Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 29 (2010) 177–178
LE PETIT REPORTER
Compte rendu de la 16e journée du club d’anesthésie en ORL (Carorl)
Deux thèmes ont été retenus pour cette journée : sédation en ventilation spontanée, intérêt en anesthésie-ORL adulte et enfant, et analgésie périopératoire en ORL. La sédation en ventilation spontanée est fréquemment utilisée en ORL. Elle doit associer une narcose sans mémorisation diminuant la réactivité des voies aériennes supérieures à une analgésie suffisante pour tolérer l’endoscopie d’une zone réflexogène, sans dépression respiratoire majeure, tout en conservant une hémodynamique stable. Quel que soit le produit choisi, une bonne anesthésie locale glottique et laryngée est indispensable (dose maximale : 3 mg/kg chez l’enfant ; 6 mg/kg chez l’adulte). Le débat s’est ouvert avec une intervention de M. Laffon (Tours) qui a développé l’intérêt du propofol dans cette indication. Il provoque une amnésie antérograde à partir d’une dose de 0,7 mg/ml, diminue le tonus et la réactivité bronchique, mais cette action est tempérée par l’obligation du maintien de la ventilation spontanée. Son délai et sa durée d’action, son administration intraveineuse en font un anesthésique de choix, particulièrement en anesthésie intraveineuse à objectif de concentration (Aivoc). Une concentration-cible au site-effet de 3 à 4 mg/ml assurerait le maintien de la ventilation spontanée à l’induction, mais il faut tenir compte d’une potentialisation possible par un analgésique. K. Nouette-Gaulain (Bordeaux) a défendu le sévoflurane halogéné de cinétique rapide, il permet d’obtenir une sédation avec conservation de la ventilation spontanée, chez l’adulte comme chez l’enfant, avec une diminution progressive du volume courant qu’il est possible de neutraliser avec une aide inspiratoire. Ses seuls inconvénients sont le risque de disparition de la ventilation spontanée, potentialisé par l’adjonction de morphinique, et l’impossibilité d’administration pendant certains gestes chirurgicaux nécessitant parfois un relais intraveineux. V. Billard (Villejuif) a présenté le rémifentanil qui privilégie l’analgésie plutôt que la sédation. La dépression respiratoire qui en résulte est plus centrale qu’obstructive et peut être modulée par une utilisation en Aivoc. Toutefois, la concentration au site d’action est plus liée à la masse maigre qu’au poids. Celle 0750-7658/$ see front matter doi:10.1016/j.annfar.2009.12.025
autorisant le passage des fosses nasales serait de 2,4 ng/ml environ, mais la posologie doit être modulée lorsqu’il y a adjonction d’hypnotique et un monitorage adapté s’impose. En fait, il semble que le choix de l’un ou l’autre de ces trois produits ou de leur association dépende de l’indication chirurgicale et du patient. Lors d’une endoscopie avec geste sur les cordes vocales, une monothérapie est très souvent insuffisante, le geste étant douloureux et réflexogène. L’association propofol–rémifentanil semble la plus adaptée à cette indication, l’utilisation en Aivoc permettant une adaptation plus fine de la posologie. Le sévoflurane reste indiqué chez l’enfant ou le sujet pusillanime, le relais pouvant être assuré, si nécessaire pendant le geste, par du propofol, associé ou non à du rémifentanil. Lors d’une intubation difficile pour la réalisation de laquelle le maintien de la ventilation spontanée est impératif, le choix peut se porter sur le sévoflurane, mais si la composante douloureuse est importante, le rémifentanil sera parfois plus adapté et la ventilation spontanée mieux préservée, chez un patient coopérant répondant à la stimulation verbale et dont les voies aériennes auront, de plus, été insensibilisées par une bonne anesthésie locale. A. Chatellier et C. Grosclaude (Rennes) ont détaillé la prise en charge des malades sous morphiniques au long cours qui présentent une dépendance physique à l’égard de la morphine mais non psychique. Il n’existe pas de recommandations. La douleur postopératoire est de type inflammatoire, associant une composante nociceptive et une composante hyperalgésique primaire (siégeant au niveau de la lésion et résultant de phénomènes de sensibilisation périphérique) ou secondaire (siégeant en dehors de la zone inflammatoire et résultant d’une hyperexcitation centrale). La douleur chronique neuropathique postopératoire serait en partie liée à la lésion de nerfs périphériques, potentialisée par la prescription préopératoire de morphiniques. En pathologie ORL, les douleurs chroniques tardives sont liées à l’envahissement tumoral de tissus richement innervés (glossopharyngien, trijumeau), à la dysphagie, au traitement radio- ou curiethérapique, auxquels s’ajoute la souffrance psychologique. Le traitement préopératoire doit être poursuivi jusqu’au matin de l’intervention en utilisant les
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tables d’équivalence, le patch de Durogésic1 doit être retiré la veille. Les besoins morphiniques peropératoires seraient supérieurs d’au moins un tiers aux besoins normaux. Le débit de rémifentanil ne doit pas être supérieur à 0,25 mg/kg par minute, la kétamine permet de diminuer l’hyperalgésie, le protoxyde d’azote peut être utile. L’analgésie multimodale doit être prescrite une heure avant la fin de l’intervention, le néfopam préviendrait l’hyperalgésie induite par les morphiniques et l’infiltration péricicatricielle à la ropivacaïne 0,75 % est utile. Les opioïdes sont repris en postopératoire à demi-dose ou dose complète, l’utilisation d’un débit continu peut nécessiter une surveillance prolongée en salle de surveillance postinterventionnelle (SPPI). Pour X. Mazoit (Bicêtre), la vascularisation importante au niveau de la tête favorise l’absorption des anesthésiques locaux, en moins de dix minutes généralement. Un ralentissement par le mucus peut créer un second pic, parfois très tardif. Cette vascularisation importante entraîne une durée d’action très courte. En revanche, en anesthésie tumescente, le pic de concentration peut être très retardé (jusqu’à 18 heures), ce qui impose un dosage très précis du vasoconstricteur associé. Les blocs périnerveux donnent une excellente analgésie, l’injection accidentelle intra-artérielle risque d’induire une toxicité neurologique. L’adrénaline réduit le saignement dans l’espace de décollement, la lidocaïne à 1 % peut lui être ajoutée, cette association diminue le pic et permet l’injection d’une quantité supérieure et est équivalente à la mépivacaïne. Elle peut être
remplacée par la ropivacaïne ou la lévobupivacaïne pour les interventions de plus longue durée, mais le contrôle des doses injectées doit rester de la responsabilité de l’anesthésiste. A. Belbachir (Paris) a évalué les pratiques d’analgésie postopératoire en France d’après un audit effectué entre juin 2004 et juin 2006 sur 1900 patients répartis en 76 centres de cinq catégories différentes. Les antalgiques morphiniques (83 %) et non morphiniques (paracétamol : 98,3 %) sont largement utilisés, la kétamine (10 %) est prescrite en per- ou postopératoire, en revanche, les infiltrations, les blocs peropératoires et la péridurale sont peu proposés. Les patients sont satisfaits, bien qu’ils présentent nausées et vomissement dans huit cas sur dix. Les protocoles sont évalués dans les trois quarts des cas avec souvent une correction appropriée. L’information du patient encore essentiellement verbale, l’évaluation écrite de la douleur qui devrait être un critère de sortie de SSPI, l’utilisation de l’analgésie contrôlée par le patient et des associations analgésiques sont autant de points positifs. Les supports d’information, l’homogénéité des outils d’évaluation, l’utilisation de la locorégionale ou des protocoles de soins restent encore à améliorer. D. Boisson-Bertrand, Service d’anesthésie-réanimation, CHU de Nancy, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 57035 Nancy cedex, France Adresse e-mail :
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