Pyomyosite à streptocoque C au cours du SIDA

Pyomyosite à streptocoque C au cours du SIDA

INFECTIONS A VIH M6d Mal Infect. 1997 ; 27 : 274-5 Pyomyosite J.L. M E Y N A R D * * , streptocoque C au cours du SIDA* M.C. MEYOHAS**, J.M. SEGA...

246KB Sizes 24 Downloads 183 Views

INFECTIONS

A VIH

M6d Mal Infect. 1997 ; 27 : 274-5

Pyomyosite J.L. M E Y N A R D * * ,

streptocoque C au cours du SIDA* M.C. MEYOHAS**,

J.M. SEGAULT**

et J. F R O T T I E R * *

RESUME

Les pyomyosites aiguEs sont rares en zones tempdrdes et accompagnent le plus souvent des 6tats d'imraunoddpression. Le nombre de cas rapport6s augraente avec l'6pid6mie de SIDA. Le staphylocoque dor6 est le germe le plus fr6quemment en cause. Nous rapportons ?i notre connaissance le premier cas de pyorayosite ~ streptocoque C chez un patient atteint de SIDA. Mots-cl~s : Pyomyosite - Streptocoque C - SIDA. La pyomyosite est une infection bact6rienne primitive du muscle squelettique, rarement observ6e sous nos climats. Initialement d6crite par Scriba en 1855, elle fut longtemps considdrde comme une maladie exclusivement tropicale. Signal6 pour la premi6re lois aux Etats-Unis en 1971, le premier cas de pyomyosite associ6 ~ un SIDA fur rapport6 en 1987 (1). Depuis, en Europe et aux Etats-Unis, une dizaine de cas ont 6t6 observ6s chez des patients infect6s par le virus de l'immunoddficience humaine (VIH) (2-6). Dans plus de 80 % des cas, Staphylococcus aureus (S. aureus) est l'agent pathog6ne responsable de ces infections. Nous rapportons, ~t notre connaissance, le premier cas de pyomyosite ~ streptocoque C chez un patient infect6 par le VIH.

inflammatoire local, ni ad6nopathie satellite. La mesure comparative des deux cuisses montre un diam~tre supdrieur de 5 cra pour la cuisse droite. Le reste de l'examen clinique est sans particularit6. I1 n'existe ni souffle cardiaque, ni spldnora6galie. Les explorations biologiques mettent en 6videce des signes inflammatoires non sp6cifiques avec une vitesse de s6dimentation ~ 64 ram h la premi6re heure et une C rdactive prot6ine (CRP) ?~342 mg/1. La nuradration formule sanguine retrouve une neutropdnie connue avec 1 400 globules blancs/mm 3 dont 700 polynucl6aires neutrophiles/mm 3. Les enzymes musculaires sont 61ev6es, 1 850 UI/1 pour les CPK (N < 150), 419 pour les LDH (N < 330). II existe 6galeraent une discr6te insuffisance rdnale avec une crdatinin6mie 131 pmol/1.

OBSERVATION

Devant ce tableau associant une impotence douloureuse et f6brile du membre inf6rieur droit et des stigraates biologiques et cliniques d'atteinte musculaire, diff6rents examens morphologiques vont 8tre pratiqu6s. Une 6chographie de la fesse et de la cuisse droite objective une infiltration hdt6rog6ne des muscles fessiers. I1 n'est pas visualis6 de collection nette, hormis une petite zone locale de 2 h 3 cm de longueur. La ponction de cette zone rara6ne 3 ral d'un liquide sanglant, dont l'examen bact6riologique est ndgatif. L ' I R M du bassin et des membres inf6rieurs confirme l'intdgfit6 osseuse et articulaire et retrouve le m~me aspect infiltr6 du grand fessier droit h sa partie externe, sans collection. I1 existe 6galement une infiltration de mSme nature mais moins importante du grand fessier gauche. Les 6 h6mocultures pratiqu6es ~t l'arriv6e du patient reviennent positives ~ streptocoque C.

Un patient de 42 ans est hospitalis6 dans le service des Maladies infectieuses et tropicales du CHU Saint-Antoine, en juillet 1994, pour des douleurs de la fesse et de la cuisse droite 6voluant dans un contexte f6bfile. Ce patient, de race blanche, s6ropositif pour le VIH depuis dix ans, avait 6t6 trait6 en 1991 pour une pneuraocystose pulmonaire. Depuis mars 1994, il pr6sente une neutrop6nie chronique dont le bilan 6tiologique est rest6 n6gatif. Son traitement h l'entr6e comporte la prise journali6re d ' u n coraprim6 de trim6thoprime-sulfam6thoxazole*** et de 400 mg/j de didanosine****. Sa derni~re num6ration des lymphocytes, faite un mois avant cet 6pisode, retrouvait 40 CD4/rara 3. Quarante-huit heures avant l'hospitalisation, le patient a ressenti une douleur de la face exteme de la cuisse et de la fesse droites associ6e ~ des frissons et une hyperthermie 40°C. A l'interrogatoire, il n'existe pas de notion de traumatisrae r6cent, ni de s6jour en zone tropicale. A l'exaraen clinique, le patient est asth6nique, f6bfile, sans signes de choc sepfique. II existe une impotence fonctionnelle avec raobilisation de la hanche droite tr6s douloureuse. I1 n ' y a ni signe * Re~u le 4.12.95. Acceptation d6finitive le 23.4.96. ** Service des Maladies infectieuses et tropicales, H6pital SaintAntoine, 184 rue du faubourg Saint-Antoine - F-75012 Paris. *** Bactrim Forte ®Roche. * *** Videx ®Laboratoire Bri stol-Myers Squibb. 274

En raison d'un ant6c6dent d'allergie aux bStalactamines, le patient est trait6 par 1' association vancomycine (2 g/24 h) et n6tilmicine (150 m g / 1 2 h). La persistance de la fi~vre, 6 jours apr6s le d6but de ce traitement, conduit ~ fake une seconde IRM qui raontre 2 abc6s rausculaires, Fun au niveau du moyen fessier, l'autre au niveau des adducteurs de cuisse qui n6cessiteront un drainage chimrgical permettant d'obtenir 1' apyrexie. Les recherches d'une porte d'entr6e de cette septic6mie sont rest6es n6gatives. Six raois apr6s cet 6pisode, il n'existe pas de s6quelles de cette infection. L'association vancomycine-n6tilmicine a 6t6 poursuivie 1 mois et relay6e par la pristinamycine 3 g/24 h* pendant 2 raois.

DISCUSSION La pyomyosite est une infection bacttrienne primitive du muscle squelettique, endtmique en zone tropicale. Son incidence semble cro~tre avec l'extension de l'infection par le virus de l'immunodtficience humaine (VIH) (7). Aux EtatsUnis, environ 150 cas de pyomyosite ont 6t6 rapportts dont 21% chez des patients infectts par le VIH (2, 3, 8, 9). Le rtle du VIH dans la survenue des pyomyosites n'est pas clairement pr4cis4, un d4ficit de la phagocytose et la diminution du taux des IgG2 sont actuellement les causes reconnues (10). En zone tropicale, les carences nutritionnelles, les infections virales et parasitaires et les traumatismes locaux sont considtr4s comme les principaux facteurs favorisants. Sur le plan clinique, la pyomyosite au cours de l'infection fi VIH ne difftre pas sensiblement de la pyomyosite du sujet immunocomp4tent. Schtmatiquement, on individualise trois phases successives (8). La phase d'invasion, qui dure en moyenne 15 jours et passe habituellement inapergue, est caracttriste par un oedtme musculaire localis6 et une fitvre modtrfe. L'examen anatomopathologique montre, h ce stade, l'existence de quelques cellules musculaires lystes et l'absence de pus. A la phase de purulence, oh le diagnostic est habituellement port4, il existe un syndrome septique franc; la collection purulente est plus ou moins raise en 6vidence selon la localisation de l'infection. La phase d'infection grave est tardive et peut aboutir au choc septique. Le quadriceps est le muscle le plus souvent atteint et trois fois plus souvent du ctt6 droit. Les autres localisations dtcrites sont le delto'fde, le biceps, les muscles dorsaux, le psoas et les muscles du dos du pied. Les principaux diagnostics diff4rentiels sont : l'ostdo-mytlite, l'arthrite septique, le myosarcome, une thrombophldbite, une dtchirure musculaire. Que ce soit au cours des pyomyosites tropicales ou des pyomyosites dtcrites chez les patients infectts par le VIH, S. aureus est l'agent pathog~ne le plus souvent isol6 (2, 3). Une observation due ~t Citrobacterfreundii (3) et une autre ?~ * Pyostacine ®Laboratoire Rhtne Poulenc Rorer Spdcia.

germes multiples ont 6t6 rapporttes (6). A notre connaissance, c ' e s t la premi6re fois que le streptocoque C est retrouv4 c o m m e responsable d ' u n e pyomyosite chez un patient attei-nt de SIDA. Les streptocoques, et en particulier le streptocoque du groupe A, peuvent cependant atre responsables de myosites graves (11). Suite ~t l'inquidtude suscitde par un groupement de cas de fasciite ndcrosante au RoyaumeUni, une enqu6te 6piddmiologique a 6t6 rdalisde en France (12). Cette 6tude n ' a pas mis en 6vidence d'augmentation du hombre d'isolements du streptocoque du groupe A, ni d'augmentation de la proportion de fasciite ndcrosante. Par contre, elle confirme la gravit6 de ces infections puisque un quart des patients ayant une bactdridmie ~ streptocoque A sont dtctdds, dont la moiti6 ~ la suite d'un choc toxique streptococcique. Au cours des pyomyosites, l'isolement bacttriologique est habituellement rdalis6 ~ partir du pus prdlev6 lors de l'intervention chirurgicale. Les hdmocultures ne sont positives que darts 30 % des cas de pyomyosites. Dans 50 % des cas, il n'est pas retrouv6 de porte d'entrde comme ce rut le cas dans notre observation. Les examens compldmentaires bjologiques sont peu contributifs, retrouvant un syndrome inflammatoire non spdcifique et parfois une augmentation des enzymes musculaires. Ce sont, en fait, les examens radiologiques qui affirment le diagnostic. L ' I R M est l'examen le plus sensible ~ la phase prdcoce, en montrant un oedtme avec hypodensitt. A une phase plus tardive, une collection purulente peut 8tre raise en 6vidence, qui va guider l'aspiration ?~ l'aiguille. L ' e x a m e n tomodensitomdtrique et l'6chographie apportent les mOmes renseignements avec une sensibilit6 moindre. Le traitement de ces infections comporte deux volets. Le drainage chirurgical, consistant en une ablation des tissus musculaires n4crosts et un drainage des poches purulentes, est indispensable fi la phase de collection. I1 doit ~tre associ6/~ une antibiothdrapie bactdricide, avec une bonne diffusion musculaire, d'une durte moyenne de 4 semaines. En l'absence d'arguments bactdriologiques documentts, elle doit 8tre prescrite, de fa~on empifique, ~ viste antistaphylococcique.

SUMMARY

STREPTOCOCCUS C PYOMYOSITIS IN AIDS

Pyomyositis is a purulent infection of skeletal muscles, a r~ely found in temperate climates. The number of reported cases is increasing with the extension of AIDS epidemic. Staphylococcus aureus is the most common pathogen responsible for pyomyositis. This is the first reported case of pyomyositis due to Streptococcus C in an AIDS patient. Key-words: Pyomyositis - Streptococcus C - AIDS. REFERENCES 1. 2.

3.

4. 5. 6.

WATTS R.A., H O F F B R A N D B.I., PATON D.P. - Pyomyositis associated with human immunodeficiency virus infection. Br Med J. 1987 ; 294 : 1524-5. S C H W A R T Z M A N W.A., L A M E R T U S O M.W., KENNEDY C.A., G O E T Z M.B. - Staphylococcal pyomyositis in patient infected by the human immunodeficiency virus. Am J Med. 1991 ; 90 : 595-600. W I D R O W C.A., KELL1E S.M., S A L T Z A M B.R., M A R T H U R - W A H G U. - Pyomyositis in patients with the human immunodeficiency virus : an unusual form of dissemination bacterial infection. Am J Med. 1991 : 129-36. BELEC L , DI C O S T A N Z O B., G E O R G E S A.J. - Pyomyosite tropicale chez un malade infect6 par le VIH. Presse Mtd. 1990 ; 19 : 133. G A U T P., W O N G P.K., M E Y E R R.D. - Pyomyositis in a patient with the acquired immunodeficiency syndrome. Arch Intern Med. 1988 ; 148 : 1608-10. L O R T H O L A R Y O., H E H L F., P E T I T J E A N O., C O H E N P., T A R R A L E., G U I L L E V I N L. - Polymicrobial pyomyositis and bacteremia in a patient with AIDS. Clin Infect Dis. 1994 ; 19 : 552-3.

275

7. 8. 9.

10.

1 t. 12.

BELEC L., DI C O S T A N Z O B. - Pyomyosite et infection par le VIH : 4 cas afficains et revue de la littdrature. Mdd Mal Infect. 1992 ; 22 : 712-7. CHRISTIN L., S A R O S I G.A. Pyomyositis in North America : case report and review. C/in Infect Dis. 1992 ; 15 : 668-77. W O L F R.F., H E R M A N G.S. - Non tropic,al pyomyositis as a cause o f snbacute multifocal myalgia in the acquired immunodeficiency syndrome. Arthrit Rheum. 1990 ; 33 : 1728-32. P A R K I N J.M., H E L B E R T M. - lmmunoglobulin G subclass deficiency and susceptibility to pyogenic infection in patients with AIDS related complex and AIDS. AIDS. 1989 ; 3 : 37-9. L O U D O N I. - Necrotising l~xiitis, hospital gangrene, and phagedena. Lancet. 1994 ; 344 : 1416-9. R O B A I N M., B A R O N S., G O U L E T V. - Infections i n v a s i v e s 5 streptocoque du groupe A en France. Presse M t d . 1995 ; 24 : 1249-56.