Analyse de 379 prescriptions médicamenteuses téléphoniques dans un Centre 15

Analyse de 379 prescriptions médicamenteuses téléphoniques dans un Centre 15

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Article original

Presse Med. 2011; 40: e279–e285 ß 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Analyse de 379 prescriptions médicamenteuses téléphoniques dans un Centre 15 Thibaut Desmettre1, Bertrand Clerc2, Jacques Massol3, Marie-Christine Woronoff2, Christophe Gevrey1, Jean-Marc Labourey1, Samuel Limat2, Gilles Capellier1

1. Université Franche-Comté, pôle urgences/réanimation médicale/Samu et ACORELI, CHU de Besançon, 25000 Besançon, France 2. Université Franche-Comté, pôle pharmacie, CHU de Besançon, 25000 Besançon, France 3. PHISQUARE et Centre d’Investigation Clinique, CHU de Besançon, université Franche-Comté, 25000 Besançon, France Reçu le 11 mai 2010 Accepté le 15 octobre 2010

Correspondance :

Disponible sur internet le : 20 janvier 2011

Thibaut Desmettre, CHU de Besançon, service d’accueil des urgences/Samu25, 1, boulevard Fleming, 25030 Besançon cedex, France. [email protected]

Analysis of 379 drug prescriptions at a call Center 15 Introduction > Prescription of medicines by telephone (PMT) in the call Center 15 is a reality, but has never been studied. Objective > The objective was a Qualitative and quantitative study of the PMT. Method > A monocentric and observational study of calls for a week of the center 15 of Besançon (France) was performed. Material > Computer records and dial center 15 recordings of telephone conversations were analyzed. Variables analyzed were characteristics of callers, context of the requirement, analysis of compliance with the summary of product characteristics and mode of access to medicines. Results > Among 1183 appeals studied, a PMT was performed in 379 cases (32%). New and isolated prescriptions are the most frequent. 68% of PMT correspond to optional prescriptions. The 539 drugs prescribed belong to 4 main groups: analgesics, non steroidal anti-inflammatory, anti spasmodic, anti-diarrheal. In 9 out of 10 cases these drugs are from the family pharmacy.

tome 40 > n85 > mai 2011 doi: 10.1016/j.lpm.2010.10.028

Résumé Introduction > La prescription de médicaments par téléphone (PMT) au Centre 15 de Besançon est une réalité, mais n’a jamais été étudiée. Nous avons réalisé une étude qualitative et quantitative de la PMT. Méthodes > Il s’agissait d’une étude monocentrique, observationnelle, exhaustive, des appels d’une semaine de régulation généraliste au Centre 15 de Besançon. Matériel > Les dossiers informatiques et les conversations téléphoniques enregistrées ont été analysées. Les variables analysées ont été : caractéristiques des appelants ; contexte de la prescription ; analyse de la conformité au résumé des caractéristiques du produit et du mode d’accès aux médicaments. Résultats > Sur 1183 appels étudiés, une PMT a été effectuée pour 379 dossiers (32 %). Les nouvelles prescriptions isolées étaient les plus fréquentes. Soixante-huit pour cent des PMT correspondaient à des prescriptions médicales facultatives. Parmi les 539 médicaments téléprescrits, la plupart appartenaient aux 4 groupes des antalgiques, anti inflammatoires non stéroïdiens, anti spasmodiques, anti diarrhéiques. Dans 90 % des cas, ces médicaments étaient issus de la pharmacie familiale.

e279

Summary

T Desmettre, B Clerc, J Massol, M-C Woronoff, C Gevrey, J-M Labourey et al.

Conclusion > The PMT at the center 15 is realized in one third of

cases. This work helps highlight the shortcomings of the practice in terms of safety and security requirement of the proceedings against the recommendations of the French High Authority for Health.

E

n France, les Centres de Réception et de Régulation des Appels ou Centres 15 ont pour mission d’assurer une écoute médicale permanente de la population [1,2]. Ces appels téléphoniques sont réceptionnés par des permanenciers auxiliaires de régulation sur des lignes enregistrées. L’appel peut être orienté vers un médecin régulateur urgentiste pour les appels urgents ou un médecin régulateur généraliste en l’absence de critères de gravité. Cette régulation généraliste est assurée par des médecins généralistes qui exercent en cabinet de médecine de ville. La régulation téléphonique peut aboutir à un conseil téléphonique accompagné dans certains cas d’une prescription médicamenteuse téléphonique (PMT). L’activité de PMT a fait l’objet de recommandations du conseil de l’ordre des médecins, de la société française de médecine d’urgence, et de

Ce qui e´tait connu 

Les Centres 15 assurent une écoute médicale permanente de la population



Les appels non urgents du Centre 15 sont orientés vers la régulation généraliste



La prescription de médicaments par téléphone (PMT) entre dans le cadre de la télémédecine



La responsabilité du médecin est directement engagée au cours de cet acte médical téléphonique, compte tenu du vide juridique

Ce qu’apporte l’article 

La PMT au Centre 15 est une réalité : elle concerne près d’un tiers des dossiers



Les nouvelles prescriptions isolées, potentiellement les plus à risque, sont les plus fréquentes



Les médicaments les plus téléprescrits sont le paracétamol, les antiémétiques, les anti-diarrhéiques et antispasmodiques



On constate une grande hérérogénéïté des types de PMT en fonction du médecin régulateur



Des modifications législatives sont nécessaires à la sécurisation de cet

e280

acte médical

Conclusion > Nous avons montré les insuffisances de la pratique en termes de sécurité de la prescription et de sécurisation de la procédure en regard des recommandations de la Haute Autorité de santé de 2009.

la haute autorité de santé (HAS) [3–5]. Elle s’inscrit dans un cadre juridique imprécis et engage la responsabilité du médecin [6]. L’activité de PMT entre dans le cadre à la télémédecine, qui permet d’effectuer des actes médicaux à distance par des moyens de communication appropriés. L’acte de télémédecine est prévu dans l’article 32 de la loi n82004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance-maladie. L’activité de conseil téléphonique au centre 15, et par conséquent la PMT, ont été peu analysés [7,8]. Nous avons réalisé une étude quantitative et qualitative de la PMT effectuée au Centre 15 de Besançon par des médecins régulateurs généralistes.

Méthodes Contexte L’étude a été réalisée au Centre 15 du SAMU 25 au CHU de Besançon en partenariat avec l’Association Comtoise de Régulation Libérale (ACORELI). Chaque appel téléphonique au Centre 15 entraîne la création d’un dossier administratif et médical sur un logiciel informatique propre avec stockage des communications téléphoniques sur un système enregistreur pendant une durée légale de deux mois, avant destruction. Le logiciel informatique fournit des données quantitatives concernant les appels régulés par les régulateurs généralistes. Les entretiens téléphoniques du Centre 15 sont un élément du dossier médical du patient et relèvent du secret médical. Le protocole de l’étude a été soumis au comité d’éthique local qui a formulé un avis favorable à la réalisation de l’étude.

Déroulement de l’étude La collecte des données de chaque dossier étudié a été effectuée par l’écoute des conversations enregistrées du centre 15 par casque audio à partir d’un accès sécurisé dans les locaux du Centre 15. Les données nominatives concernant les patients et les médecins régulateurs ont été rendues anonymes lors de la saisie. Les périodes d’écoutes étudiées correspondent à une semaine d’appels, aux horaires de la permanence des soins : les jours de semaine de 20 h à 8 h le lendemain, le samedi de 12 h à 8 h le lendemain, le dimanche et jours fériés de 8 h à 8 h le lendemain. Pour la faisabilité de l’étude, les 7 jours de la semaine ont été séquencés et choisis de façon aléatoire selon un calendrier prévisionnel établi sur 5 semaines, compte tenu du temps nécessaire à l’écoute des enregistrements téléphoniques. Le recueil des données a été effectué selon des tome 40 > n85 > mai 2011

Paramètres recueillis et analysés Caractéristiques des appels Pour chaque dossier ont été relevés : âge et sexe du patient ; lien de parenté entre l’appelant et le patient ; motif d’appel ; localisation géographique rurale ou urbaine (population supérieure à 15 000 habitants) ; jour, horaire et durée de l’appel. Prescription médicamenteuse téléphonique Critère d’inclusion Le critère d’inclusion était : conseil médicamenteux par le médecin régulateur généraliste au cours de la conversation téléphonique avec l’appelant Analyse du contexte Les PMT ont été distinguées selon le cadre réglementaire (prescription médicale obligatoire (PMO) ou facultative (PMF) et, pour les PMO, médicaments listés et médicaments non listés) et leur nouveauté (nouvelles prescriptions) ou leur ajout à un traitement en cours. Chaque PMT a été classée soit en prescription en attente de consultation (PRAC) en cas de conseil par le médecin régulateur de consulter un médecin dans les 24 à 48 h heures ; en prescription isolée (PRI) quand ce conseil n’avait pas été formulé à l’appelant ; ou en prescription non isolée (PNI) quand le patient avait un examen physique par un médecin durant la permanence des soins, au décours de l’appel. Conformité au résumé des caractéristiques du produit L’analyse de chaque prescription a consisté à analyser le bon usage des médicaments conformément au résumé des caractéristiques du produit (RCP) issu du dictionnaire VidalW. Les vérifications ont porté sur le respect des contre-indications, dont la recherche d’allergies médicamenteuses et d’une grossesse pour les femmes en âge de procréer, le respect des précautions d’emploi, des doses usuelles, intervalles de prise, dates de péremption et sur la recherche de redondance ou d’interactions médicamenteuses. Disponibilité et mode de dispensation des médicaments Les données relevées ont été : présence dans la pharmacie familiale des médicaments prescrits par téléphone ; nécessité de se rendre en pharmacie d’officine pour la délivrance des médicaments prescrits ; existence d’une transmission par fax de l’ordonnance au pharmacien de garde pour les médicaments listés. Type et pourcentage de prescription médicamenteuse téléphonique effectuées par médecin régulateur généraliste Le taux de PMT par médecin régulateur (correspondant au nombre de PMT effectuées pour chaque médecin sur le nombre total d’appels régulés de ce médecin) ainsi que le type de prescription (PRI, PRAC, PNI) ont été relevés.

tome 40 > n85 > mai 2011

Décisions associées à la prescription médicamenteuse téléphonique En cas de PMT les principales décisions associées suivantes ont été relevées : conseil de reconsulter un médecin en dehors des horaires de la permanence des soins ; conseil de rappeler en cas d’aggravation ; conseil de se rendre à la pharmacie de garde ou auprès du dentiste de garde.

Résultats Après information, aucune opposition n’a été formulée par les médecins régulateurs généralistes quant à la réalisation de l’étude, ils n’ont pas eu connaissance de son calendrier précis afin de ne pas biaiser les résultats. L’écoute des conversations enregistrées et le recueil des données ont été effectués entre le 16 septembre et le 16 octobre 2007. Les données générales concernant les dossiers de la PDS au centre 15 de Besançon au cours de l’année 2007 obtenues à partir du logiciel informatique du Centre 15 et les dossiers étudiés sont rapportés sur le (tableau I).

Caractéristiques des appels Une semaine complète de la régulation généraliste de la permanence des soins a été étudiée, soit 1183 appels qui ont été écoutés par 3 binômes d’étudiants. Près de 20 % des appels concernaient des troubles gastro-intestinaux, 20 % des atteintes stomato-ORL et 12 % des atteintes musculo -articulaires ou traumatismes. Ces trois motifs représentaient plus de 50 % des motifs d’appels. Dans 35 % des cas l’appelant est le patient lui-même, tandis que 41 % des appels provenaient de parents et concernaient des enfants mineurs.

Caractéristiques des téléprescriptions médicamenteuses Nombre et types de médicaments téléprescrits Une PMT a été relevée dans 379 cas sur les 1183 dossiers étudiés, soit 32 % des cas. Ces 379 dossiers ont été régulés par 23 médecins régulateurs généralistes Dans 71 % des cas les patients n’avaient pas consulté un médecin pour ce problème au préalable, 68 % des médicaments téléprescrits ne nécessitaient pas d’ordonnance pour être délivrés (prescription médicale facultative). Les 379 PMT correspondaient à 539 médicaments, soit en moyenne 1,45 médicaments par appel avec PMT. Ces médicaments appartenaient à 15 classes médicamenteuses avec quatre groupes principaux : antalgiques (n = 205) soit environ 30 % des cas avec en premier lieu le paracétamol 8 fois sur 10 (n = 167) ; les anti inflammatoires non stéroïdiens pour 12 % ; les anti spasmodiques dans 7 % des cas ; les anti-diarrhéiques pour 3 % (figure 1). Analyse qualitative des prescriptions médicamenteuses téléphoniques Contexte de prescription Près de 75 % des PMT correspondaient à une nouvelle prescription. Les prescriptions isolées (PRI) représentaient 178 cas

e281

grilles préétablies, par une double écoute simultanée réalisée par des binômes d’étudiants en médecine de 6ème année et des étudiants en pharmacie de 5éme année recrutés localement.

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Analyse de 379 prescriptions médicamenteuses téléphoniques dans un Centre 15

T Desmettre, B Clerc, J Massol, M-C Woronoff, C Gevrey, J-M Labourey et al.

Tableau I Données générales concernant la régulation généraliste du Centre 15 de Besançon en 2007 et les dossiers de l’étude. Dossiers MRG année 2007

Dossiers MRG étudiés

Dossiers MRG étudiés avec PMT

Nombre de dossiers 67656

1183

379

Dossiers semaine

21283 (31,5 %)

361 (30,5 %)

154 (40,6 %)

Dossiers WE

46373 (68,5 %)

822 (69,5 %)

225 (59,4 %)

Dossiers rural

-

970 (82 %)

307 (81 %)

Dossiers urbain

-

213 (18 %)

72 (19 %)

8h–12h

11945 (17,7 %)

194 (16,4 %)

45 (11,9 %)

12h–20h

25150 (37,2 %)

451 (38,1 %)

117 (30,9 %)

20h–00h

19169 (28,3 %)

344 (29,1 %)

118 (31,1 %)

00h–8h

11392 (16,8 %)

194 (16,4 %)

99 (26,1 %)

8720 (12,5 %)

31 (2,6 %)

8 (2,1 %)

867 (1,4 %)

72 (6,1 %)

24 (6,4 %)

1–5 ans

10434 (15,6 %)

242 (20,5 %)

92 (24,4 %)

5–15 ans

7560 (11,3 %)

110 (9,3 %)

34 (9 %)

15–18 ans

1177 (1,8 %)

44 (3,7 %)

14 (3,7 %)

18–65 ans

30387 (45,2 %)

535 (45,5 %)

171 (45,4 %)

> 65 ans

8202 (12,2 %)

144 (12,2 %)

34 (9 %)

Répartition semaine /week-end (WE)

Répartition rural/urbain

Tranche horaire

Âge des patients * < 3 mois 3 mois–1 an

* 309 données manquantes sur l’ensemble des dossiers de l’année 2007. MRG : médecin régulateur généraliste ; PMT : prescription médicamenteuses téléphoniques.

soit 15 % de la totalité des dossiers, les prescriptions en attente de consultation (PRAC) 152 cas soit 13 %, les prescriptions s’accompagnant d’un examen du patient par un médecin au décours de l’appel (PNI) 49 cas soit 4 %.

Décision complémentaire associée à la prescriptions médicamenteuses téléphoniques Sur les 379 dossiers avec PMT, 80 % s’accompagnaient de décisions complémentaires : conseil de consulter un médecin à

Conformité au résumé des caractéristiques du produit Ces résultats sont présentés sur le (tableau II). Disponibilité et mode de dispensation des médicaments Dans 90,5 % des cas, les médicaments prescrits étaient disponibles à domicile et issus de la pharmacie familiale du patient. Dans 5 % des cas la dispensation a été réalisée par une pharmacie, mais sans contact téléphonique ni transmission d’une ordonnance.

e282

Type et pourcentage de prescriptions médicamenteuses téléphoniques effectuées par médecin régulateur généraliste Les 379 PMT ont été effectuées par 23 médecins régulateurs généralistes différents. Le taux de PMT par médecin et les types de PMT par médecin sont représentés dans le (tableau III).

Tableau II Conformité au résumé des caractéristiques du produit (RCP) des médicaments téléprescrits (n = 539) exprimée en pourcentage. Conformité au RCP des médicaments téléprescrits Conformité de l’indication à l’AMM

100

Conformité des doses conseillées

98,0

Conformité des intervalles de prises conseillés

98,5

Recherche de contre indication

58,3

Recherche de précaution d’emploi

20,4

Recherche d’interaction

62,7

Recherche de redondance

88,3

Recherche de date de péremption

6,9

tome 40 > n85 > mai 2011

Analyse de 379 prescriptions médicamenteuses téléphoniques dans un Centre 15

Article original

[()TD$FIG]

205

antalgiques

106

anti-inflammatoires

37

anti-spasmodiques

33

antidiarrhéiques corticoides

28

neuro-psy

27

anti-émétiques

26 20

anti-infectieux anti-histaminiques

11

cardio-vasculaire

11

antiacides

9

antitussifs

8

laxatifs

6

mucolytiques

6

autres

6 0

50

100

150

200

250

Figure 1 Classes médicamenteuses prescrites par téléphone (n = 539)

Discussion Ce travail exploratoire a analysé au plan quantitatif et qualitatif la PMT effectuée au centre 15 au cours d’une semaine, dans le cadre de la régulation généraliste. C’était la première évaluation exhaustive de cette activité. Une PMT était réalisée dans près d’un tiers des dossiers, avec 539 médicaments téléprescrits. Bien que la saison ait influencé le recrutement (contexte d’une épidémie hivernale de gastro-entérite), les motifs d’appels principaux étaient similaires à ceux des consultations en médecine de ville [9]. Près d’un dossier de PMT sur deux a été obtenu au cours de la tranche horaire minuit – 8 h, contre 32 % en moyenne toutes périodes confondues. Cette étude a confirmé la réalité du problème posé par les PMT pour guider une recherche observationnelle future. Nos observations ont tome 40 > n85 > mai 2011

montré l’incertitude et le risque pris lors des PMT. La part conséquente de prescription thérapeutique, en grande majorité par l’intermédiaire d’une tierce personne, le plus souvent pour des enfants, sans examen physique au moment de la prescription et souvent sans consultation médicale préalable était importante. L’absence de contact téléphonique direct avec le patient était un facteur de risque d’erreur dans l’appréciation des symptômes et de la situation. Les nouvelles prescriptions isolées représentaient les PMT potentiellement les plus à risque, en l’absence de consultation antérieure ni a posteriori, et étaient les plus fréquentes. Les médicaments les plus téléprescrits (paracétamol ; médicaments utilisés en période d’épidémie de gastro-entérites : anti-émétiques, anti-diarrhéiques et antispasmodiques) étaient similaires à ceux les plus fréquemment prescrits en cabinet de médecine générale de ville [10]. La vérification des précautions d’emploi était rarement effectuée (20 % des cas), la recherche d’interactions médicamenteuses dans près de deux tiers des cas, la recherche de

e283

l’ouverture des cabinets (n = 139), conseil de rappel en cas d’aggravation des symptômes (n = 88), conseil de se rendre dans une pharmacie (n = 27), conseil de consulter un dentiste (n = 3).

T Desmettre, B Clerc, J Massol, M-C Woronoff, C Gevrey, J-M Labourey et al.

Tableau III Taux et types de prescription médicamenteuse téléphonique (PMT) par médecin régulateur exprimées en pourcentage. Médecins régulateurs (n- d’anonymat)

Taux PMT par médecin (%)

PNI (%)

PRAC (%)

PRI (%)

1

45

19

53

28

2

27,9

17,5

15

67,5

3

7,8

0

25

75

4

11,1

50

33,3

16,7

5

42,2

3,4

74

22,2

6

50

16,7

50

33,3

7

34,6

0

33,3

66,7

8

44,4

0

75

25

9

50

8,7

30,4

60,9

10

67,2

31,1

24,4

44,5

11

20

12,5

37,5

50

12

26,7

15,7

31,3

53

13

27,3

0

33,3

66,7

14

30,4

0

43

57

15

17,9

0

0

100

16

44,4

8,4

58,3

33,3

17

40

10,5

60,5

29

18

27,3

66

22

22

19

27,6

18,5

12,5

69

20

31,7

0

61,5

38,5

21

30

0

50

50

22

29,4

0

40

60

23

31,6

33,3

50

16,7

PNI : prescription non isolée ; PRAC : prescription en attente de consultation ; PRI : prescription isolée.

e284

contre-indications dans près de 60 % des cas. Cette absence de vérification systématique dans l’optique de la prévention du risque iatrogène est regrettable. Dans plus de 9 cas sur 10 les médicaments téléprescrits étaient issus de la pharmacie familiale, qui n’est pas la pharmacie du patient et ne mettait pas à l’abri de la survenue d’un problème d’intolérance ou d’allergie. La non vérification de la date de péremption expose d’une part à un risque d’inefficacité du médicament téléprescrit, mais également à une perte de crédibilité et de confiance dans le conseil téléphonique formulé. L’absence de recours à une prescription écrite, télétransmise par fax ou par courriel était préjudiciable à la traçabilité de la téléprescription et n’a pas permis de vérification de l’ordonnance par le pharmacien. Une harmonisation de cette activité et la diffusion de supports de formation à destination des médecins régulateurs semble nécessaire, comme en témoigne l’hérérogénéïté des types de PMT en fonction du médecin régulateur, et le taux élevé de prescriptions isolées. Cette étude n’a pas permis de conclure sur le rapport bénéfice/ risque de la PMT compte tenu du caractère monocentrique de l’étude et de l’échantillon étudié.

Bien que les recommandations de la HAS sur la PMT soient postérieures à ce travail, il est intéressant de comparer les données collectées à ces préconisations. La PMT doit être réservée aux enfants de plus de 3 mois (8 avaient moins de 3 mois dans notre étude). L’utilisation des médicaments de la pharmacie familiale (90 % des PMT étudiées) doit être privilégiée. La sécurisation de la prescription nécessite une vérification des contre-indications, précautions d’emploi et interactions médicamenteuses, ce qui était loin d’être systématique dans les dossiers de notre étude. Selon l’HAS, la sécurisation de la procédure de la PMT doit conduire à conseiller systématiquement au patient de consulter son médecin traitant dès l’ouverture du cabinet et également de demander à l’appelant de reformuler la PMT, ce dernier point n’étant jamais respecté. Enfin, le conseil au patient de rappeler le centre 15 en cas de persistance, d’aggravation ou de modification des symptômes doit être systématique. En cas de délivrance de médicaments auprès d’une pharmacie, une prescription écrite doit être obligatoirement réalisé et transmise ce qui n’était pas le cas dans les dossiers de notre étude. tome 40 > n85 > mai 2011

Ces constatations incitent à mettre en oeuvre des mesures afin d’améliorer la conformité de la pratique aux recommandations et de réduire l’hétérogenéïté au sein du groupe des médecins régulateurs libéraux. La possibilité d’affichage du nom de la pharmacie de garde sur l’écran et la mise à disposition de modèles d’ordonnance en salle de régulation font partie des préconisations techniques qui doivent être rendues opérationnelles. Des fiches synthétiques rappelant les principaux points clés des recommandations HAS concernant l’information du patient, les modalités précises de la PMT et la nécessité de traçabilité doivent être accessibles sur les pupitres de travail du Centre 15. Les résultats des travaux d’évaluation de la PMT doivent être diffusés

largement aux médecins régulateurs concernés et l’objet de discussions au cours de réunions de formation médicale continue en utilisant le support des recommandations de l’HAS. La mesure des écarts à ces préconisations peut être utilisé comme indicateur. Compte tenu du vide juridique, il semble indispensable d’envisager les modifications législatives nécessaires à la sécurisation de cet acte médical potentiellement à haut risque pour le médecin, le pharmacien et le patient.

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Analyse de 379 prescriptions médicamenteuses téléphoniques dans un Centre 15

Conflits d’intérêts : aucun. Financement : Étude réalisée avec le soutien financier de l’Association des Pharmaciens de Bourgogne Franche Comté et en partie présentée en 2009 aux 15èmes Journées Franco-Suisses de Pharmacie Hospitalière et au 3éme Congrès de la Société Française de Médecine d’Urgence.

Références

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p. 673-9.

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[1]