Réanimation 14 (2005) 669–670 http://france.elsevier.com/direct/REAURG/
Éditorial
Urgences vitales intrahospitalières In-hospital resuscitation
Au cours des trente dernières années, la prise en charge des urgences médicales en France s’est considérablement améliorée. La création des SAMU, des SMUR et des services d’accueil des urgences a transformé la prise en charge des détresses vitales. Les moyens en effectif et en matériel ont été considérablement augmentés ces dernières années. Il existe maintenant des revues, des livres et des congrès consacrés à la médecine d’urgence. L’importance de la manifestation représentée par le congrès conjoint annuel de la SFMU et de SAMU de France témoigne de l’expansion de cette discipline. La création d’une spécialité universitaire de médecine d’urgence est en cours. Cette spécialité existe déjà aux États-Unis depuis de nombreuses années. Le développement de la prise en charge des urgences concerne essentiellement celles qui surviennent en dehors de l’hôpital. Cela contraste avec un moindre intérêt porté jusqu’à présent à la prise en charge des urgences intrahospitalières. Des « guidelines » ont été publiés aux États-Unis en 1997 [1] donnant des recommandations sur la prise en charge des urgences vitales intrahospitalières. Quelques expériences d’organisation locale proche de ces recommandations ont été rapportées en France [2–4] mais il semble que dans beaucoup de structures de soins, la prise en charge des urgences internes reste à organiser. Des consignes concernant la conduite à tenir en cas d’urgence vitale survenant à l’hôpital ne sont pas toujours affichées de façon très visible. Le témoin d’un arrêt cardiaque (AC) ne sait pas toujours s’il faut appeler le service d’urgence, le service de réanimation, le bloc opératoire, le SAMU, le SMUR ou le service de soins intensifs. Le personnel de ces services peut être occupé à d’autres tâches et avoir du mal à se libérer et à rassembler le matériel nécessaire. Les personnes qui assistent à un AC ne savent pas forcément où se trouve le matériel de premier secours, et s’il y en a, ils ne connaissent pas toujours les gestes à faire en attendant les secours. Pour aider tous ceux qui sont confrontés aux urgences intrahospitalières, des recommandations d’experts ont été élaborées par des médecins des différentes sociétés savantes concernées par la prise en charge des urgences vitales intrahospitalières : Société française d’anesthésie et de réanimation, SAMU de France, Société de réanimation de langue française, Société
française de cardiologie et Société francophone de médecine d’urgence [5]. Dans les recommandations, publiées dans ce numéro de la revue, les auteurs insistent sur la particularité des urgences vitales qui ne doivent pas être confondues avec la permanence des soins. Celle-ci relève de la présence médicale la journée et le reste du temps de l’astreinte ou de la garde. Les services de soins, dont les services de réanimation, de soins intensifs et de surveillance continue doivent assurer le suivi de leurs patients. Cette conférence décrit avec précision la « chaîne de survie intrahospitalière » (CSIH). Ce terme a été inspiré par la « chaîne de survie extrahospitalière » pour laquelle il existe une littérature importante. Le texte comporte une description précise des différentes étapes : la reconnaissance de l’AC, la procédure d’alerte, les premiers gestes à effectuer, la formation des personnels, le matériel devant être sur place, la composition et la formation des équipes CSIH et le matériel à emporter. Les auteurs insistent sur l’importance de disposer dans chaque unité d’un chariot d’urgence comportant un défibrillateur semiautomatique. L’utilisation de ce matériel impose une formation spécifique en plus de celle sur les gestes de premier secours. Ces recommandations concernent la prise en charge des patients hospitalisés et aussi des autres personnes présentes dans l’hôpital, telles que les membres du personnel et les visiteurs. La prévention de la survenue d’un AC chez un patient hospitalisé repose sur la prise en charge précoce d’une dégradation de son état respiratoire, de la survenue d’une instabilité hémodynamique et/ou de troubles de la conscience. Les auteurs de la conférence séparent ces situations de la prise en charge d’un AC. Les premières nécessitent la consultation rapide d’un médecin réanimateur alors que les secondes relèvent de l’intervention de l’équipe CSIH. Dans le doute, il est conseillé de faire appel à l’équipe CSIH. Les experts préconisent une analyse du dossier des patients pris en charge, dans un but d’évaluation. Il s’agit principalement d’évaluer le nombre de recours non justifié à l’équipe CSIH, la formation des personnels, la survie et la qualité de vie des patients pris en charge. L’application de ces recommandations impose un investissement important en matériel et en formation des personnels. Ce-
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la n’est possible au niveau d’une structure de soins que s’il existe une politique volontariste de la part de l’administration et des médecins. Les aspects éthiques sont aussi abordés dans ces recommandations : qui réanimer et quand arrêter les manœuvres de réanimation cardiorespiratoire ? Il est recommandé aux médecins des services d’hospitalisation d’aborder avec leurs patients et leurs familles le problème du consentement aux soins et de l’acharnement thérapeutique. Si une éventuelle décision de « ne pas réanimer » est prise ou acceptée par le patient et/ou sa famille, cela doit apparaître clairement dans le dossier. Cette décision doit être transmise lors des relèves infirmières. En cas d’aggravation du patient en l’absence du praticien qui le suit, cela permettra à l’infirmière de ne pas solliciter la prise en charge en urgence de ce patient. Si une demande est quand même formulée, cela permettra au médecin qui intervient d’adopter une attitude thérapeutique adaptée à l’état du patient. La prise en charge des urgences vitales au sein de l’établissement constitue la référence 33c (version du 24 juin 2004) du manuel d’accréditation des établissements de santé de l’Anaes. Les recommandations de cette conférence d’experts devraient faciliter l’organisation de cette prise en charge, de son suivi et de son évaluation. Ces recommandations attribuent à l’équipe CSIH un rôle très précis et limité à la prise en charge des patients présentant un AC inopiné. Dans certains travaux, les auteurs ont préconisé l’intervention de ces équipes dans des circonstances plus larges, telles que l’instabilité hémodynamique et/ou respiratoire, sans situation d’AC. Dans plusieurs études, l’activation de l’équipe CSIH sur des modifications du rythme cardiaque, de la pression artérielle, du rythme respiratoire ou de l’état de conscience a permis d’améliorer le pronostic des patients pris en charge [6,7] Dans les recommandations de la conférence présentée ici, dans de telles circonstances, les experts conseillent de faire appel au médecin réanimateur et non pas à l’équipe CSIH. Il est possible que dans certaines structures de soins, l’équipe CSIH soit amenée à intervenir dans des situations d’instabilité hémodynamique et/ou respiratoire, sans situation d’AC. Il sera alors nécessaire d’évaluer les implications de
ces interventions en termes de besoin en effectifs médicaux et paramédicaux pour les équipes CSIH et en terme d’occupation des lits de réanimation, de soins intensifs et de surveillance continue qui accueilleront les patients pris en charge par ces équipes. Références [1] Cummins RO, Sanders A, Mancini E, Hazinski MF. In-hospital resuscitation: a statement for healthcare professionals from the American Heart Association Emergency Cardiac Care Committee and the Advanced Cardiac Life Support, Basic Life Support, Pediatric Resuscitation, and Program Administration Subcommittees. Circulation 1997;95:2211–2. [2] Mercier JC. Pour une meilleure organisation hospitalière de la réanimation cardiopulmonaire. Presse Med 1990;19:986–9. [3] Holzapfel L. Organisation hospitalière de la réanimation cardiopulmonaire. Presse Med 1990;19:1994. [4] Gueugniaud PY, David JS, Carli P. Prise en charge de l’arrêt cardiaque: actualité et perspectives. Ann Fr Anesth Reanim 2002;21:564–80. [5] Gueugniaud PY, Ammirati C, Baqué S, Coste P, de La Coussaye JE, Dissait F, et al. Recommandations pour l’organisation de la prise en charge des urgences vitales intra hospitalières. Texte court 2004. Conférence d’experts organisée par la SFAR en collaboration avec SAMU de France, la SFC, la SFMU, et la SRLF. Réanimation 2005;8 (dans ce numéro). [6] Bellomo R, Goldsmith D, Uchino S, Buckmaster J, Hart G, Opdam H, et al. Prospective controlled trial of effect of medical emergency team on postoperative morbidity and mortality rates. Crit Care Med 2004;32:916– 21. [7] Buist MD, Moore GE, Bernard SA, Waxman BP, Anderson JN, Nguyen TV. Effects of a medical emergency team on reduction of incidence of and mortality from unexpected cardiac arrests in hospital: preliminary study. BMJ 2002;324:387–90.
L. Holzapfel Service de réanimation, centre hospitalier, 01012 Bourg-en-Bresse, France Adresse e-mail :
[email protected] (L. Holzapfel). Reçu le 10 juillet 2005 ; accepté le 11 octobre 2005 1624-0693 /$ - see front matter © 2005 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.reaurg.2005.10.021