Urgences vitales chez le moins d’un mois

Urgences vitales chez le moins d’un mois

Journal de pédiatrie et de puériculture 17 (2004) 143–150 www.elsevier.com/locate/pedpue Urgences vitales chez le moins d’un mois Emergencies in nea...

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Journal de pédiatrie et de puériculture 17 (2004) 143–150

www.elsevier.com/locate/pedpue

Urgences vitales chez le moins d’un mois Emergencies in near-term or full-term newborns N. Lode a,*, I. Maury a, C. Boissinot b a b

Smur pédiatrique, 75, hôpital Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75935 Paris cedex 19, France Service maternité, hôpital Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75935 Paris cedex 19, France

MOTS CLÉS Urgences néonatales ; Sortie précoce de maternité ; Réadmissions ; Service d’aide médicale urgente ; Infections maternofœtales ; Malformations cardiaques ; Bronchiolites ; Suivi après sortie de maternité

KEYWORDS Neonatal emergencies; Early maternity discharge; Emergency medical service; Neonatal infection; Congenital cardiopathy; Bronchiolitis; Follow-up after discharge

Résumé Les urgences vitales du nouveau-né à terme après sortie de maternité sont rares (1 %) mais graves. Trois enquêtes parisiennes (maternité et urgences, Samu/Smur et PMI) en 2001 et 2002 sont relatées à Paris : un taux de réadmission de 2 % pour des sorties entre J3 et J4, un taux d’appel du Samu-Centre 15 de 1 % et l’envoi d’un Smur au domicile pour environ dix appels. L’appel ou la consultation aux urgences ont lieu entre J13 et J16 pour les motifs suivants : fièvre, malaise, signes respiratoires ou digestifs. Les enfants pris en charge par le Smur ont une pathologie plus sévère et une évolution plus souvent défavorable. Aux vues de ces enquêtes et de la littérature avec un débat sur les sorties précoces, les étiologies les plus fréquentes sont détaillées avec la conduite à tenir appropriée. Les infections maternofœtales tardives et les cardiopathies malformatives à révélation retardée ont l’évolution la plus sévère. Les malaises sont à l’origine de nombreux appels. La pathologie respiratoire, essentiellement représentée par les bronchiolites, impose l’hospitalisation. Il ne faut jamais oublier la maltraitance. Une bonne préparation du retour à domicile et un accompagnement en cas de sortie précoce est nécessaire. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Emergencies occurring after maternity discharge in near-term or full-term newborns are infrequent (1%) but life-threatening. A survey has been performed in the Paris area covering: 1) Maternities and Pediatric Emergencies ; 2) SAMU/SMUR (medical emergency system) ; and 3) PMI (medico-social primary centers) in 2001 and 2002. The rate of re-admission after discharge at D3-D4 was 2%. The Emergency Medical Service call incidence was 1%, and a medicalized ambulance was directly sent to the home in one out of ten calls. The call for medical assistance and emergency visits occurred mostly between D13 and D16, for the following reasons: fever, malaise, respiratory or gastrointestinal symptoms. The infants who have required EMS activation had a more severe pathology and poorer prognosis. Given the results of these studies and the ongoing debate in the literature over early maternity discharges, the most frequent etiologies are detailed with their appropriate management. Late-onset neonatal infections and congenital cardiopathies carry the most severe prognosis. Respiratory symptoms primarily due to RSV bronchiolitis requires hospitalization. Child abuse should not be forgotten. Thus, careful evaluation before discharge and appropriate follow-up are essential for a good outcome. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (N. Lode). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/S0987-7983(04)00005-2

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Introduction Les urgences vitales après la sortie de maternité chez le nouveau-né à terme sont peu étudiées dans la littérature française alors qu’elles sont souvent abordées dans les publications anglosaxonnes. La vulnérabilité à cet âge et le risque d’évolution rapidement défavorable imposent une prise en charge précoce et adaptée. Sont exclues les pathologies néonatales nécessitant le transfert à partir de la maternité. Nous distinguerons au préalable les urgences réelles nécessitant une prise en charge rapide en milieu hospitalier ou l’envoi d’une unité mobile hospitalière (UMH), des urgences ressenties par des parents inquiets devant des situations nouvelles et inattendues. Les enfants sortent de plus en plus tôt de maternité. La tendance est en France entre le 3e et le 4e jour après une naissance par voie basse non compliquée. La population des nouveau-nés à la maison est donc plus grande. La probabilité pour les médecins de ville d’être confrontés à ces urgences s’accroît au moment où la démographie médicale pédiatrique s’effondre.

N. Lode et al. (prématurité, malformations, détresses respiratoires, infections maternofœtales précoces...). On peut donc estimer la population de nouveau-nés à domicile à environ 38 000 et déduire que le centre 15 est appelé pour 1 % des nouveau-nés après leur sortie. En 2001, le centre 15 de Paris a traité 7316 affaires. Les appels pour nouveau-nés en dehors d’un établissement de soins (appels primaires–accouchement à domicile non compris) ne représentent que 5 % de l’activité de régulation du service d’aide médicale d’urgence (Samu). Sur les 373 appels, près de la moitié concernait des problèmes digestifs ou des demandes de conseils d’allaitement ressentis comme urgentes. L’autre moitié se répartissait comme suit : pleurs (20 %), signes respiratoires (15 %), malaises (15 %), fièvre (2 %). Ces appels ont donné suite 48 fois à l’envoi d’une UMH de l’un des deux Smur pédiatriques de Paris. La régulation médicale du centre 15 déclenche un Smur plus souvent pour un nouveau-né (13 % des appels primaires dans cette tranche d’âge) que pour les autres enfants (5 % des appels primaires dans la population des 29 jours à 15 ans).

Il nous a paru intéressant de colliger les appels au centre de réception et régulation des appels (CRRACentre 15) de Paris concernant les nouveau-nés sortis de maternité et de décrire les urgences graves pour lesquelles le service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) pédiatrique de l’hôpital Robert-Debré était envoyé. Nous les avons comparés aux consultations et réadmissions par le biais des urgences de la région parisienne des nouveaunés sortis de la maternité de l’hôpital RobertDebré. Un relevé des motifs de consultation dans les centres de protection maternelle et infantile (PMI) de Paris a été effectué à la même époque. Nous avons confronté ces résultats aux enquêtes nord-américaines. À partir de ces expériences, nous avons résumé les urgences graves les plus fréquemment rencontrées.

Nous avons repris les dossiers sur deux ans du 1er novembre 2000 au 30 octobre 2002 du Smur pédiatrique Robert-Debré. Cinquante et une interventions pour nouveau-nés après leur sortie de maternité ont été recensées. Elles concernaient 27 garçons et 24 filles : • quatre d’entre eux étaient des jumeaux ; • quatre pesaient moins de 2500 g.

Enquêtes parisiennes

Le Smur Robert-Debré a pour secteur d’interventions primaires la moitié nord-est de Paris. Les interventions primaires néonatales ne représentent que 2 % de son activité ! Vingt-sept interventions ont eu lieu après 20 heures et 24 dans la journée. Nous n’avons pas constaté de prédominance saisonnière. Les délais d’intervention ont été de 11 ± 6 minutes, le temps moyen de prise en charge médicale par le Smur a été de 86 ± 46 minutes avec une médiane à 70 minutes et des extrêmes de 23 minutes à 3 heures 40. Ce dernier transport

Samu–Smur En 2001, 42 025 naissances ont été recensées à Paris intra-muros. Le centre CRRA-15 de Paris a enregistré 373 appels pour des nouveau-nés après leur sortie de maternité. Environ 10 % des nouveau-nés sont hospitalisés dès la naissance ou dans les premiers jours de vie

Le terme moyen à la naissance était de 3116 ± 446 g avec des sorties de maternité à 5,2 ± 2,8 jours et une médiane de sortie à quatre jours. L’âge postnatal au moment de l’intervention était de 16 ± 6 jours avec une médiane à 15 jours et des extrêmes allant de 4 à 27 jours. Seulement quatre enfants avaient un antécédent d’hospitalisation : deux en réanimation, deux en néonatologie. Deux enfants étaient porteurs de malformations congénitales connues.

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Tableau 1 Motifs d’appel du Smur pédiatrique auprès de 51 nouveau-nés après leur sortie de maternité (1/11/2000 au 30/10/2002). Malaise Détresse respiratoire Fièvre Signes digestifs Pathologie accidentelle Arrêt cardiorespiratoire Autres

16 14 5 5 5 2 4

comprenait l’assistance médicale pendant le scanner cérébral. Les motifs d’appel sont répertoriés dans le Tableau 1. Les plus fréquents sont les malaises graves rapportés à un reflux gastro-œsophagien avec ou sans œsophagite. Certains malaises sont rattachés à des fausses routes, quelques-uns sont dus à une bronchiolite, à une infection bactérienne ou sont d’origine traumatique. Deux arrêts cardiorespiratoires ont été secondaires l’un à une cardiopathie congénitale : tronc artériel commun et l’autre à une méningite à streptocoque du groupe B. Deux collapsus ont été attribués l’un à une infection maternofœtale tardive à streptocoque B et l’autre à une coarctation de l’aorte. La pathologie accidentelle a été élevée dans notre série : un hématome sous-dural après chute des bras du papa, un enfant secoué, deux accidents hémorragiques de circoncision dont un a nécessité une transfusion et un geste chirurgical, deux intoxications médicamenteuses, un corps étranger intentionnel et des accidents liés à la précarité sociale (brûlures, intoxication oxycarbonée...). La prise en charge médicale du Smur est détaillée dans le Tableau 2. Huit ont été intubés et ventilés, cinq ont eu besoin d’un soutien hémodynamique, quatre ont reçu des antibiotiques, quatre autres ont bénéficié d’une sédation analgésie. Tableau 2 Prise en charge médicale par le Smur RobertDebré au cours de 51 urgences primaires néonatales graves (1/11/2000 au 30/10/2002). Oxygénothérapie Intubation Ventilation mécanique Massage cardiaque Solutés de remplissage Inotropes Prostine ® Sédation analgésie Anticonvulsivant Antibiotiques

16 8 8 2 5 3 1 4 1 4

Deux enfants ont été laissés sur place. L’un présentait une rhinite et l’autre des pleurs avec un examen et un comportement normaux. Les 49 autres ont été hospitalisés dont 12 en réanimation, deux en neurochirurgie, un en cardiologie. L’évolution à court terme est connue pour quarante-six enfants. On déplore trois décès attribués à deux infections maternofœtales (IMF) tardives à streptocoque B et à une malformation cardiaque (tronc artériel commun) diagnostiquée auparavant. L’évolution a été compliquée pour six enfants. Des séquelles neurologiques ont été signalées dès la sortie du service receveur dans trois cas (infection maternofœtale et traumatologie). Les malaises n’ont pas tous été élucidés. Un a récidivé.

Consultations–réadmissions aux urgences Une étude rétrospective [1] a été menée à la maternité de l’hôpital Robert-Debré sur 9626 naissances à terme de 1998 à 2001 avec des durées de séjour moyennes des bébés de 3,5 jours. Six pour cent des nouveau-nés ont consulté aux urgences de l’hôpital. Deux pour cent ont été hospitalisés à Robert-Debré ou dans les hôpitaux de la région parisienne. En 2000, la durée du séjour a été la plus courte à 3,2 jours et le taux de réadmission a été le plus élevé à 2,4 %. Quatre réadmissions ont été considérées comme évitables si la durée de séjour en maternité avait été plus longue. Cent-soixante enfants ont été admis pour un motif médical et deux pour un motif chirurgical rapporté à une sténose du pylore. L’âge moyen à la réadmission était de 14 jours, le même que pour l’intervention du Smur. À la différence du Smur, aucune admission en réanimation n’a été nécessaire et on ne déplore aucun décès. Cent enfants ont été réhospitalisés à Robert-Debré (Tableau 3) à un âge moyen de 15 jours : 41 fois pour une symptomatologie digestive attribuée essentiellement à un reflux gastroœsophagien avec ou sans œsophagite, 31 fois pour une symptomatologie respiratoire dominée pour les bronchiolites, 24 fois pour une symptomatologie infectieuse dont 15 infections bactériennes prouvées et quatre étiologies diverses.

Enquête prospective en protection maternelle et infantile Une enquête épidémiologique a été menée en 2002 dans les centres de PMI de la ville de Paris dans le cadre d’une stratégie de prévention et d’une ré-

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N. Lode et al.

Tableau 3 Motifs de réadmission à l’hôpital Robert-Debré de 99 nouveau-nés à la maternité Robert-Debré (1998 à 2001). Symptomatologie digestive Reflux gastro-œsophagien Gastro-entérite Intolérance aux protéines de lait de vache Stagnation pondérale au sein Sténose du pylore Symptomatologie respiratoire Bronchiolite Rhinite obstructive Chylothorax Symptomatologie infectieuse Infection bactérienne prouvée : • pyélonéphrite ; • infection maternofœtale à ColiK1; • méningite à pyocyanique ; • otite. Syndrome infectieux non étiqueté Méningite virale à entérovirus Divers Convulsions Chute Ictère au cours de la première semaine

41 23 9 4 3 2 31 25 5 1 24 14 11 1 1 1 8 2 2 1 1 2

flexion sur le lien ville–hôpital [2]. Elle a concerné 352 nouveau-nés. L’âge moyen de la première visite en PMI est à 13 jours. Les motifs sont essentiellement : conseils d’allaitement (60 %), surveillance pondérale (25 %), soins du cordon et hygiène de vie.

Littérature Ces différentes enquêtes ont fait le point à Paris en 2002 des urgences rencontrées chez le nouveau-né à terme dans son premier mois après sa sortie de maternité. Les urgences vitales sont rares mais rapidement fatales ou à risque de séquelles. Trois symptomatologies dominent : digestive, respiratoire et infectieuse. Les urgences les plus graves sont infectieuses ou malformatives. La comparaison avec la littérature anglo-saxonne amène à plusieurs réflexions. Les sorties de maternité sont beaucoup plus précoces aux États-Unis [3] essentiellement pour des raisons économiques. Il a fallu une loi fédérale en 1996 pour inciter à garder les mères et les nouveau-nés jusqu’à 48 heures après un accouchement par voie basse non compliqué et 96 heures après césarienne [4]. Elle n’est pas encore suivie partout et déjà critiquée [5]. En cas de sorties ultraprécoces (avant 48 heures) le suivi n’est pas systématique dans tous les centres et pour toutes les catégories sociales ! Aux États-Unis, le taux de réadmissions pour ictère [6], déshydratation hypernatrémique [7] et pathologie malformative [8] (cardiaque, intestinale) est beaucoup plus

élevé qu’en France en raison du très faible nombre de sorties ultraprécoces et d’un meilleur dépistage anténatal des malformations par l’échographie de ce côté-ci de l’Atlantique. En revanche, le taux d’infection est identique [9]. Les pédiatres de maternité et de ville ont été longtemps réticents aux sorties précoces. De nombreuses études ont été publiées et le sujet est toujours débattu [10]. Il a été démontré que les réadmissions étaient corrélées à la durée de séjour en maternité [11–13] allant de 2 % pour des durées de séjour supérieur à 48 heures à 6 % pour des séjours très courts inférieurs à 24 heures [14]. L’équipe de Montmorency [15] et d’autres [16–18] ont montré l’intérêt d’un accompagnement à domicile pour les sorties précoces (HAD à Montmorency) pour la première. D’autres équipes ont montré qu’au-delà de 48 heures de séjour, le taux de réadmission demeurait stable à 2 % [19]. Très peu d’études traitent la relation entre sortie précoce et mortalité [20,21]. Le travail de Malkin [21] portant sur 47 879 naissances est bien documenté et montre une corrélation significative entre sortie précoce et mortalité accrue (oddsratio [OR] = 3,65 pour sortie précoce vs sortie plus tardive, 95 %, IC = 1,56–8,54). Les décès étaient attribués aux infections et aux malformations cardiaques. Dans le groupe sorties précoces, non seulement les décès étaient plus élevés dans le premier mois de vie mais aussi au cours de la première année. Kuehl [8] a montré que les décès par malformation cardiaque étaient plus fréquents en cas de sortie avant 48 heures post-partum qu’après 48 heures. Lee [11] a montré une corrélation entre la brièveté de séjour et la gravité de la maladie. Par ailleurs, les sorties ultraprécoces exclues, les auteurs s’accordent à dire que la qualité de la prise en charge initiale à la maternité influence le nombre et les motifs de réhospitalisation [13].

Urgences vitales les plus fréquentes Nous traiterons maintenant les urgences graves ou potentiellement graves, les plus fréquemment rencontrées lors de ces enquêtes et auxquelles les professionnels de la petite enfance ou les urgentistes peuvent être confrontés : la fièvre, les malaises, les signes respiratoires, les signes digestifs, les signes neurologiques, le collapsus, la pathologie accidentelle.

Urgences vitales chez le moins d’un mois

Fièvre La fièvre doit être contrôlée avec un thermomètre à affichage digital ou analogique au gallium. Les thermomètres frontaux ne sont pas fiables et la température auriculaire est inadaptée au nouveauné. L’examen clinique apprécie les grandes fonctions vitales, recherche une hépatosplénomégalie et un éventuel foyer. La survenue d’une fièvre à cet âge fait craindre une infection bactérienne systémique par contamination maternofœtale à streptocoque B ou ColiK1 en premier lieu mais aussi à streptocoque non B, hémophilus, pyocyanique. Il peut s’agir d’une infection maternofœtale (IMF) bactérienne primitive tardive dans 0,6 à 1,5 % des naissances, [22] révélée entre la 2e et la 4e semaine de vie, voire jusqu’à six semaines, responsable de septicémie, ostéoarthrite et méningite. Pour cette dernière, le germe pathogène est le plus souvent Escherichia coli. Dans certains cas, une contamination à la maternité ou à la maison (pemphigus, abcès du sein) est mise en cause. La fièvre impose systématiquement l’hospitalisation sans retard dans un service prévenu de l’admission pour bilan infectieux (numération-formule sanguine [NFS], protéine C réactive [CRP], hémoculture, ponction lombaire, examen cytobactériologique des urines [ECBU] et radiographie de thorax). L’antibiothérapie probabiliste est débutée sans attendre les résultats des prélèvements. Le pronostic vital peut être rapidement engagé ou des séquelles de méningite peuvent assombrir le pronostic. Nous avons colligé dans notre série trois collapsus dont un avec arrêt cardiorespiratoire inaugural et deux décès. Aucun de ces nouveau-nés n’avait d’anamnèse infectieuse à l’accouchement. Sinha rapporte que 17 % des décès néonataux sont liés à une infection [9]. L’expression clinique peut être bruyante pulmonaire et/ou hémodynamique mais aussi fruste. Les méningites bactériennes sont souvent révélées par des apnées, un changement de teint mais aussi un comportement inhabituel, un refus du biberon, une fièvre isolée, plus rarement des convulsions ou un coma. Trente-sept pour cent des méningites sont initialement asymptomatiques [22] à cet âge. La mortalité et le taux de séquelles sont élevés : 10 à 20 % [22]. Les séquelles sont plus fréquentes en cas de complications cérébrales à type d’abcès, de ventriculite ou d’infarctus ischémo-hémorragique. Des méningites virales ont été rapportées (deux méningites à entérovirus dans la série de la maternité de Robert-Debré) [1]. Dans cette série, de nombreuses pyélonéphrites ont été identifiées dont une révélatrice d’uropathie

147 malformative. Les pyélonéphrites à cet âge sont traitées par voie parentérale. L’otite moyenne aiguë est rare et requiert une paracentèse pour prélèvement bactériologique afin d’adapter le traitement également parentéral. Les germes habituellement rencontrés sont le staphylocoque doré et Pseudomonas aeruginosa. Dans un certain nombre de cas, on ne trouve rien au cours de l’hospitalisation : les prélèvements sont stériles, le bilan biologique est normal, l’antibiothérapie est arrêtée au bout de 48 heures. Une grande part des infections sont communautaires et non invasives mais le risque d’évolution fatale ou de séquelles rend obligatoire cette procédure.

Malaises Motif d’appel très fréquent, le terme malaise recoupe une entité vaste allant de l’épisode de pâleur modérée et isolée jusqu’au malaise grave inattendu et brutal, à l’éveil ou pendant le sommeil, donnant l’impression aux parents d’une mort imminente (arrêt respiratoire, cyanose, grande hypotonie, perte de connaissance) avec parfois des manœuvres de ressuscitation initiées par l’entourage. Une fois les mesures de réanimation urgente entreprises, on apprécie : • les antécédents familiaux : consanguinité, convulsions, syncopes vagales, mort subite, pathologie métabolique ; • les antécédents personnels : circonstances de la naissance, anoxie périnatale, hospitalisation, précédent examen, poids. Les carnets de santé sont malheureusement parfois trop succinctement remplis pour être informatifs. La description du malaise doit être fine : couleur, réactivité, survenue pendant la veille ou le sommeil, distance des repas, position de l’enfant, température de la pièce, durée, mouvements anormaux, modification du tonus, nécessité ou non de manœuvres de ressuscitation, durée du temps nécessaire à la récupération. En cas de signes de gravité persistants (hyporéactivité, hypotonie, difficultés respiratoires, cyanose ou pâleur, mouvements anormaux) l’enfant est pris en charge par un Smur et transféré en réanimation. En cas de comportement et d’examen clinique normalisés, l’hospitalisation s’impose en raison du risque de récidive et de mort subite. Après exploration, le malaise est souvent rapporté à un reflux gastro-œsophagien avec ou sans œsophagite (les trois quarts des malaises de la série de la maternité de Robert-Debré sont liés à un reflux [1]). Il peut

148 s’agir aussi d’une infection bactérienne, d’une bronchiolite débutante, d’un équivalent convulsif révélateur d’une atteinte neurologique, d’une fausse route, d’un trouble du rythme, d’une intolérance aux protéines du lait de vache, d’une syncope vagale déclenchée par des manipulations brusques au cours d’un change ou d’un bain. L’origine peut être accidentelle (toxique, chute) ou peut s’inscrire dans le cadre d’une maltraitance. Nous avons nous-mêmes, sur une autre période, colligé deux cas de nouveau-nés secoués. La liste n’est pas exhaustive. Un certain nombre de fois, l’étiologie n’est pas élucidée.

Signes respiratoires L’encombrement des voies aériennes supérieures est un fréquent motif d’appel comme on l’a vu au centre 15. En l’absence de retentissement fonctionnel ou général, il relève des mesures simples de désinfection rhinopharyngée. En raison de l’étroitesse pharyngée et des fosses nasales à cet âge, la perméabilité nasale est vérifiée pendant la tétée, avant et après aspiration. L’existence des signes obstructifs des voies aériennes inférieures conduisent à l’hospitalisation. La conférence de consensus sur les bronchiolites [23] recommande l’hospitalisation de tout enfant atteint de moins de six semaines en raison du risque d’apnée et d’aggravation rapide. Les signes de gravité sont recherchés : polypnée supérieure à 50 par minute, apnée, importance des signes de lutte, difficultés d’alimentation. En leur présence, l’envoi d’un Smur est de rigueur. Un certain nombre d’enfants vont bénéficier d’une intubation et d’une ventilation assistée dès le domicile. Le virus respiratoire syncitial (VRS) est le principal virus en cause, mais il en existe d’autres tel que l’adénovirus. Devant une détresse respiratoire, il peut s’agir également d’une bronchopneumopathie bactérienne dans le cadre ou non d’une IMF tardive, d’une pneumopathie à mycoplasme, d’une staphylococcie pleuropulmonaire, d’une coqueluche néonatale plus rare avec son cortège : toux, quintes asphyxiantes, pauses, bradycardies, dont l’évolution peut être gravissime. La dyspnée peut être aussi révélatrice d’une malformation otorhinolaryngologique (ORL) ou vasculaire (angiome, arc vasculaire anormal...).

Collapsus Les motifs d’appel sont plutôt un comportement anormal, geignard (on pense alors à une méningite),

N. Lode et al. un teint gris ou pâle, des marbrures, une polypnée ou un arrêt cardiorespiratoire dans les cas évolués. L’envoi d’un Smur est systématique. L’examen objective une tachycardie. La chute tensionnelle est en règle tardive comme chez le nourrisson. Trois grandes causes à cet âge : • le collapsus infectieux par incompétence myocardique et hypovolémie en partie réelle et en partie due à la fuite capillaire. La prise en charge comprend : pose de voies d’abord, remplissage, antibiothérapie, ventilation assistée, inotropes. La controverse dopamine vs noradrénaline en première intention penche actuellement en faveur de la noradrénaline [24] ; • le collapsus cardiogénique sur cardiopathie malformative. La décompensation se fait classiquement vers J3 à J5 lors de la fermeture du canal artériel. Le plus souvent, il s’agit d’un obstacle sur la voie gauche : coarctation ou interruption de l’arche aortique. La classique discordance, représentée par l’absence de pouls fémoraux avec une hypertension aux membres supérieurs, manque en cas de défaillance circulatoire grave. La coarctation de l’aorte correspond à 10 % des cardiopathies congénitales. Le traitement de choix est la ventilation assistée et la perfusion de prostaglandine PGE1 (Prostine VR®) pour réouvrir le canal artériel en attendant la cure chirurgicale. Il peut s’agir d’une hypoplasie du ventricule gauche non curable ou d’une cardiopathie plus complexe entraînant insuffisance cardiaque et cyanose. Dans tous les cas, le diagnostic est fait par l’échocardiographie. Les malformations cardiaques sont très souvent en cause dans les motifs de réadmission et de décès dans la littérature anglo-saxonne [8,21]. Notre série déplore un décès. En Smur, au domicile, le diagnostic différentiel à cet âge entre choc infectieux et choc cardiogénique malformatif est difficile sans examen complémentaire. L’antibiothérapie est donc de mise pour ne pas faire l’impasse sur l’infection ; • le collapsus hypovolémique. Il survient par déshydratation sur des erreurs de régime, de reconstitution de biberons ou d’insuffisance d’apport lors de l’allaitement maternel avec déshydratation hypernatrémique plus souvent rapportée de l’autre côté de l’Atlantique [7]. Il peut être révélateur d’une insuffisance surrénale ou plus rare d’un diabète néonatal. Plus fréquemment, il s’agit d’une gastroentérite ou de vomissements. Une pâleur intense associée ou non à un ictère, témoin d’une anémie majeure, est parfois secon-

Urgences vitales chez le moins d’un mois daire à un hématome intracérébral accidentel ou par maltraitance. Au moindre doute, le scanner cérébral s’impose après le traitement symptomatique. L’anémie peut être en rapport avec une hémolyse secondaire à une anomalie constitutionnelle des globules rouges (la plus fréquente étant le déficit en glucose 6-phosphate déshydrogénase [G6PD]).

Troubles digestifs Les troubles digestifs sont de grands pourvoyeurs d’appels et de consultations, mais rarement synonymes d’urgence vitale sauf en cas de choc hypovolémique sur déshydratation ou de malaise. Vomissements, diarrhée, pleurs, coliques sont répertoriés au 15 et en PMI. La frontière entre urgence ressentie et urgence réelle n’est pas toujours évidente lors de l’appel. Les signes d’organicité sont recherchés : stagnation pondérale ou perte de poids, toux, infection ORL, trouble du tonus ou de la conscience. Une hospitalisation ou un avis spécialisé est demandé avec un diagnostic de probabilité en fonction du contexte : sténose du pylore, hernie étranglée, volvulus sur mésentère commun (tableau de collapsus associé), reflux gastro-œsophagien avec œsophagite mais aussi pyélonéphrite, allergie aux protéines du lait de vache, maladie de Hirschprung ou mucoviscidose.

Ictères Motifs de consultation, ce sont exceptionnellement des urgences vitales. Une élévation de la bilirubine non conjuguée est physiologique vers J3–J4 chez tous les nouveau-nés, plus prononcée chez certains enfants nourris au lait de mère. Des situations accroissent la production de bilirubine : incompatibilité de groupe sanguin, hémoglobinopathies, résorption d’hématome, jeûne, infection bactérienne. L’hospitalisation est urgente en raison du risque de séquelles d’un ictère nucléaire pour tout nouveau-né avec bilirubinémie libre supérieure à 350 mcM/l. La photothérapie intensive a fait drastiquement diminuer le nombre d’exanguinotransfusions. Un ictère cholestatique néonatal doit faire suspecter le diagnostic d’atrésie des voies biliaires. Cette liste n’est pas exhaustive mais reprend les plus fréquentes urgences de notre expérience et de la littérature.

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Conclusion Les urgences vitales du nouveau-né à terme après sortie de maternité sont rares et graves. L’accompagnement pour les sorties précoces permet d’avoir un taux de réadmission aux alentours de 2 %. Les appels 15 sont de 1 % (urgences vitales et urgences ressenties confondues). Les urgences vitales réelles sont environ 1 %. Le plus grand nombre est représenté par la pathologie infectieuse, respiratoire et digestive. Les évolutions les plus graves sont dues aux infections et aux malformations cardiaques. La pathologie accidentelle et la maltraitance ne sont pas à sous-estimer. C’est à ce niveau que la prévention reste à faire.

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