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Facteurs de risque et surveillance à long terme des complications cardiaques après traitement pour un cancer pendant l’enfance Treatment-related cardiotoxicity in childhood cancer survivors: Risk factors and follow-up B. Fresneau a,∗ , C. Fayech a , T. Butel a , N. Haddy b , D. Valteau-Couanet a , P. Ou c a
Département de cancérologie de l’enfant et de l’adolescent, Gustave-Roussy, université Paris-Saclay, 114, rue Edouard-Vaillant, 94805 Villejuif, France Équipe 3 – épidémiologie des radiations, épidémiologie clinique et des survivants d’un cancer, centre de recherche en épidémiologie et santé des populations, Inserm U1018, Gustave-Roussy, 94805 Villejuif, France c Service d’imagerie médicale, hôpital Bichat, AP–HP, 75018 Paris, France b
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Cardiomyopathies Coronaropathie Anthracyclines Irradiation Cancers de l’enfant
r é s u m é Les complications cardiaques à long terme sont une des principales causes de morbidité et de mortalité chez les survivants de cancer pédiatrique. Le risque d’insuffisance cardiaque, de coronaropathie, de valvulopathie et de péricardite constrictive sont significativement augmentés dans cette population et nécessitent d’être connus de sorte qu’une surveillance individualisée, adaptée aux facteurs de risque, puisse être mise en place. Certains facteurs de risque de toxicité cardiaque à long terme sont bien connus comme la dose cumulée d’anthracyclines, l’irradiation de l’aire cardiaque ou le jeune âge au moment du traitement. Des analyses sont en cours pour identifier de nouveaux facteurs modificateurs du risque cardiovasculaire, en particulier dans le domaine de la pharmacogénétique. Ainsi certains polymorphismes génétiques de gènes impliqués dans le métabolisme des anthracyclines augmenteraient le risque d’insuffisance cardiaque. La prise en compte de ces facteurs génétiques dans l’estimation du risque cardiovasculaire pourrait permettre d’optimiser les modalités de surveillance cardiologique à long terme. À l’heure actuelle, cette surveillance repose sur des échographies cardiaques régulières tous les 2 à 5 ans. La place des examens fonctionnels plus sophistiqués (échographie cardiaque tissulaire et IRM cardiaque) dans le dépistage des cardiomyopathies reste à définir. Le bénéfice d’une surveillance par épreuve d’effort après irradiation des coronaires reste débattu bien que sans doute nécessaire vu l’augmentation importante du risque de coronaropathie après irradiation cardiaque. Le contrôle optimal des facteurs de risque cardiovasculaire et en particulier de l’hypertension artérielle est indispensable. ´ e´ Nationale Franc¸aise de Medecine ´ Interne (SNFMI). Publie´ par Elsevier Masson SAS. © 2016 Societ ´ ´ Tous droits reserv es.
a b s t r a c t Keywords: Cardiomyopathy Coronary lesions Anthracycline Radiotherapy Neoplasia of the young
Anthracycline-induced cardiotoxicity (ACT) is a severe complication in children and young adults that may lead to congestive heart failure. Some risk factors have been identified: high anthracycline cumulative dose, high radiation dose delivered on the cardiac area, or young age during the treatment. Primary prevention is not clearly defined in children. The dexrazoxane iron chelator seems to be interesting based on its short-term cardioprotective property in patients receiving doxorubicin-containing regimens. However, its long-term benefits remain to be determined, as well as the risk of secondary cancer. Childhood cancer survivors treated with anthracyclines are annually followed in the long-term. Trans-thoracic echocardiography is classically performed every 2 to 5 years for assessing the ventricular hemodynamics and function. Recent modern techniques including echocardiography with strain assessment and cardiac MRI seems to be promising for an early detection of myocardial impairment. Further studies are mandatory for validating their usefulness in the setting of anthracycline-induced cardiomyopathy. Recently,
∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (B. Fresneau). http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2016.07.010 ´ e´ Nationale Franc¸aise de Medecine ´ ´ ´ 0248-8663/© 2016 Societ Interne (SNFMI). Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits reserv es.
Pour citer cet article : Fresneau B, et al. Facteurs de risque et surveillance à long terme des complications cardiaques après traitement pour un cancer pendant l’enfance. Rev Med Interne (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2016.07.010
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ACT predisposing variants in genes involved in oxydative stress and in metabolism and transport of anthracyclines have been identified. Their use in clinical practice could improve ACT risk stratification of children treated with anthracyclines-containing regimens. Predictive models combining replicated genetic variants and clinical factors need to be validated with the challenge to identify patients at high risk of cardiomyopathy. The objective is to personalize treatment strategy according to individual genetic background. ´ e´ Nationale Franc¸aise de Medecine ´ © 2016 Societ Interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1. Introduction Les progrès thérapeutiques de l’oncologie pédiatrique ont permis une amélioration des taux de survie globale à 5 ans qui atteignent aujourd’hui plus de 80 % chez l’enfant et l’adolescent. Ainsi, on estime entre 300 000 et 500 000 le nombre de citoyens européens guéris d’un cancer dans l’enfance [1]. En France, ce sont plus de 25 000 adultes qui ont été traités pendant l’enfance pour un cancer. La prise en charge à long terme de ces adultes guéris d’un cancer pédiatrique est devenue un enjeu de santé publique inscrit dans le troisième plan cancer 2014–2019 (Action 8.2 : structurer le suivi à long terme des enfants et adolescents). En effet, ces patients ont souvent rec¸u des traitements intensifs ou multimodaux occasionnant une morbidité à long terme importante compliquée d’un taux de mortalité entre 8 et 11 fois plus important que dans la population générale. Une étude récente du St Jude Lifetime Cohort Study (SJLIFE) a ainsi montré que 67,6 % (IC 95 % : 65,3–69,8) des adultes traités pour un cancer pendant l’enfance souffraient d’au moins un problème de santé chronique sévère ou invalidant (étude menée sur 1713 patients traités à un âge médian de 6 ans, avec un recul médian de 25 ans) [2]. Après les seconds cancers, les événements cardiovasculaires représentent la deuxième complication à long terme la plus fréquente et la plus sévère des traitements, avec un risque relatif de coronaropathie de 10 et d’insuffisance cardiaque congestive de 15 [2–5]. Une actualisation récente des données issues de la cohorte américaine Childhood Cancer Survivor Study (CCSS) a montré chez 10 724 survivants de cancers pédiatriques traités aux États-Unis et au Canada entre 1970 et 1986, une incidence cumulée à l’âge de 45 ans de 5,3 % (IC 95 % : 4,4–6,1) de coronaropathie, 4,8 % (IC 95 % : 4,1–5,6) d’insuffisance cardiaque clinique, 1,5 % (IC 95 % : 1–2) de valvulopathies et 1,3 % (IC 95 % : 0,9–1,7) d’arythmies contre respectivement 0,9 %, 0,3 %, 0,1 % et 0,4 % dans la population contrôle constituée de 3159 frères et sœurs des survivants interrogés. On compte parmi les facteurs de risque majeurs de complications cardiaques à long terme : les anthracyclines et l’irradiation de l’aire cardiaque. D’autres facteurs cliniques et biologiques sont susceptibles de modifier le risque de cardiotoxicité. La connaissance de l’ensemble de ces facteurs de risque est indispensable de fac¸on à proposer des recommandations de surveillance cardiologique adaptées aux traitements anti-cancéreux rec¸us pendant l’enfance afin de dépister et traiter précocement ces complications tardives et ainsi limiter leurs conséquences. Nous décrirons les différents facteurs de risque de complications cardiaques avant d’aborder les modalités de surveillance cardiologique à long terme. 2. Facteurs de risque de complications cardiaques à long terme
activité anti-topoisomérase de type II, altération de la membrane cellulaire, formation de radicaux libres et induction d’apoptose. Ces traitements sont largement utilisés en oncologie pédiatrique, en particulier dans le traitement des leucémies, des sarcomes et d’autres tumeurs solides (neuroblastome, néphroblastome et hépatoblastome de haut risque). Les mécanismes moléculaires responsables de la cardiotoxicité des anthracyclines ne sont pas complètement élucidés. L’hypothèse principale est celle du stress oxydatif liée à la production de radicaux libres secondaire à la formation du complexe fer-anthracycline dans les cardiomyocytes où les anthracyclines tendent à s’accumuler du fait de leur affinité importante pour la cardiolipine, un phospholipide de la membrane mitochondriale des cellules myocardiques. Ces radicaux libres entraîneraient une peroxydation des lipides membranaires des cardiomyocytes, des modifications de la structure et de la fonction des mitochondries, une diminution de la production d’ATP, des altérations de l’ADN et une induction d’apoptose. Les cellules myocardiques sont d’autant plus vulnérables à ce stress oxydatif que leur métabolisme oxydatif est important et que leurs moyens de défense anti-oxydatifs sont relativement faibles et de surcroît inhibés par les anthracyclines (en particulier inhibition de la glutathione oxydase, enzyme myocardique anti-oxydante) [6]. Des études plus récentes se sont intéressées aux effets des anthracyclines sur les cellules progénitrices cardiaques. Il s’agit de cellules ayant conservé leur capacité de mitose, présentes dans le myocarde en très faible quantité (0,08 % des cardiomyocytes), et exprimant un comportement proche de celui des cellules souches mais ne pouvant se différencier que vers la lignée cardiomyogénique. Plus petites que les cardiomyocytes, ces cellules n’expriment pas les marqueurs cardiaques et ont la propriété de s’auto-renouveler et de proliférer, participant ainsi au remplacement des cellules apoptotiques cardiaques à un niveau basal tout au long de la vie [7,8]. Certaines études expérimentales sur des modèles murins de cardiomyopathies aux anthracyclines ont mis en évidence un effet destructeur direct des anthracyclines sur la population des cellules progénitrices cardiaques, ce qui pourrait expliquer la plus grande sensibilité chez les enfants traités [9]. Quoique controversés, les travaux expérimentaux sur des modèles murins explorant la voie de la régénération des cardiomyocytes semblent montrer un bénéfice à recourir aux cellules progénitrices pour limiter les effets toxiques des anthracyclines sur le myocarde [10–12]. Histologiquement deux types de lésions sont rencontrés et peuvent être associés : • une perte des myofibrilles dans les cardiomyocytes avec modification de taille et de forme des mitochondries ; • une vacuolisation du cytoplasme secondaire à une dilatation du réticulum sarcoplasmique [13].
2.1. Traitement par anthracyclines Les anthracyclines sont des agents cytotoxiques aux modes d’action multiples : intercalation dans l’ADN, induction de coupure de l’ADN et d’aberrations chromosomiques via notamment leur
Ces lésions peuvent évoluer vers la nécrose cellulaire, mais sans inflammation et habituellement sans fibrose. Les cardiomyopathies tardives aux anthracyclines surviennent plus d’un an après le début du traitement et se caractérisent
Pour citer cet article : Fresneau B, et al. Facteurs de risque et surveillance à long terme des complications cardiaques après traitement pour un cancer pendant l’enfance. Rev Med Interne (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2016.07.010
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initialement par une dilatation du ventricule gauche avec réduction de sa contractilité et diminution de sa fraction de raccourcissement. L’évolution se fait ensuite vers une forme restrictive [14]. Les lésions responsables de la cardiomyopathie tardive aux anthracyclines ne sont pas réversibles et peuvent évoluer cliniquement vers l’insuffisance cardiaque terminale et nécessiter une transplantation cardiaque ou cœur-poumon [15]. L’incidence des cardiopathies tardives symptomatiques après traitement par anthracyclines dans l’enfance serait de 5 à 15 % à 15 ans avec des variations importantes selon la dose rec¸ue d’anthracyclines et l’association ou non à une irradiation de l’aire cardiaque, et continuerait à augmenter avec le temps, pouvant atteindre 19 % à 25 ans pour les patients ayant rec¸u une dose d’anthracyclines supérieure à 250 mg/m2 d’équivalent doxorubicine [3,16]. Cependant l’estimation de cette l’incidence est difficile du fait de l’hétérogénéité des études publiées, en particulier dans les définitions des cas (insuffisance cardiaque clinique ou anomalies échographiques isolées), dans leurs modalités d’identification (exploration cardiologique systématique dans le cadre de consultation de suivi ou recueil de données par questionnaires auprès des patients) et dans le choix de la population contrôle (patients traités pour un cancer mais sans anthracyclines, frères et sœurs sans antécédent de cancer ou témoins de la population générale). Dans une étude hollandaise portant sur 607 patients traités pendant l’enfance par anthracyclines entre 1976 et 1995, le risque d’insuffisance cardiaque clinique était évalué à 2 % (IC 95 % : 0,8–3,2) à 2 ans, 2,8 % (IC 95 % : 1,3–4,3) à 5 ans, 3,3 % (IC 95 % : 1,6–5,0) à 10 ans et 4,8 % (IC 95 % : 1,8–8,3) après 15 ans, avec un risque accru en cas de dose cumulée d’anthracyclines rec¸ue supérieure à 300 mg/m2 [17]. Le risque de développer une insuffisance cardiaque clinique était estimée pour 300 mg/m2 d’équivalent doxorubicine à 1,1 % (IC 95 % : 0,1–2,5), pour 450 mg/m2 à 4,5 % (IC 95 % : 1,5–7,5) et pour 600 mg/m2 à 17,8 % (IC 95 % : 5,5–30,1). Cet effet-dose des anthracyclines a été retrouvé dans plusieurs études de cohortes indépendamment de la dose d’irradiation à l’aire cardiaque [16,18–20]. Les altérations infra-cliniques de la fonction cardiaque sont plus fréquentes. Dans une étude franc¸aise sur le suivi cardiologique à long terme de 229 enfants traités pour cancer entre 1968 et 1984 et évalués plus de 15 ans après le traitement, la fréquence des altérations de la fonction myocardique y compris asymptomatiques était de 10 % (2/20) pour des doses cumulées d’anthracyclines inférieures à 150 mg/m2 , de 29 % (10/34) pour des doses de 150 à 250 mg/m2 , de 43 % (43/99) pour des doses de 250 à 400 mg/m2 et de 45 % (34/76) pour des doses cumulées supérieures à 400 mg/m2 [16]. En outre, il n’a pas été retrouvé dans ces études de dose-seuil en dessous de laquelle le risque de toxicité cardiaque était nul, traduisant un probable effet cardiotoxique des anthracyclines pour des faibles doses (< 100 mg/m2 ) [21]. Le risque de cardiotoxicité serait modifié par le type d’anthracycline (réduction du risque d’insuffisance cardiaque chez les adultes traités par doxorubicine liposomale, mais pas de données pédiatriques disponibles [22]) et par la durée d’administration (moins de cardiotoxicité en perfusion prolongée sur 6 heures ou continue sur 24 à 96 heures par rapport à une injection en bolus sur 15 minutes chez l’adulte [23–26], mais pas de différence significative chez l’enfant avec des doses unitaires et cumulées plus faibles que dans les études menées chez l’adulte [27,28]). Concernant l’équivalence de dose cardiotoxique entre anthracyclines, peu d’articles sont disponibles. Le Children Oncology Group (COG) propose une table de conversion permettant de calculer pour chaque patient une dose cumulée d’équivalent doxorubicine (dose cumulée = dose doxorubicine × 1 + dose daunorubicin × 1 + dose épirubicin × 0,67 + dose idarubicin × 5 + dose mitoxantrone × 4) [29]. D’autres facteurs de risques augmenteraient le risque de cardiomyopathie induite par les anthracyclines comme un âge jeune au
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traitement, le sexe féminin, l’ethnie noire et l’association à d’autres comorbidités (trisomie 21, endocrinopathies, etc.) [18,30,31].
2.2. Irradiation de l’aire cardiaque Toutes les structures cardiaques (myocarde, valves, péricarde, coronaires, voies de conduction) sont susceptibles d’être lésées après irradiation. Concernant le myocarde, la radiothérapie induit des lésions de fibrose multifocales altérant sa compliance à l’origine d’une dysfonction diastolique à long terme [32]. Ces lésions de fibrose pourraient être secondaires à des atteintes microcirculatoires précoces ou à une inflammation post-radique chronique. Péricarde et valves peuvent être également l’objet de lésions de fibrose post-radique tandis que les coronaires peuvent être le siège d’une athérosclérose précoce. Les effets cardiotoxiques de la radiothérapie ont été plus particulièrement étudiés chez les patients adultes traités pour un lymphome de Hodgkin et ont rapporté une augmentation significative du risque de coronaropathie, de valvulopathie et de décès par pathologie cardiaque chez ces patients [33–36]. Peu d’études ont été réalisées spécifiquement sur la population pédiatrique. Les complications cardiaques post-radiques ont été étudies chez 635 enfants et adolescents (âge moyen au diagnostic : 15,4 ans) traités pour une maladie de Hodgkin entre 1960 et 1991 (suivi moyen : 10,3 ans), avec une irradiation médiastinale pour 578 d’entre eux [37]. Il était rapporté que 12 patients ayant rec¸u chacun 42 à 45 Gy sur le médiastin étaient décédés de pathologies cardiaques dont 7 d’infarctus du myocarde 6 à 22 ans après le traitement (6/7 traités par irradiation seule), correspondant à un risque relatif de décès par pathologie cardiaque de 29,6 (IC 95 % : 16–49,3) par rapport à la population générale. Le nombre de pathologies cardiaques non létales était de 106, dont 6 coronaropathies et 12 péricardites constrictives chroniques ayant nécessité une péricardectomie. Les risques d’infarctus et de péricardite constrictive dans cette étude étaient évalués respectivement à 8,1 % à 22 ans et à 4 % à 17 ans post-irradiation. Les conséquences de l’irradiation médiastinale en particulier pour des doses supérieures à 30 Gy ont été confirmées par d’autres études pédiatriques parmi lesquelles une étude allemande portant sur 1132 enfants et adolescents traités pour une maladie de Hodgkin entre 1978 et 1995 (âge médian au diagnostic : 12,8 ans ; suivi médian : 15,1 ans) [38]. Une irradiation médiastinale (dose médiane : 25 Gy) avait été réalisée chez 874 d’entre eux. Tous sauf 6 patients avaient rec¸u de la doxorubicine (dose cumulée protocolaire : 160 mg/m2 ). Parmi tous les patients, 50 pathologies cardiaques ont été diagnostiquées à un intervalle médian de 19,5 ans du traitement : 33 valvulopathies significatives, 14 coronaropathies, 10 troubles de la conduction et 8 pathologies péricardiques. L’incidence cumulée augmentait significativement 15 à 18 ans après le traitement, pour atteindre 9 % de valvulopathies et 5 % de pathologies cardiaques non valvulaires à 25 ans. Le seul facteur de risque indépendant de cardiopathies identifié en analyse multivariée était la dose de radiothérapie médiastinale avec une incidence cumulée à 25 ans post-traitement de 3 % à 0 Gy, 5 % à 20 Gy, 6 % à 25 Gy, 10 % à 30 Gy et 21 % à 36 Gy. Tous cancers confondus, l’irradiation de l’aire cardiaque pendant l’enfance est associée à un risque relatif d’insuffisance cardiaque augmentant significativement dès 5 Gy et multiplié par 4,4 pour les patients ayant rec¸u une dose > 20 Gy [16,18]. Les incidences cumulées à 30 ans seraient de 2,2 % (IC 95 % : 0–4,7) pour la coronaropathie et de 2,5 % (IC 95 % : 0–5) pour les valvulopathies chez les patients irradiés, contre respectivement 0,3 % (IC 95 % : 0–0,8) et 0,1 % (IC 95 % : 0–0,3) chez les patients non irradiés [3]. Au total, le risque relatif de décès par atteinte cardiaque est significativement plus élevé pour les patients irradiés (risque relatif RR : 7,4 ; IC 95 % :
Pour citer cet article : Fresneau B, et al. Facteurs de risque et surveillance à long terme des complications cardiaques après traitement pour un cancer pendant l’enfance. Rev Med Interne (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2016.07.010
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1–56,5) et il augmente proportionnellement à la dose d’irradiation sur l’aire cardiaque [5]. L’importance du volume cardiaque irradié et l’hypofractionnement augmentent le risque de complications cardiaques post-radiques, de même que l’association à des facteurs de risques cardiovasculaires, en particulier l’hypertension artérielle [39].
2.3. Interaction entre anthracyclines et irradiation de l’aire cardiaque Les risques de cardiotoxicité liés aux anthracyclines et à l’irradiation seraient cumulatifs. Ainsi dans l’étude hollandaise citée plus haut, l’incidence cumulée de pathologies cardiaques (insuffisance cardiaque, coronaropathie et valvulopathie) 30 ans après le diagnostic était de 16,8 % (IC 95 % : 5,1–27) pour les patients traités par anthracyclines avec irradiation de l’aire cardiaque, de 8,3 % (IC 95 % : 4,2–12,2) pour ceux traités par anthracyclines sans irradiation cardiaque, et de 4,5 % (IC 95 % : 0,5–8,3) pour ceux traités par irradiation cardiaque sans anthracyclines [3]. Cependant, il n’a pas été retrouvé d’interaction significative entre la dose cumulée d’anthracyclines rec¸ue et la dose de radiothérapie sur le risque de cardiopathie à long terme [3,5,16].
2.4. Cardiotoxicité des thérapies ciblées Les thérapies ciblées sont de plus en plus utilisées en oncologie pédiatrique, même si leur développement récent et la bonne efficacité en première ligne des traitements conventionnels leur réservent une utilisation surtout en cas de rechute. Deux types de thérapies ciblées ont été développés et sont actuellement utilisés en pédiatrie, le plus souvent dans le cadre d’essais thérapeutiques de phase I/II ou de phase III selon le stade de développement du médicament : les anticorps monoclonaux (i.e. rituximab anti-CD20 dans le lymphome de Burkitt, anti-GD2 dans le neuroblastome, antiVEGF qui a été testé dans les rhabdomyosarcomes de très haut risque et est couramment utilisé dans le traitement des gliomes de haut grade) et les inhibiteurs de tyrosine kinase (i.e. inhibiteurs de ALK dans le lymphome anaplasique et le neuroblastome, inhibiteurs de mTOR, PDGFR, FGFR, etc. utilisés dans différentes tumeurs solides). L’utilisation de ces thérapeutiques ciblées traduit un changement de paradigme en oncologie : le traitement ne dépend plus simplement de l’histologie et du stade de la tumeur, mais est adapté à la biologie tumorale, d’où le développement de programmes d’analyses moléculaires à haut débit des tumeurs de mauvais pronostic visant à rechercher des cibles thérapeutiques qui pourraient justifier de l’utilisation de ces thérapies innovantes [40]. La toxicité à long terme de ces traitements est encore largement méconnue du fait du faible recul d’utilisation de ces molécules chez l’enfant et de leur utilisation le plus souvent dans des situations de récidive. Chez l’adulte, pour le bévacizumab, une méta-analyse de 5 essais randomisés ayant inclus 1735 adultes atteints de cancers métastatiques (sein, côlon, poumon) a retrouvé une augmentation de l’incidence des événements thromboemboliques artériels (infarctus du myocarde, angine de poitrine, accident vasculaire cérébral) dans le groupe bévacizumab (50 événements, HR : 1,98 ; IC 95 % : 1,05–3,74), avec une survenue en médiane à 3 mois de traitement, sans corrélation avec la dose cumulée rec¸ue [41]. En pédiatrie, peu d’études rapportent une toxicité cardiaque des thérapies ciblées. Cependant, l’utilisation du sunitinib a été associée à des toxicités cardiaques aiguës ayant conduit à amender un essai de phase I pour ne pas inclure les patients traités préalablement par anthracyclines ou ayant été irradié sur l’aire cardiaque [42].
3. Stratégies de réduction de risque 3.1. Prévention primaire : l’épargne thérapeutique De fac¸on à réduire le risque de cardiopathie à long terme, une stratégie d’épargne des anthracyclines a été adoptée en limitant les doses cumulées à 550 mg/m2 d’équivalent doxorubicine, dont le seuil est abaissé à 400 mg/m2 en cas d’irradiation médiastinale associée. Cependant, sachant les incidences estimées de cardiopathie tardive, il serait probablement nécessaire de revoir à la baisse ces seuils chez l’enfant [17]. Dans notre expérience, nous recommandons de ne pas dépasser la dose de 375 mg/m2 d’équivalent doxorubicine chez l’enfant, seuil qui est abaissé à 300 mg/m2 en cas d’irradiation associée de l’aire cardiaque. La limitation de la dose délivrée sur l’aire cardiaque est également indispensable pour réduire les séquelles et complications à long terme des irradiations thoraciques. Ceci est rendu possible par les nouvelles techniques d’irradiation (conformationnelle 3D, modulation d’intensité, protonthérapie) qui permettent d’améliorer la balistique et ainsi de limiter l’irradiation des tissus sains, même si dans le cas de la radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité, la problématique de l’augmentation des volumes irradiés à faibles doses et de leurs conséquences en particulier sur le risque de seconds cancers reste posée [43]. De plus, dans les protocoles pédiatriques utilisés dans la maladie de Hodgkin, un des objectifs principaux est de limiter les indications et les doses d’irradiation pour réduire les séquelles. Ainsi, la dose préconisée actuellement chez les enfants et adolescents traités pour une maladie de Hodgkin en réponse incomplète après deux cures de chimiothérapie est de 20 Gy hors boost (contre 30 Gy dans le protocole précédent). 3.2. Les cardioprotecteurs : quelles indications en pédiatrie ? Une seconde stratégie préventive a été développée, consistant à tester des agents cardioprotecteurs. Différents médicaments ont été testés (vitamines A, E ou C, L-carnitine, N-acétylcystéine) mais sans démontrer leur efficacité sur la réduction du risque de cardiomyopathie aux anthracyclines. Seule la dexrazoxane, agent chélateur intracellulaire du fer susceptible de réduire le taux de radicaux libres générés par le complexe fer-anthracycline, pourrait avoir une action protectrice comme cela a été montré dans une méta-analyse récente portant sur 10 essais randomisés majoritairement menés chez l’adulte [44]. En effet, seulement trois de ces essais avaient inclus des enfants. L’essai pédiatrique le plus important a été mené dans la leucémie aiguë lymphoblastique et a montré que l’administration de dexrazoxane de manière concomitante à la doxorubicine réduisait de manière significative les marqueurs de souffrance myocardique, sans impact sur les risques de récidive ou de seconds cancers [45–49]. Cependant par la suite ont été rapportés des cas de leucémies aiguës myéloblastiques et de syndromes myélodysplasiques survenus chez des adultes traités pendant l’enfance pour une leucémie ou une maladie de Hodgkin et ayant rec¸u de la dexrazoxane [50,51]. Par conséquent, la Food and Drug Administration (FDA) et la European Medicines Agency (EMA) ont restreint l’utilisation de la dexrazoxane aux adultes traités pour un cancer du sein avancé ou métastatique par anthracyclines et ayant déjà rec¸u une dose cumulée de doxorubicine supérieure à 300 mg/m2 . Cependant, une actualisation récente des données américaines de trois essais du Children Oncology Group menées chez 1008 enfants traités pour une leucémie aiguë lymphoblastique, un lymphome non hodgkinien ou une maladie de Hodgkin, avec un recul médian de 12,6 ans, n’a pas mis en évidence dans le groupe dexrazoxane d’excès de risque de récidive (HR : 0,81 ; IC 95 % : 0,60–1,08) ou de décès (HR : 1,03 ; IC 95 % : 0,73–1,45), ni d’excès de mortalité par seconds cancers (HR : 1,25 ; IC 95 % :
Pour citer cet article : Fresneau B, et al. Facteurs de risque et surveillance à long terme des complications cardiaques après traitement pour un cancer pendant l’enfance. Rev Med Interne (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2016.07.010
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0,49–3,19) [52]. Ces nouvelles données en faveur de l’absence de « protection tumorale » et de sur-risque de seconds cancers liés à la dexrazoxane pourraient modifier l’appréciation du rapport bénéfice–risque de ce médicament en pédiatrie. Mais l’impact cardioprotecteur à très long terme de la dexrazoxane en pédiatrie reste à démontrer. 3.3. Contrôle des facteurs de risque cardiovasculaires Le dépistage et la prise en charge précoce de l’hypertension artérielle, mais aussi du diabète, de l’obésité et de la dyslipidémie, devraient permettre de réduire le risque à long terme de cardiopathie secondaires aux traitements rec¸us pendant l’enfance, qu’il s’agisse d’insuffisance cardiaque, de coronaropathie, de valvulopathie ou d’arythmie [39]. 3.4. Perspectives : le développement de la pharmacogénétique L’absence de prévention primaire efficace pose la question de l’identification précoce, en amont de tout traitement, des sujets les plus à risque de complications cardiaques. Cette stratégie s’intègre dans le cadre du développement d’une médecine oncologique personnalisée considérant, pour l’optimisation des traitements, l’exploration multimodale de la tumeur mais aussi les facteurs constitutionnels de susceptibilité à l’efficacité et à la toxicité des traitements. Différentes études ont été réalisées pour identifier des facteurs génétiques de susceptibilité à la toxicité des anthracyclines, en particulier dans les voies du métabolisme et du transport des anthracyclines, du stress oxydatif et du métabolisme du fer. Concernant le métabolisme et le transport des anthracyclines, des polymorphismes nucléotidiques (SNPs) ont été retrouvé associés à une augmentation du risque de cardiomyopathie aux anthracyclines dans les gènes CBR3 (carbonyl reductase, codant pour une enzyme catalysant la réduction des anthracyclines en métabolites alcooliques cardiotoxiques) et SLC28A3 (codant pour un transporteur membranaire sodium-nucléoside permettant l’entrée dans la cellule des anthracyclines), ainsi qu’avec une moindre significativité dans les gènes UGT1A6 (impliqué dans la glucoronidation des métabolites des anthracyclines), ABCB1, ABCB4 et ABCC1 (transporteurs transmembranaires impliqués dans l’efflux des anthracyclines) [53–57]. Concernant le stress oxydatif, il a été retrouvé une association significative entre le risque de cardiomyopathie tardive aux anthracyclines et des polymorphismes des sous-unités régulatrices NCF4, CYBA, p22phox et RAC2 de la NADPH oxydase, impliquée dans la production des dérivés réactifs de l’oxygène (ROS) [58,59] ainsi que dans le gène CAT codant pour la catalase [60]. L’effet de gènes impliqués dans le métabolisme du fer a également été discuté mais avec une seule étude retrouvant une élévation significative de la troponine T pendant le traitement par doxorubicine chez des enfants hétérozygotes pour la mutation C282Y du gène HFE (responsable en cas d’homozygotie de l’hémochromatose familiale) mais sans différence statistiquement significative sur les paramètres échocardiographiques usuels à 2 ans [61].
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Ces études ont permis de mettre en évidence plusieurs marqueurs génétiques de susceptibilité à la cardiotoxicité des anthracyclines, mais leurs effets individuels sont vraisemblablement faibles, expliquant les échecs de réplication des résultats. L’objectif serait d’établir des modèles prédictifs prenant en compte plusieurs marqueurs génétiques validés, en association aux facteurs de risque clinique, afin de définir des groupes de risque permettant in fine une personnalisation du traitement oncologique et de la surveillance cardiologique au décours. 4. Modalités de surveillance cardiologique à long terme Une surveillance cardiaque à long terme des patients exposés pendant l’enfance aux anthracyclines ou à une irradiation thoracique est indispensable dans la mesure où toute dysfonction cardiaque même asymptomatique doit être prise en charge précocement de fac¸on à prévenir ou ralentir son évolution [62]. 4.1. Dépistage des altérations de la fonction myocardique L’échographie cardiaque transthoracique est l’examen de référence pour l’évaluation fonctionnelle et hémodynamique des patients avant la mise en route d’un traitement potentiellement cardiotoxique et leur suivi sous chimiothérapie [63]. Elle permet l’évaluation de la fonction systolique (fraction d’éjection du ventricule gauche mesurée par la méthode de Simpson biplan, fraction de raccourcissement, wall stress) et diastolique (rapport E/A, temps de relaxation isovolumétrique du ventricule gauche). Elle permet également d’apprécier l’état des valves et du péricarde. La fréquence du suivi varie selon la dose cumulée d’anthracycline et l’association à une irradiation médiastinale. Un effort d’harmonisation internationale des pratiques a été réalisé et a abouti à la publication de nouvelles recommandations en faveur d’une évaluation de la fonction cardiaque par échocardiographie 2 ans après la fin des traitements, à répéter à 5 ans puis tous les 5 ans pour tous les patients exposés à un traitement par anthracyclines ou à une irradiation thoracique à une dose supérieure à 15 Gy [62]. Cette surveillance peut être rapprochée pour les patients les plus à risque (stratification de risque détaillée dans le Tableau 1). Le rapprochement de la surveillance pour les patients traités à un âge jeune (avant 5 ans) reste débattu [62]. Les recommandations américaines du COG proposent une stratification du rythme de surveillance selon la dose cumulée d’anthracyclines, la dose d’irradiation thoracique et l’âge au traitement (Fig. 1) [29,64]. Un suivi cardiologique spécifique est nécessaire en cas de grossesse chez les patientes traitées par anthracyclines ou irradiation thoracique. Une échographie cardiaque avant la grossesse ou en début de grossesse est indispensable, puis un suivi régulier pendant la grossesse, en particulier au cours du troisième trimestre avec monitoring cardiaque lors de l’accouchement, est recommandé [62,64]. De nouvelles modalités d’exploration et de suivi ont été testées, en particulier l’échocardiographie tissulaire (ou strain) et l’IRM myocardique, examens plus sensibles que la classique échographie transthoracique pour le dépistage des altérations infra-cliniques de
Tableau 1 Stratification du risque de cardiomyopathie après traitement par anthracyclines ou irradiation thoracique chez l’enfant [62]. Catégories de risque de complications cardiaques tardives Haut risque Risque modéré Faible risque
Traitement rec¸u Anthracyclines
Radiothérapie thoracique
Anthracyclines et radiothérapie thoracique
≥ 250 mg/m2 100–250 mg/m2 < 100 mg/m2
≥ 35 Gy 15–35 Gy –
≥ 100 mg/m2 et ≥ 15 Gy – –
Pour citer cet article : Fresneau B, et al. Facteurs de risque et surveillance à long terme des complications cardiaques après traitement pour un cancer pendant l’enfance. Rev Med Interne (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2016.07.010
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Âge au traitement Irradiation
Dose cumulée
cardiaque
d’anthracyclines
Non
<100 mg/m²
<1 an
1-4 ans
>5 ans
100-200 mg/m² 200-300 mg/m² >300 mg/m² Oui
<300 mg/ m² >300 mg/m²
Fig. 1. Proposition de surveillance cardiaque par échocardiographie transthoracique selon les facteurs de risque : âge au traitement, dose cumulée d’anthracyclines et irradiation de l’aire cardiaque associée. Rouge : surveillance annuelle ; orange : surveillance tous les 2 ans ; vert : surveillance tous les 5 ans (d’après la Cardiovascular Disease Task Force of the Children’s Oncology Group [64]).
la fonction myocardique [65]. L’échocardiographie de strain permet d’identifier précocement des anomalies structurelles du myocarde se traduisant par un défaut de déformation tissulaire dans les territoires anormalement rigides du myocarde alors que la fraction d’éjection du ventricule est encore normale. Des travaux récents ont rapporté des altérations structurelles à des degrés variables intéressant toutes les couches du myocarde à l’origine des anomalies intéressant les différentes composantes de déformation myocardique (radiale circonférentielle et longitudinale) [66]. En pratique, seule la réduction du strain longitudinal global (jugée significative en cas de baisse de plus de 15 %) a été démontrée comme paramètre indépendant le plus robuste pour prédire la survenue de complications cardiaques (altération de la fraction d’éjection et insuffisance cardiaque) dans une large méta-analyse incluant 1504 patients ayant rec¸u une chimiothérapie potentiellement cardiotoxique [67]. L’avantage de l’étude du strain longitudinal est qu’il est le marqueur le plus sensible de la dysfonction ventriculaire gauche, de part son reflet fidèle de la fonction des couches sous-endocardiques ; ces dernières étant particulièrement sensibles à l’ischémie, à l’augmentation de la post-charge et à la fibrose. L’IRM permet une évaluation de la perfusion myocardique ainsi que la recherche de zones inflammatoires et/ou cicatricielles de type fibrose séquellaire. Cependant il n’a pas été démontré à ce jour que la meilleure sensibilité de l’IRM permettrait de ralentir l’évolution vers une insuffisance cardiaque symptomatique en proposant de manière plus précoce un traitement cardioprotecteur. La place de l’IRM cardiaque dans la surveillance des patients exposés à des traitements cardiotoxiques (anthracyclines ou irradiation) n’est donc pas encore définie. Il en est de même pour les biomarqueurs de souffrance myocardique (troponine et BNP) [49]. La mise en évidence d’une dysfonction ventriculaire gauche doit aboutir à une discussion multidisciplinaire quant à la nécessite de la mise en route d’un traitement. Sans aucune recommandation, la tendance actuelle est de prescrire des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et des bêtabloquants pour éviter une aggravation vers l’insuffisance cardiaque clinique. La dysfonction ventriculaire gauche précoce post-anthracyclines (dans l’année qui suit la fin du traitement) est réversible au moins partiellement sous traitement [68]. Le traitement en prévention primaire contre le remodelage ventriculaire péjoratif avec des bêtabloquant et/ou IEC n’est pas établi [69,70]. Des résultats préliminaires semblent montrer un bénéfice des bêtabloquants, mais doivent encore être vérifiés sur des investigations prospectives randomisées [71]. De même, des considérations expérimentales chez l’animal ont démontré le rôle potentiellement protecteur des IEC expliqué par leurs propriétés anti-oxydantes et antiremodelages pour lutter contre la cardiotoxité des anthracyclines [72].
4.2. Dépistage de la coronaropathie Les techniques actuelles d’imagerie des cardiopathies ischémiques sont extrêmement larges et en permanente évolution, avec le perfectionnement des techniques existantes et l’arrivée de nouvelles modalités telles que le scanner double énergie, le strain échographique, la fusion « multimodalité » ou l’IRM de perfusion [73]. Les recommandations européennes et américaines préconisent pour le suivi des adultes irradiés sur le thorax, une surveillance par échographie cardiaque avec un recours facile aux explorations plus spécifiques dont l’échographie de stress et la scintigraphie myocardique [74]. Bien que le risque de coronaropathie soit significativement augmenté chez les patients irradiés pendant l’enfance, il n’y a pas de recommandations publiées en faveur d’un dépistage systématique de la coronaropathie en dehors de l’échographie cardiaque transthoracique qui est un examen peu sensible et peu spécifique. L’échographie cardiaque recherchera une hypokinésie segmentaire ventriculaire évocatrice de maladie coronarienne pouvant résulter d’autres mécanismes comme la fibrose myocardique. D’autres méthodes d’investigation ont été testées et ont permis de mettre en évidence des lésions coronariennes asymptomatiques en particulier par coroscanner avec un taux de détection de sténoses variant de 16 à 39 % selon les séries [75–78]. L’échographie de stress et la scintigraphie myocardique ont également été utilisées en dépistage [79]. Cependant ces méthodes bien que performantes n’ont pas encore été intégrées dans le suivi systématique à long terme des patients irradiés pendant l’enfance, le bénéfice clinique et le ratio coût–bénéfice devant être évalués. 5. Conclusion Les cardiopathies tardives sont des complications sévères et fréquentes pouvant survenir plusieurs années après le traitement d’un cancer dans l’enfance. La dose cumulée d’anthracyclines et l’irradiation de l’aire cardiaque sont des facteurs de risque validés d’insuffisance cardiaque mais aussi de coronaropathie, de valvulopathie et de troubles du rythme ou de la conduction. Actuellement, il n’existe pas de moyen efficace pour prévenir la survenue d’une cardiomyopathie aux anthracyclines dans la mesure où peu d’alternatives thérapeutiques sont disponibles en pédiatrie et où l’utilisation de cardioprotecteurs comme la dexrazoxane reste très controversée. Concernant l’irradiation cardiaque, la limitation des indications et des doses de radiothérapie ainsi que l’amélioration des techniques pour limiter les doses délivrées aux tissus sains sont les principales mesures efficaces pour limiter les conséquences à long terme de l’irradiation médiastinale. Le risque de cardiopathie est également modulé par des polymorphismes de certains
Pour citer cet article : Fresneau B, et al. Facteurs de risque et surveillance à long terme des complications cardiaques après traitement pour un cancer pendant l’enfance. Rev Med Interne (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2016.07.010
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gènes, et en particulier de gènes impliqués dans la pharmacodynamie des anthracyclines. L’intégration de ces polymorphismes dans des modèles de prédiction du risque prenant en compte les traitements administrés et leurs doses pourrait permettre une personnalisation du traitement et de la surveillance cardiologique au long cours. En outre, la méconnaissance des effets à long terme des thérapies ciblées, de plus en plus largement utilisées, nécessite la mise en place de programmes de surveillance des patients recevant ces traitements de fac¸on à identifier leurs conséquences tardives possibles, en particulier sur le plan cardiovasculaire. Enfin, concernant les modalités de surveillance, il apparaît indispensable de définir la place des nouvelles stratégies d’exploration cardiaque comme l’échocardiographie tissulaire, IRM ou le scanner coronaire, très sensibles mais dont le bénéfice clinique n’est pas encore établi. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Pritchard-Jones K, Pieters R, Reaman GH, Hjorth L, Downie P, Calaminus G, et al. Sustaining innovation and improvement in the treatment of childhood cancer: lessons from high-income countries. Lancet Oncol 2013;14:e95–103. [2] Hudson MM, Ness KK, Gurney JG, Mulrooney DA, Chemaitilly W, Krull KR, et al. Clinical ascertainment of health outcomes among adults treated for childhood cancer. JAMA 2013;309:2371–81. [3] van der Pal HJ, van Dalen EC, van Delden E, van Dijk IW, Kok WE, Geskus RB, et al. High risk of symptomatic cardiac events in childhood cancer survivors. J Clin Oncol 2012;30:1429–37, http://dx.doi.org/10.1200/JCO.2010.33.4730. [4] Oeffinger KC, Mertens AC, Sklar CA, Kawashima T, Hudson MM, Meadows AT, et al. Chronic health conditions in adult survivors of childhood cancer. N Engl J Med 2006;355:1572–82. [5] Tukenova M, Guibout C, Oberlin O, Doyon F, Mousannif A, Haddy N, et al. Role of cancer treatment in long-term overall and cardiovascular mortality after childhood cancer. J Clin Oncol 2010;28:1308–15. [6] Raj S, Franco VI, Lipshultz SE. Anthracycline-induced cardiotoxicity: a review of pathophysiology, diagnosis, and treatment. Curr Treat Options Cardiovasc Med 2014;16:315. [7] Beltrami AP, Barlucchi L, Torella D, Baker M, Limana F, Chimenti S, et al. Adult cardiac stem cells are multipotent and support myocardial regeneration. Cell 2003;114:763–76. [8] Oh H, Bradfute SB, Gallardo TD, Nakamura T, Gaussin V, Mishina Y, et al. Cardiac progenitor cells from adult myocardium: homing, differentiation, and fusion after infarction. Proc Natl Acad Sci U S A 2003;100:12313–8. [9] Huang C, Zhang X, Ramil JM, Rikka S, Kim L, Lee Y, et al. Juvenile exposure to anthracyclines impairs cardiac progenitor cell function and vascularization resulting in greater susceptibility to stress-induced myocardial injury in adult mice. Circulation 2010;121:675–83. [10] De Angelis A, Piegari E, Cappetta D, Marino L, Filippelli A, Berrino L, et al. Anthracycline cardiomyopathy is mediated by depletion of the cardiac stem cell pool and is rescued by restoration of progenitor cell function. Circulation 2010;121:276–92. [11] Singla DK, Ahmed A, Singla R, Yan B. Embryonic stem cells improve cardiac function in Doxorubicin-induced cardiomyopathy mediated through multiple mechanisms. Cell Transplant 2012;21:1919–30. [12] Oliveira MS, Melo MB, Carvalho JL, Melo IM, Lavor MS, Gomes DA, et al. Doxorubicin cardiotoxicity and cardiac function improvement after stem cell therapy diagnosed by strain echocardiography. J Cancer Sci Ther 2013;5:52–7. [13] Berry GJ, Jorden M. Pathology of radiation and anthracycline cardiotoxicity. Pediatr Blood Cancer 2005;44:630–7. [14] Lipshultz SE, Lipsitz SR, Sallan SE, Dalton VM, Mone SM, Gelber RD, et al. Chronic progressive cardiac dysfunction years after doxorubicin therapy for childhood acute lymphoblastic leukemia. J Clin Oncol 2005;23:2629–36. [15] Levitt G, Anazodo A, Burch M, Bunch K. Cardiac or cardiopulmonary transplantation in childhood cancer survivors: an increasing need? Eur J Cancer 2009;45:3027–34. [16] Pein F, Sakiroglu O, Dahan M, Lebidois J, Merlet P, Shamsaldin A, et al. Cardiac abnormalities 15 years and more after adriamycin therapy in 229 childhood survivors of a solid tumour at the Institut Gustave Roussy. Br J Cancer 2004;91:37–44. [17] Kremer LC, van Dalen EC, Offringa M, Ottenkamp J, Voûte PA. Anthracyclineinduced clinical heart failure in a cohort of 607 children: long-term follow-up study. J Clin Oncol 2001;19:191–6. [18] Mulrooney DA, Yeazel MW, Kawashima T, Mertens AC, Mitby P, Stovall M, et al. Cardiac outcomes in a cohort of adult survivors of childhood and adolescent cancer: retrospective analysis of the Childhood Cancer Survivor Study cohort. BMJ 2009;339:b4606.
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Pour citer cet article : Fresneau B, et al. Facteurs de risque et surveillance à long terme des complications cardiaques après traitement pour un cancer pendant l’enfance. Rev Med Interne (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2016.07.010