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Mémoire Les gliomes multiples : étude clinique et hypothèses physiopathologiques K. Auré, F. Laigle-Donadey, G. Kaloshi, A. Amiel-Benouaich, M. Sanson Service de Neurologie, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris. Reçu le : 03/06/2005 ; Reçu en révision le : 06/10/2005 ; Accepté le : 01/12/2005.
RÉSUMÉ Introduction. Bien que les gliomes multiples soient peu fréquents, il est important de savoir les reconnaître et les distinguer des autres étiologies de lésions cérébrales multiples. Patients et méthodes. Cette étude rétrospective rapporte 33 cas de gliomes multiples, de survenue synchrone dans 20 cas et métachrone dans les 13 autres cas. Résultats. Chez 17 patients, l’aspect radiologique était évocateur de la dissémination d’un clone tumoral unique (multifocal). Dans les autres cas, l’absence de voie de dissémination évidente pouvait faire discuter la présence de clones tumoraux indépendants (multicentrique) et rechercher alors une prédisposition génétique. Celle-ci pouvait être suggérée par la présence chez 27 p. 100 des patients d’antécédents tumoraux personnels ou familiaux. La médiane de survie globale était de 79 semaines, (64 semaines pour les glioblastomes), le principal facteur pronostique étant l’âge de survenue. Conclusion. Les gliomes multiples constituent un groupe clinique hétérogène reflétant vraisemblablement des mécanismes physiopathologiques distincts. Dans notre série, leur survie apparaît comparable à celle des gliomes uniques.
Mots-clés : Gliome • Multifocal • Multicentrique • Invasion tumorale • Prédisposition génétique
SUMMARY Multiple gliomas: clinical studies and pathophysiological hypothesis. K. Auré, F. Laigle-Donadey, G. Kaloshi, A. Amiel-Benouaich, M. Sanson, Rev Neurol (Paris) 2006; 162: 8-9, 845-851 Introduction. Although a rare entity, multiple gliomas must be recognized and distinguished from other causes of multiple brain lesions. Methods. Clinical and radiological features of 33 multiple gliomas were reviewed, including 20 synchronous cases and 13 metachronous cases. Results. In 17 patients, radiological features were highly suggestive of spread from a primary site (multifocal gliomas). No apparent dissemination route was identified in the other cases which were presumed to be multicentric gliomas. For nine patients (27 percent), a second neoplasia or cancer was found in first degree relatives suggesting a genetic predisposition. Overall median survival was 79 weeks (64 weeks for glioblastomas). The age at onset was the main prognostic factor. Conclusion. Multiple gliomas represent a heterogeneous entity, probably corresponding to different mechanisms. In our group, survival was comparable to unique glioma.
Keywords: Glioma • Genetic predisposition • Neoplasm invasiveness
INTRODUCTION L’incidence des gliomes multiples est difficile à définir, et varie dans la littérature entre 1 et 28 p. 100 selon les séries (Batzdorf et Malamud, 1963 ; Barnard et Geddes, 1987 ; Djalilian et al., 1999). Les gliomes multiples constituent un cadre extrêmement hétérogène, par leur physiopathologie, leur présentation radiologique, et leur histologie. Les gliomes multiples sont dits synchrones lorsque les lésions sont d’emblée multiples, et métachrones quand les autres lésions apparaissent secondairement au cours de l’évolution. D’un point de vue radiologique, on peut diviser les gliomes multiples en gliomes multifocaux et multicentriques. Les gliomes multifocaux résultent de la dissémina-
tion tumorale par une route établie (le long des fibres de la substance blanche, par voie sous-épendymaire ou par voie méningée) (Kyritsis et al., 1993), ou de l’apparition de foyers d’anaplasie au sein d’une gliomatose. Les gliomes multicentriques sont définis par l’absence de continuité visible entre les lésions, que ce soit macroscopiquement ou microscopiquement. Ces patients posent le problème du diagnostic différentiel avec des lésions multiples d’autre origine, soit tumorale (lésions métastatiques, lymphome cérébral primitif), (Chadduck et al., 1983), soit d’autre nature (abcès, maladie inflammatoire). L’objectif de ce travail est d’illustrer les diverses formes radiologiques des gliomes multiples, de discuter leur physiopathologie, et d’évaluer leur pronostic par rapport aux
Correspondance : M. SANSON, Service de Neurologie Mazarin, Bâtiment Mazarin, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris. E-mail :
[email protected]
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a b c d Fig. 1. – Gliome multifocal avec lésions multiples bi-hémisphériques, dont seule la lésion temporale gauche prend le contraste. a, b, c) séquences pondérées FLAIR ; d) séquence pondérée T1 avec injection de gadolinium. Bi-hémispheric multifocal glioma, with only one enhanced lesion. a, b, c) FLAIR weighted images; d) T1 weighted image with gadolinium).
gliomes uniques, sachant que leur prise en charge thérapeutique optimale reste encore à définir.
PATIENTS ET MÉTHODES Les données des patients porteurs de lésions gliales multiples ont été colligées rétrospectivement à partir de la base de données du service. Nous avons recueilli les antécédents personnels ou familiaux de cancer, les signes cliniques inauguraux, analysé l’aspect radiologique, la survie des patients, la réponse au traitement, et recherché une mutation constitutionnelle de p53, gène suppresseur de tumeur impliqué dans de nombreuses pathologies tumorales et en particulier dans la prédisposition aux gliomes multiples (Kyritsis et al., 1994). Les prélèvements sanguins n’ont été effectués qu’après obtention du consentement écrit du patient. Pour les âges des patients, les médianes ainsi que l’écart type à la moyenne (±) et les intervalles de confiance (IC) ont été calculés. Les données de survie ont été analysées par la méthode de Kaplan-Meier. Un p < 0,05 était considéré comme significatif.
RÉSULTATS Données cliniques et histologiques Nous avons pu recueillir les données de 33 patients porteurs de gliomes multiples. Il s’agissait de 18 hommes et 15 femmes, âgés en moyenne de 51 ans (19-78 ans, médiane 52 ± 2,8 ans, IC : 5,7) au moment du diagnostic des lésions multiples. Vingt patients (âge médian 53 ± 3,6 ans ; IC : 7,6) ont présenté des lésions synchrones, et 13 patients (âge médian 47 ± 4,3 ans ; IC : 9,3), des lésions métachrones, avec un délai médian entre les lésions de 12 mois (6 mois20 ans).
Les symptômes inauguraux chez ces patients sont identiques à ceux des gliomes uniques (Béhin et al., 2003) : déficits dans les territoires concernés (19 patients), crises convulsives (19 patients), hypertension intracrânienne (5 patients). Les grades et types histologiques, suivant la classification OMS, étaient variés (1 astrocytome grade II, 3 astrocytomes grade III, 10 glioblastomes, 3 oligodendrogliomes grade II, 6 oligodendrogliomes grade III, 2 oligoastrocytomes grade II, 8 oligoastrocytomes grade III).
Données radiologiques Tous les patients ont eu initialement une IRM cérébrale avec séquence T1, T2 (parfois séquence FLAIR) et injection de gadolinium. Le suivi radiologique a été effectué de façon mensuelle par un scanner cérébral avec injection de produit de contraste, et de façon plus ponctuelle (tous les 3 à 6 mois), par une IRM cérébrale. Les lésions étaient le plus souvent hémisphériques (bi-hémisphériques pour 20 patients), avec un nombre moyen de 3 lésions (2 à 7). Quatre patients présentaient des lésions sous-tentorielles associées aux lésions hémisphériques et un patient uniquement des lésions sous-tentorielles (dont des lésions médullaires). Plusieurs patients avaient des lésions d’aspect radiologique différent à un même moment, en particulier toutes les lésions pouvaient ne pas prendre le contraste. Pour 17 patients (51 p. 100), l’imagerie cérébrale suggérait la dissémination d’une tumeur unique que ce soit le long des fibres myélinisées (11 patients) (Fig. 1), par gliomatose diffuse (3 patients) (Fig. 2), ou par voie méningée (3 patients) (Fig. 3 et 4). La présentation radiologique chez les 16 autres patients était évocatrice de gliomes multicentriques (Fig. 5), bien que l’existence d’une continuité tumorale microscopique n’ait pu être éliminée formellement en l’absence de vérification anatomique. Par ailleurs, il n’a pas été établi de lien entre l’histologie et la forme radiologique.
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a b c d e f Fig. 2. – a, b, c) Prises de contraste bi-hémisphériques sans continuité apparente (coupes axiales pondérées en T1 avec injection de produit de contraste). d, e, f) Infiltration diffuse réalisant un aspect de gliomatose (séquence FLAIR). Les prises de contraste correspondent à un grade de malignité plus élevé au sein de la gliomatose. a, b, c) Multiple bi-hemispheric enhancing lesions without apparent continuity (T1 weighted images with gadolinium). d, e, f) Aspect of gliomatosis cerebri with diffuse hyperintense signal on FLAIR-weighted images. The enhancing areas are presumed to represent higher grade foci.
3a 3b 4 Fig. 3. – a) Lésion frontale droite opérée, avec hypersignal péri-cavitaire (IRM pondérée en T2). b) Apparition d’une lésion cérébelleuse au contact du 4e ventricule (flèche), prenant le contraste de façon homogène, témoignant d’une dissémination méningée (IRM pondérée en T1 avec injection de produit de contraste). a) Post-operative T2-weighted MRI of a frontal glioma, with hyperintense surrounding signal. b) Fourth ventricle lesion (arrow) with homogenous contrast enhancement (T1-weighted image with gadolinium), suggesting a meningeal dissemination pathway. Fig. 4. – Hypodensité du parenchyme cérébelleux péri-ventriculaire (flèche) chez un patient porteur d’un gliome frontal, et dilatation du 4e ventricule évoquant une dissémination méningée. IRM pondérée en T1 avec injection de produit de contraste. Cerebellar hypo-intense signal (arrow) in a patient with pre-existent frontal glioma. Fourth ventricle dilatation suggests meningeal dissemination (T1-weighted image with gadolinium).
Prédisposition génétique
Traitement
Quatre patients présentaient des antécédents de tumeurs personnels (col utérin, sein, ovaire + côlon, méningiome) et cinq des antécédents familiaux au premier degré (mélanome, rein, côlon, poumon, glioblastome) (Tableau I). Une recherche de mutation du gène de la protéine p53 a pu être effectuée pour 14 patients (dont 6 avec antécédents personnels ou familiaux de tumeurs), et était négative (Tableau I).
L’exérèse chirurgicale a été réalisée chez 7 des 13 patients avec lésions métachrones, et chez 5 des 20 patients avec lésions synchrones. Les 21 autres patients ont eu une biopsie stéréotaxique. Vingt-cinq patients furent irradiés de façon conventionnelle (< 2 Gy/fraction et une dose totale inférieure à 56-60 Gy), et 32 ont bénéficié d’une chimiothérapie (1re ligne : 14 ; 2e ligne : 10 ; 3e ligne : 7 ; 5e ligne : 1 patient ;
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a b c d Fig. 5. – Gliome multicentrique : lésions multiples d’aspect radiologique différent (absence de prise de contraste de la lésion de la capsule interne droite), sans continuité visible. IRM pondérée en T1 avec injection de produit de contraste, en coupes axiales (a, b, c) et coronales (d). Multicentric glioma without visible dissemination pathway. Radiological lesions pattern are different (right internal capsule lesion without enhancement). T1-weighted image with contrast media administration, axial sectional cross (a, b, c) and coronal sectional cross (d).
données manquantes pour 1 patient). La première ligne de chimiothérapie reposait sur les nitrosurés (BCNU ou l’association PCV = Procarbazine, CCNU et Vincristine). Quelques patients ont reçu d’autres chimiothérapies en fonction de l’évolution et de la réponse au traitement : Témozolomide, et carboplatine notamment. Les formes métachrones ont reçu des protocoles de chimiothérapie comparables, en considérant la survenue d’une nouvelle lésion cérébrale comme une récidive tumorale et donc avec nouvelle ligne de chimiothérapie quand l’état du patient le permettait.
Évolution sous traitement et survie L’évolution sous traitement des lésions était variable d’un patient à l’autre, et chez un même patient, les réponses aux traitements pour les différentes lésions pouvaient être totalement différentes et indépendantes. Les médianes de survie sans récidive et globales étaient respectivement de 38 et 79 semaines. Compte tenu des faibles effectifs des sous-groupes, tant histologiques que radiologiques, les données par sous-groupes
Tableau I. – Analyses génétiques et antécédents tumoraux en fonction du type de gliome multiple. Tableau I. – Genetic analysis and tumor history by type of multiple glioma. antécédent personnel
antécédent familial
mutation p53
multifocal
Patient 1
méningiome
–
nég
Patient 2
–
–
nég
Patient 3
–
–
Patient 4
–
–
Patient 5
–
–
Patient 6
–
mélanome
Patient 7
–
Patient 8
–
Patient 9
–
–
Patient 10
–
côlon
multicentrique
synchrone
métachrone
oui
–
–
oui
–
oui
–
oui
nég
–
oui
–
oui
nég
oui
–
–
oui
nég
–
oui
–
oui
–
oui
–
–
oui
rein
nég
–
oui
–
oui
–
nég
–
oui
–
oui
nég
–
oui
oui
–
nég
oui
–
oui
–
Patient 11
–
–
nég
–
oui
oui
–
Patient 12
Col utérin
–
nég
oui
–
oui
oui
Patient 13
sein
–
nég
–
oui
oui
–
Patient 14
–
GBM
nég
oui
–
oui
–
Patient 15
–
–
nég
–
oui
oui
oui
Patient 16
Ovaire, côlon
–
–
–
oui
oui
–
Patient 17
–
poumon
–
–
oui
oui
–
Antécédent familial : seuls les parents au premier degré ont été pris en compte ; GBM : glioblastome ; « nég » : recherche de mutation de p53 négative « – » : mutation de la p53 non recherchée.
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Fig. 6. – Courbes de survie en fonction du grade de malignité. Kaplan-Meier survival curves, as a function of histological grade (II, III or IV).
Fig. 7. – Courbes de survie suivant l’âge de début (p = 0,009). Kaplan-Meier survival curves, as a function of age at onset (p=0.009).
sont à analyser avec prudence. La survie était plus prolongée pour les gliomes de bas grade (médiane : 42 mois) par rapport aux gliomes de haut grade de notre série (médiane : 16 mois). Aucune différence significative n’apparaissait entre les grades 3 et 4 (Fig. 6) avec une médiane de survie des glioblastomes de 67 semaines. La présence d’une composante oligodendrogliale était associée à une survie plus prolongée (15 mois ± 3 mois, pour les oligodendrogliomes ou gliomes mixtes, contre 10 mois ± 4 mois, pour les astrocytomes) mais ce de manière non significative. Les médianes de survie étaient légèrement différentes entre les formes multifocales (10 mois ± 2,5) et multicentriques (15 mois ± 6,7), et entre les formes métachrones (9 mois ± 1,5) et synchrones (19 mois ± 4), cependant sans atteindre le seuil de significativité. La seule variable intervenant de manière très significative sur le pronostic était l’âge de début de la maladie, les patients de moins de 51 ans ayant une médiane de survie de 44 mois contre 11 mois (p = 0,009) (Fig. 7).
pourraient constituer des cibles potentielles pour une stratégie thérapeutique (Tamura et al., 1998). Des modèles mathématiques, basés sur le volume tumoral initial et les capacités de croissance et d’extension des cellules tumorales, ont été élaborés afin d’essayer de prévoir l’évolution spatiale de la tumeur et notamment l’apparition d’une seconde lésion à distance de la précédente (Swanson et al., 2000 ; Swanson et al., 2002). En ce sens l’analyse en spectro-RMN du parenchyme péri lésionnel pourrait mettre en évidence de façon plus précoce que l’imagerie standard une infiltration tumorale (Fayed et Modrego, 2005). La dissémination par voie méningée apparaissait probable chez 6 patients de notre série (17 p. 100), alors qu’elle est de 56 p. 100 dans la série de Kyritsis (Kyritsis et al., 1993) et plus rare que les autres modes de dissémination dans la série de Lafitte (Lafitte et al., 2001). La dissémination par voie méningée est difficile à mettre en évidence, la présence de cellules dans le liquide céphalorachidien étant très inconstante (Bussone et al., 1979 ; Mishra et al., 1990 ; Kotwica et Papierz, 1992), et il faut alors souvent en rechercher des signes indirects : dilatation et aspect globuleux du 4e ventricule, hydrocéphalie, prises de contraste méningées, notamment sur l’IRM médullaire. L’aspect radiologique des 16 autres était celui d’un gliome multicentrique, et soulevait donc l’hypothèse de clones tumoraux indépendants et d’une possible prédisposition génétique sous-jacente. Le syndrome de Li-Fraumeni, lié à une mutation germinale de la p53 (Chompret, 2002) et le syndrome de Turcot de type 1 lié à des mutations de gènes de réparation de l’ADN, prédisposent tous deux à la survenue de gliomes (Louis et Von Deimling, 1995). De façon intéressante, les gliomes multiples semblent associés à une augmentation de l’incidence de second cancers (Kyritsis et al., 1992) ainsi qu’à une fréquence élevée de mutations germinales de la p53 (Kyritsis et al., 1994), justifiant la recherche d’antécédents carcinologiques person-
DISCUSSION Le cadre nosologique des gliomes multiples est hétérogène et complexe. Leur aspect radiologique suggère différents mécanismes physiopathologiques. Dix-sept de nos cas correspondaient à des gliomes multifocaux, le plus souvent infiltrants d’emblée, sans limites nettes, avec un hypersignal T2 péri lésionnel important. Pour onze d’entre eux, la continuité entre les lésions était souvent bien visible, suggérant la dissémination d’un clone tumoral unique particulièrement invasif, le plus souvent le long des fibres de la substance blanche (notamment via le corps calleux). L’invasion tumorale est régie par différents phénomènes : l’adhésion à la matrice extracellulaire, sa dégradation, son remodelage, l’augmentation des capacités migratoires de la cellule tumorale, impliquant de multiples effecteurs qui
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nels et familiaux chez ces patients avec gliomes multiples à la recherche d’un syndrome héréditaire tumoral (Heuch et Blom, 1986 ; Paunu et al., 2002). Nos résultats confirment partiellement ces données puisque nous avons ainsi retrouvé des antécédents personnels ou familiaux de tumeurs bénignes ou malignes chez 27 p. 100 de nos patients (contre 6,4 p. 100 des patients avec gliome unique issus de la base de données du service) en revanche, aucune mutation de la p53 n’a été trouvée chez nos 14 patients testés. Il est probable que ces formes « génétiques » ne représentent qu’une faible proportion des gliomes multicentriques, ou que d’autres gènes suppresseurs de tumeurs soient impliqués. Le caractère multiple des gliomes peut faire errer le diagnostic en faveur d’autres causes de lésions multiples : métastases cérébrales, abcès, lymphome, voire maladie inflammatoire du système nerveux. Quelques éléments peuvent orienter vers le diagnostic de gliome multiple : lésions de grande taille aux limites irrégulières, hyperintenses en séquence T2 et hypo ou iso-intense en séquence T1 (Lafitte et al., 2001), localisation le plus souvent dans la substance blanche profonde, épaississement du corps calleux, prise de contraste hétérogène et irrégulière (Ozawa et al., 1998). Certaines techniques d’imagerie, comme la spectro-RMN ou les séquences de diffusion et perfusion peuvent aider au diagnostic différentiel entre les tumeurs cérébrales primitives et les métastases (élévation du pic de choline, et augmentation du flux sanguin cérébral dans la région péri tumorale des gliomes) (Law et al., 2002) ou les abcès intracérébraux (élévation du coefficient de diffusion dans les abcès pyogéniques) (Chang et al., 2002). En dépit de leur caractère étendu, la survie des gliomes multiples n’apparaît pas inférieure dans notre revue à celle des gliomes uniques, notamment pour les glioblastomes multiples dont la survie médiane de 64 semaines est comparable aux données de la littérature (Stupp et al., 2005) et à l’expérience du service. Parmi les facteurs pronostiques, l’âge apparaît clairement, en accord avec des données préalablement décrites (Curran et al., 1993), l’importance de l’histologie et la voie de dissémination apparaissant plus marginales. Toutefois, la propagation des lésions par voie méningée semble avoir un caractère péjoratif (nos 3 patients étant décédés en moins de 8 mois). Du fait de leur extension, ces tumeurs posent un problème de prise en charge thérapeutique. Le traitement chirurgical apparaît souvent inapproprié et la radiothérapie, compte tenu du volume à irradier, expose à un risque toxique plus important. Une alternative pourrait consister à proposer en première intention une chimiothérapie, notamment si l’analyse histologique est en faveur d’un oligodendrogliome avec perte des chromosomes 1p et 19q, particulièrement chimiosensible (Cairncross et al., 1998). Remerciements. Les auteurs remercient le Dr Nadine MartinDuverneuil pour ses précieux conseils.
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