Journal de Gyn´ ecologie Obst´ etrique et Biologie de la Reproduction (2011) 40, 367—370
CAS CLINIQUE
Gigantomastie gestationnelle. À propos d’un cas exceptionnel Gigantomastia complicating pregnancy. A case report J. Rausky ∗, B. Burin des Roziers , G. Daoud , S. Cartier Service de chirurgie plastique reconstructrice esthétique, centre hospitalier de Gonesse, 25, rue Pierre-de-Theilley, BP 30071, 95500 Gonesse cedex, France Rec ¸u le 18 novembre 2010 ; avis du comité de lecture le 9 mars 2011 ; définitivement accepté le 15 mars 2011 Disponible sur Internet le 21 avril 2011
MOTS CLÉS Gigantomastie ; Gestationnelle ; Gravidique ; Plastie mammaire
KEYWORDS Gigantomastia; Gestational; Pregnancy-induced; Reduction mammoplasty
Résumé Les auteurs rapportent un cas très rare de gigantomastie gravidique dont la grossesse a pu être menée à terme. La récidive de cette pathologie étant inéluctable, la mastectomie est l’intervention conseillée s’il existe un désir de grossesses ultérieures, dans les autres cas une réduction mammaire post-partum peut être discutée. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary The authors report a very rare case of gestational gigantomastia and the pregnancy could be carried out in term. The repetition being inescapable, the mastectomy is the advised intervention if there is a later desire of pregnancy, in other cases a post-partum mammoplasty can be discussed. © 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction La gigantomastie gestationnelle est une pathologie rare, dont l’incidence est variable selon les auteurs, mais gravite autour de 1:100 000 naissances [1—3]. L’apparition a lieu dans deux tiers des cas au premier trimestre [3]. En l’absence de traitement, l’augmentation dure jusqu’à l’accouchement puis une régression incomplète s’effectue en post-partum.
∗
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (J. Rausky).
La cause exacte reste incertaine, mais cette pathologie relève d’une prolifération bénigne : sur plus de 100 cas recensé, la littérature rapporte un seul correspondant à une prolifération maligne lymphomateuse [4]. Nous décrivons ici un cas très rare et proposons au vu de la littérature une stratégie thérapeutique.
Cas clinique Une femme de 25 ans est suivie pour sa troisième grossesse. La première grossesse s’est déroulée sans complication à l’âge de 20 ans. Au cours de la seconde, elle a présenté une
0368-2315/$ – see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jgyn.2011.03.004
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J. Rausky et al.
Figure 1 Gigantomastie au septième mois de grossesse. Gigantomastia at seventh month of pregnancy.
augmentation importante du volume mammaire spontanément résolutive. L’hypertrophie se constitue rapidement dès la fin du premier trimestre de la troisième grossesse. Au cinquième mois, chaque sein pèse déjà 6 kg, la distance sternum mamelon est 55 cm, il existe une souffrance cutanée distale avec des ulcérations circonscrites et de petites tailles (Fig. 1). Au cours du sixième mois, les ulcérations se majorent provoquant une véritable hernie glandulaire du sein droit (Fig. 2). Les lésions sont surinfectées par du Staphylococcus aureus. Figure 3 Diminution du volume à quatre mois de l’accouchement. On note la présence de glande accessoire dans la région axillaire. Reduction of breast volume four month after the birth. We can observe an axillary accessory mammary tissue.
La patiente est hospitalisée, on réalise des soins locaux et l’on débute une antibiothérapie adaptée et un traitement par Bromocriptine Parlodel© . L’extraction fœtale par césarienne a lieu à 35 semaines d’aménorrhée (poids : 2740 g) sans incident. La patiente est gardée hospitalisée un mois pour traiter les désordres métaboliques (hyponatrémie, Anémie) et poursuivre les soins locaux. La gestion des pansements est ensuite réalisée en ambulatoire, les ulcérations sont cicatrisées dans un délai de trois mois, le volume mammaire diminue très nettement avec une distance sternum mamelon mesurée à 49 cm à quatre mois (Fig. 3 et 4). La patiente ne désire pas d’autres enfants et ne souhaite aucune intervention mammaire à visée esthétique.
Discussion
Figure 2
Ulcérations distales du sein droit.
Distals ulcers of right breast.
Les gigantomasties apparaissent dans deux situations : la grossesse et la puberté, il n’existe que deux cas décrits en dehors de ces deux périodes [5,6] mais aucun après la ménopause. Le développement bilatéral est de règle, on ne retrouve qu’un seul cas unilatéral décrit [7]. Il paraît clair qu’un environnement hormonal reste l’élément essentiel dans la genèse de cette pathologie
Gigantomastie gestationnelle. À propos d’un cas exceptionnel
369 male du volume mammaire : au moins six mois. La récidive étant proche de 100 % [3], le désir d’une autre grossesse nous paraît être le critère majeur de choix entre les deux techniques à notre disposition : mastectomie reconstruction ou plastie mammaire de réduction. La réduction (quelle que soit la technique utilisée) est certainement la plus esthétique, mais expose à la récidive. Par ailleurs, la réalisation des dessins est délicate en raison des zones de nécroses. La mastectomie n’exclut pas toute récidive : on observe le développement de glandes mammaires accessoires dans la région du prolongement axillaire, celles-ci évoluent pour le propre compte, mais peuvent être conservées durant la grossesse. De plus, elle est psychologiquement déstabilisante chez des patientes déjà traumatisée et nécessite plusieurs interventions afin d’obtenir une reconstruction satisfaisante.
Conclusion Figure 4 Traitement des ulcérations du sein droit par cicatrisation dirigée. Conservative treatment of the right breast ulcers with daily dressing.
[2,8—11]. D’autres hypothèses sont soulevées, dans certains cas la glande mammaire pourrait être la cible d’un processus auto-immun [12]. Plusieurs complications apparaissent durant la grossesse et font discuter la chirurgie avant le terme. Les douleurs, très importantes, en rapport avec les ulcérations, sont parfois difficiles à contrôler même sous traitement morphinique. L’anémie, dont les causes sont multiples (inflammation, dilution, pertes) nécessite souvent des transfusions de culots globulaires itératives. Enfin l’infection, difficilement maîtrisée par les soins locaux, met en jeu le pronostic fœtal. De plus, il se pose le problème de la tératogénéicité des antibiotiques utilisés. La chirurgie per-partum, chirurgie d’urgence doit être réservée aux patientes chez l’infection ou l’anémie n’est pas maîtrisable, cela représente environ 35 % des cas [3]. La mastectomie est alors la plus logique : rapide, elle expose à des pertes sanguines limitées. Par ailleurs, la tératogénéicité des produits anesthésiques fait préférer une chirurgie la plus courte possible. La réduction mammaire nous semble dangereuse par son caractère particulièrement hémorragique (dû au volume de résection et à l’inflammation) et n’évite pas la récidive aux grossesses ultérieures. Le traitement hormonal par Bromocriptine Parlodel© est le plus utilisé des traitements médicaux à notre disposition, il freine la croissance mammaire, sans diminution notable de volume. Les effets sont variables et temporaires [8]. D’autres traitements ont été testés avec des résultats très variables [11,13—15]. L’objectif principal de ceux-ci est de stabiliser la croissance mammaire afin de réaliser la césarienne à un terme raisonnable pour l’enfant : au moins 32 semaines. La césarienne effectuée, il n’y a plus d’urgence à réaliser la chirurgie mammaire proprement dite. Des greffes de peau peuvent être réalisées afin de diminuer la durée de la cicatrisation dirigée. Bien qu’il n’y ait aucune référence concernant le délai optimal pour réaliser cette intervention, il est préférable d’attendre la régression spontanée maxi-
La gigantomastie gestationnelle est une pathologie si rare qu’aucune série n’est disponible, sa stratégie thérapeutique imprécise. Tout doit être mis en œuvre pour assurer la vitalité et la naissance de l’enfant dans de bonne condition. La mammectomie reste le geste à réaliser en urgence durant la grossesse. Les autres gestes chirurgicaux seront réalisés si possible à distance de la naissance et la technique utilisée dépendra surtout du désir de grossesse ultérieur.
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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