Neuro-imagerie et cocaïne : une cartographie de la dépendance ?

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Me´ decine des addictions

Mise au point

Presse Med. 2008; 37: 679–688 ß 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Neuro-imagerie et cocaïne : une cartographie de la dépendance ? Gérard Lambert1, Laurent Karila2, William Lowenstein1

1. Clinique Montevideo, F-92100 Boulogne Billancourt, France 2. Centre d’enseignement, de recherche et de traitement des addictions, AP–HP, Hôpital Universitaire Paul Brousse, 12, avenue Paul Vaillant Couturier, F-94800 Villejuif, France ; Université Paris-Sud, F-94276 Le Kremlin Bicêtre, France ; Inserm U797, CEA, F-91400 Orsay, France

Correspondance :

Key points Neuroimaging and cocaine: Mapping dependence? Two principal techniques are used in functional neuroimaging: positron-emission tomography (PET) and functional magnetic resonance imaging (fMRI). FMRI is noninvasive and nonirradiating; it has good temporal and spatial resolution, but it is not at all specific. PET has a lower spatial and temporal resolution but better sensitivity and high specificity. Functional neuroimaging studies in individuals who are and are not cocaine-dependent have confirmed the blockage of cerebral dopamine transporters by acute cocaine intake and the mechanism of down-regulation in chronic consumers. This blockage is expressed by depletion of dopaminergic D2 postsynaptic receptors and low levels of dopamine release. Variations in the protocols and in the results of neuroimaging studies of craving make their interpretation difficult, although several cerebral structures do appear to be particularly involved. Neuroimaging has no recognized clinical indications in the field of dependence or more generally in psychiatry, but it is an essential research tool.

tome 37 > n84 > avril 2008 > cahier 2 doi: 10.1016/j.lpm.2007.08.014

Points essentiels Deux techniques sont principalement utilisées en neuroimagerie fonctionnelle : la tomographie à émission de positrons (TEP) et l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf). L’IRMf est non invasive, non irradiante et possède une bonne résolution temporelle et spatiale, mais elle est peu spécifique. La TEP a une résolution spatiale et temporelle moindre mais elle possède une meilleure sensibilité et une grande spécificité. Les études de neuro-imagerie fonctionnelle conduites chez des sujets dépendants ou non à la cocaïne ont notamment permis de confirmer le blocage des transporteurs cérébraux de la dopamine par la prise aiguë de cocaïne et le mécanisme de down-regulation chez les consommateurs chroniques, qui se traduit par une déplétion en récepteurs dopaminergiques D2 postsynaptiques et une hypodopaminergie. L’hétérogénéité des protocoles et des résultats des études de neuro-imagerie du craving rendent leur interprétation délicate, même si quelques structures cérébrales paraissent y être particulièrement impliquées. Dans le domaine de la dépendance, et de façon plus générale en psychiatrie, la neuro-imagerie n’a pas d’indication clinique reconnue ; elle reste un précieux outil de recherche.

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Disponible sur internet le : 4 mars 2008

Laurent Karila, Centre d’enseignement, de recherche et de traitement des addictions, AP–HP, Hôpital Universitaire Paul Brousse, 12, avenue Paul Vaillant Couturier, F-94800 Villejuif, France. [email protected]

G Lambert, L Karila, W Lowenstein

P

assé le stade de l’inspection des téguments, longtemps les mains du médecin se sont substituées à ses yeux pour sonder les corps malades. En 1892, la découverte des rayons X par le physicien Wihelm Röntgen (1845–1923) dévoile pour la première fois une partie cachée de l’organisme ; la peau ne constitue plus alors l’obstacle infranchissable qui faisait barrage au regard inquisiteur du clinicien. Depuis les années 1950, les techniques d’imagerie médicale se sont multipliées, chacune fournissant un angle de vue spécifique utile au diagnostic et au suivi de multiples maladies. Mais jusqu’à une époque récente, les images demeuraient muettes fonctionnellement, traçant les contours solides d’une topographie organique, dessinant en négatif et sur clichés argentiques l’anatomie que les anciens couchaient à l’encre sur papier vélin. Pourtant, dès la 2e moitié du XIXe siècle, les pionniers de la recherche en neurophysiologie avaient imaginé des subterfuges pour quantifier l’activité cérébrale que l’on supposait déjà corrélée au débit sanguin local.

Perspective historique En 1879, Paul Broca (1824–1880) met au point une couronne thermométrique qui mesure simultanément la chaleur cutanée en 6 à 8 points du scalp de ses étudiants alors qu’ils réalisent diverses activités mentales [1]. Il constate que la température frontale, interprétée comme le reflet du débit sanguin local, s’élève d’autant plus au cours d’une tâche intellectuelle que celle-ci est difficile à résoudre par le sujet étudié. Plus tard, en

Glossaire AMM Bold CF COF CPF CPFDL DA DAT déoxy-Hb DSC GCA IRMf MCR Nacc NIDA RMN Spect TDAH

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TEP

autorisation de mise sur le marché Blood Oxygene Level Dependant cortex frontal cortex orbitofrontal cortex préfrontal cortex préfrontal dorsolatéral dopamine transporteur de la dopamine déoxyhémoglobine débit sanguin cérébral gyrus (ou cortex) cingulaire antérieur imagerie par résonance magnétique fonctionnelle métabolisme cérébral régional noyau accumbens National Institute on Drug Abuse résonance magnétique nucléaire Single-Emission Photon Computed Tomography hyperactivité avec troubles de l’attention tomographie à émission de positrons

1928, John Fulton (1899–1960) publie le cas d’un malade affecté d’une diminution progressive de l’acuité visuelle liée à une malformation artérioveineuse du cortex occipital [2]. Le physiologiste parvient à enregistrer le souffle vasculaire perçu par son patient et établit une corrélation entre ses variations d’amplitude et les tâches visuelles exécutées, l’intensité du bruit augmentant avec la complexité de l’activité demandée. Malgré la conception en 1955 d’une première méthode expérimentale de mesure du flux sanguin cérébral global par Seymour Kety et son équipe [3], la communauté scientifique ne s’intéresse à ce type d’exploration qu’une vingtaine d’années plus tard, avec la conception des techniques modernes. En 1973, l’application des principes définis par le physicien Alan Cormack à l’acquisition de tomographies et la reconstruction des images par ordinateur permet de pénétrer à l’intérieur de la boîte crânienne, d’obtenir des coupes étagées de l’encéphale et des clichés en 3 dimensions ; le cerveau dévoilé s’offre enfin au regard des neurologues. Rapidement des chercheurs imaginent de combiner ces méthodes et celles de la médecine nucléaire, réalisant ainsi les premiers tomographes par émission de positrons (TEP) [4]. À la fin des années 1970, l’utilisation du déoxyglucose marqué par le fluor 18 ([18F]) fournit les premières images fonctionnelles et autorise la mesure in vivo du métabolisme cérébral local [5]. Au même moment, les applications à l’imagerie médicale d’un tout autre principe physique, la résonance magnétique nucléaire (RMN), commencent à porter leurs fruits [6]. Au départ, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) n’avait pas vocation à fournir des indications sur l’activité cérébrale. C’est en partant d’une observation de L. Pauling et C. Coryell, rapportant la perturbation d’un champ magnétique par la déoxyhémoglobine, au contraire de l’oxyhémoglobine, que l’équipe de S. Ogawa parvient à enregistrer in vivo les variations d’oxygénation de l’hémoglobine en IRM [7]. S’appuyant comme leurs prédécesseurs sur la relation entre débit sanguin cérébral, métabolisme neuronal et activité électrique de la cellule, médecins et psychologues ont eu largement recours aux techniques d’imagerie cérébrale fonctionnelle. Mais que montrent ces images ? Si l’expérience, la mise en perspective avec les données anatomopathologiques, cliniques et thérapeutiques ont permis de répondre à cette question et de définir, en particulier en oncologie, des indications à l’imagerie fonctionnelle, la question conserve son acuité en neurophysiologie et en psychopathologie où ces explorations sont encore réservées au domaine de la recherche.

Techniques d’imagerie Les études de neuro-imagerie qui ont permis d’explorer la dépendance aux drogues en général, et à la cocaïne en particulier, ont principalement fait appel à 2 techniques : l’IRM fonctionnelle (IRMf) et la TEP.

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Neuro-imagerie et cocaïne : une cartographie de la dépendance ?

Imagerie par résonance magnétique fonctionnelle

Tableau I

L’activation ou, au contraire, l’inhibition de diverses zones cérébrales au décours de l’intoxication aiguë, chronique ou lors du sevrage, sont évaluées en IRMf par l’effet Bold (Blood Oxygene Level Dependant) fondé, comme nous l’avons vu, sur les propriétés magnétiques différentielles de l’oxy- et de la déoxyhémoglobine (déoxy-Hb). La déoxy-Hb fait alors office de traceur naturel, dont on peut suivre les variations de concentration en IRM. Les images ainsi recueillies représentent un indice du débit sanguin cérébral local mais la déoxy-Hb ne peut être suivie que dans les veines, le sang artériel étant saturé en oxygène. L’IRMf enregistre en fait les variations de concentration. Lorsque le débit sanguin augmente en réponse à une activité neuronale accrue, l’apport d’oxy-Hb par le flux artériel est supérieur à la quantité consommée par les neurones. La persistance d’oxy-Hb dans les capillaires et les veines abaisse alors la concentration relative en déoxy-Hb. C’est cette étape qui correspond à l’effet Bold et représente le signal suivi en IRMf [7]. Les avantages de l’IRMf tiennent à son caractère non invasif, non irradiant et à ses bonnes résolutions spatiale et temporelle. La limite de 3 s paraît toutefois incompressible puisqu’elle correspond au délai entre l’activation neuronale et les variations enregistrées. Le défaut de l’IRMf tient à sa faible spécificité au regard de la TEP qui peut avoir recours à une grande variété de traceurs.

Drogues addictives et radiotraceurs

La TEP enregistre les 2 photons produits par la réaction d’annihilation d’un positron avec un électron. Elle permet donc de suivre dans l’organisme le devenir d’une molécule marquée par un isotope qui, en se désintégrant, produit un positron. Les principaux isotopes utilisés en neuro-imagerie sont l’oxygène 15 [15O], l’azote 13 [13N], le carbone 11 [11C] et le fluor 18 [18F] dont les demi-vies sont respectivement de 2, 10, 20 et 110 min. Ainsi, la TEP peut mesurer le débit cérébral local avec de l’eau marquée ([15O]H20) ou évaluer le métabolisme neuronal en estimant la consommation de glucose associé à un isotope sous forme de 2-[18]fluoro-2-déoxy-D-glucose ou [18F] FDG. Ce produit radiopharmaceutique aujourd’hui utilisé pour le diagnostic en cancérologie (AMM : autorisation de mise sur le marché délivrée au Flucis1 depuis 1998) emprunte le même transporteur membranaire que le glucose. Il est censé se concentrer dans les zones où existe une activité cellulaire accrue et apparaît donc comme un reflet fidèle du métabolisme neuronal, le glucose étant souvent considéré comme la seule ressource énergétique du cerveau. Mais au-delà de l’étude du débit sanguin et du métabolisme, les possibilités de marquage des molécules par un isotope sont multiples et autorisent la production d’une grande variété de radiotraceurs par cyclotron. Dans le champ des addictions, ce potentiel a notamment été exploité pour suivre le devenir des drogues addictives dans l’organisme (tableau I). D’autres tome 37 > n84 > avril 2008 > cahier 2

Traceur 11

Cocaı¨ne

[ C]-cocaı¨ne

Alcool

[11C]-e´thanol

Opioı¨des

[11C]-carfentanyl

Benzodiaze´pines

[11C]-flumaze´nil

Nicotine Amphe´tamines Cannabis Me´thamphe´tamine

[11C]-nicotine [11C]-amphe´tamine [18F]-D8-THC [11C]-me´thamphe´tamine

études ont recours à des radiotraceurs spécifiques de certains récepteurs, transporteurs ou enzymes. Par exemple, le [11C]raclopride se lie aux récepteurs dopaminergiques D2 postsynaptiques et le [11C]carfentanyl se fixe avec une grande affinité sur les récepteurs m opioïdes. Différentes stratégies d’investigation peuvent alors être mises en œuvre. Par exemple, un bolus de [11C]raclopride peut servir à quantifier la densité des récepteurs D2 postsynaptiques après administration de réserpine qui entraîne une déplétion en dopamine [8]. Dans une autre procédure, les images recueillies au repos après un premier bolus sont comparées à celles obtenues après administration d’un deuxième bolus et l’application concomitante d’un stimulus. Ce stimulus peut être une drogue, par exemple de la cocaïne, dont l’affinité pour le transporteur de la dopamine s’oppose à la recapture de cette amine biogène, entraîne son accumulation dans la fente synaptique et augmente sa fixation aux récepteurs D2 postynaptiques en diminuant, par compétition, la liaison du radiotraceur au récepteur [9]. Malgré les progrès techniques réalisés avec la TEP, elle demeure inférieure à l’IRM en termes de résolution temporelle (45 s avec [15O]H2O versus 3–5 s effet Bold) et spatiale (3 mm versus < 1 mm). En revanche, elle présente l’avantage d’une meilleure sensibilité (de l’ordre de la pico à la nanomole) et d’une plus grande spécificité.

Principes d’acquisition des images Quelle que soit la technique employée, les images sont obtenues par soustraction. Car même au repos et les yeux fermés, il existe une activité cérébrale et un flux sanguin qui se distribue de façon inhomogène. Cette réalité a d’ailleurs été à l’origine des efforts de définition d’un état cérébral de base pour l’étude du cerveau normal. De plus, toute activité cérébrale est associée à d’autres activités indépendantes qui se déroulent simultanément. Le principe de la soustraction s’appuie sur les

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Tomographie par émission de positrons

Drogue

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préceptes de la psychologie cognitive ainsi que sur un modèle computationnel de la cognition [10]. Elle suppose notamment l’acceptation de 2 prérequis : les processus cognitifs complexes peuvent être décomposés en sous-processus plus simples ; l’imagerie fonctionnelle peut identifier la localisation anatomique de ces sous-processus par la variation du signal enregistré selon la technique dite de « soustraction pairée » [11]. En pratique, on enregistre une première série d’images chez un sujet dans un état contrôle bien déterminé, par exemple l’observation passive d’un point lumineux immobile. Puis on répète l’examen chez le même sujet qui réalise la tâche étudiée, par exemple l’observation d’un point lumineux en mouvement. La soustraction des signaux obtenus pendant la tâche contrôle et l’activité étudiée permet d’identifier les régions que l’on suppose liées, dans cet exemple, à la représentation du mouvement [12]. Transposé au domaine de la pathologie neurologique, psychiatrique et addictive, le but est de comparer et soustraire les images recueillies chez des patients réalisant une tâche définie, à celles de sujets contrôles sains réalisant la même tâche.

Cocaïne et neuro-imagerie Il est possible de distinguer 3 principaux types d’études avec la TEP et en IRMf concernant la consommation de drogues en général, et de cocaïne en particulier : celles qui examinent le devenir de la drogue dans le cerveau ainsi que dans l’ensemble de l’organisme ; celles qui évaluent le débit sanguin cérébral (DSC) et le métabolisme cérébral régional (MCR) au cours de la consommation aiguë, chronique ou lors du sevrage ; enfin les études qui se focalisent sur des récepteurs spécifiques, et plus particulièrement sur le système dopaminergique. Depuis plusieurs décennies, le rôle de la dopamine est en effet considéré comme crucial dans les mécanismes de l’addiction [13].

Devenir de la cocaïne marquée dans l’organisme

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L’injection intraveineuse de [11C]-cocaïne chez des volontaires sains entraîne une fixation rapide et prononcée du radiotraceur dans le striatum, avec un pic atteint à la cinquième minute [14]. La vitesse à laquelle la cocaïne parvient dans le cerveau pourrait être une des raisons de son grand pouvoir renforçateur et addictif. L’élimination est également rapide puisque la demivie dans le striatum est d’environ 25 min. L’examen des autres organes à la TEP montre une fixation importante et rapide de la [11C]-cocaïne dans le cœur, les reins, les glandes surrénales et le foie [15]. Une heure après l’administration, la radioactivité n’est détectable que dans le foie, la prostate et le tractus digestif. Chez les consommateurs chroniques, la fixation de la cocaïne est diminuée dans le cerveau, en particulier dans les noyaux gris centraux, le cortex, le thalamus et le cervelet [16]. La fréquence de la consommation simultanée d’éthanol et de cocaïne a conduit à comparer la cinétique et la distribution de la cocaïne à celle du cocaéthylène, également marqué par du

[11C]. L’étude conduite chez des babouins n’a pas mis en évidence de différence significative quant à la rapidité et la localisation de fixation des radiotraceurs dans le cerveau [17]. En revanche, la clairance était plus lente pour le cocaéthylène au niveau du striatum, du cervelet et du thalamus. De plus, l’intoxication par l’éthanol ne modifie pas la pharmacocinétique de la [11C]-cocaïne dans le cerveau et le myocarde [18]. Ces études suggèrent donc que l’effet conjugué des 2 drogues résulte plus de la sommation de leurs actions propres que de leurs interactions pharmacologiques.

Cocaïne, débit sanguin et métabolisme cérébral Les premières séries évaluant le DSC avec de l’eau marquée ([15O]H2O) chez des consommateurs chroniques de cocaïne [19] ont montré des troubles diffus de la circulation, avec une hypoperfusion prédominant au niveau du cortex préfrontal (CPF). D’autres études à la TEP, mais aussi avec une technique proche, le Spect (Single-Emission Photon Computed Tomography), ont mis en évidence une réduction globale du DSC qui semblait persister jusqu’à 6 mois après le sevrage et être corrélée à certains troubles neuropsychologiques [20]. De plus, alors que la plupart des prises aiguës de drogues addictives se traduisent par une augmentation du DSC, notamment au niveau du CPF, le phénomène inverse a été rapporté avec la cocaïne chez des consommateurs chroniques dans une étude menée au Spect avec du technétium 99mTc-HMPAO [21]. Cette baisse du DSC a été attribuée à l’effet vasoconstricteur de la cocaïne. Toutefois, ces résultats n’ont pas été confirmés en IRMf qui a montré, après une perfusion de cocaïne (0,6 mg/kg en 30 s), une augmentation du signal Bold au niveau de diverses zones corticales et sous-corticales, en particulier dans le système limbique (noyau accumbens, aire tegmentale ventrale, hippocampe), le cortex orbitofrontal et le striatum [22]. En revanche, une diminution du DSC était enregistrée au niveau de l’amygdale et du cortex frontal médian. Bien que moins marquée et non significative par rapport aux sujets contrôles, une diminution du métabolisme cérébral, en particulier au niveau du cortex frontal, a été constatée chez les sujets dépendants à la cocaïne [23]. L’administration de 40 mg de cocaïne en perfusion à des polydépendants s’est également traduite par une baisse diffuse du métabolisme dans 29 régions cérébrales, à la fois corticales et sous-corticales [24].

Système dopaminergique et dépendance à la cocaïne L’effet renforçateur de la cocaïne a été attribué à sa capacité d’inhiber le transporteur de la dopamine (DAT) et d’accroître la concentration de cette dernière dans la fente synaptique, en particulier au niveau du noyau accumbens (Nacc) [25]. Cette accumulation de dopamine intrasynaptique conduit à une activation du circuit de la récompense ou système mésocorticolimbique (figure 1). De plus, le taux de liaison de la tome 37 > n84 > avril 2008 > cahier 2

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Figure 1 Système de récompense (mésocorticolimbique) Source : Karila L. Dictionnaire des Addictions, Editions Phase 5, 2007.

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L’activation du circuit mésolimbique étant un mécanisme d’action partagé par la plupart des drogues addictives, leur consommation chronique conduit également à une déplétion en récepteurs DAD2 qui semble correspondre, notamment cliniquement, aux troubles dysphoriques et à l’anhédonie décrits chez les dépendants [29,30].

Autres récepteurs Si les opiacés stimulent le circuit de la récompense au même titre que la cocaïne, mais avec une cinétique et une intensité différentes, cette dernière semble elle aussi agir sur le système opioïde endogène. La densité de récepteurs m opioïdes évaluée à la TEP par leur liaison au [11C]carfentanyl est augmentée au niveau de plusieurs régions cérébrales (notamment cortex frontal et cingulaire antérieur) chez des sujets dépendants à la cocaïne en cours de sevrage. La concentration de ces récepteurs apparaît corrélée à l’intensité du craving dont témoignent les patients ayant cessé toute consommation depuis 1 jour à 12 semaines [31]. En revanche, aucune différence significative n’a été observée quant à la densité des récepteurs sérotoninergiques (5HT2) chez des sujets dépendants à la cocaïne par rapport à des sujets contrôles non consommateurs [32].

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[11C]-cocaïne au DAT apparaît corrélé à l’intensité de la sensation d’euphorie plus que ne l’est la concentration de la drogue dans l’encéphale [26]. L’hyperdopaminergie liée à la prise de cocaïne ne peut cependant pas expliquer la dépendance, les comportements toxicomaniaques et la recherche compulsive de produit. La consommation répétée de psychostimulants entraîne une neuroadaptation à long terme (down-regulation) avec une hypodopaminergie liée à une baisse du largage de DA (dopamine) dans la fente synaptique et surtout une diminution de la densité des récepteurs dopaminergiques D2 postsynaptiques (DAD2) dans le système mésocorticolimbique. Cette dernière a d’abord été observée à la TEP en ayant recours au [18F]Nméthylspiropéridol qui se fixe spécifiquement sur les récepteurs DAD2 [27]. Elle a été constatée dans le striatum des sujets dépendants après une semaine de sevrage, mais elle était moins nette après un mois d’arrêt, suggérant un retour à la situation antérieure après cessation de l’intoxication. Toutefois, dans une étude plus tardive, la même équipe a mis en évidence une réduction plus durable de la population des DAD2 qui était corrélée à l’hypométabolisme évalué par [18F] FDG, en particulier au niveau du cortex frontal (CF), du cortex orbitofrontal (COF) et du gyrus (ou cortex) cingulaire antérieur (GCA) [28].

G Lambert, L Karila, W Lowenstein

Imagerie du craving Le rôle du craving (besoin irrésistible de consommer) dans la pérennisation de la consommation de cocaïne ainsi que dans les rechutes précoces et tardives de l’addiction en a fait un objet d’étude à part entière. Il était donc logique d’en rechercher les substrats anatomiques en neuro-imagerie. Nous noterons d’ailleurs que le nombre d’études évaluant l’activité cérébrale lors du craving est plus important que celui des travaux qui ont quantifié ce paramètre au cours de la consommation de psychostimulants [33]. Mais la grande hétérogénéité méthodologique de ces études, qui reflète la variété de circonstances auxquelles a été appliqué le terme de craving, nuit à la cohérence des résultats.

distinguer 3 types de situations visant à étudier le besoin impérieux de cocaïne en neuro-imagerie : le craving immédiat provoqué par l’injection de psychostimulant ; le craving déclenché par la présentation d’objets (paraphernalia) liés à la prise du produit, l’évocation de souvenirs qui y sont attachés ou la projection de vidéos montrant des consommateurs en action (cue induced) ; et le craving spontané après un temps variable d’abstinence. Pour éviter toute confusion, insistons sur le fait que cette classification ressort des stratégies utilisées pour évaluer le craving en neuro-imagerie, elle n’a pas été établie en fonction de critères psychopathologiques ou en termes d’efficacité de la réponse à divers traitements.

Diversité des protocoles

Craving immédiat

La diversité des protocoles tient aux critères d’inclusion des patients, aux outils d’évaluation du craving et à la façon de le déclencher ou, au contraire, de ne pas le faire (tableau II). Au regard des études recensées dans la littérature, on peut

Le craving immédiat (drug induced) a notamment été exploré par l’équipe de Nora Volkow chez des sujets abstinents depuis une semaine ou plus, qui ont reçu au moins une injection de méthylphénidate, un psychostimulant indiqué chez l’enfant

Tableau II Protocole des études de neuro-imagerie du craving Auteurs Volkow et al., 1991 [40] Grant et al., 1996*

Protocole CS, A > 7 j CD, A = 2 j

Technique d’imagerie PETscan,

18

PETscan,

18

FDG FDG

Breiter et al., 1997 [22]

CI (cocaı¨ne), actifs

IRMf

Maas et al., 1998 [37]

CD, actifs

IRMf

Wang et al., 1999 [38]

CD, actifs

Childress et al., 1999**

CD, A = 14 j

Volkow et al., 1999 [34]

CI (me´thylphe´nidate), A > 30 j

Garavan et al., 2000 [39] Wexler et al., 2001*** Bonson et al., 2002****

PETscan,

FDG

PETscan, [ O]H2O PET scan,

18

FDG, [11C]raclopride

CD, actifs

IRMf

CD, 4j < A < 23 j CD, A = 2 j

18 15

IRMf PETscan, 18

18

FDG

11

Volkow et al., 2005 [35]

CI (me´thylphe´nidate), A > 30 j

Risinger et al., 2005 [36]

CI (cocaı¨ne), actifs

IRMf

Gorelick et al., 2005 [31]

CS, A = 12 s

Pet scan, [11C]carfentanyl

Anderson et al., 2006 [50]

CD, actifs

Pet scan, [11C]altropane, IRMf

Wong et al., 2006 [48]

CD, actifs

Pet scan, [11C]raclopride

Volkow et al., 2006 [47]

CD, actifs

Pet scan, [11C]raclopride

PET scan,

FDG, [ C]raclopride

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A : abstinence ; CD : craving déclenché ; CI : craving immédiat ; CS : craving spontané. Sources : *Grant S, London ED, Newlin DB, Villemagne VL, Liu X, Contoreggi C et al. Activation of memory circuits during cue-elicited cocaine craving. Proc Natl Acad Sci U S A. 1996;93(21):12040-5. **Childress AR, Mozley PD, McElgin W, Fitzerald J, Reivich M, O’Brien CP. Limbic activation during cue-induced cocaine craving. Am J Psychiatry. 1999;156(1):11-8. ***Wexler BE, Gottschalk CH, Fulbright RK, Prohovnik I, Lacadie CM, Rounsaville BJ et al. Functional magnetic resonance imaging of cocaine craving. Am J Psychiatry. 2001;158(1):8695. ****Bonson KR, Grant SJ, Contoreggi CS, Links JM, Metcalje J, Weyl HL et al. Neural systems and cue-induced cocaine craving. Neuropsychopharmacology. 2002;26(3):376-86.

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Craving déclenché Le craving déclenché (cue induced) est celui qui a été le plus largement étudié. Il est intéressant de noter que cette stratégie n’a pas été uniquement testée chez des sujets abstinents depuis un temps plus ou moins long (de 2 jours à plusieurs mois selon les études) mais également chez des consommateurs actifs [37–39]. Les images enregistrées au cours de stimuli évoquant la consommation de drogue sont en général comparées entre les groupes de patients dépendants et les sujets contrôles, mais aussi confrontées à celles acquises lors du visionnage de vidéos neutres ou d’un stimulus naturel (film érotique). Craving spontané Le craving spontané a été peu exploré sans doute par crainte de ne pas obtenir des activations cérébrales assez nettes pour enregistrer des différences significatives de perfusion en IRMf ou à la TEP entre les consommateurs chroniques et les sujets contrôles. Les 2 seules études disponibles ont été conduites chez des sujets abstinents depuis au moins une semaine [31,40].

Synthèse des résultats En plus de la variété des protocoles, ces travaux ont inclus un nombre modeste de patients allant de 6 à 20 sujets par groupe (sujets dépendants et contrôles), ces paramètres rendant illusoire la réalisation d’une méta-analyse digne de ce nom. L’examen des données révèle cependant un certain degré de convergence qui ne s’établit pas en fonction du type de protocole et suggère une topographie cérébrale du craving quel que soit le contexte dans lequel il survient. En se référant aux études qui ont évalué la DSC et le métabolisme cérébral, on constate qu’un grand nombre de structures du système mésocorticolimbique ont été impliquées dans le craving. Quelques régions cérébrales ressortent cependant comme les plus fréquemment activées alors que les sujets témoignent d’un besoin impérieux : le COF, le GCA, le cortex préfrontal dorsolatéral (CPFDL) et l’amygdale. On note d’emblée que le craving coïncide avec des zones cérébrales inversement corrélées aux tome 37 > n84 > avril 2008 > cahier 2

dysfonctionnements neurobiologiques constatés chez les sujets dépendants (en particulier COF et GCA). Ces zones sont connues pour intervenir dans l’attribution de la saillance, dans le choix et la mémoire émotionnelle. Elles paraissent en revanche moins impliquées dans la sensation d’euphorie au cours de l’intoxication aiguë puisqu’une seule étude a rapporté une activation du Nacc au cours du craving [22]. Les équipes du NIDA (National Institute on Drug Abuse) ont dans un premier temps centré leur interprétation fonctionnelle du craving sur le rôle du COF et du GCA [35]. Selon les études antérieures, le GCA semble impliqué dans la réponse émotionnelle à un stimulus saillant, qu’il soit positif ou négatif, naturel ou représenté par une drogue addictive [41]. Le COF est décrit comme une région qui intervient dans l’attribution de la valeur incitative d’un stimulus présageant d’une récompense. Chez le rat, la lésion du COF médian altère le comportement d’autoinjection conditionnée de cocaïne en réponse à des stimuli sonores et visuels [42]. L’hyperactivité du COF a également été décrite chez des patients ayant un trouble obsessionnel compulsif [43], une observation qui concorde avec le caractère impérieux de la recherche de drogues addictives et la surestimation de la valeur positive ou négative du stimulus. L’intervention de l’amygdale s’intègre sans difficulté dans ce circuit. Une interaction entre le COF et l’amygdale semble en effet jouer un rôle crucial dans l’attribution de la saillance à un stimulus et dans l’état de motivation organique qui s’ensuit [44]. De même que pour le COF, la lésion du noyau basolatéral de l’amygdale abolit les comportements d’auto-injection conditionnés chez l’animal et prévient l’établissement de la préférence de place [45]. Enfin, le CPFDL, qui présente des liens anatomiques étroits avec le COF, pourrait agir comme un coordinateur intégrant les représentations engendrées par les structures précédemment citées et intervenant dans le choix des actions. Les observations de patients souffrant de lésions post-traumatiques du cortex préfrontal ont mis en évidence des comportements asociaux avec des prises de décisions qui ne sont avantageuses ni pour eux-mêmes, ni pour leur entourage [46]. Au total, le circuit ainsi représenté reflète l’articulation multidimensionnelle du craving chez les sujets dépendants : l’évocation de la consommation de cocaïne active une mémoire émotionnelle à l’origine d’une surestimation de la valeur incitative et de la saillance du stimulus qui suscite une intense motivation de l’organisme pour obtenir le produit recherché, au mépris des conséquences négatives susceptibles de survenir, notamment par la prise de risque consécutive à cette quête. Signalons par ailleurs que quelques auteurs ont relevé une latéralisation droite ou gauche des zones cérébrales activées au cours du craving, mais que ces observations sont trop inconstantes pour être prises en compte. Deux études récentes, dont l’une a été publiée par l’équipe de Nora Volkow [47,48], se sont focalisées sur l’occupation des récepteurs DAD2 au cours du craving évaluée à la TEP avec du

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dans le traitement du trouble hyperactif avec déficit de l’attention (THADA). En neuro-imagerie le méthylphénidate active les mêmes zones cérébrales que la cocaïne chez les sujets dépendants qui rapportent des sensations comparables à celles obtenues avec leur produit habituel [34,35]. Dans d’autres études les auteurs ont eu recours à des injections passives [22] ou des auto-injections de cocaïne pratiquées par des sujets dépendants consommateurs actifs [36]. Les expérimentations animales incitent en effet à penser que l’injection passive ne déclenche pas les mêmes processus neurobiologiques que l’auto-administration, l’activité cérébrale étant influencée par le degré de motivation pour la drogue convoitée et les comportements mis en œuvre pour se la procurer.

Mise au point

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[11C]raclopride. Les 2 équipes arrivent à la conclusion que l’augmentation de la libération de dopamine dans le striatum dorsal (noyau caudé et putamen), et non dans le striatum ventral (comprenant le Nacc), est corrélée à la sensation de craving et proportionnelle à son intensité. Cette conclusion, qui peut paraître étonnante pour l’équipe du NIDA centrée jusqu’alors sur le rôle du COF, paraît cohérente avec certaines études animales en microdialyse [49] et a le mérite de proposer un schéma plus simple, qui reste toutefois à confirmer. Elle met en cause une région mésencéphalique, le striatum dorsal, connue pour intervenir dans l’acquisition des habitudes et les comportements ritualisés. Enfin, une seule série a exploré l’implication du cervelet dans le craving à la fois par effet Bold et à la TEP en ayant recours au [11C]altropane qui se fixe au transporteur de la dopamine [50]. Les résultats semblent indiquer que le vermis cérébelleux est activé au cours du craving, l’accumulation du [11C]altropane dans certains lobules plaidant en faveur de la présence du transporteur de la dopamine dans cette région qui en semblait dépourvue jusqu’alors.

Discussion

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Ce tour d’horizon des études de neuro-imagerie montre à la fois la consistance et la dispersion des résultats obtenus. Consistance sur les grandes bases neurochimiques des mécanismes de l’addiction : importance du système mésocorticolimbique et des voies dopaminergiques ; blocage du transporteur de la dopamine par la cocaïne ; mécanismes de down-regulation avec déplétion en récepteurs DAD2 et hypodopaminergie chez les consommateurs chroniques ; processus communs à la plupart des drogues addictives. Mais dispersion des données lorsque l’on tente de faire une synthèse des protocoles d’exploration du craving le plus souvent conduit dans une perspective thérapeutique, la compréhension de ces mécanismes pouvant avoir des implications thérapeutiques. Comment expliquer ces difficultés ? Les réponses sont multiples et nous tenterons, en guise de conclusion, d’en donner un aperçu. En premier lieu, comme nous l’avons évoqué, les techniques évaluant le DSC et le métabolisme cérébral doivent être interprétées avec prudence. La relation entre DSC, métabolisme, activité neuronale et activité électrique fait encore l’objet de débats. De plus, l’effet vasoconstricteur propre de la cocaïne complique encore l’interprétation de ces données. À plusieurs reprises, dans les travaux cités, nous avons vu qu’il existait une difficulté à superposer les résultats en termes de DSC, de métabolisme et de fixation aux récepteurs DAD2, cette dernière n’étant pas supposée être directement corrélée au débit sanguin local. D’autres difficultés peuvent tenir aux techniques de neuro-imagerie elles-mêmes : limites de la soustraction pairée ; variabilité anatomique et variabilité des images d’un individu à l’autre nécessitant de moyenner les résultats et de les rapporter à des cartes standardisées ; limites des résolutions spatiales et

temporelles ; enfin, pour clore cette liste non exhaustive, le parti pris des équipes de centrer leur étude sur des régions cérébrales spécifiques. Sur le plan des neuromédiateurs, la neurobiologie de l’addiction s’est focalisée jusqu’à une époque récente sur les voies dopaminergiques, partant du constat que toutes les drogues addictives activent le circuit de la récompense. Mais la cocaïne n’inhibe pas seulement la recapture de la dopamine, elle bloque également celle de la noradrénaline et de la sérotonine, avec une affinité encore plus grande pour le transporteur de cette dernière que pour celui de la dopamine. Or, les neurones à noradrénaline issus du tronc cérébral innervent pratiquement toutes les aires corticales et sous-corticales, de même que le système sérotoninergique qui se projette à l’ensemble du cerveau. Ces amines biogènes modulent la libération de dopamine, de même que les systèmes GABAergique et glutaminergique, le premier par l’intermédiaire des projections neuronales inhibitrices qui vont du Nacc vers l’aire tegmentale ventrale et le cortex préfrontal, le second par les prolongements excitateurs du cortex préfrontal vers le Nacc et l’aire tegmentale ventrale. L’implication de ces neuromédiateurs dans les addictions a été moins explorée en neuro-imagerie, à la fois en raison de la place centrale accordée à la dopamine et de la rareté des traceurs spécifiques. De plus, aucune méthode n’est actuellement connue pour obtenir une image mettant à jour l’action simultanée de plusieurs neurotransmetteurs. La complexité de l’action de la cocaïne et des adaptations neuronales consécutives à la consommation chronique incite à raisonner en termes d’équilibre dynamique de l’ensemble des neuromédiateurs. Cet équilibre varie dans l’espace, en fonction des sujets dépendants, et dans le temps, selon le stade de la dépendance. La dynamique et la complexité de ces processus impliquent qu’il n’existe pas un traitement universel des addictions, ni même de la dépendance à la cocaïne, mais des traitements adaptés à la typologie de chaque patient et au moment de son histoire. Notons que l’ensemble des travaux cités a exclu les sujets schizophrènes qui constituent pourtant une part non négligeable de la population dépendante à la cocaïne. Mais il faut aller plus loin et développer les critères d’inclusion afin de préciser les caractéristiques psychopathologiques des patients participant à ces études. Il est notamment possible de s’inspirer de l’orientation suivie en matière d’alcoolisme par Cloninger, dont les travaux ont été complétés par Verheurl et qui distinguent 3 types de craving avec des mécanismes neurobiologiques spécifiques [51]. Si cette classification ne semble pas pertinente aujourd’hui sur le plan thérapeutique [52], la neuro-imagerie pourrait aider à définir plus précisément de telles typologies, à en comprendre les bases neurochimiques ainsi qu’à formuler et à tester de nouvelles hypothèses thérapeutiques. Conflits d’intérêts : aucun

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Neuro-imagerie et cocaïne : une cartographie de la dépendance ?

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