Colobome facial : à propos d’une observation anténatale précoce exceptionnelle ; apport de l’échographie en 3-dimensions

Colobome facial : à propos d’une observation anténatale précoce exceptionnelle ; apport de l’échographie en 3-dimensions

Journal de Gyn´ ecologie Obst´ etrique et Biologie de la Reproduction (2013) 42, 95—98 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com CAS CLINIQUE ...

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Journal de Gyn´ ecologie Obst´ etrique et Biologie de la Reproduction (2013) 42, 95—98

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

Colobome facial : à propos d’une observation anténatale précoce exceptionnelle ; apport de l’échographie en 3-dimensions Facial coloboma: Report of an exceptional prenatal case and interest of three-dimensional ultrasonography A.-S. Peultier a,∗, N. Cazenave b, G. Boog a, C. Le Vaillant a a b

Service de gynécologie obstétrique, hôpital Mère-Enfant, CHU de Nantes, quai Moncousu, 44093 Nantes cedex 1, France Octogone CERPP, université de Toulouse-2 Le Mirail, 5, allée Antonio-Machado, 31000 Toulouse, France

Rec ¸u le 11 janvier 2012 ; avis du comité de lecture le 6 juin 2012 ; définitivement accepté le 12 juin 2012 Disponible sur Internet le 21 juillet 2012

MOTS CLÉS Colobome ; Fente craniofaciale ; Diagnostic anténatal ; Échographie tridimensionnelle

KEYWORDS Coloboma; Craniofacial cleft; Prenatal diagnosis; Three-dimensional Ultrasound

Résumé Nous rapportons ici un cas de colobome facial Tessier no 4 diagnostiqué très précocement, dès 12 semaines d’aménorrhée. Cette malformation craniofaciale extrêmement rare et complexe, correspondant à une fente faciale oblique oro-oculaire. Le diagnostic échographique repose sur la mise en évidence d’une solution de continuité lors de l’examen morphologique de la face, mais l’échographie bidimensionnelle trouve ses limites dans le dépistage des fentes palatines isolées et des atteintes du palais mou. Aussi, l’échographie tridimensionnelle montre une plus grande sensibilité pour le dépistage des populations à haut risque et le bilan lésionnel anténatal des colobomes faciaux. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary We report a rare case of Tessier no. 4 craniofacial cleft diagnosed by ultrasound imaging at 10 weeks’ gestation. Tessier no. 4 craniofacial cleft is a very rare and complex congenital abnormality, characterized by an oblique orbitomaxillary facial cleft. Prenatal diagnosis of orofacial clefting is usually done at midtrimester of pregnancy, based on careful sonographic examination of the fetal face. However conventional 2D ultrasound is limited in screening isolated cleft palate and defects of the secondary palate. Thus, 3D ultrasound shows a greater sensitivity in a referred population and antenatal evaluation of facial clefs. © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Cas clinique ∗

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A.-S. Peultier).

Il s’agit d’une femme de 23 ans d’origine Caucasienne, second geste, primipare, sans antécédent notable, chez

0368-2315/$ – see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2012.06.002

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A.-S. Peultier et al.

Figure 1 Échographie bidimensionnelle (a) et reconstruction tridimensionnelle du profil fœtal en mode surfacique à 16 SA (b), comparées à l’examen fœto-pathologique (c) : micro-rétrognatisme (*) ; fente faciale oro-oculaire droite, de type Tessier no 4 (**). Bidimensional ultrasound (a) and Three-dimensional surface-rendered oblique frontal view at 16 weeks’ gestation (b), compared with fetopathological evaluation (c), showing: retrognatism (*); right Tessier no. 4 facial cleft (**).

Figure 2 Coupe bidimensionnelle (a) et mode surfacique de la face à 16 SA (b) comparés à l’examen fœto-pathologique (c) : fente faciale oro-oculaire droite, de type Tessier no 4 (**) ; hypertélorisme ; suspicion de méningocèle frontale (♦). Bidimensional (a) and three-dimensional frontal view (b) compared with fetopathological evaluation (c) showing: right Tessier no. 4 facial cleft (**); hypertelorism; suspicion of frontal meningocele (♦).

Colobome facial et échographie 3D laquelle l’échographie de datation, confortée par un contrôle à 16 SA, a mis en évidence un colobome facial droit de type Tessier no 4, allant de la lèvre supérieure à l’orbite. La fente labio-maxillo-palatine était associée à un hypertélorisme et un micro-rétrognatisme. Le périmètre céphalique était au dixième percentile, avec un doute sur une méningocèle frontale. Aucune autre anomalie morphologique n’a été décelée. Un caryotype fœtal a été réalisé après amniocentèse montrant une formule chromosomique : 46 XX, sans anomalie chromosomique décelable. Après consultation de conseil génétique, le couple a demandé une interruption médicale de grossesse qui a été acceptée. Au terme de 18 SA, le fœtus mort-né pesait 157 g (25e percentile de poids). L’examen fœtopathologique a confirmé la dysmorphie faciale, avec « une fente labio-maxillo-palatine droite associée à une fente palatine gauche » non visualisée en anténatal. Un hypertélorisme et une voussure frontale droite probablement liée à une méningocèle ont également été notés, tout comme préalablement décrits lors de l’exploration échographique (Fig. 1 et 2).

Discussion Le colobome facial Tessier no 4 est une fente faciale oblique, précédemment décrite comme une « fente médiale orooculaire » (troisième groupe de la classification AACPR) ou « Morian II ». La forme la plus fréquente se caractérise par une atteinte des tissus mous de la lèvre supérieure à la paupière inférieure, en passant latéralement en dehors du sillon nasolabial et de l’aile du nez, jusqu’au tarse de la paupière inférieure. La distance oro-oculaire s’en trouve réduite et une microphtalmie peut s’y associer. Le sac et les canalicules lacrymaux sont souvent intègres, mais les hypoplasies ou aplasies du conduit lacrymo-nasal inférieur ne sont pas rares [1]. L’atteinte squelettique suit le même trajet oblique allant de la canine au plancher de l’orbite, en passant par le sinus maxillaire et le foramen infra-orbitaire. Il existe une communication entre la bouche, le sinus et l’orbite ; et le défect osseux au niveau maxillaire peut être tel qu’il se crée un prolapsus du contenu de l’orbite dans le sinus maxillaire. Il s’agit d’une malformation rare dont seulement 70 cas ont été rapportés dans le monde depuis la publication de la classification de Tessier en 1976 [1]. La physiopathologie est basée sur les mêmes théories et principes que ceux décrits pour les atteintes labiopalatines, à savoir un défaut de fusion ou un défaut de formation des différents processus du futur os maxillaire, vers la sixième semaine de gestation [2]. Son étiologie est incertaine et multifactorielle, avec probablement des interactions complexes entre des facteurs environnementaux et des gènes de prédisposition [3—5]. Le diagnostic échographique d’une fente faciale se fait habituellement lors de l’échographie de 22 SA. Il repose sur la mise en évidence d’une solution de continuité faciale sur une coupe frontale, qui est le plan d’étude de référence. Les taux de détection anténatale des fentes orofaciales en échographie bidimensionnelle (2D) varie beaucoup selon les auteurs, allant de 13 à 90 % [6]. Il existe peu de diagnostics

97 différentiels, surtout en cas de fente unilatérale et isolée. Cependant, l’échographie conventionnelle 2D trouve ses limites dans le diagnostic et la caractérisation des atteintes palatines du fait de l’ombre acoustique créée par le massif facial, de la position fœtale, des mouvements actifs fœtaux et de la langue fœtale, et de l’échogénicité du palais mou proche de celle de la base de la langue [3,6—8]. Aussi, bien qu’il n’y ait pas de supériorité de l’échographie tridimensionnelle (3D) par rapport à l’échographie 2D pour le dépistage des fentes dans une population à bas risque [9], les progrès de l’échographie 3D, voire 4D, assurent une plus grande sensibilité pour le dépistage des population à haut risque et une meilleure évaluation anténatale des colobomes faciaux [9]. La rotation du volume acquis permet d’obtenir une vue axiale du palais fœtal. Ainsi, les principaux repères anatomiques du palais primaire peuvent être étudiés, en réduisant le cône d’ombre postérieur lié aux os de la face et au processus incisif de l’os maxillaire [8,10]. L’analyse 3D de l’arcade dentaire dès 18 SA permet également d’évaluer au mieux l’extension et le pronostic des fentes orofaciales [7]. Par ailleurs, en cas de difficulté diagnostique, le scanner osseux à partir de 26 à 28 SA peut être une aide précieuse pour confirmer une atteinte du plancher de l’orbite. Enfin, la réparation chirurgicale de ce type de fentes est difficile et demande plusieurs interventions afin de restaurer la distance oro-oculaire et de corriger les défects osseux et des tissus mous. Dans la mesure où de potentiel de croissance du massif facial est altéré chez ces patients et qu’il est primordial de protéger la cornée, la chirurgie peut être proposée dans les premiers mois de vie [1].

Conclusion Cette malformation rare se traduit par une fente faciale oblique oropalpébrale, dont le pronostic fonctionnel et esthétique est très péjoratif. L’échographie conventionnelle bidimensionnelle trouve ses limites dans le dépistage des fentes palatines isolées et l’exploration des atteintes du palais mou. Et, bien qu’il n’y ait pas de supériorité de l’échographie 3D par rapport à l’échographie 2D pour le dépistage des fentes dans une population à bas risque, cette dernière montre une plus grande sensibilité pour le dépistage des population à haut risque et le bilan lésionnel anténatal des colobomes faciaux, et un intérêt certain dans la communication avec les parents et les partenaires de santé.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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