Gérer le traitement au long cours

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Actualités pharmaceutiques • n° 474 • Mai 2008 Les stratégies d’utilisation des antipsychotiques dans le traitement de la schizophrénie formation dos...

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Actualités pharmaceutiques • n° 474 • Mai 2008 Les stratégies d’utilisation des antipsychotiques dans le traitement de la schizophrénie

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Gérer le traitement au long cours Lorsque la stabilisation clinique du patient est obtenue avec rémission des symptômes (on parle alors de “phase d’état”), il faut essayer d’optimiser la qualité de sa vie, sociale notamment, en veillant à prévenir la survenue de rechutes et en minimisant l’incidence des effets indésirables, aigus ou chroniques.

T

rop volontiers confondues, rechutes et résistance au traitement constituent les écueils que doit permettre de limiter, sinon d’éviter, la stratégie thérapeutique mise en œuvre chez le patient schizophrène.

Les rechutes Les rechutes se caractérisent par la réapparition de la symptomatologie de la maladie chez un patient en rémission. Elles imposent souvent, mais non obligatoirement, son hospitalisation (risque suicidaire, troubles du comportement, pathologies somatiques associées, usage habituel de drogues, isolement social, particulière sévérité de la symptomatologie). Quelque 75 % des patients schizophrènes présentent des rechutes en l’absence de traitement régulier, 15 % d’entre eux ne rechutent pas et 10 % ne présentent pas de période de rémission. Les rechutes peuvent avoir pour origine une réduction trop rapide de la posologie de l’antipsychotique, à la demande du patient qui supporte parfois mal son traitement, pour des raisons sociales ou psychologiques, mais également pharmacologiques (troubles neurologiques notamment). Il est conseillé, en ce cas, de changer de molécule, en introduisant, si ce n’est déjà fait, une molécule atypique, notamment dès que des signes prodromiques évocateurs d’une résurgence symptomatologique sont détectés.

Tableau 1 : Antipsychotiques d’action prolongée, typiques et atypiques DCI Flupenthixol Fluphénazine Halopéridol Perphénazine Pipotiazine Rispéridone

Zuclopenthixol

Spécialités Fluanxol® LP 20 mg Fluanxol® LP 100 mg Modecate® 25 mg/1 mL Modecate®125 mg/5 mL Haldol Decanoas® 50 mg Trilifan Retard® 100 mg/1 mL Piportil L4® 25 mg/1 mL RisperdalConsta® 25 mg RisperdalConsta® 37,5 mg RisperdalConsta® 50 mg Clopixol® LP 200 mg

Source : Dictionnaire Vidal 2008.

Durée d’action

Posologie/ injection

2 à 4 semaines

20 à 300 mg

3 à 4 semaines

25 à 150 mg

4 semaines

50 à 300 mg

2 à 4 semaines, voire plus 2 à 4 semaines

50 à 300 mg 25 à 200 mg

2 semaines

25 à 50 mg

2 à 4 semaines

200 à 400 mg

Si une rechute peut aussi s’observer à la suite de l’usage de drogues (alcool, cannabis, etc.), elle survient avant tout en raison : • d’une compliance insuffisante au traitement, mal toléré ou jugé trop complexe (pour un patient souffrant, il faut le rappeler, d’atteintes cognitives et mnésiques liées à sa maladie) ; • d’un déni de la pathologie psychiatrique ; • d’une incapacité sociale à suivre régulièrement la prescription ; • d’une résistance pharmacologique au traitement pourtant correctement suivi. Si des doutes surgissent quant à l’observance du traitement, une forme injectable retard peut être intéressante, après, bien entendu, un essai de la molécule correspondante par voie orale pour apprécier sa tolérance (tableau 1).

La résistance La résistance ne doit pas être confondue avec la rechute : dans ce cas, le traitement antipsychotique reste insuffisamment actif sur la symptomatologie. La clozapine (Leponex®), une molécule atypique, est le seul antipsychotique bénéficiant d’une indication dans le traitement des schizophrénies résistantes (ou en cas d’intolérance aux autres molécules). Il n’existe pas de consensus quant à la période où, face à un épisode réfractaire, il convient d’introduire cette molécule. Toutefois, l’administration préalable de deux autres molécules, dont une au moins atypique, pendant 6 à 8 semaines constitue un préalable minimal. L’efficacité de la clozapine ne peut s’apprécier qu’au terme de 4 à 6 mois de traitement, un délai supérieur à celui requis par les autres antipsychotiques. Vingt pour cent environ des patients s’avèrent résistants aux antipsychotiques autres que la clozapine. Sur ces 20 %, la moitié répondra favorablement à cette molécule. De ce fait, 10 % de l’ensemble des patients restent non répondeurs. C’est dans cette situation que peut s’imposer la nécessité de réaliser l’association de plusieurs molécules antipsychotiques ou de réaliser une électro-convulsivothérapie (ECT, anciennement “électrochocs”).

Diane Lévy-Chavagnat

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L’électro-convulsivothérapie L’électro-convulsivothérapie (ECT) puise ses origines dans la pratique de “chocs” jadis destinés à traiter les maladies mentales. Découverte dans les années 1930, elle a connu depuis un développement important. Sa pratique, codifiée par divers consensus, est réalisée sous anesthésie générale et curarisation du patient. Elle n’expose plus aux incidents et accidents ayant pu, il y a un demi-siècle, en faire récuser l’usage par certains psychiatres. Les indications de l’ECT englobent les psychoses et les dépressions résistantes aux traitements conventionnels, mais elle peut également être indiquée en première ligne. Son index thérapeutique est favorable à sa mise en œuvre, y compris chez des patients vulnérables.

La rémission Une rémission ne doit pas être confondue avec une guérison, entendue, elle, comme un retour à l’état de santé antérieur du patient (le risque de survenue de la même maladie étant alors identique à ce qu’il est pour la population générale). Les spécialistes différencient les rémissions stables ou émaillées de rechutes et les rémissions accompagnées de symptômes résiduels ou non. L’American Psychiatric Association distingue, parmi les modalités d’évolution de la schizophrénie, l’“épisode isolé en rémission complète”, spécification appliquée lorsqu’il y a eu un seul épisode au cours duquel les critères cliniques caractérisant la schizophrénie étaient remplis, mais lorsqu’il ne persiste aucun symptôme clinique résiduel. La survenue d’une rémission “complète”, avec retour au fonctionnement pré-morbide demeure très rare. En effet, l’évolution de la schizo-

phrénie se caractérise presque toujours par des exacerbations aiguës, avec handicap résiduel entre les épisodes. Les critères de rémission doivent satisfaire à plusieurs impératifs : – ils doivent être cliniquement observables et aisément quantifiables, quel que soit le génie évolutif de l’affection ; – ils doivent correspondre à des critères symptomatiques et évolutifs déjà identifiés comme corrélés à l’amélioration du sujet ; – ils doivent être suffisamment spécifiques de la notion de rémission ; – ils doivent se traduire par un retentissement en termes de qualité de vie pour le patient, pour ses proches et les soignants. La rémission constitue une composante fondamentale du bien-être du patient. Elle a valeur d’étape intermédiaire entre résolution symptomatique initiale et guérison éventuelle. Si une guérison définitive et totale ne peut, du moins en l’état actuel des connaissances, être envisagée dans la schizophrénie, une rémission constitue un objectif réaliste au regard de l’évolution des pratiques thérapeutiques et des résultats cliniques obtenus. En tenant compte, comme caractéristiques d’une rémission complète, l’absence d’hospitalisation, l’absence de symptomatologie productive, l’adaptation sociale et familiale du patient, quelque 20 à 30 % des sujets schizophrènes sont considérés comme en rémission totale.  Diane Lévy-Chavagnat Praticien hospitalier, psychiatre Hôpital Henri-Laborit, Poitiers (86) [email protected]

• Si une guérison définitive et totale ne peut être envisagée dans la schizophrénie, une rémission constitue un objectif réaliste au regard de l’évolution des pratiques thérapeutiques.

L’avènement des traitements antipsychotiques C’est la chlorpromazine (Largactil®) qui inaugura l’ère de la psychiatrie biologique. Dès le début des années 1950, l’activité thérapeutique des neuroleptiques, rapide (quelque six semaines), mais portant alors avant tout sur la symptomatologie productive, s’est s’avérée capable d’infléchir le cours de la maladie et d’améliorer l’insertion sociale des patients. C’est ainsi que le nombre de patients schizophrènes capables de vivre hors institution était passé d’environ 6 %, pour la période allant de 1921 à 1937, à quelque 30 % entre 1938 et 1954, pour faire un bond ensuite à 67 % entre 1955 et 1967, avec l’avènement des traitements antipsychotiques... © BSIP/Renard