Une volumineuse pseudotumeur rénale

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Une volumineuse pseudotumeur rénale A renal pseudo-tumor F. Hervé, L. Lahaxe, S. Robaday, H. Lévesque, I. Marie * Département de médecine interne, CHU Rouen-Boisguillaume, 76031 Rouen cedex, France Reçu le 23 février 2006 ; accepté le 27 février 2006 Disponible sur internet le 07 avril 2006

Mots clés : Abcès périrénal ; Scanner abdominal ; Immunodépression ; Diabète ; Traitement Keywords: Perinephric abscess; Abdominal CT-scan; Immunodepression; Diabetes; Therapy

1. L’histoire Une femme âgée de 81 ans était hospitalisée pour une douleur basithoracique gauche évoluant depuis deux semaines. Elle avait comme antécédents un diabète insulinorequérant et une polyarthrite rhumatoïde traitée par méthotrexate (7,5 mg par semaine) et prednisone (10 mg par jour). À l’admission, l’examen clinique retrouvait une hyperthermie à 39 °C, une diminution du murmure vésiculaire à la base gauche et une tuméfaction douloureuse à la palpation de la fosse lombaire gauche. Les examens biologiques montraient : vitesse de sédimentation 90 mm à la première heure, protéine-C-réactive 234 mg/L, hémoglobine 6,8 mmol/L, leucocytes à 21 G/L (90 % de polynucléaires neutrophiles), plaquettes 573 G/L. L’ionogramme sanguin et les tests hépatiques étaient normaux. Une radiographie thoracique et une échographie abdominale, réalisées en urgence, mettaient en évidence, respectivement, un épanchement pleural gauche de faible abondance et une volumineuse masse pseudotumorale hétérogène développée aux dépens du pôle supérieur du rein gauche. Les hémocultures et l’examen cytobactériologique des urines étaient positifs à Escherichia coli (souche identique). Le scanner thoracoabdo* Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (I. Marie).

minal objectivait une collection périrénale gauche (8 cm de diamètre), avec extension postérieure dans les espaces cellulograisseux sous-cutanés adjacents et la présence d’un épanchement pleural gauche réactionnel (Figs. 1,2).

Fig. 1. Scanner thoracoabdominal : volumineux abcès périrénal gauche de 8 cm de diamètre.

0248-8663/$ - see front matter © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revmed.2006.02.012

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● une parésie vésicale et une hypotonie des voies excrétrices urinaires, qui conjuguées à la glycosurie, favorisent les bactériémies ; ● des perturbations de l’immunité cellulaire et humorale se traduisant par une diminution des taux de lymphocytes T activés, d’immunoglobulines (IgA et IgG) et de fractions du complément (C3 et C4), ainsi que par des altérations de la fonction de bactéricidie des polynucléaires neutrophiles [8,9]. De même, les immunosuppresseurs et/ou la corticothérapie, chez notre patiente, ont pu induire des perturbations de l’immunité cellulaire, comme en témoigne la mise en évidence par différentes équipes, chez les sujets recevant ces traitements, d’une réduction significative des taux de lymphocytes T (totaux, CD4+ et CD8+) et de cytokines synthétisées (notamment l’interféron γ) [10].

Fig. 2. Scanner thoracoabdominal : volumineux abcès périrénal gauche de 8 cm de diamètre (→), avec extension postérieure dans les espaces cellulograisseux sous-cutanés adjacents (⇐) et présence d’un épanchement pleural gauche réactionnel (*).

2. Le diagnostic Un volumineux abcès périrénal gauche à E. coli chez une patiente immunodéprimée. 3. Les commentaires L’évolution clinique et biologique était favorable après instauration d’un traitement associant, d’une part, une biantibiothérapie par voie parentérale (ceftriaxone et amikacine), et d’autre part, un drainage chirurgical de l’abcès périrénal guidé par le scanner. Les abcès rénaux représentent une complication rare des infections du tractus urinaire [1–7]. Les facteurs prédisposants à leur survenue sont essentiellement représentés par l’existence d’un obstacle sur les cavités excrétrices urinaires, d’une immunodépression ou d’un diabète [1,5–7]. Chez notre patiente, les facteurs ayant favorisé l’apparition de l’abcès périrénal étaient la polyarthrite rhumatoïde, le traitement immunosuppresseur (méthotrexate et corticothérapie) et le diabète. De fait, les patients diabétiques ont un risque accru de développer des sepsis urinaires sévères, les pyélonéphrites constituant 80 % de l’ensemble des infections urinaires au cours de la maladie. Dans ce groupe de patients, les pyélonéphrites se compliquent aussi, plus souvent, de formes emphysémateuses et d’abcès rénaux [3,5–7]. Les mécanismes physiopathologiques qui concourent à la survenue d’infections urinaires sévères chez les patients diabétiques sont multifactoriels. Le diabète pourrait ainsi générer :

Les circonstances de découverte des abcès rénaux sont, classiquement, un tableau de pyélonéphrite aiguë évoluant, de manière insidieuse, depuis deux semaines ou plus. Une masse palpable peut aussi être individualisée, comme chez notre patiente [5]. Les bactéries responsables des abcès rénaux sont habituellement des bacilles Gram négatifs (E. coli dans 70 % des cas, Klebsiella, Enterobacter, Proteus). Toutefois, des cocci Gram positifs (staphylocoques, entérocoques) sont parfois décelés lorsque l’abcès se constitue par voie hématogène [1,5]. Enfin, dans environ 25 % des cas, les abcès sont plurimicrobiens voire d’origine fongique (principalement Candida sp) [1,5]. L’échographie rénale et surtout l’uroscanner sont les examens de choix qui vont permettre, précocement, de mettre en évidence la localisation (intrarénale, et parfois exo- ou périrénale, avec existence ou non de gaz et/ou de nécrose au sein de la collection) et l’extension anatomique locorégionale précises des abcès rénaux [4,5]. Ils vont également permettre de rechercher des facteurs favorisants (obstacle sur les cavités pyélocalicielles, lithiase urinaire, diverticule caliciel) [4,5], 12. Enfin, l’échographie et le scanner trouvent leur place au sein de l’arsenal thérapeutique en guidant le drainage de l’abcès par voie percutanée ou chirurgicale en cas d’échec de l’antibiothérapie [1,2,4,5]. Dans l’observation précédente, une intervention chirurgicale a dû être effectuée devant la persistance du sepsis au dixième jour d’antibiothérapie efficace. À l’heure actuelle, le diagnostic et la prise en charge thérapeutique (antibiothérapie associée ou non à un drainage chirurgical) ont amélioré, de manière significative, le pronostic de ce type de complication avec un taux de mortalité peu élevé [2,4,5]. 4. Conclusion Notre observation permet de souligner le caractère insidieux des abcès rénaux, en particulier chez les patients immunodéprimés. De plus, elle confirme que, dans ce groupe de patients, le diagnostic d’infection urinaire haute compliquée, et notamment d’abcès rénal, devrait être systématiquement évoqué devant

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toute pyélonéphrite aiguë ne répondant pas à une antibiothérapie adaptée. Références [1]

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