Nutr Clin Mdtabol 1999 ; 13 : 57-64 © Elsevier, Paris
Journ6es SFNEP
Applications pratiques de la nutrition ent6rale prfcoce chez les malades de rfanimation Jean-Fabien Zazzo Ddpartement d'anesthdsie-rdanimation chirurgicale, hOpital Antoine-BdclOre, BP 405, 157, rue de la Porte de Trivaux, 92141 Clamart cedex, France (Regu et acceptfi le 14 d6cembre 1998)
R6sum6 La nutrition enterale precoce est realisable chez la plupart des patients de reanimation. Elle a pour objectif de moduler la reponse & I'agression, comme cela a 6t6 d6montr6 chez I'animal, et doric d'obtenir une diminution de la morbidite voire de la mortalit& Parallelement, I'industrie a mis & la disposition des cliniciens des formules contenant des nutriments doues de propriet6s immunomodulatrices (acides gras omega 3, arginine, glutamine, acides amin6s branch6s, nucl6otides) dont les effets benefiques ont egalement et6 demontres experimentalement. La plus grande partie des etudes cliniques de ces dernieres annees ont 6te r6alis6es avec ces produits, ce qui n'a pas permis de trancher formellement entre les effets benefiques, d6montres darts certaines 6tudes, lies & I'instauration d'une nutrition ent&ale precoce ou & I'utilisation des substances immunomodulatrices. Trois domaines de la pathologie ont fait I'objet de ces etudes : les pancreatites aigues, la chirurgie sus-m6socolique et la polytraumatologie. Ces 6tudes seront ici present6es et discut6es. II est d'ores et dej& possible de dire qu'en polytraumatologie, la nutrition ent6rale precoce utilisant des nutriments immunomodulateurs est une recommandation de niveau I. © 1999 Elsevier, Paris chirurgie digestive / complications infectieuses / glutamine / immunonutrition / morbidit6 / pancr6atite aigu6 / polytraumatisme
Summary - Practical applications of early enteral nutrition in intensive care patients. Early enteral nutrition is feasable in most intensive care patients. The goal is to modulate stressinduced response as has been established in experimental studies, and therefore to decrease morbidity and mortality rate. Immune-enhancing diets are now available. Most of the later clinical studies have been performed with them. We do not yet know whether these positive results are early enteral nutrition- or immune-enhancing diet-induced. These studies have been initiated in three fields: severe acute pancreatitis, abdominal surgery and traumatology. They are herein presented and discussed. In any case, there is now a wide consensus (level I) to recommand early enteral nutrition with immune-enhancing diets in trauma. © 1999 Elsevier, Paris acute pancreatitis / digestive surgery / glutamine / immunonutrition / morbidity / septic complications / trauma
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Nutr Clin M6tabol 1999 ; 13 : 57-64
J.E Z a z z o
La nutrition entdrale prdcoce (NEP) est applicable aux patients de rdanimation. Avant d'affirmer cela de fa,con pdremptoire, il a fallu comprendre les mdcanismes intirues de l'agression sur l'organisme, les adaptations mdtaboliques et le rdle du tube digestif dans la physiopathologie des ddfaillances viscdrales et, partant, le rdle propre de l'administration des nutriments en site entdral. Les modules expdrimentaux ont permis d'dtablir le bienfond6 du concept de NEP ; l'application h la clinique a pos6 plus de difficultds. I1 restait h ddmontrer le bdndfice clinique de cette voie d'administration dans les situations d'agression majeure. Et c'est plutat en ces termes qu'il faut comprendre les efforts de nombreuses dquipes pour valider ce concept, malgr6 de nombreuses difficultds mdthodologiques et sdmantiques. La premi6re difficultd a 6t6 de ddfinir clairement <au sein de services de rdanimation ayant un recrutement trbs variable ~ travers le monde. En termes de bdndfices, plusieurs niveaux ont 6t6 considdrds : l'6chelon cellulaire, l'6chelon fonctionnel et, ~t terme, l'dchelon clinique global (morbidit6 infectieuse ou non infectieuse, mortalitd). Le bdndfice 6conomique n'est actuellement qu'un critare secondaire (au sens noble du terme) qui ne sera pris en compte qu'une fois la rOponse apportde fi la question fondamentale : la nutrition artificielle doit-elle faire partie de la prise en charge prdcoce d'un patient gravement agressd et, si oui, la NEP est-elle prdfdrable h la nutrition parentdrale ? L'ensemble des travaux disponibles ne permettent pas actuellement de conclure ddfinitivement au bdndfice d'une NEP en raison de la grande disparit6 des sujets inclus et des mdthodologies parfois critiquables. Cependant, il existe une forte prdsomption d'efficacitd de la NEP dans certaines situations cliniques bien d6finies, notamment en termes de rOduction des complications infectieuses. La condition incontournable est d'initier cette nutrition trds prdcocement. La combinaison de plusieurs immunonutriments ayant chacun un rdle propre sur la rdponse 5 l'agression est la base de nombreuses 6tudes rdcentes qui ont permis de ddpasser la simple comparaison historique entre nutrition entdrale et nutrition parentdrale. La NEP est applicable et probablement souhaitable chez le patient agress6 non comme alternative h l'alimentation parentdrale mais comme une thdrapeutique spdcifique en raison du rdle de certains substrats sur le tube digestif agress6. Sans vouloir ~tre exhaustif, nous prendrons quelques situations exemplaires qui permettront de mieux comprendre les recommandations thdrapeutique actuelles.
quelques jours. Les patients ayant une forme oeddmateuse seront capables de s'alimenter avant la fin de la premiere semaine d'hospitalisation et n'auront pas besoin d'un support nutritionnel. Les patients ayant une poussde aiguO sur pancrdatite chronique sont souvent des ddnutris chroniques (intoxication alcoolique chronique, diminution des ingesta) ; les poussdes aigu~s sont habituellement rapidement rdsolutives, mais la rdpdtition des poussdes aiguds peut entratner une ddnutrition ndcessitant une prise en charge didtdtique ou une nutrition artificielle de courte durde lors d'un nouvel episode. Dans les formes graves de pancrdatites aigu~s ndcrosantes (PAN), les processus ndcrotiques s'accompagnent de rdactions locales et gdndrales pouvant compromettre le pronostic vital. Au cours de ces formes sdvbres, Fhyperm&abolisme et l'hypercatabolisme induisent rapidement un 6tat de ddnutrition qui, en l'absence d'un support nutritionnel 6quilibr6, peut contribuer de fagon significarive 5 l'augmentation de la morbidit6 et de la mortalitd. Les 6tudes disponibles comparant la nutrition parentdrale totale exclusive ~ la NEP en site jdjunal sont au nombre de trois (tableau I). Dans l'dtude de McClave et al. [1], la nutrition entdrale est bien toldrde et moins ondreuse que la nutrition parentdrale, pour un pronostic identique. Les auteurs remarquent cependant que la compliance aux deux traitements est diffdrente puisque seuls 82 % des patients sous NEP ont regu la ration prdvue compards aux 96 % des patients soumis ~ la nutrition parentdrale totale. Dans l'dtude prospective et randomisde de Kalfarentzos et al. [2], 18 patients ont re~u une nutrition entdrale en site jdjunal (Rdabilan HN ®, Laboratoires Roussel) et 20 patients ont re~u une nutrition parentdrale exclusive (Vamine ®, Kabi Pharmacia, Lipofundin ®, Laboratoires Braun, et dextrose). Les apports assurds, au cours de ces pancrdatites graves, n'dtaient pas diffdrents entre les deux groupes (apport protdique respectivement de 1,43 et 1,45 g. k g T - j - J ; apports caloriques non protdiques respectivement de 24,1 et 24,5 kcal • kg -I • j-J). Seuls deux patients du groupe entdral n'ont pas pu bdndficier d'une raise en place correcte de la sonde en site jdjunal. Deux patients sur 20 dans le groupe parentdral ont ddveloppd une infection du cathdter sous-clavier (Staphylococcus epidermidis). Les bilans azotds n'dtaient pas diffdrents entre les deux groupes. La nutrition entdrale a 6t6 bien toldrde et n'a eu aucun effet sur l'dvolution de la maladie. Les patients qui ont re~u ce traitement ont ddvelopp6 moins de complications totales (p < 0,05) et, en particulier, moins de complications septiques (p < 0,01) que ceux qui ont bdndfici6 d'une nutrition parentdrale. L'dtude la plus rdcente a 6tudid l'effet compar6 de la nutrition entdrale et de la nutrition parentdrale sur la rdponse inflammatoire initiale observde au cours des pancrdatites aigu~s [3]. Cette 6tude prospective, randomisde et stratifide sur la gravit6 de la pancrdatite, a enr616 16 patients darts le groupe entdral (sonde nasojdjunale; Osmolite ®, Laboratoires
N U T R I T I O N ENTI~RALE PRI~COCE AU COURS
DES PANCRI~ATITES AIGUES La plupart des pancrdatites aiguds sont des formes eeddmateuses qui 6volueront rapidement vers la gudrison en
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A p p l i c a t i o n s p r a t i q u e s de la n u t r i t i o n ent6rale p r d c o c e
N n t r C l i n M 6 t a b o l 1999 ; 13 : 5 7 - 6 4
T a b l e a u I . N u t r i t i o n ent6rale p r d c o c e et pancr6atites aiguEs.
Auteurs
Pathologies
Protocole
Rdsultats
[1]
McClave. t997
R a n s o n : 1.3 + 0.35 ~> 2 crit~res : 4 0 %
P e p t a m e n ® ~n = 16) N P T m = 16)
r 6 a l i s a t i o n de l ' e n t 6 r a l e : 7 2 %. b o o n e tol6rance, p l u s d ' h y p e r g l 3 c 6 m i e avec NPT c o o t total : N E P 761 $ - N P T 3 2 9 4 $
[2]
K a l f a r e n t z o s . 1997
I m r i e : 4.2 + 0.9 A p a c h e I I : 12.7 -+ 2.6 CT Scan : Dou E
R e a b i ] a n H N ~ (n = t 8 ) N P T (n = 20)
c o m p l i c a t i o n s totales : 8 v e r s u s 1 5 " c o m p l i c a t i o n s i n f e c t i e u s e s : 5 v e r s u s 10" cofit/j : N E P 3 0 £ - N P T 100 £
[3]
W i n d s o r . 1998
Glasgow : 2 (1-4) (dont s~v~res 4 0 %~ Apache II : 6-13
O s m o l i t e ® n = 16) N P T t n = t 8)
avec NEP : - d i m i n u t i o n de la C R P * - d i m i n u t i o n d u score A p a c h e I P - diminution des lgM EndoCAb* - d i m i n u t i o n du S I R S * - a u g m e n t a t i o n d u pouvo~r a n n o x y d a n t * cofit/j : N E P 5 £ - N P T 75 £
Rdt~rence
NEP : nutrition entdrale pr6coce : N P T : nutrition parent6rale totale : " p < 0.05.
blement influencer l'6volution de la maladie notamment par une modulation b6n6fique de la rdponse inflammatoire observde au d6but.
Ross) et 18 patients dans le groupe parentdral (vole veineuse centrale ou pdriphdrique ; m61ange ternaire Kabi I, apport lipidique = 55 % de la ration 6nergdtique non protdique, Laboratoires Pharmacia-Upjohn). Dans le groupe entdral, la nutrition a dfi 6tre momentan6ment rdduite chez cinq patients pour intol6rance. De ce fait, les apports 6nerg6tiques et protdiques ont 6t6 plus faibles, en moyenne, darts le groupe entdral. Au terme de 7 j de traitement, la c-reactive protein (CRP) 6tait plus basse dans le groupe entdral et le pouvoir antioxydant total 6tait plus 61ev6 dans ce groupe que dans le groupe parentdral. Les signes de SIRS (systemic inflammatory response syndrome) 6taient significativement plus bas dans le groupe entdral, au terme des 7 j de traitement (11 en prdtraitement, 2 au 7 e j) alors qu'il n'y avait pas de diffdrences significatives dans le groupe parentdral (12 en pr6traitement, 10 au 7 e j). Aucune complication septique ni d6faillance viscdrale n'ont 6t6 observ6es dans le groupe entdral alors que trois sepsis ont 6t6 diagnostiqu6s et que cinq patients ont d6velopp6 une d6faillance dans l'autre groupe. La dur6e totale d'hospitalisation n'6tait pas diff6rente, mais la dur6e d'hospitalisation en r6animation a 6t6 sup6rieure de 10 j en moyenne dans le groupe parent6ral. Les auteurs remarquent que dans le groupe parent6ral, les patients ont re~u une plus grande quantit6 de triglycdrides ~t cha~nes longues (TCL) que les patients nourris par voie entdrale et une plus faible quantit6 de micronutriments. Les effets immunomodulateurs ndgatifs des TCL, 6voquds dans la littdrature, et une moindre protection par les substances antioxydantes peuvent avoir d6savantag6 les patients du groupe parentdral. I1 apparai't donc, fi la lumi~re de ces trois 6tudes rdcentes, que la nutrition ent6rale en site j6junal est rdalisable ~t un stade prdcoce des pancr6atites sdvbres, qu'elle semble favora-
N U T R I T I O N ENTI~RALE PRI~COCE AU COURS DE LA C H I R U R G I E M A J E U R E SUS-MI~SOCOLIQUE Parmi les 6tudes prospectives, randomisdes, six concluent ~t des rdsultats positifs en termes de ddlais de cicatrisation, de complications infectieuses ou totales, de durde moyenne de s6jour, de diminution plus rapide du sepsis score dans le groupe exp6rimental et de cofit [4-9] (tableau IlL Les crit~res de jugement varient d'une 6tude ~t l'autre et ne sont pas toujours annonc6s d'emblde darts le plan exp6rimental de l'6tude mais sont ddterminds a posteriori. Certains rdsultats ne sont significatifs que dans des sous-groupes ddfinis 6galement a posteriori comme l'existence d'une d6nutrition prdalable ou de polytransfusions [7]. Trois 6tudes sont n6gatives [ 10-12] (tableau II). Dans toutes ces 6tudes, les apports n'ont pas atteint les objectifs et n'ont couvert que 50 ~ 60 % des apports prdvus. I1 apparait clairement que les critbres de jugement cliniquement pertinents ne sont le plus souvent pas modifids par les apports entdraux prdcoces, qu'il s'agisse de di6tes polym6riques conventionnelles ou de dibtes immunomodulatrices. N6anmoins, certaines diff6rences sont observ6es sur des critbres qui peuvent avoir une signification (diminution du sepsis score ou des signes de SIRS). Des 6tudes mdthodologiquement mieux construites dans des groupes de patients plus homog~nes devraient permettre de confirmer ou d'infirmet les rdsultats actuels.
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N u t r Clin Mdtabol 1999 ; 13 : 57-64
J.E Z a z z o
T a b l e a u II. Nutrition ent6rale prdcoce et chirurgie digestive p r o g r a m m d e .
Rda+grences
Auteurs
Patholo#ie,s
Protocole
Rgsultats
tEtudes positives 14]
Daly, 1992
~esophagectomie gastrectomie pancr6atectomie ~48 % de ddnutris~
A - Impact ® (n = 41) B - Ent. isocalorico-azot6e (n = 44)
[5]
Daly, 1995
cesophagectomie gastrectomie pancr6atectomie 30 % de d~nntris
[6]
Beier-Holgersen. 1996
cesophagectonue gastrectomie colectomie, r e c t u m
A - Nutridrink ® (n = 30) B - Placebo (n = 30)
[7]
Braga, 1998
gastrectomie pancr6atectomie (45 % de d6nutrim
A - Impact ® (n = 55) B - Ent. isocalorico-azot6e (n = 55) C - N P T (n = 56)
A - Impact ® (n = 30) B - Ent. isocalorico-azot6e (n = 3 0 ) e n p o s b h o s p i t a l i s a t i o n : suppl, nocturne p e n d a n t 12-16 semaines (1 0 0 0 kcal)
meilleur cicatrisation : 5/41 vs 16/44 • D M S plus courte (patients ~ligibles)*
compl, infectieuses majeures : 3/30 versus 13/30" D M S plus courte : 16 vs 2 2 jours* diminution des rdhospitalisations : 6 % versus 37 % complications totales : 8 vs 19" complications infectieuses : 2 vs 14" complications infectieuses : us sepsis score : A < C* chez les d6nutris et transfus6s : compl, infectieuses : ns - sepsis score : A < C* D M S : A < C* -
-
[8]
Gianotti, 1997
gastrectomie pancr6atectomie (ddnutris)
[9]
Senkal, 1997
chirurgie sus-mdsocolique
A B (n C
- Impact ® (n = 87) - Ent. isocalorico-azotde = 87) - N P T (n = 86)
A - Impact ® (n = 77) B - Ent. isocalorico-azotde (n = 77)
complications : A = B ; A < C* sepsis score : A (5,2) < B (7,8) et C (10,6)* D M S (jours) : A (16,1) = B (19,2) < C (21,6)* complications totales : ns compl, apr6s J5 : 5 vs 13" cofit : B > A (+ 32 %)*
l~tudes ndgatives [10]
Schilling, 1996
cesophagectomie gastrectomie, colectomie, pancrdatectomie, rectum (d~nutris)
A - Impact ® (n = t4) B - Fresubin ® (n = 14) C - N P T (n = 13)
complications infectieuses : ns
[11]
Reynolds, 1997
cesophagectomie gastrectomie pancrdatectomie (80 % de d6nutfis)
A - Osmolite ® (n = 33) B - N P T (n = 34)
mortalit~ : ns ; morbiditd : ns cofit (jour) : A = 205 ; B = 2005
[12]
Heslin, 1997
cesophagectomie gastrectomie, pancr6atectomie (d6nutris)
A - Impact ® (n = 97) B - Glucose + sdrum physiologique (n = 98)
compl, mineures et majeures : ns mortalit6 : ns D M S : ns
NPT : nutrition pal~nt&ale totale ; DMS : duroc moyenne de s6jour ; * p < 0,05 ; vs : versus.
NUTRITION ENTI~RALE PRI~COCE CHEZ LES POLYTRAUMATISI~S
grave exprim6e par des scores spdcifiques. La derni6re dtude publide est mdthodologiquement la mieux construite et m&ite ainsi d'&re ddtaillde [21]. Cette 6tude prospective a inclus 80 patients adultes hospitalis6s pour polytraumatisme dont l'esp6rance de vie, estim6e sur le score de Glasgow et l'injury severity score, 6tait sup& rieure 5 48 h. Une nutrition ent6rale pr6coce (d6marrde avant la 72 e h) 6tait administr6e en site jdjunal apr6s raise en place d'une sonde par voie endoscopique associde une deuxi~me sonde en site gastrique. Les besoins drier-
C'est probablement dans cette pathologic homog6ne que les r6sultats semblent les plus probants. Neuf 6tudes prospectives, randomisdes, et une malta-analyse sont disponibles [13-21] (tableau II1). Seules deux 6tudes concluent ~ l'absence de bdndfices en termes de complications infectieuses. Les bdndfices d'une NEP sont d'autant plus significatifs que les patients ont une pathologic
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A p p l i c a t i o n s pratiques de la nutrition entdrale p r 6 c o c e
N u t r Clin M6tabol 1999 ; 13 : 5 7 - 6 4
T a b l e a u I I I . Nutrition ent6rale p r 6 c o c e et p o l y t r a u m a t i s m e .
Rdfdrences
Auteurs
Pathologw
Protocole
Rdsultats
Etudes ndgatives [13
A d a m s . 1986
traumatisme abdominal ISS > 35
[14]
W e i m a n . 1998
polytraumatisme [SS > 20
A - Traumacal®/Isocal HCN ® B - NPT A - I m p a c t ® (n = 16) B-NPTtn= 13)
c o m p l i c a t i o n s : ns
c o m p l i c a t i o n s infectieuses : ns S I R S m o i n s fr6quenff" score S D M V inf6rieur*
Etudes positives
1153
M o o r e . 1989
traumatisme abdominal
[16j
M o o r e . 1992
malta-analyse ~n = 8l
A - V i v o n e x ® In = 1181 B - N P T In = 1121
d i m i n u t i o n c o m p l , infectieuses : 19 v e r s u s 39* c o m p l , n o n infectieuses : n s
[17]
K u d s k . 1992
polytrauma + abdomen
A - Vital H N ® (n = 51 ) B - N P T In = 45)
c o m p l infectieuses : 15.7 % v e r s u s 4 ( 1 % * p n e u m o p a t h i e s : 11.8 % v e r s u s 3 1 % * abc~s a b d o m i n a u x : 1.9 % v e r s u s 13.3 %*
[181
M o o r e . 1994
polytrauma ISS>20-ATI>
19
[19]
B o w e r , 1995
trauma/chirurgie/sepsis
[20]
K u d s k , 1996
polytraumatisme ISS > 25
[21 ]
Houdijk, 1998
polytraumatisme ISS > 3(1
A - Vivonex ® B - NPT
n o m b r e de patients infect6s : ns d i m i n u t i o n du h o m b r e d'infections majeures*
A - I m m u n - A i d ® tn = 511 B - V i v o n e x T E N ® Ln = 47)
abc6s a b d o m i n a u x : 0 % v e r s u s 1 1 % * SDMV : 0 % versus 11%*
A - I m p a c t ® (n = 147) B - Ent. i s o c a l . / m o i n s azot6
infections n o s o c o m i a l e s / p a t i e n t * bact6ri6mies* DMS* (4 g r o u p e s constitu~s a posteriori)
A B (n C
- h n p a c t ® (n = 18) - Ent. isocalorico-azotde = 17) - controle (n -~ 19)
A - Alitra Q® (n = 35) B - Ent. isocalorico-azot6e (n = 37)
c o m p l , infectieuses : A < B* et A < C* h o m b r e infections/patient : A < B e t C* j o u r s a v e c a n t i b i o t h & a p i e : A < B e t C* D M S : A < B e t C* d i m i n u t i o n des p n e u m o p a t h i e s , d e s bact6ri6mies et des sepsis d i m i n u t i o n d e s r6cepteurs solubles du T N F
NPT : nutrition parent6rale totale ; SDMV : syndrome de d~faillance multivisc6rale ; ISS : injury severity score ; DMS : dur6e moyenne de s6jour ; ATI : acute trauma index ; SIRS : systemic inflammatory re~ponse syndrome ; * p < 0,05.
tats a 6t6 faite en intention de traiter (n = 72) et chez les patients qui avaient re~u la nutrition ent6rale pendant au moins 5 j (n = 56). Les r6sultats montrent que dans le groupe glutamine, en intention de traiter comme chez les patients ayant re~u la nutrition pendant 5 j, il y a eu moins de pneumopathie (17 % versus 43 % ; p < 0,02), moins de bactdri6mies (9 % versus 38 % ; p < 0,05) et moins de sepsis (3 % versus 22 % ; p < 0,02). Les concentrations plasmatiques en glutamine 6taient identiques ~t 1'inclusion mais sup6rieures ~t j3, j5 et j7 dans le groupe suppldment6. Les rdcepteurs solubles du TNF 6taient 6galement moins 61evds dans le groupe glutamine avec un pic 5 j7. Alors que les apports en arginine 6taient identiques dans les deux groupes, les auteurs ont observ6 une augmentation de la concentration en arginine parallble l'augmentation de glutamine suggdrant que la production
g6tiques ont 6td calcul6s par calorim6trie indirecte et assurds soit par une di~te standard polymdrique (n = 39) contenant 1 000 kcal et 52 g de protfiines par litre (3,5 g de glutamine pour 100 g de prot6ines) soit par une di~te enrichie en glutamine (n = 41) contenant la m~me quantit6 de prot6ine mais 30,5 g de glutamine pour 100 g de protdines (Alitra Q®, Laboratoires Abbott). Le critbre principal de jugement 6tait la diminution des complications infectieuses, l'effectif ayant 6t6 calcul6 pour observer une diminution des complications de 43 % ~ 12 % (alpha 5 %, b~ta 20 %). Soixante-quatre patients 6taient n6cessaires. Les critbres secondaires 6taient les concentrations plasmatiques en glutamine, arginine et rdcepteurs solubles p55 et p75 du TNF. Le diagnostic des complications a 6t6 port6 par des cliniciens inddpendants et selon des critbres pr6ddfinis et consensuels. L' analyse des rdsul-
61
Nutr Clin Mdtabol 1999 ; 13 : 57-64
J.F. Zazzo
d'arginine par le rein 6tait stimulde par l'adjonction de glutamine. Cette remarquable 6tude manque cependant d'un troisieme groupe qui aurait pu bdndficier d'une nutrition parent&ale pour emporter compl6tement la conviction sur 1' avantage de la nutrition ent6rale prdcoce.
gravit6 comparable (Apache lI: 20,1 versus 18,7) mais les pathologies 6tait trbs h6t6rogbnes (traumatisme 9 %, m6dical 55 %, postop6ratoire 36 %). La mortalit6 (crit~re principal de jugement) n'6tait pas influenc6e par l'administration d'une di0te immunomodulatrice. Le protocole avait pr6vu une analyse de deux sous-groupes : le groupe des patients qui avaient requ une nutrition ent6rale et le groupe des patients qui avaient requ en 72 h u n volume de nutrition au moins 6gal h 2 500 mL. Dans ce dernier groupe, les auteurs ont observ6 une diminution de la dur6e de ventilation (6 j versus 10,5 j), une diminution du hombre de [ours avec un SIRS (3 j versus 6 j), une diminution de la charge de spin expfimde par les points TISS par s6jour (255 versus 380), une diminution de la dur6e de s6jour en r6animation (7,5 j versus 12 j) et une diminution de la dur6e totale d'bospitalisation (15,5 j versus 20 j). Le relev6 des complications ne faisait pas partie des crit6res de jugement retenus. Darts son 6ditorial accompagnant cet article, Zaloga conclut, h la suite de cette 6tude, que l'utilisation de di6tes immunomodulatrices est une recommandation de niveau I [24]. Les deux tiers des patients composant le sous-groupe des patients qui out effectivement requ une NEP sont des patients m6dicaux. L'6tude de Houdijk et al. [21], r6alis6e dans un groupe
N U T R I T I O N ENTI~RALE PRi~COCE :
PLACE DES DIETES IMMUNOMODULATRICES Depuis les six derni6res anndes, la plupart des 6tudes publi6es sur la NEP ont 6t6 r6alis6es avec des dibtes immunomodulatrices [4, 5, 7-10, 12, 14, 18-23] (8 sur 14) (tableau IV). Le critbre de jugement principal 6tait, le plus souvent, la diminution des complications infectieuses. La pression exerc6e par l'industrie pharmaceutique pour promouvoir ces produits a 6t6 consid6rable et les premieres 6tudes concluant positivement au b6ndfice de ces produits ont 6t6 critiqudes 5 juste titre pour leur qualitd mdthodologique. Les dernibres publides sont de meilleur qualit6 et emportent la conviction sur l'efficacit6 de ces nouveaux produits. Dans l'6tude de Atkinson et al. [23], la population traitde (Impact® versus dibte isocalorique-isoazotde) 6tait de
'lhbleau IV. Di6tes immunomodulatrices et pronostic. Rdfiirences
Auteu~'s
Pathologie
Produits
[4]
Daly, 1992
chirurgie sus-m6socolique
Impact®
cicatrisation, DMS
[18]
Moore, 1994
polytraumatisme
Immun-Aid®
abc6s abdominaux, SDMV
[5]
Daly, 1 9 9 5
chirurgie sus-m6socolique
Impact®
complications infectieuses majeures, DMS
[ 19]
Bower, 1995
trauma, chirurgie, sepsis
Impact®
infections nosocomiales, bact6ri6mies, DMS
[20]
Kudsk, 1996
polytraumatisme
Impact®
complications infectieuses totales, DMS
19]
Senkal, 1997
chirurgie sus-m6socolique
Impact ®
complications apr~s J5
[8]
Gianotti, t997
chirurgie sus-m6socolique
Impact ®
sepsis score, DMS, compl, infectieuses
Rdsultats
Rdduction des injections
(p = 0,06) [21 [
Houdijk, 1998
polytraumatisme
Alitra Q®
[22]
Braga, 1996
chirurgie sus-m6socolique
Impact®
sepsis score plus faible
[ l 0]
Schilling, 1996
chirurgie sns-m6socolique
Impact®
ns
[7]
Braga, 1998
chirurgie sus-m6socolique
impact ®
sepsis score plus faible, DMS chez
pneumopathies, bact6ri6mies, sepsis
Pas d'effet sur l'infection
d6nutris et txansfus6s [14]
Weimann, 1998
po!ytrauma
Impact ®
[23]
Atkinson, 1998
polyvalente
Impact®
diminution dur6e ventilation et DMS
[12]
Heslin, 1997
chirurgie sus-m6socolique
Impact®
ns (immunonutrition non recommand6e)
diminution SIRS et SDMV
DMS : durde moyenne de s6jour ; SDMV : syndrome de dEfaillance multivisc4rale ; SIRS : systemic ittflammatory ~x,sponse syndrome.
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Applications pratiques de la nutrition ent6rale prdcoce
Nutr Clin Mdtabol 1999 ; 13 : 57-64
homog6ne de polytraumatisds et ddtaillde plus haut, vient confirmer le bien-fondd des immunonutriments dans cette pathologie. Une dtude de m e m e qualitd mdthodologique rdalisde en chirurgie lourde permettrait de crddibiliser cette recommandation en chirurgie digestive.
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CONCLUSION Grace ?~ la vigilance d'une 6quipe multidisciplinaire motivde, l'usage de prokindtiques, la mise en place de sondes en site jdjunal et au respect des contre-indications absolues souvent temporaires, la plus grande partie des patients de rdanimation devrait bdndficier d'une nutrition entdrale. Malgr6 cela, la nutrition parentdrale totale restait encore le choix le plus frdquent, du moins en Europe, comme en atteste les rdsultats de l'6tude Epic (European Prevalence of Infection in Intensive Care) de 1992 qui a relev6 le jour de l'enqu~te que 45 % des 10 038 patients recevaient une nutrition parent6rale. La nutrition ent6rale a ddmontr6 son b6n6fice en termes de rdduction des complications infectieuses notamment en polytraumatologie. Cet effet est encore amplifi6 quand les formules sont enrichies en nutriments spdcifiques (glutamine, buile de poisson, acide ribonucldique). Ces effets n'apparaissent que dans certaines circonstances et ne sont observds que dans certains groupes de patients (ddnutris, traumatisEs, polytransfusds) ou pour des pathologies de haute gravit6 (traumatisds avec un injury severity score > 21). Aujourd'hui, la nutrition entdrale prdcoce est considdrde c o m m e une thdrapeutique primordiale chez les patients sdverement agressds, non seulement pour rdduire le catabolisme et la perte de masse maigre mais 6galement pour protdger la structure et la fonction du tube digestif. La question n'est plus aujourd'hui : faut-il nourrir par vole parentdrale ou entdrale, mais avec quel substrat et quelle quantit6 faut-il assurer une nutrition par vole entdrale. Toutes les rdponses aux questions des rdanimateurs ne sont pas encore disponines, mais nous pouvons conclure, avec les experts rdunis ~t Bruxelles pour la table ronde du 16 e symposium Intensive Care and Emergency Medicine, qu'un support nutritionnel est indiqu6 en rdanimation lorsque le patient ne peut assurer ses besoins pendant 5-7 j, lorsqu'il existe une pathologie sous-jacente dvoluant depuis au moins 10 j et lorsqu'il existe une malnutrition (perte de poids d'au moins 10 % du poids babituel). La nutrition entdrale pr6coce peut ~tre r6alisde en toute sdcurit6, est bien toldrde et rdduit les complications septiques chez le polytraumatisd. Les formules iddales et les quantitds ne sont pas encore parfaitement ddtermindes. Les dtudes rdcentes dans les suites chirurgicales pour cancer et chez les traumatisds montrent que les dibtes immunomodulatrices amdliorent le pronostic et rdduisent les complications septiques.
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J.F. Zazzo
21 Houdijk A, Rijnsburger E, Jansen J, Wesdorp R, Weiss J, McCamish M, et al. Randomised trial of glutamine-enriched enteral nutrition on infectious morbidity with multiple trauma. Lancet 1998 ; 352 : 772-6. 22 Braga M, Vignali A, Gianotti L, Cestari A, Profili M, Di Carlo V. Immune and nutritional effects of early enteral nutrition after major abdominal operations. Eur J Surg 1996 ; 162 : 105-12. 23 Atkinson S, Sieffert E, Bihari D. A prospective, randomized, double-blind, controlled clinical trial of enteral immunonutrition in the critically ill. Crit Care Med 1998 ; 26:1154-72. 24 Zaloga GR Immune-enhancing enteral diets : where's the beef? Crit Care Med 1998 ; 26 : 1143-6.
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