Interactions cœur–poumons au cours de la ventilation mécanique

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ARTICLE IN PRESS

Revue des Maladies Respiratoires (2016) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

REVUE GÉNÉRALE

Interactions cœur—poumons au cours de la ventilation mécanique Cardiopulmonary interactions in the course of mechanical ventilation B. Lamia∗, L.-C. Molano , J.-F. Muir , A. Cuvelier UPRES EA 3830, service de pneumologie et soins intensifs respiratoires, institut hospitalo-universitaire de recherche biomédicale et d’innovation, CHU de Rouen, université de Rouen, 76031 Rouen cedex, France Rec ¸u le 1er octobre 2014 ; accepté le 15 novembre 2015

MOTS CLÉS Contractilité ; Interactions cœur—poumons ; Précharge ; Pression intra-thoracique ; Ventilation



Résumé Introduction. — Les conséquences hémodynamiques de la ventilation mécanique sont multiples et complexes et peuvent affecter tous les déterminants de la performance cardiaque que sont la fréquence cardiaque, la précharge, la contractilité et la postcharge. Ces conséquences concernent tant le cœur droit que le cœur gauche, d’autant plus qu’il existe une interdépendance entre le ventricule droit et le ventricule gauche. État des connaissances. — La mise sous ventilation modifie le volume pulmonaire mais aussi la pression intra-thoracique. Les variations du volume pulmonaire ont des conséquences sur les résistances vasculaires pulmonaires, la vasoconstriction pulmonaire hypoxique et l’interdépendance ventriculaire. Les variations de pression intra-thoracique ont un impact majeur et affectent le retour veineux systémique, la précharge ventriculaire droite, la précharge ventriculaire gauche, la postcharge ventriculaire gauche, la postcharge ventriculaire droite et la contractilité myocardique. Les conséquences hémodynamiques de la ventilation en pression positive vont dépendre des pathologies cardiorespiratoires chroniques sous-jacentes lors desquelles survienne l’insuffisance respiratoire aiguë posant l’indication de la mise sous ventilation. Conclusion. — Dans cette revue, nous décrirons en particulier la situation de la décompensation aiguë de BPCO, de l’insuffisance cardiaque gauche aiguë et du sevrage de la ventilation. © 2016 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (B. Lamia).

http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.11.013 0761-8425/© 2016 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Lamia B, et al. Interactions cœur—poumons au cours de la ventilation mécanique. Revue des Maladies Respiratoires (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.11.013

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B. Lamia et al.

KEYWORDS Contractility; Heart lung interactions; Preload; Intrathoracic pressure; Ventilation

Summary Introduction. — The haemodynamic consequences of ventilation are multiple and complex and may affect all the determinants of cardiac performance such as heart rate, preload, contractility and afterload. These consequences affect both right and left ventricle and are also related to the biventricular interdependence. State-of-the-art. — Ventilation modifies the lung volume and also the intrathoracic pressure. Variations in lung volume have consequences on the pulmonary vascular resistance, hypoxic pulmonary vasoconstriction and ventricular interdependence. Variations in intrathoracic pressure have a major impact and affect systemic venous return, right ventricular preload, left ventricular preload, right ventricular afterload, left ventricular afterload and myocardial contracility. The haemodynamic consequences of positive pressure ventilation depend on the underlying chronic cardiopulmonary pathologies leading to the acute respiratory failure that was the indication for ventilation. Conclusion. — In this review, we will focus on severe COPD exacerbation, acute left heart failure and weaning from ventilation. © 2016 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Les interactions entre l’appareil ventilatoire et le système cardiovasculaire sont complexes. Les conséquences hémodynamiques des interactions cœur—poumons sont liées au fait que les deux organes sont soumis à des régimes de pressions différents [1—4]. Les effets cardiovasculaires de la ventilation peuvent être définis selon les conséquences sur les déterminants de la performance cardiaque : la fréquence cardiaque, la précharge, la contractilité et la postcharge. Les variations respiratoires du volume pulmonaire et de la pression intra-thoracique peuvent affecter simultanément les quatre déterminants de la fonction des deux ventricules. La ventilation en pression positive entraîne une diminution du retour veineux, une diminution de la postcharge du ventricule gauche et une diminution du travail respiratoire. L’hyperinflation et le collapsus alvéolaire augmentent les résistances vasculaires pulmonaires et altèrent ainsi l’éjection du ventricule droit. La défaillance aiguë du ventricule droit ou cœur pulmonaire aigu peut aussi entraîner un état de choc. Cette revue décrit les conséquences hémodynamiques des interactions cœur—poumons au cours de la ventilation en développant les effets dus aux variations de pression intra-thoracique et aux variations de volume pulmonaire avant d’aborder des situations cliniques telles la décompensation aiguë de BPCO, l’insuffisance cardiaque gauche aiguë, l’embolie pulmonaire, l’asthme aigu grave, le syndrome de détresse respiratoire aigu, le sevrage de la ventilation mécanique, la prédiction de la réponse au remplissage vasculaire et l’impact du mode de ventilation.

Physiologie des interactions cœur—poumons La ventilation en pression positive augmente le volume pulmonaire au-dessus de sa valeur télé-expiratoire. La pression intra-thoracique diminue lors de l’inspiration en ventilation spontanée et augmente lors de la ventilation en pression

positive. Les modifications hémodynamiques observées au cours de la ventilation en pression positive sont davantage liées aux variations de la pression intra-thoracique qu’aux variations du volume pulmonaire. Les effets cardiovasculaires de la ventilation spontanée chez un sujet sain sont mineurs.

Effet du volume pulmonaire L’augmentation du volume pulmonaire affecte le système nerveux autonome et les résistances vasculaires pulmonaires. À très hauts volumes pulmonaires, l’expansion des poumons comprime le cœur et gêne son remplissage. Le scénario est alors similaire à celui d’une tamponnade cardiaque, à la différence que l’hyperinflation augmente la pression péricardique et intra-thoracique de manière proportionnelle.

Système nerveux autonome La majorité des effets immédiats de la ventilation sur le système cardiovasculaire sont dus à une stimulation du système nerveux autonome. L’effet le plus fréquent est la variation de la fréquence cardiaque d’origine vagale [5,6]. L’augmentation du volume pulmonaire d’un volume courant normal (< 10 ml/kg) entraîne une abolition du tonus vagal et accélère la fréquence cardiaque [7,8]. En revanche, une inflation du volume pulmonaire plus importante (volume courant > 15 ml/kg) diminue la fréquence cardiaque du fait de l’effet combiné d’une augmentation du tonus vagal [9] et d’une abolition du tonus sympathique. Cette dernière crée aussi une vasodilatation artérielle [5,10—13]. Le rôle du volume pulmonaire sur le tonus nerveux autonome est cependant mineur dans les interactions cardiopulmonaires.

Vasoconstriction pulmonaire hypoxique Contrairement aux vaisseaux systémiques qui se dilatent au cours de l’hypoxie, les vaisseaux pulmonaires se contractent. Lorsque la pression alvéolaire en oxygène diminue au-dessous de 60 mmHg ou lorsque l’acidose se

Pour citer cet article : Lamia B, et al. Interactions cœur—poumons au cours de la ventilation mécanique. Revue des Maladies Respiratoires (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.11.013

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Ventilation et interactions cœur—poumons développe, le tonus vasculaire pulmonaire augmente [14]. La vasoconstriction pulmonaire hypoxique est médiée en partie par les variations de synthèse et de relargage du monoxyde d’azote et en partie par les variations du flux intracellulaire de calcium dans les cellules musculaires vasculaires lisses pulmonaires. L’endothélium pulmonaire normal synthétise une quantité minimale de monoxyde d’azote pour maintenir une vasodilatation artérielle pulmonaire active. La synthèse de monoxyde d’azote dépend du niveau d’oxygène et est inhibée par l’hypoxie et l’acidose. Il est probable que la vasoconstriction pulmonaire hypoxique s’installe pour limiter les anomalies du rapport ventilation/perfusion provoquées par l’hypoventilation alvéolaire locale. L’hypoxie alvéolaire généralisée augmente le tonus vasculaire pulmonaire, empêchant alors l’éjection du ventricule droit [15]. Les patients avec insuffisance respiratoire aiguë hypoxémique ont de petits volumes pulmonaires et sont exposés à l’hypoxie alvéolaire et au collapsus alvéolaire spontané [16,17]. Ainsi, la ventilation mécanique peut réduire le tonus vasomoteur pulmonaire par différents mécanismes. Premièrement, la vasoconstriction pulmonaire hypoxique peut être inhibée si le patient est ventilé avec un gaz enrichi en oxygène, augmentant alors la pression alvéolaire en oxygène [18,19]. Deuxièmement, les insufflations mécaniques et la pression télé-expiratoire positive (PEP) peuvent recruter les unités alvéolaires collabées entraînant une augmentation locale de la pression alvéolaire en oxygène PA O2 . Troisièmement, la ventilation mécanique lève l’acidose respiratoire en augmentant la ventilation alvéolaire [19]. Il est important de souligner que ces effets ne nécessitent pas d’intubation orotrachéale et de ventilation invasive. Ils surviennent du fait de la ré-expansion des alvéoles collabées [20,21]. Ainsi, l’application d’une pression positive continue, les manœuvres de recrutement et la ventilation non invasive sont susceptibles de contrebalancer la vasoconstriction pulmonaire hypoxique et d’améliorer la fonction cardiovasculaire.

• La plupart des effets immédiats de la ventilation sur le système cardiovasculaire sont dus à une stimulation du système nerveux autonome : à volume courant normal apparaît une baisse du tonus vagal et donc une accélération de la fréquence cardiaque, alors que pour des volumes plus élevés, la fréquence cardiaque diminue par augmentation du tonus vagal et baisse du tonus sympathique qui induit aussi une vasodilatation artérielle, mais ces effets du volume restent relativement minimes. • Pour de très hauts volumes pulmonaires, l’expansion pulmonaire comprime le cœur et gêne son remplissage. • La fonction de la vasoconstriction pulmonaire hypoxique locale, médiée par le NO, est de limiter les anomalies du rapport ventilation/perfusion provoquées par une hypoventilation alvéolaire locale mais, quand elle est générale, elle augmente le tonus vasculaire pulmonaire, avec gêne à l’éjection du ventricule droit.

3 • La ventilation mécanique peut réduire le tonus vasomoteur pulmonaire par plusieurs mécanismes : inhibition de la vasoconstriction pulmonaire hypoxique si on utilise un gaz enrichi en oxygène, augmentant alors la pression alvéolaire en oxygène, recrutement des unités alvéolaires collabées et diminution de l’acidose respiratoire par augmentation de la ventilation alvéolaire, ce qui permet de contrebalancer une vasoconstriction pulmonaire hypoxique.

Variations des résistances vasculaires pulmonaires en fonction du volume pulmonaire Les variations du volume pulmonaire altèrent directement le tonus vasomoteur pulmonaire par compression des vaisseaux alvéolaires [16]. Ce phénomène est dû à la compression vasculaire induite par la pression transpulmonaire. En effet, la circulation pulmonaire est soumise à deux régimes de pression. Les artérioles pulmonaires, les veinules et les capillaires alvéolaires sont soumis à la pression alvéolaire (Palv ) et sont appelés vaisseaux alvéolaires. Les artères et les veines pulmonaires, de même que le cœur et les gros vaisseaux de la circulation systémique sont soumis à la pression interstitielle (pression intra-thoracique) et sont appelés les vaisseaux extra-alvéolaires. La différence de pression entre la pression alvéolaire et la pression interstitielle est appelée pression transpulmonaire. Une augmentation du volume pulmonaire entraîne une augmentation du gradient de pression transpulmonaire. Les augmentations de volume pulmonaire augmentent progressivement la résistance des vaisseaux alvéolaires à cause de l’augmentation du gradient de pression dès que les volumes pulmonaires augmentent au-dessus de la capacité résiduelle fonctionnelle [22]. L’hyperinflation peut entraîner une hypertension pulmonaire significative puis une défaillance cardiaque droite aiguë (cœur pulmonaire aigu) [23] et une ischémie du ventricule droit [24]. Ainsi une PEP peut augmenter les résistances vasculaires pulmonaires si elle induit une surdistension du poumon audelà de sa capacité résiduelle fonctionnelle [25]. La relation entre les résistances artérielles pulmonaires en ordonnée et le volume pulmonaire en abscisse est représentée sur la Fig. 1. Lorsque le volume pulmonaire augmente du volume résiduel à la capacité résiduelle fonctionnelle, les résistances vasculaires pulmonaires diminuent. Au-delà de la capacité résiduelle fonctionnelle, les résistances artérielles pulmonaires augmentent [26]. La postcharge du ventricule droit correspond au stress pariétal maximal systolique du ventricule droit [15,27]. Selon la loi de Laplace, le stress pariétal est le produit du rayon de courbure de la structure par sa pression transmurale. La pression systolique du ventricule droit correspond à la pression transmurale de l’artère pulmonaire. L’augmentation de la pression transmurale de l’artère pulmonaire augmente la postcharge du ventricule droit, inhibe l’éjection du ventricule droit [28], diminue le volume d’éjection du ventricule droit [29] et entraîne une dilatation du ventricule droit, en générant ensuite une diminution du retour veineux [27,29]. Une augmentation

Pour citer cet article : Lamia B, et al. Interactions cœur—poumons au cours de la ventilation mécanique. Revue des Maladies Respiratoires (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.11.013

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B. Lamia et al.

Figure 1. Variation des résistances vasculaires pulmonaires en fonction du volume pulmonaire. VR : volume résiduel ; CRF : capacité résiduelle fonctionnelle ; CPT : capacité pulmonaire totale.

aiguë de la pression transmurale de l’artère pulmonaire et/ou une diminution de la contractilité du ventricule droit peuvent très vite se compliquer d’un cœur pulmonaire aigu [30]. Si la dilatation du ventricule droit persiste de même que son augmentation de postcharge, l’ischémie et l’infarctus du ventricule droit peuvent se développer [24]. Ces concepts ont des conséquences cliniques importantes car une expansion volémique sur cœur pulmonaire aigu peut précipiter un collapsus cardiovasculaire en raison d’une dilatation majeure du ventricule droit, d’une ischémie du ventricule droit ou d’une altération du remplissage du ventricule gauche. La ventilation peut altérer les résistances vasculaires pulmonaires en altérant le tonus vasculaire pulmonaire du fait de la vasoconstriction pulmonaire hypoxique ou en altérant mécaniquement le diamètre des vaisseaux du fait des modifications de la pression transpulmonaire. • Lorsque le volume pulmonaire augmente du volume résiduel à la capacité résiduelle fonctionnelle, les résistances vasculaires pulmonaires diminuent mais, au-delà, elles tendent à augmenter avec possibilité d’une hypertension artérielle pulmonaire qui augmente la postcharge du ventricule droit pouvant évoluer vers une défaillance cardiaque droite. En aigu, cette augmentation de la postcharge peut provoquer une cœur pulmonaire aigu et, si elle persiste, une ischémie, voire un infarctus du ventricule droit. La ventilation peut altérer les résistances vasculaires pulmonaires par deux mécanismes : la modification du tonus vasculaire pulmonaire et altération mécanique du diamètre vasculaire par variation de la pression transpulmonaire.

Interdépendance ventriculaire L’éjection du ventricule droit est liée à l’éjection du ventricule gauche. Ainsi, une diminution du débit cardiaque

du ventricule droit va entraîner une diminution du débit cardiaque gauche. Les deux ventricules sont aussi liés de part leur structure commune : le septum et le péricarde. L’interdépendance ventriculaire comporte deux processus différents. D’une part, l’augmentation du volume télédiastolique du ventricule droit, entraîne un déplacement septal intraventriculaire gauche, diminuant ainsi la compliance diastolique du ventricule gauche [31]. D’autre part, si une contrainte péricardique restreint le remplissage biventriculaire, alors une dilatation du ventricule droit va entraîner une augmentation de la pression péricardique sans déplacement septal [32,33]. Les variations du volume télédiastolique du ventricule droit altèrent inversement la compliance diastolique du ventricule gauche [34]. Une augmentation du volume télédiastolique du ventricule droit, survenant lors de l’inspiration spontanée ou d’efforts inspiratoires spontanés, entraînera une réduction de la compliance du ventricule gauche et diminuera immédiatement le volume télédiastolique du ventricule gauche. La ventilation en pression positive peut diminuer le retour veineux puis entraîner une réduction du volume du ventricule droit et une augmentation de la compliance diastolique du ventricule gauche. Lors de la ventilation en pression positive, le retour veineux peut varier jusqu’à 200 % entre l’inspiration et l’expiration à cause des variations associées du gradient de pression de retour veineux entraînant des variations parallèles du remplissage du ventricule droit. Cependant, en dehors de la dysfonction cardiaque gauche avec surcharge volumique, l’impact de la ventilation en pression positive sur le volume télédiastolique du ventricule gauche est minime.

Effets de la pression intra-thoracique Le cœur et le thorax sont soumis à deux régimes de pression différents. Les variations de pression intrathoraciques affectent le gradient de pression du retour veineux systémique vers le ventricule droit et le gradient de pression d’éjection systémique du ventricule gauche. L’augmentation de pression intra-thoracique entraîne une augmentation de la pression dans l’oreillette droite (POD) et une diminution de la pression systolique transmurale du ventricule gauche ayant pour conséquence une réduction des gradients de pression de retour veineux et d’éjection du ventricule gauche, puis une diminution du volume sanguin intra-thoracique. À l’inverse, une diminution de la pression intra-thoracique augmente le retour veineux et inhibe l’éjection ventriculaire gauche entraînant alors une augmentation du volume sanguin intra-thoracique.

Le retour veineux systémique Guyton et al. ont décrit les déterminants du retour veineux il y a près de cinquante ans. Le flux sanguin s’effectue du réseau veineux systémique vers l’oreillette droite à travers des vaisseaux à basse pression et basse résistance [35]. La POD est la pression d’aval (downstream pressure) pour le retour veineux. La pression d’amont du retour veineux systémique dépend du volume sanguin et du tonus vasomoteur périphérique [36]. L’inspiration en pression positive augmente la pression intra-thoracique, diminue le gradient

Pour citer cet article : Lamia B, et al. Interactions cœur—poumons au cours de la ventilation mécanique. Revue des Maladies Respiratoires (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.11.013

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Figure 2.

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Schéma représentant les mécanismes impliqués lors de l’insufflation en ventilation mécanique chez un patient normovolémique.

de pression de retour veineux et entraîne une diminution du retour veineux, du remplissage du ventricule droit et du volume d’éjection systolique du ventricule droit. [29,36—39]. L’inspiration en ventilation spontanée provoque l’effet inverse c’est-à-dire une diminution de la pression intra-thoracique et de la POD qui favorisent le retour veineux, une augmentation du remplissage du ventricule droit et du volume d’éjection systolique du ventricule droit [29,30,32].

Effets de la pression intra-thoracique sur le retour veineux Le cœur ne pouvant éjecter que la quantité de sang qu’il rec ¸oit, le débit cardiaque est identique au retour veineux [40]. Les efforts inspiratoires spontanés augmentent le gradient de pression du retour veineux à cause de l’effet combiné de la diminution de la POD [32,36] et de l’augmentation de la pression intra-abdominale [41]. Cependant pour maintenir une POD basse, la compliance diastolique du ventricule droit doit être élevée et le volume d’éjection du ventricule droit doit égaler le retour veineux. Dans le cas contraire, une augmentation constante du retour veineux augmenterait la POD et entraînerait une distension du ventricule droit. L’autre phénomène contribuant à réduire la charge de travail du ventricule droit est la haute compliance du circuit artériel pulmonaire permettant de recevoir d’importantes augmentations du volume d’éjection du ventricule droit [29]. La ventilation en pression positive entraîne une augmentation de la pression intra-thoracique et une augmentation de la POD ayant pour conséquence une diminution du

gradient de pression du retour veineux systémique, du volume du ventricule droit et finalement du débit cardiaque.

Effets de la pression intra-thoracique sur la postcharge du ventricule gauche Lors de la ventilation mécanique, une augmentation de la pression intra-thoracique associée une augmentation de la pression intra-abdominale est responsable d’une augmentation de la pression transdiaphragmatique et d’une amélioration de l’éjection du ventricule gauche. La diminution de la pression intra-thoracique entraîne une augmentation de la postcharge du ventricule gauche et altère l’éjection du ventricule gauche [42]. L’augmentation de la pression intra-thoracique diminue la postcharge du ventricule gauche et améliore l’éjection du ventricule gauche [25]. L’ensemble des mécanismes impliqués lors de l’insufflation en ventilation mécanique chez un patient normovolémique est représenté sur la Fig. 2.

• Pour ce qui concerne l’interdépendance ventriculaire, les variations du volume télédiastolique du ventricule droit altèrent la compliance diastolique du ventricule gauche dans un sens inverse mais, en dehors de la dysfonction cardiaque gauche avec surcharge volumique, l’impact de la ventilation en pression positive sur le volume télédiastolique du ventricule gauche reste minime.

Pour citer cet article : Lamia B, et al. Interactions cœur—poumons au cours de la ventilation mécanique. Revue des Maladies Respiratoires (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.11.013

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B. Lamia et al. • Une augmentation de la pression intra-thoracique comme au cours de l’inspiration en pression positive, majore la pression dans l’oreillette droite et diminue la pression systolique transmurale du ventricule gauche, avec baisse des gradients de pression de retour veineux, de l’éjection du ventricule gauche et du volume sanguin intra-thoracique. Une baisse de la pression intra-thoracique a les effets inverses. • L’inspiration en pression positive augmente la pression intra-thoracique et diminue le gradient de pression de retour veineux, le retour veineux, le remplissage du ventricule droit et le volume d’éjection systolique du ventricule droit, alors que la ventilation spontanée a l’effet inverse. • Pour ce qui concerne le ventricule gauche, une augmentation de la pression intra-thoracique au cours de la ventilation mécanique augmente la pression transdiaphragmatique et améliore l’éjection du ventricule gauche.

Scénarios cliniques Décompensation aiguë de BPCO En ventilation spontanée Lors d’une décompensation aiguë de BPCO en ventilation spontanée, l’inspiration provoque une hyperinflation pulmonaire dynamique, une négativation excessive de la pression intra-thoracique et une augmentation de la pression intraabdominale responsables de phénomènes hémodynamiques. L’hyperinflation dynamique est exagérée lors des décompensations aiguës à cause d’une part de l’inflammation de la paroi bronchique et d’autre part de l’accélération de la fréquence respiratoire et du raccourcissement de l’expiration [43]. Ainsi, lors d’une décompensation aiguë de BPCO, la capacité résiduelle fonctionnelle est très augmentée. L’inspiration spontanée lors d’une décompensation aiguë de BPCO associe une augmentation excessive du volume pulmonaire et une négativation considérable de la pression intra-thoracique. Celle-ci est due à l’augmentation de la résistance des voies aériennes à l’inspiration et à l’auto-PEP. En effet, pour créer un gradient de pression suffisant pour permettre l’admission de gaz dans les alvéoles, les muscles respiratoires doivent d’abord générer une dépression qui compense l’auto-PEP avant d’y ajouter une dépression thoracique qui permette finalement l’admission de gaz dans les alvéoles. L’hyperinflation pulmonaire dynamique, la négativation de la pression intra-thoracique et l’augmentation de la pression intra-abdominale ont un retentissement sur le cœur droit et le cœur gauche.

Retentissement sur le cœur droit lors de la ventilation spontanée Lors de la décompensation aiguë de BPCO en ventilation spontanée, l’inspiration est responsable de l’augmentation du retour veineux systémique et d’une augmentation de la précharge du ventricule droit. Comme nous l’avons

décrit en première partie le retour veineux systémique vers l’oreillette droite se fait selon le gradient de pression qui existe entre, en amont, le système veineux capacitif et, en aval, l’oreillette droite. Le retour veineux systémique est linéairement corrélé à la pression auriculaire droite : plus celle-ci diminue, plus le retour veineux augmente [35]. À l’inspiration, la négativation de la pression intra-thoracique se transmet à l’oreillette droite et ceci augmente le gradient de pression entre le territoire veineux extra-thoracique et l’oreillette droite et donc le retour veineux. De plus, la vasoconstriction du territoire veineux splanchnique provoquée par la stimulation adrénergique lors de la décompensation aiguë de BPCO augmente encore le gradient de pression de retour veineux. En plus de l’augmentation de la précharge du ventricule droit, il existe une augmentation de la postcharge du ventricule droit. Celle-ci est due à une aggravation de l’hypertension artérielle pulmonaire chronique, à la compression des vaisseaux pulmonaires par l’hyperinflation pulmonaire et à la négativation de la pression intrathoracique [26,44]. Cette dernière diminue davantage que la pression alvéolaire. Ainsi, le ventricule droit ressent une gêne à son éjection en raison du gradient de pression extra-murale entre le secteur alvéolaire où règne la pression alvéolaire correspondant à la pression extra-murale des microvaisseaux pulmonaires et le secteur intra-thoracique où règne la pression intra-thoracique correspondant à la pression extra-murale du ventricule droit et des gros vaisseaux pulmonaires. L’augmentation de la précharge et de la postcharge du ventricule droit lors de la décompensation aiguë d’une BPCO a pour conséquence une augmentation du volume télédiastolique du ventricule droit. La phase expiratoire provoque des effets opposés sur le ventricule droit dont la précharge diminue et l’éjection augmente. Néanmoins, une augmentation importante de la pression intra-thoracique peut être provoquée par une expiration forcée. Dans ce cas la diminution du gradient de pression de retour veineux peut entraîner une diminution expiratoire du débit cardiaque droit.

Retentissement sur le cœur gauche lors de la ventilation spontanée Lors de la décompensation aiguë de BPCO, l’inspiration spontanée entraîne une diminution du volume d’éjection systolique du ventricule gauche en raison d’une diminution de la compliance du ventricule gauche, une diminution de la contractilité et enfin une augmentation de la postcharge ventriculaire gauche. La diminution de la compliance du ventricule gauche est due à l’interdépendance ventriculaire. Lors d’une décompensation aiguë de BPCO, l’augmentation inspiratoire de la précharge et de la postcharge du ventricule droit entraînent une dilatation du ventricule droit dans le péricarde inextensible [45]. Le septum interventriculaire se déplace vers la gauche et réduit le volume du ventricule gauche. La contractilité du ventricule gauche peut être altérée en raison de l’ischémie myocardique due à la diminution des apports en oxygène. Cette ischémie myocardique peut être précipitée en cas d’atteinte coronarienne sous-jacente.

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Figure 3. Schéma représentant les mécanismes impliqués lors de l’interaction cœur-poumons au cours de la décompensation aiguë de BPCO en ventilation spontanée.

La postcharge du ventricule gauche correspond à l’obstacle que le ventricule gauche doit fournir pour permettre l’éjection du sang vers les vaisseaux extrathoraciques. Lors de l’inspiration chez un patient atteint de BPCO en décompensation, la négativation de la pression intra-thoracique devient très importante. Le gradient de pression d’éjection du ventricule gauche est alors augmenté et l’effort que doit fournir le ventricule gauche pour éjecter dans les vaisseaux extra-thoraciques (soumis à un régime de pression positif) est plus important. Ceci correspond à une augmentation de la postcharge du ventricule gauche [46,47]. L’ensemble des mécanismes impliqués lors de l’interaction cœur—poumons au cours de la décompensation aiguë de BPCO en ventilation spontanée est représenté sur la Fig. 3.

Décompensation aiguë de BPCO sous ventilation invasive ou non invasive Lors de la ventilation invasive, l’expiration et l’insufflation se font en pression positive. La pression intra-thoracique est positive. Au cours de la ventilation non invasive, la pression intra-thoracique se positive aussi mais à un moindre degré qu’au cours de la ventilation invasive. Parfois l’instauration d’une pression intra-thoracique positive peut être transitoirement délétère comme cela est observé au cours du collapsus dit de reventilation. Celui ci correspond à une chute du débit cardiaque secondaire à la diminution du gradient de pression de retour veineux. De plus, l’augmentation du volume pulmonaire accroît les résistances artérielles pulmonaires et la postcharge du ventricule droit. L’association d’une diminution du retour veineux systémique et d’une augmentation de la résistance

à l’éjection du ventricule droit entraîne la baisse du débit cardiaque lors de la ventilation en pression positive. La mise sous ventilation mécanique doit être réalisée chez un patient non hypovolémique. Les conséquences néfastes de la ventilation sont limitées en utilisant un volume courant faible et un temps expiratoire allongé. L’application d’une PEP externe peut être néfaste et mimer les effets délétères de la ventilation surtout en cas d’hypovolémie qui peut être aggravée en cas d’utilisation de substances sédatives.

Au cours d’une décompensation aiguë de BPCO en ventilation spontanée, à l’inspiration, il y a augmentation de la précharge et de la postcharge du ventricule droit, avec pour conséquence une augmentation du volume télédiastolique du ventricule droit. Au cours de l’expiration, on note des effets opposés sur le ventricule droit dont la précharge diminue et l’éjection augmente mais, en cas d’augmentation importante de la pression intra-thoracique, comme au cours d’une expiration forcée, la baisse du gradient de pression de retour veineux peut entraîner une diminution expiratoire du débit cardiaque droit. En ventilation mécanique, du fait de la pression positive, peut apparaître une chute du débit cardiaque par baisse du gradient de pression de retour veineux, à laquelle s’associe une augmentation des résistances artérielles pulmonaires et de la postcharge du ventricule droit, du fait de l’augmentation du volume pulmonaire, avec baisse du débit cardiaque, ce qui explique que la ventilation mécanique doit être réalisée chez un patient non hypovolémique.

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Pour limiter les néfastes de la ventilation, il faut utiliser un volume courant faible et un temps expiratoire allongé, et l’application d’une PEP externe peut être néfaste, surtout en cas d’hypovolémie et chez les patients sédatés.

La ventilation en pression positive diminue le volume d’éjection d’un cœur normal mais l’augmente en cas de dysfonction ventricule gauche. Dans l’embolie pulmonaire, la mise sous ventilation mécanique est réservée aux situations extrêmes (troubles de conscience, épuisement respiratoire), avec un faible volume courant et une pression expiratoire nulle.

Insuffisance cardiaque gauche Le recours à la ventilation en pression positive lors des décompensations cardiaques gauches est bénéfique et peut améliorer la précharge, la contractilité et la postcharge du ventricule gauche. L’augmentation de la pression intra-thoracique diminue le gradient de pression du retour veineux, donc le remplissage du ventricule droit et le volume sanguin central. L’amélioration de la contractilité myocardique est due à une amélioration de l’oxygénation sous ventilation et une redistribution de l’oxygène vers le myocarde. Enfin, l’augmentation de la pression intra-thoracique produite par la ventilation en pression positive réduit la postcharge du ventricule gauche. Cet effet est prédominant dans l’amélioration de la fonction ventricule gauche [25,48]. Sur cœur sain, le volume d’éjection dépend surtout de la précharge mais il est majoritairement influencé par les variations de postcharge en cas de défaillance ventriculaire. La ventilation en pression positive diminue le volume d’éjection d’un cœur normal mais l’augmente en cas de dysfonction ventricule gauche [49].

Embolie pulmonaire Au cours de l’embolie pulmonaire, la défaillance hémodynamique est secondaire à la diminution de l’éjection du ventricule droit du fait de l’obstruction thrombotique artérielle pulmonaire. La postcharge du ventricule droit est augmentée et le ventricule droit se dilate dans l’espace péricardique aux dépens du ventricule gauche qui est ainsi comprimé par la déviation du septum interventriculaire. Lors de la mise sous ventilation mécanique, l’augmentation de la pression intra-thoracique entraîne une diminution du gradient de pression de retour veineux et une diminution de la précharge du ventricule droit et du volume d’éjection systolique. Au plan thérapeutique, les interactions cœur poumons au cours de l’embolie pulmonaire massive justifient une expansion volémique mais qui doit être modérée au risque d’aggraver la dilatation du ventricule droit [50] et la dobutamine afin d’augmenter la contractilité du ventricule gauche et pour son effet vasodilatateur artériel pulmonaire [51]. La mise sous ventilation mécanique est réservée aux situations extrêmes (troubles de conscience, épuisement respiratoire) en favorisant un petit volume courant et une pression expiratoire nulle.

En cas de décompensation cardiaque gauche, la ventilation en pression positive améliore la précharge, la contractilité et la postcharge du ventricule gauche.

Asthme aigu grave Au cours de l’asthme aigu grave, l’augmentation des résistances bronchiques entraîne une hyperinflation pulmonaire, une augmentation de la pression intra-abdominale et une négativation excessive de la pression intra-thoracique [52]. Cette dernière survient en raison de la mise en jeu des muscles inspiratoires lors de la ventilation à haut volume pulmonaire. Plus la capacité résiduelle fonctionnelle est importante, plus la dépression thoracique inspiratoire est élevée. La chute inspiratoire du volume d’éjection systolique explique le pouls paradoxal [53]. Lors de la mise sous ventilation mécanique, le volume courant doit être faible, la pression expiratoire nulle et le temps expiratoire long.

Syndrome de détresse respiratoire aigu Au cours du syndrome de détresse respiratoire aiguë, la mise sous ventilation mécanique et l’application d’une PEP entraîne un recrutement alvéolaire qui augmente le volume pulmonaire et la pression alvéolaire dans un contexte de compliance pulmonaire diminuée. Ceci provoque une augmentation de la pression transpulmonaire et de la postcharge du ventricule droit jusqu’au tableau de cœur pulmonaire aigu [54]. Une baisse du débit cardiaque peut survenir en raison de la diminution du gradient de pression de retour veineux secondaire à l’augmentation de la pression intra-thoracique. Il faut cependant souligner que les effets de la PEP sur la compliance pulmonaire et le recrutement alvéolaire sont variables selon les patients au cours du syndrome de détresse respiratoire aigu [55,56]. Lorsque le recrutement alvéolaire secondaire à l’application de la PEP entraîne une amélioration significative de l’oxygénation artérielle, la vasoconstriction hypoxique est levée et la postcharge du ventricule droit est améliorée [57]. Lors de la mise sous ventilation mécanique, le volume courant doit être faible et la PEP est réglée en surveillant la pression de plateau de fin d’inspiration, reflet de la pression alvéolaire qui doit être maintenue inférieure à 30 cmH2 O. Dans l’asthme aigu grave, la ventilation mécanique doit se faire avec un volume courant faible, une pression expiratoire nulle et un temps expiratoire long. La ventilation mécanique au cours d’un SDRA doit se faire avec un volume courant faible, en adaptant la PEP à la pression de plateau de fin d’inspiration, qui reflète la pression alvéolaire, et qui doit rester au-dessous de 30 cmH2 O.

Pour citer cet article : Lamia B, et al. Interactions cœur—poumons au cours de la ventilation mécanique. Revue des Maladies Respiratoires (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.11.013

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La prédiction de la réponse à l’expansion volémique par la variabilité respiratoire de la pression artérielle pulsée Les conséquences hémodynamiques de la ventilation permettent de prédire la réponse au remplissage vasculaire chez les patients en état de choc. En cas de préchargedépendance du cœur (portion initiale de la relation de Frank-Starling), l’augmentation de la pression intrathoracique au cours de la ventilation diminue la précharge du cœur droit et le volume d’éjection systolique du ventricule droit à l’inspiration puis du ventricule gauche à l’expiration (en raison du temps de transit sanguin dans la circulation pulmonaire). Lorsque le cœur n’est pas précharge-dépendant (portion distale en plateau de la relation de Franck-Starling), la diminution de précharge du cœur droit induite par la ventilation mécanique n’a pas de retentissement sur le volume d’éjection du ventricule gauche. En pratique clinique, les variations respiratoires de la pression artérielle pulsée au cours de la ventilation contrôlée sont fiables pour prédire la réponse au remplissage vasculaire des patients en état de choc [58,59].

En cas de choc hypovolémique, en cas de préchargedépendance du cœur (portion initiale de la relation de Frank-Starling), l’augmentation de la pression intra-thoracique au cours de la ventilation diminue la précharge du cœur droit, le volume d’éjection systolique du ventricule droit à l’inspiration et du ventricule gauche à l’expiration, et les variations respiratoires de la pression artérielle pulsée au cours de la ventilation contrôlée permettent de prédire la réponse au remplissage vasculaire.

Sevrage de la ventilation mécanique Une des situations où le patient doit mettre en jeu de fac ¸on aiguë ses réserves cardiaques est représentée par le sevrage de la ventilation mécanique [60]. En effet, le passage de la ventilation mécanique à la ventilation spontanée peut être considéré comme un test d’effort. Les patients ayant une réserve cardiaque limitée sont susceptibles de ne pas pouvoir être sevrés de la ventilation mécanique. Ainsi, la survenue d’un œdème pulmonaire cardiogénique et/ou d’un infarctus du myocarde a été décrite lors du sevrage de la ventilation mécanique entre autres chez des patients porteurs d’une cardiopathie préexistante [61]. Les mécanismes par lesquels les patients développent un œdème pulmonaire de sevrage sont complexes et comportent la négativation de la pression intra-thoracique, l’augmentation du travail respiratoire et la décharge adrénergique survenant lors du passage de la ventilation mécanique à la ventilation spontanée. La négativation de la pression intra-thoracique engendre une augmentation du gradient de pression de retour veineux, du volume sanguin central et une augmentation de la postcharge du ventricule gauche. Une augmentation importante du travail respiratoire peut augmenter le travail cardiaque et la demande

9 myocardique en oxygène. L’augmentation de la réponse adrénergique peut augmenter le retour veineux, la postcharge du ventricule gauche, le travail cardiaque, et la demande en oxygène, pouvant ainsi induire une ischémie myocardique. Chez les patients avec une cardiopathie droite préexistante, une augmentation de la postcharge du ventricule droit peut survenir en raison de l’hypoxie ou de l’aggravation de la pression expiratoire positive intrinsèque. Ce phénomène, associé à une augmentation simultanée du gradient de pression de retour veineux, peut entraîner une dilatation du ventricule droit pendant le sevrage, gênant ainsi le remplissage diastolique du ventricule gauche en raison de l’interdépendance ventriculaire. L’œdème pulmonaire cardiogénique peut survenir au cours du sevrage en raison de l’augmentation de la précharge du ventricule gauche et/ou la diminution de la compliance du ventricule gauche (ischémie myocardique, interdépendance biventriculaire), et/ou une augmentation de la postcharge du ventricule gauche. En raison de la présentation clinique non spécifique (intolérance à la ventilation spontanée), le diagnostic de certitude de l’œdème pulmonaire de sevrage est difficile et peut nécessiter la mise en place d’un cathéter artériel pulmonaire pour mettre en évidence alors une élévation de la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) au cours de l’épreuve de ventilation spontanée. La mise en place d’un cathéter artériel pulmonaire pour le diagnostic de l’œdème pulmonaire de sevrage est une procédure invasive. L’intérêt de l‘échocardiographie pour détecter un œdème pulmonaire de sevrage de la ventilation mécanique a été démontré [62]. Dans un travail prospectif, les investigateurs ont analysé le flux transmitral obtenu en Doppler pulsé et le signal obtenu en Doppler tissulaire à l’anneau mitral pour calculer les rapports E/A et E/Ea et approcher les pressions de remplissage du cœur gauche. Les auteurs ont proposé des valeurs seuils des rapports E/A et E/Ea qui permettent de prédire de fac ¸on fiable un œdème pulmonaire de sevrage de la ventilation mécanique. D’autres méthodes de diagnostic du sevrage de la ventilation ont été décrites : le dosage du BNP et/ou du NT-pro BNP, le dosage de la protidémie ou de l’hématocrite ou encore la mesure par thermodilution transpulmonaire de l’eau extra-vasculaire pulmonaire [63].

La possibilité d’un sevrage de la ventilation mécanique dépend du niveau des réserves cardiaques. Une tentative de sevrage avec des réserves cardiaques faibles font courir un risque d’œdème pulmonaire cardiogénique et/ou d’infarctus du myocarde. Plusieurs facteurs peuvent être incriminés dans l’œdème pulmonaire cardiogénique, la négativation de la pression intra-thoracique, l’augmentation du travail respiratoire (qui augmente le travail cardiaque) et la décharge adrénergique survenant lors du passage de la ventilation mécanique à la ventilation spontanée (qui augmente le retour veineux, la postcharge du ventricule gauche, le travail cardiaque et la demande en oxygène).

Pour citer cet article : Lamia B, et al. Interactions cœur—poumons au cours de la ventilation mécanique. Revue des Maladies Respiratoires (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.11.013

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Le diagnostic d’œdème pulmonaire cardiogénique repose sur le cathétérisme artériel pulmonaire (élévation de la PAPO) au cours de l’épreuve de ventilation spontanée, l’échocardiographie, le dosage du BNP et/ou du NT-pro BNP, le dosage de la protidémie ou de l’hématocrite ou encore la mesure par thermodilution transpulmonaire de l’eau extravasculaire pulmonaire.

Conclusion Les effets hémodynamiques de la ventilation sont multiples et complexes et sont les conséquences des variations de volume et de pression intra-thoracique. La précharge, la postcharge et contractilité du ventricule gauche et du ventricule droit peuvent être affectés à des degrés divers en fonction des pathologies sous-jacentes chroniques et de la pathologie aiguë. La compréhension des mécanismes des interactions cœur—poumons au cours de la ventilation permet d’appréhender les perturbations hémodynamiques et leur retentissement clinique.

Effets des différents modes de ventilation Les différences hémodynamiques induites par différents modes de ventilation à pressions constantes dans les voies aériennes et à PEP constante sont dues à des variations différentes du volume pulmonaire et de la pression intra-thoracique [64]. Lorsque deux modes ventilatoires différents provoquent des variations similaires de la pression intra-thoracique et des efforts respiratoires, leurs effets hémodynamiques sont similaires. Des études ont démontré des effets cardiovasculaires similaires de différents modes ventilatoires lorsque le volume courant et le niveau de PEP sont identiques [65,66]. Lors de la ventilation non invasive en mode aide inspiratoire, plus le niveau d’aide inspiratoire est élevé, plus la réduction du débit cardiaque est significative [67]. Chez des sujets sains, l’application d’un niveau d’aide croissant en ventilation non invasive entraîne une diminution proportionnelle des volumes cardiaques systoliques et diastoliques mesurés par résonance magnétique [68]. Chez des patients en postopératoire de chirurgie cardiaque intubés et ventilés en mode contrôlé, des niveaux croissants de volume courant s’accompagnait d’une variation linéaire de pression intra-thoracique. L’augmentation du volume courant et la diminution de la compliance pulmonaire entraînaient une diminution du volume d’éjection systolique [69]. En ventilation invasive, le mode aide inspiratoire a été comparé au mode NAVA (neurally adjusted ventilatory assist) chez 10 patients intubés. Les auteurs ont démontré une diminution significative du volume d’éjection systolique du ventricule droit avec le mode aide inspiratoire comparé au mode NAVA. La diminution du volume d’éjection systolique du ventricule droit était d’autant plus importante que le niveau d’aide inspiratoire était croissant. En revanche, le mode NAVA ne modifiait pas le volume d’éjection systolique du ventricule droit. Les mêmes effets ont été observés sur la pression systolique du ventricule droit. Cette étude a démontré une altération plus importante de la fonction ventriculaire droite en mode aide inspiratoire par rapport au mode NAVA au cours de la ventilation mécanique. Ces différences sont dues aux variations plus importantes de la pression intra-thoracique en mode aide inspiratoire par rapport au mode NAVA [70].

Lorsque deux modes ventilatoires différents provoquent des variations similaires de la pression intra-thoracique et des efforts respiratoires, leurs effets hémodynamiques sont similaires.

Points essentiels • Les effets cardiovasculaires de la ventilation portent sur la fréquence cardiaque, la précharge, la contractilité et la postcharge, tant du ventricule droit que du ventricule gauche, par le biais de variations respiratoires du volume pulmonaire mais surtout de la pression intra-thoracique. • La ventilation en pression positive diminue le retour veineux, le tonus vasomoteur pulmonaire (jusqu’à une augmentation du volume pulmonaire d’un volume résiduel à la capacité résiduelle fonctionnelle, mais elle l’augmente au-delà), la postcharge du ventricule gauche et le travail respiratoire. • Ces modifications cardiovasculaires (précharge, postcharge et contractilité des ventricules) sont variables en fonction des atteintes pathologiques sous-jacentes, qu’elles soient aiguës ou chroniques.

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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