Cas clinique n° 2 (tendance diagnostique)
Bronchiolite oblitérante
V. Cottin
Commentaires Interprétation du scanner thoracique (fig. 1) Opacités micronodulaires centrolobulaires diffuses, associées à des images en arbre en bourgeons (images « branchées ») et quelques foyers de bronchectasies, notamment dans le lobe moyen.
Hypothèse diagnostique Cette patiente d’une cinquantaine d’années, non fumeuse, présente une bronchopathie chronique, qui s’associe à un trouble ventilatoire obstructif, et à des opacités micronodulaires et des images en arbre en bourgeons. Cette présentation est évocatrice d’une bronchiolite chronique oblitérante (ou oblitérative).
Poursuite des investigations
Hospices civils de Lyon, Hôpital Louis Pradel, Service de pneumologie et Centre de référence des maladies orphelines pulmonaires, Hôpital Louis Pradel, 28, avenue du Doyen Lépine, 69677 Lyon (Bron) cedex. Correspondance :
[email protected]
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La biopsie pulmonaire vidéochirurgicale montre une bronchiolite chronique inflammatoire, cellulaire à prédominance lymphocytaire, avec emphysème centrolobulaire (fig. 2A et 2B). Par endroits, la paroi des bronchioles était le siège d’une fibrose ou d’une destruction. Il n’y avait pas d’inflammation granulomateuse. Il n’y avait pas non plus de follicule lymphoïde. Le diagnostic retenu était celui de bronchiolite chronique cryptogénique (idiopathique), inflammatoire à prédominance lymphocytaire. L’interrogatoire était négatif pour les causes de pneumopathie d’hypersensibilité. Les autres causes de bronchopneumopathie chronique avec trouble ventilatoire obstructif ont été exclues, en particulier la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), la maladie bronchectasiante diffuse avec trouble obstructif, et les déficits de l’immunité humorale (déficit en
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Bronchiolite oblitérante
Fig. 1. (A et B). Scanner thoracique en inspiration, fenêtres parenchymateuses.
A
B
Fig. 2.
(A) Biopsie pulmonaire à faible agrandissement, montrant trois bronchioles (b), accompagnées d’une artériole pulmonaire (a) ; la bronchiole visible en haut et à droite est le siège d’une bronchiolite lymphocytaire ; la bronchiole en bas à droite est ectasique et sa paroi modérément inflammatoire ; la bronchiole à gauche est détruite, laissant persister des lésions emphysémateuses (e) (cliché Pr F. Thivolet-Béjui, Lyon). (B) Biopsie pulmonaire à fort agrandissement, montrant une bronchiolite lymphocytaire (infiltration lymphocytaire circonférentielle de la paroi bronchiolaire, réduction modérée du calibre de la bronchiole ; l’artériole est visible à gauche (cliché Pr F. Thivolet-Béjui, Lyon).
immunoglobulines). Il n’y avait pas d’argument pour une dyskinésie ciliaire primitive, une forme fruste de mucoviscidose, et l’analyse génétique était négative (un test de la sueur pourrait être proposé). Les anticorps anti-BPI (bactericidal permeability increasing protein), de signification incertaine, ont été rapportés au cours de la maladie de Wegener, des maladies intestinales inflammatoires chroniques, d’infections chroniques des voies aériennes,
de la mucoviscidose, et au cours d’un cas de polyangéite microscopique avec panbronchiolite diffuse « japonaise ».
Évolution La corticothérapie par voie orale, à posologie dégressive, n’a pas entraîné d’amélioration. Secondairement a été proposé © 2009 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
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un traitement par macrolide (azithromycine) pour son effet non antibiotique, par analogie avec le traitement de la panbronchiolite « japonaise » et de la bronchiolite oblitérante posttransplantation pulmonaire. Deux ans après l’instauration du traitement, la maladie était stabilisée sur le plan clinique, fonctionnel respiratoire, et tomodensitométrique.
bronchiolite oblitérante constrictive est le plus souvent consécutive à un processus inflammatoire persistant (après transplantation pulmonaire par exemple), l’inflammation bronchiolaire pouvant conduire à une destruction de la bronchiole avec emphysème centrolobulaire ou à une fibrose de la paroi bronchiolaire qui peut oblitérer la bronchiole.
Les bronchiolites oblitérantes
Exploration fonctionnelle respiratoire
Définition et classification Les bronchiolites sont définies par une inflammation atteignant de façon prédominante les bronchioles, qui peut s’associer à un processus fibrosant et/ou destructif [1]. Une bronchiolite peut s’observer de façon accessoire au cours de certaines maladies pulmonaires diffuses. La bronchiole est une voie aérienne succédant aux bronches, de moins de 1 mm de diamètre. On distingue au plan anatomopathologique plusieurs entités au sein des bronchiolites [1, 2]. Les bronchiolites cellulaires comportent une infiltration de la paroi des bronchioles par des cellules inflammatoires ; la bronchiolite oblitérante est définie par une réduction du calibre de la bronchiole, le plus souvent responsable d’un trouble ventilatoire obstructif (on parle alors de bronchiolite oblitérative sur le plan clinique). La bronchiolite oblitérante peut être de deux types : bronchiolite oblitérante constrictive, résultant d’une fibrose de la paroi de la bronchiole, pouvant aboutir à la destruction de la bronchiole ; bronchiolite oblitérante proliférative, caractérisée par des bourgeons fibroconjonctifs occupant la lumière de la bronchiole, le plus souvent dans le cadre d’une pneumopathie organisée (ancienne terminologie de la bronchiolite oblitérante avec organisation pneumonique ou BOOP, maintenant dénommée pneumopathie organisée cryptogénique dans la classification internationale) [3]. Les causes de bronchiolite sont variées [1, 4], et comportent les bronchiolites de cause déterminée (infectieuse, toxique, associée au tabagisme) ; les bronchiolites oblitératives de cause indéterminée, mais survenant dans un contexte bien caractérisé (connectivite, transplantation pulmonaire, greffe de moelle osseuse) ; et de rares bronchiolites cryptogéniques ou idiopathiques, dont certaines constituent des entités bien individualisées (panbronchiolite diffuse « japonaise » par exemple). On peut citer une autre affection de description récente, la bronchiolite lymphocytaire avec pneumopathie interstitielle bronchiolocentrique [5]. L’inflammation des bronchioles s’associe souvent à un processus inflammatoire des grosses bronches, cette inflammation longitudinale des voies aériennes conduisant au développement de bronchectasies associées à la bronchiolite ; une inflammation alvéolaire peut également être associée à la bronchiolite. Sur le plan physiopathologique, on considère que la 86
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Lorsqu’elle est diffuse, la bronchiolite oblitérante constrictive entraîne une réduction du calibre des voies aériennes responsable d’un trouble ventilatoire obstructif non réversible, avec abaissement du coefficient de Tiffeneau, élévation du volume résiduel, et diminution de la capacité vitale (la capacité pulmonaire totale étant normale ou augmentée). Dans certains cas, l’anomalie prédominante est représentée par une augmentation du rapport volume résiduel/capacité pulmonaire totale (coefficient de Tiffeneau pouvant être normal) ; cette anomalie, parfois appelée syndrome d’obstruction des petites voies aériennes, traduit l’oblitération d’un grand nombre de bronchioles, du fait de leur fermeture prématurée ou permanente (trappage aérique) [1]. L’abaissement du débit expiratoire maximal entre 25 et 75 % de la capacité vitale (DEM 25-75) serait susceptible de mettre en évidence une obstruction légère lorsque le coefficient de Tiffeneau est normal.
Imagerie des bronchiolites La radiographie thoracique montre souvent peu d’anomalies, parfois un aspect de miliaire ou de pneumopathie interstitielle diffuse, et de distension thoracique. Le scanner thoracique montre deux types d’anomalies caractéristiques [6] : – les opacités micronodulaires centrolobulaires résultent de l’épaississement de la paroi bronchiolaire ou d’impactions bronchiolaires ; elles peuvent s’associer à des structures linéaires « branchées », en arbre en bourgeons (tree-in-bud) ; – l’aspect en mosaïque est observé sur les coupes millimétriques de scanner en haute résolution, en expiration, et consiste en l’alternance de zones d’atténuation diminuée ou augmentée. Il traduit l’obstruction bronchiolaire et le trappage aérique dans certains lobules, ainsi que la redistribution vasculaire des zones hypoxémiques (vasoconstriction hypoxique) vers les zones normales. Cet aspect n’est toutefois pas spécifique des bronchiolites, et peut s’observer au cours de l’asthme, des pneumopathies interstitielles diffuses, de la pathologie vasculaire pulmonaire, et même chez des sujets ayant une fonction pulmonaire normale.
Bronchiolites de cause déterminée Très fréquentes chez le nourrisson, les bronchiolites infectieuses sont surtout d’origine virale, liées au virus respiratoire
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syncytial, parfois à d’autres virus à tropisme respiratoire. L’évolution est presque toujours favorable, sans séquelle à long terme. Une bronchiolite peut être causée par l’inhalation aiguë de gaz ou fumées toxiques. Divers agents toxiques peuvent être en cause : dioxyde d’azote (industrie chimique, maladie des silos autrefois), dioxyde de soufre, composés chlorés, ammoniac, gaz moutarde de combat, accident de Bhopal, etc. Une « épidémie » de bronchiolite oblitérative sévère est survenue à Taïwan chez des personnes consommant le jus des feuilles de la plante Sauropus androgynus pour perdre du poids. De nouvelles causes de bronchiolite oblitérative ont été rapportées au cours des dernières années, chez les travailleurs fabriquant du pop-corn (par inhalation de mélanges d’ingrédients aromatiques), et chez certains travailleurs du nylon (flocage). Les sujets exposés aux poussières minérales (silice, amiante, talc, mica, fer, oxyde d’aluminium, etc.) peuvent présenter des lésions histopathologiques comportant une fibrose et une pigmentation des bronchioles. La BPCO du mineur du charbon, du mineur de fer, et des travailleurs exposés à l’inhalation de poussières de coton, lin, chanvre, ou sisal, est reconnue comme maladie professionnelle. La BPCO induite par le tabagisme n’est pas incluse habituellement dans la catégorie des bronchiolites, mais comporte sur le plan histopathologique une bronchiolite chronique, la bronchiolite respiratoire, rencontrée presque exclusivement chez les fumeurs. Habituellement asymptomatique, elle peut se traduire au scanner par des micronodules centrolobulaires et des opacités en verre dépoli ; la bronchiolite respiratoire correspond à une accumulation de macrophages chargés de pigments tabagiques à l’intérieur des bronchioles respiratoires, et dans les espaces alvéolaires avoisinants ; elle est fréquente chez le fumeur présentant un pneumothorax [7]. Dans certains cas, la bronchiolite respiratoire s’associe à une pneumopathie interstitielle [8].
La responsabilité de la pénicillamine a été discutée au cours de la polyarthrite rhumatoïde, de même que celle de la tiopronine et des sels d’or ; toutefois, une bronchiolite oblitérative peut s’observer en l’absence de la prise de ces différents médicaments. Au cours du syndrome de Gougerot-Sjögren, un trouble ventilatoire obstructif, des opacités en mosaïque au scanner thoracique (et plus rarement un aspect micronodulaire diffus) sont évocateurs. Après transplantation pulmonaire, la bronchiolite oblitérative est la principale cause de morbidité et de mortalité, avec une prévalence dépassant 50 % à 5 ans. D’installation insidieuse, elle se traduit par un trouble obstructif progressif, et des bronchectasies et un aspect en mosaïque au scanner thoracique [11]. Le traitement repose sur l’augmentation de l’immunosuppression, le changement de médicaments immunosuppresseurs (sirolimus, éverolimus), les macrolides (azithromycine), et de façon empirique la prise en charge du reflux gastro-œsophagien, et éventuellement un traitement par statines. La retransplantation est parfois nécessaire. Après greffe de moelle osseuse provenant de donneurs apparentés ou non, la bronchiolite oblitérative est une complication majeure, survenant dans le cadre d’une réaction du greffon contre l’hôte (graft versus host disease) [12]. Sa présentation est comparable à celle de la bronchiolite oblitérative post-transplantation pulmonaire. Difficile, la prise en charge repose sur le traitement corticoïde, l’augmentation de l’immunosuppression, la substitution d’un éventuel déficit en immunoglobulines. Le diagnostic est souvent tardif. Une bronchiolite oblitérante avec trouble ventilatoire obstructif peut s’observer au cours du pemphigus paranéoplasique, ou être favorisée par des inhalations répétées.
Bronchiolite constrictive cryptogénique Bronchiolites survenant dans un contexte caractérisé Au cours de la polyarthrite rhumatoïde, une bronchiolite oblitérative peut se développer de façon subaiguë, parfois en quelques mois. L’imagerie thoracique est le plus souvent non spécifique, avec distension, aspect « d’emphysème », et plus rarement aspect en mosaïque, ou micronodules centrolobulaires [9]. Il survient fréquemment en cours d’évolution des bronchectasies par atteinte longitudinale des voies aériennes, ainsi qu’un épaississement des parois bronchiques. La biopsie pulmonaire, lorsqu’elle est pratiquée, montre une bronchiolite oblitérante constrictive, folliculaire, ou mixte [9]. Le traitement est peu efficace, n’empêchant pas l’évolution vers l’insuffisance respiratoire chronique dans 40 % des cas, et parfois le décès. Le traitement corticoïde est inefficace ; le cyclophosphamide, souvent proposé, est occasionnellement efficace. L’étanercept a permis de stabiliser la maladie ou d’obtenir une amélioration dans des cas isolés [9, 10].
Une bronchiolite avec trouble ventilatoire obstructif, idiopathique, peut s’observer en l’absence de tout contexte étiologique, le plus souvent chez les femmes entre 40 et 60 ans, comme dans notre cas clinique. L’enquête étiologique doit être exhaustive, incluant les causes toxiques, médicamenteuses, les infections récentes, et les formes frustes de connectivites (syndrome de Gougerot-Sjögren et polyarthrite rhumatoïde, en particulier). Les manifestations cliniques associent une dyspnée et une toux en général depuis plusieurs mois. Le lavage broncho-alvéolaire montre généralement une neutrophilie (de l’ordre de 50 %). Des bronchectasies sont souvent présentes au scanner thoracique. L’évolution est variable avec parfois une amélioration sous corticoïdes. Sur le plan histopathologique, il s’agit généralement d’une bronchiolite chronique constrictive [13], cellulaire, comportant une inflammation par des lymphocytes, plasmocytes et polynucléaires, avec un degré variable de fibrose de la paroi des bronchioles. © 2009 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
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Autres bronchiolites La bronchiolite folliculaire s’observe au cours de la polyarthrite rhumatoïde, du syndrome de Gougerot-Sjogrën, d’un déficit immunitaire humoral, d’infections, et chez les floqueurs de nylon. La bronchiolite lymphocytaire peut être difficile à distinguer d’un lymphome pulmonaire primitif de bas grade. La panbronchiolite diffuse [14] s’observe principalement en Asie, et est favorisée par un facteur génétique, dont l’antigène HLA-Bw54 ; un facteur environnemental est également probable, la panbronchiolite diffuse étant très rare chez les populations japonaises vivant à l’extérieur du Japon. Il n’y a pas de lien avec le tabagisme. Cette maladie survient autour de 50 ans, avec une prédominance masculine. Il existe une toux chronique, une bronchorrhée, une dyspnée d’effort, et souvent une sinusite chronique. L’infection chronique des voies aériennes par Pseudomonas est habituelle. L’aspect histopathologique est caractéristique, montrant de nombreux macrophages spumeux associés à des lymphocytes et plasmocytes. Le traitement au long cours par érythromycine à faible dose est efficace. D’autres contextes comportant une bronchiolite ne sont pas détaillés : associée à des bronchectasies (mucoviscidose, dyskinésie ciliaire, autres) ou au cours des maladies pulmonaires diffuses (pneumopathie d’hypersensibilité, lymphangioléïomyomatose, granulomatose à cellules de Langerhans, sarcoïdose, maladie de Crohn, infiltration bronchiolaire néoplasique, hyperplasie idiopathique des cellules neuro-endocrines pulmonaires, etc.).
Conclusion La pathologie bronchiolaire est caractérisée par une grande diversité, sur le plan étiologique comme évolutif. Une connaissance des différents aspects histopathologiques, étiologiques, fonctionnels, et tomodensitométriques des bronchiolites est nécessaire pour le diagnostic précis des bronchiolites oblitérantes et/ou oblitératives et la prise en charge appropriée des patients.
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