostic réalisé selon le standard de référence. En faisant varier le seuil de 0,5 à 0,9, par incrément de 0,01, il était possible de déterminer pour chaque valeur le nombre d’arthrites septiques correctement identifié par le modèle, la sensibilité (se) et le nombre d’arthrites non septiques correctement identifiées, la spécificité (sp). La valeur de seuil retenue était celle qui donnait la valeur (1 − se) + (1 − sp) minimale. Ce calcul a été réalisé sur un total de 100 tirages, c’est-à-dire avec 100 groupes différents d’apprentissage et de validation, chacun permettant de déterminer une valeur de seuil. La valeur moyenne de ces 100 tirages donne le seuil du modèle. Enfin, la robustesse du modèle a été validée en soumettant à celui-ci les 42 échantillons du second lot. Ces spectres ont été évalués par le modèle défini ci-dessus et l’évaluation comparée au diagnostic établi selon le standard de référence.

3. Résultats

avec :

3.1. Données biocliniques

• Sx représentant le spectre original, x étant une valeur comprise entre 1 et le nombre total de spectres mesurés ; • ax est un nombre réel estimé pour minimiser la variance de Ex ; • Sm représentant la valeur moyenne des spectres ; • Ex représentant la valeur résiduelle de Sx − ax Sm.

151 patients ont participé à cette étude. Au total, 154 liquides synoviaux étaient analysés par spectroscopie infrarouge. Dans quelques cas, les liquides de plusieurs articulations étaient recueillis chez le même patient lors de la même visite, ou de la même articulation à l’occasion de visites différentes. Les

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Tableau 1 Causes des épanchements articulaires. Le diagnostic de la maladie à l’origine de l’épanchement articulaire était fondé sur l’analyse standardise du liquide synovial [24]. Pathologie

Arthrite septique Arthrite microcristalline Rhumatisme inflammatoire chronique Arthrite réactionnelle Arthrite indifférenciée Arthrite de Lyme Arthrite virale Arthrose/pathologies mécaniques Total

Échantillons du test 2, n

Échantillons du test de validation, n

6 28 31

6 26 24

2 15 16

2 14 2 1 28

2 10 2 1 23

0 2 0 0 7

112

94

42

Échantillons du test 1, n

Échantillons du test 1 : 112 échantillons de liquide synovial ont été utilisés pour construire le modèle ; échantillons du test 2 : 94 échantillons de liquide synovial ont été utilisés pour évaluer la reproductibilité ; échantillons du test de validation : 42 échantillons indépendants de liquide synovial ont été utilisés pour évaluer la validité du modèle.

articulations étudiées étaient le genou (n = 111), la hanche (n = 18), le coude (n = 9) la cheville (n = 8), l’épaule (n = 6) et le pied (n = 2). L’examen de routine du liquide synovial indiquait un liquide mécanique dans 35 cas : arthrose (n = 24), autre pathologie mécanique (n = 11, ostéochondromatose synoviale, méniscopathie, origine indéterminée). Le liquide était inflammatoire dans 119 cas. Le diagnostic d’arthrite septique était retenu dans huit cas (Tableau 1), celui d’arthropathie microcristalline dans 41 cas, celui de rhumatisme inflammatoire chronique dans 47 cas (polyarthrite rhumatoïde n = 26, spondylarthrite n = 12, arthrite psoriasique n = 8, maladie de Still de l’adulte n = 1), celui d’arthrite réactionnelle dans trois cas, d’arthrite indifférenciée dans 17 cas, d’arthrite de Lyme dans deux cas et d’arthrite virale dans un cas. Parmi les cas d’arthrite septique, les germes identifiés étaient Staphylococcus aureus dans quatre cas, Staphylococcus epidermidis dans un cas, Pseudomonas aeruginosa dans un cas, Streptococcus bêta-hémolytique dans deux cas (groupe C et G de Lancefield).

Fig. 4. Représentation graphique de l’analyse en ACP du premier panel d’échantillons de liquides synoviaux par spectroscopie moyen infrarouge déportée (n = 112). Les liquides d’arthrites septiques sont représentés par des points rouges, les autres par des points bleus.

3.2. Détection des arthrites septiques par spectroscopie infrarouge Une première cartographie ACP des spectres des 112 échantillons de liquide synovial mesurés initialement indiquait la possibilité de discriminer les arthrites septiques du reste des mesures, sur la zone de nombre d’ondes entre 900 et 1800 cm−1 . La Fig. 4 montre la carte ACP utilisant les trois premiers vecteurs propres définis par l’analyse. Quatre arthrites septiques se détachent clairement de l’ensemble, alors que deux autres restent plus proches des autres cas. Ces résultats ont été confirmés par une seconde série de mesure sur les 94 échantillons du même lot disposant d’un volume suffisant pour une nouvelle mesure. La seconde carte ACP présentait des résultats similaires (non représentée). Là encore, deux cas septiques étaient moins bien classés. Pour améliorer la prédiction, les deux séries de mesure ont été réunies et normalisées selon la formule (1), et un nouveau modèle ACP construit. Le test de Fischer a permis de sélectionner sept vecteurs avec une valeur de p < 0,05 (Annexe A, Tableau S1 ; voir le matériel complémentaire accompagnant la version en ligne de cet article). Le seuil du modèle a été défini en retirant 100 fois, de manière aléatoire, 2 spectres d’arthrites septiques et 20 spectres d’arthrites non septiques. À chaque fois, la valeur de seuil retenue était celle qui donnait à la somme (1 − se) + (1 + sp) la valeur minimum. La

Fig. 5. Représentation de la courbe ROC obtenue par les 100 boucles de test du modèle ACP.

valeur de seuil retenue était de 0,539, pour une sensibilité de 95,8 % et une spécificité de 93,9 %. La sensibilité était inférieure à 100 % car une mesure d’arthrite septique est parfois mal classée lors des 100 boucles de définition du seuil. La Fig. 5 montre la courbe ROC, la sensibilité et la spécificité du modèle pour seuil variant de 0 à 1, l’aire sous la Courbe ROC (AUROC) était de 0,977. Les échantillons du second lot (n = 42) ont été soumis au modèle ci-dessus. Les deux spectres d’arthrite septiques qu’il contient étaient correctement identifiés au-dessus du seuil. Toutefois, deux spectres d’arthrites non septiques, parmi 40, avaient des scores supérieurs. Ces deux cas de faux positifs étaient une arthrose et un rhumatisme inflammatoire.

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4. Discussion L’objectif principal était d’évaluer la précision de la spectroscopie infrarouge déportée pour le diagnostic des arthrites septiques chez l’homme. Cette spectroscopie dans le moyen infrarouge, par onde évanescente, a montré son intérêt pour discriminer des états biologiques expérimentaux ou des maladies humaines [18–23]. La méthode demande la définition d’un modèle statistique permettant de séparer les échantillons, avec de bonnes sensibilité et spécificité. Le modèle défini permet d’atteindre ce niveau un bon niveau de performance pour la discrimination des arthrites septiques et des arthrites non septiques, comme l’indique la valeur d’aire sous la courbe. Toutefois, parmi les spectres d’arthrite septique utilisés pour bâtir le modèle statistique, l’un d’entre eux est apparu parfois comme un faux négatif lors des 100 boucles de validation. L’observation de ce spectre montre qu’il diffère clairement des autres comme indiqué sur la Fig. 3. L’intensité des pics d’absorption est plus faible dans le cas du faux négatif, il y a donc un rapport signal/bruit plus défavorable qui contribue au fait que ce spectre soit mal classé par le modèle. L’utilisation de la spectroscopie MIR déportée pourrait considérablement améliorer le diagnostic des arthrites septiques en pratique clinique. En effet, aujourd’hui le diagnostic repose principalement sur l’analyse du liquide articulaire incluant en routine la recherche de cristaux par examen microscopique, le compte cellulaire et la recherche de bactéries par l’examen direct et la culture microbiologique. Cette procédure requiert au minimum plusieurs heures et le plus souvent plusieurs jours [1–6]. Il est le plus souvent aisé de distinguer les liquides inflammatoires des liquides mécaniques au lit du malade en se basant sur l’examen microscopique et l’utilisation de bandelettes réactives urinaires [29]. De même, l’identification des cristaux dans liquide articulaire peut être réalisée par le rhumatologue lui-même s’il en a l’expérience, sous réserve de disposer d’un microscope [25]. Cependant, bien que l’arthrite septique soit une urgence thérapeutique, il reste difficile de distinguer rapidement un liquide synovial d’arthrite inflammatoire d’un liquide synovial d’arthrite septique. Un article récent publié pendant la réalisation de cette étude suggère que la mesure semi-quantitative des leucocytes et du glucose dans le liquide articulaire après centrifugation pourrait avoir une bonne spécificité et sensibilité [30]. Cependant, il faut noter que des patients avaient été exclus de cette étude en raison d’un volume insuffisant de liquide synovial pour la réalisation des analyses ou bien d’une haute viscosité du liquide ne permettant pas évaluation de la concentration en glucose. En outre, les auteurs indiquaient que la culture bactériologique du liquide n’était pas réalisée en routine et ne constituait pas standard de référence dans leur étude. Ainsi, malgré des données encourageantes, cette méthode souffre de limitations techniques potentielles et devra être évaluée dans d’autres études prospectives. La recherche de génome bactérien par PCR en temps réel dans le liquide synovial est une méthode prometteuse [4–6,31]. Cependant, elle nécessite des conditions pré-analytique spécifiques pour éviter les faux positifs, du matériel, des connaissances et une expertise particulière pour être mise en œuvre. De plus, pour l’instant la spécificité et la sensibilité de cette méthode ne sont pas définitivement établies. La PCR large bande ciblée sur la séquence ARN 16 S suivi du séquenc¸age peut être utile en cas de suspicion d’infection avec une culture négative ou lorsqu’une antibiothérapie a déjà été administrée. Cependant, cette méthode manquait de sensibilité pour les diagnostics d’infection sur prothèses articulaires dans une étude multicentrique, Lévy et al. [32] n’obtenant que 9 % de résultats positifs pour la PCR dans des échantillons stériles en culture. Yang et al. [5] ont rapporté les résultats d’une nouvelle adaptation d’un test PCR ciblé sur le gène de l’ARN16 S sur 121 échantillons

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de liquide synovial de patients suspects d’arthrite septique, la sensibilité et la spécificité étaient de 95 et 97 % respectivement. Les tests PCR spécifiques d’un pathogène en temps réel sont plus sensibles et spécifiques que la PCR large bande mais ne permettent de détecter qu’un micro-organisme ciblé [33]. Une sensibilité supérieure à la culture microbiologique pour le diagnostic d’infection à Staphylococcus aureus résistant à la méticilline a été rapportée récemment dans une étude portant sur 91 prélèvements d’infections ostéo-articulaires avec le test GeneXpert MRSA/SA SSTI (sensibilité et spécificité de 94,4 et 100 % respectivement) [34]. D’autres marqueurs biologiques ont été étudiés, parmi lesquels des marqueurs non invasifs comme le dosage de la pro-calcitonine sérique. Un dosage de pro-calcitonine supérieur à 0,5 ng/mL avait une spécificité de 96 % pour le diagnostic d’arthrite septique dans une étude ; cependant la sensibilité n’était que de 65 % [35]. Il faut souligner aussi l’utilisation des toll-like receptors (TLR) 1 et 6 a été évaluée dans du tissu périprothétique comme indicateur moléculaire d’une réponse inflammatoire de l’hôte contre l’infection bactérienne : l’expression d’ARN messager de TLR1 était significativement plus élevée dans les échantillons infectés que dans les échantillons non-infectés ; le même résultat était observé TLR6 mais non pour TLR10 [36]. Il est important de noter que ces méthodes, que ce soit la PCR ou la détection de bio marqueurs, requièrent des conditions d’analyse rigoureuses par un personnel formé, limitant leur disponibilité et donnant un résultat plusieurs heures voire jours après le prélèvement du patient. Ainsi, de nouvelles méthodes sont toujours recherchées pour améliorer la procédure diagnostique. La spectroscopie MIR déportée pourrait contribuer à cette démarche, au vu des fortes spécificité et sensitivité entrevues dans cette étude. En outre, elle pourrait être utilisée au lit du malade ou en consultation et fournir un résultat en quelques minutes après le prélèvement synovial. Si elle inclut un algorithme statistique d’analyse des spectres, elle ne demande aucune connaissance particulière en spectroscopie et est opérateur-indépendante, le diagnostic étant orienté par le score fourni par le modèle. La mise en place d’une étude prospective multicentrique, qui permettrait de recueillir plus de liquides synoviaux chez des patients atteints d’arthrites septiques (en petit nombre dans la présente étude) est nécessaire pour confirmer ces hypothèses. Parallèlement, une amélioration du capteur à fibre sera réalisée pour standardiser le contact entre la fibre et le liquide. Enfin, il conviendra d’étudier si la procédure diagnostique peut être simplifiée en éliminant l’étape de congélation des échantillons. En conclusion, l’analyse par spectroscopie MIR déportée de liquides synoviaux est une méthode prometteuse qui pourrait être utilisée en pratique clinique quotidienne pour identifier les arthrites septiques. En permettant un diagnostic précoce avec une bonne sensibilité et une bonne spécificité, cette technique pourrait permettre d’éviter des hospitalisations et des traitements antibiotiques inutiles, et ainsi limiter les désagréments pour le patient ainsi que les coûts de santé associés au traitement des arthrites suspectées d’être septique. La validation de la méthode demandera une étude multicentrique basée sur le modèle défini et l’utilisation d’un capteur permettant de mieux contrôler le contact entre l’échantillon et la fibre.

Déclaration de liens d’intérêts N.F., M.L.C., F.C., O.L., B.B., C.B.P. sont employés ou détenteurs de part de la société Diafir.

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Remerciements Ce travail a bénéficié du soutien de la région Bretagne et du Fonds européen de développement économique et régional (FEDER). Annexe A. Matériel complémentaire Le matériel complémentaire (Tableau S1) accompagnant la version en ligne de cet article est disponible sur http://www. sciencedirect.com et http://dx.doi.org/10.1016/j.rhum.2016.05. 007. Références [1] Margaretten ME, Kohlwes J, Moore D, et al. Does this adult patient have septic arthritis? JAMA 2007;297:1478–88. [2] Siva C, Velazquez C, Mody A, et al. Diagnosing acute mono arthritis in adults: a practical approach for the family physician. Am Fam Physician 2003;68:83–90. [3] Mathews CJ, Weston VC, Jones A, et al. Bacterial septic arthritis in adults. Lancet 2010;375:846–55. [4] Carpenter CR, Schuur JD, Everett WW, et al. Evidence-based diagnostics: adult septic arthritis. Acad Emerg Med 2011;18:781–96. [5] Yang S, Ramachandran P, Hardick A, et al. Rothman RERapid PCR-based diagnosis of septic arthritis by early Gram-type classification and pathogen identification. J Clin Microbiol 2008;46:1386–90. [6] Choe H, Inaba Y, Kobayashi N, et al. Use of real-time polymerase chain reaction for the diagnosis of infection and differentiation between Gram-positive and Gram-negative septic arthritis in children. J Pediatr Orthop 2013;33:e28–33. [7] Haldar M, Butler M, Quinn CD, et al. Evaluation of a real-time PCR assay for simultaneous detection of Kingella kingae and Staphylococcus aureus from synovial fluid in suspected septic arthritis. Ann Lab Med 2014;34:313–6. [8] Jackson M, Mantsch HH. Biomedical infrared spectroscopy. In: Mantsch HH, Chapman D, editors. Infrared spectroscopy of biomolecules. New York: WileyLiss; 1996. p. 311–40. [9] Krafft C, Sergo V. Biomedical applications of Raman and infrared spectroscopy to diagnose tissues. Spectroscopy 2006;20:195–218. [10] Ellis DI, Goodacre R. Metabolic fingerprinting in disease diagnosis: biomedical applications of infrared and Raman spectroscopy. Analyst 2006;131:875–85. [11] Helm D, Labischinski H, Schallehn G, et al. Classification and identification of bacteria by Fourier-transform infrared spectroscopy. J Gen Microbiol 1991;137:69–79. [12] Kirschner C, Maquelin K, Pina K, et al. Classification and identification of enterococci: a comparative phenotypic, genotypic, and vibrational spectroscopic study. J Clin Microbiol 2001;39:1763–70. [13] Naumann D. Infrared spectroscopy in microbiology. In: Encyplopedia of analytical chemistry. Chichester, UK: Wiley and Sons Ltd; 2006. p. 102–31. [14] Simhi R, Gotshal Y, Bunimovich D, et al. Fiber-optic evanescent-wave spectroscopy for fast multicomponent analysis of human blood. Appl Opt 1996;35:3421–5. [15] Heise HM, Kupper L, Butvina LN. Attenuated total reflection midinfrared spectroscopy for clinical chemistry applications using silver halide fibers. Sens Actuators B 1998;31:84–91.

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