Modification de la structure cérébrale au cours du diabète de type 2 et impact du contrôle glycémique

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Dossier thématique Complications cardiovasculaires Le coin biblio de la SFD Modification de la structure cérébrale au cours du diabète de type 2 et i...

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Dossier thématique Complications cardiovasculaires Le coin biblio de la SFD

Modification de la structure cérébrale au cours du diabète de type 2 et impact du contrôle glycémique Erus G, Battapady H, Zhang T, Lovato J, Miller ME, Williamson JD, Launer LJ, Bryan RN, Davatzikos C. Spatial Patterns of Structural Brain Changes in Type 2 Diabetic Patients and Their Longitudinal Progression With Intensive Control of Blood Glucose. Diabetes Care 2015;38:97–104.

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e nombreuses études ont démontré que la prévalence des altérations des fonctions supérieures était plus importante au cours du diabète, avec un risque de démence augmenté  [1,2]. Les mécanismes impliqués ne sont toujours pas clairement décrits [3]. Les études ayant utilisé l’imagerie cérébrale (IRM) ont apporté des arguments en faveur de l’association diabète, altération cognitive et anomalies cérébrales, telles que l’atrophie cérébrale ou les lacunes cérébrales [3,4]. En revanche, l’effet de la prise en charge du diabète sur l’évolution de la structure cérébrale n’a été que peu étudié jusqu’à présent. Les résultats de l’étude ACCORD-MIND ont montré qu’un plus faible niveau de performance cérébrale était inversement associé au taux d’HbA1c et corrélé positivement à la durée du diabète  [5]. Cependant, les analyses des IRM cérébrales effectuées dans cette étude ont montré que les patients ayant bénéficié d’un traitement glycémique intensif avaient une moindre diminution du volume cérébral que les patients randomisés dans le groupe standard, mais sans différence en termes de fonctions cérébrales [6]. L’objectif de cette étude ancillaire de l’étude ACCORD-MIND était de déterminer s’il existait une localisation des modifications cérébrales variable en fonction de la durée d’évolution du diabète et de l’équilibre glycémique et de déterminer si la stratégie de prise en charge l’hyperglycémie (traitement intensif versus traitement standard du diabète) était susceptible de les modifier.

L’hypothèse générale est que certaines régions cérébrales seraient plus sensibles aux effets de l’hyperglycémie et qu’un traitement intensif de la glycémie pourrait moduler cet effet. L’étude ACCORD-MIND a inclus un sous-groupe de 2977 patients de l’étude ACCORD (pour rappel, patients diabétiques de type 2, à haut risque cardiovasculaire avec une HbA1c > 7,5 %), qui ont bénéficié d’une évaluation des fonctions cognitives, effectuée au début de l’étude, à 20 et 40 mois post-randomisation. Les participants ont eu également une évaluation de la mémoire verbale, des fonctions exécutives et de la rapidité d’analyse. L’étude rapportée ici a porté sur un sousgroupe de 488 patients ayant eu une IRM cérébrale à l’inclusion et après 40 moins de suivi. Le protocole d’analyse de l’IRM cérébrale permettait d’identifier les localisations de la perte de substance blanche et grise. L’analyse des IRM effectuées après 40 mois de suivi a permis d’évaluer une potentielle différence dans la progression de la perte de substance en fonction de l’équilibre glycémique (traitement intensif versus traitement standard du diabète). A l’inclusion, les sujets étaient âgés en moyenne de 62  ans, 45  % étaient des femmes, avec une durée moyenne de diabète de 10 ans. L’HbA1c initiale était de 8,1 %. Les résultats montrent que : • la durée du diabète (>14 ans vs < 5 ans) était associée à une diminution du volume de la substance grise, plus

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particulièrement au niveau des lobes frontaux, pariétal droit, temporal gauche et du cortex limbique, différence persistante après ajustement sur les facteurs de risque cardiovasculaire. En revanche, aucune corrélation n’était retrouvée entre niveau initial d’HbA1c et volume de substance blanche et grise ; • le traitement glycémique intensif était associé à une moindre perte de volume de substance grise, notamment dans certaines régions cérébrales telles que le gyrus temporal supérieur droit et gauche, le gyrus pré et post-central gauche, le gyrus orbito-frontal droit et gauche et les régions fronto-cingulaires droite et gauche ; • l’importance de la perte de volume de substance grise dans certaines régions corticales a été associée à un déclin des fonctions cognitives. Cette relation n’a cependant pas persisté après ajustement sur les facteurs de risque cardiovasculaire, sauf pour la mémoire verbale. Ainsi, ces résultats sont en faveur d’une superposition partielle entre les régions cérébrales dont les modifications sont associées à la durée du diabète et celles dont les modifications sont influencées par le niveau glycémique. En effet, ces dernières sont situées à proximité des régions cérébrales dont le volume de substance grise est affecté par la durée de diabète. En d’autres termes, le traitement glycémique intensif permet de ralentir la perte de volume de substance grise, plus particulièrement dans des zones cérébrales

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Dossier thématique Complications cardiovasculaires Le coin biblio de la SFD voisines des zones concernées par les modifications liées à la durée du diabète. En revanche, aucune association n’a été retrouvée entre niveau initial d’HbA1c (basse versus haute) et modifications cérébrales. Ces résultats sur le bénéfice de l’intensification glycémique viennent confirmer ceux de l’étude ACCORD-MIND [6]. Par ailleurs, l’approche d’analyse des résultats de l’IRM est basée sur une méthodologie permettant non seulement de caractériser le volume cérébral, mais aussi de définir de façon précise la distribution spatiale des anomalies cérébrales. En revanche, une des principales limites de cette étude basée sur une analyse des résultats d’imagerie est l’absence de spécificité des anomalies cérébrales détectées. L’autre limite importante est l’absence de témoins non diabétiques. Des études complémentaires incluant des sujets diabétiques et des sujets non diabétiques seront nécessaires dans l’avenir afin de permettre l’ajustement des

résultats sur l’atrophie cérébrale liée à l’âge, physiologique, indépendante du diabète. Enfin, les modifications cérébrales semblent survenir avant les altérations des fonctions cognitives, ce qui pourrait expliquer la discordance entre données d’imagerie et données cliniques. En conclusion, le diabète est associé à des modifications cérébrales, avec une localisation particulière. Il est en de même du traitement, avec un bénéfice du traitement intensif sur la vitesse de progression de la perte de substance grise. Ariane Sultan • Mots-clés : diabète, structure cérébrale, fonctions cérébrales, équilibre glycémique

Références [1] Biessels GJ, Staekenborg S, Brunner E, Brayne C, Scheltens P. Risk of dementia in diabetes mellitus: a systematic review. Lancet Neurol 2006;5:64–74.

[2] Scheltens P, Fox N, Barkhof F, De Carli C. Structural magnetic resonance imaging in the practical assessment of dementia: beyond exclusion. Lancet Neurol 2002;1:13–21. [3] Moran C, Phan TG, Chen J, et al. Brain atrophy in type 2 diabetes: regional distribution and influence on cognition. Diabetes Care 2013;36:4036–42. [4] Biessels GJ, Strachan MW, Visseren FL, Kappelle LJ, Whitmer RA. Dementia and cognitive decline in type 2 diabetes and prediabetic stages: towards targeted interventions. Lancet Diabetes Endocrinol 2014;2:246–55. [5] Cukierman-Yaffe T, Gerstein HC, Williamson JD, et al. Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes- Memory in Diabetes (ACCORD-MIND) Investigators. Relationship between baseline glycemic control and cognitive function in individuals with type 2 diabetes and other cardiovascular risk factors: the Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes-Memory in Diabetes (ACCORD-MIND) trial. Diabetes Care 2009;32:221–6. [6] Launer LJ, Miller ME, Williamson JD, et al. ACCORD MIND investigators. Effects of intensive glucose lowering on brain structure and function in people with type 2 diabetes (ACCORD MIND): a randomised open-label substudy. Lancet Neurol 2011;10:969–77.

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