Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 29 (2010) 746–747
LE PETIT REPORTER
Compte-rendu de la 24e réunion du Club d’anesthésieréanimation en ORL (Carorl)
La 24e réunion du Club d’anesthésie-réanimation en ORL (Carorl) a eu lieu à Toulouse, le 7 mai dernier. La première partie a regroupé des communications traitant des fentes labiopalatines et du syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) de l’enfant, la seconde était consacrée à l’anesthésie en chirurgie carcinologique ORL et maxillofaciale. J. Saboye (Toulouse) a rappelé l’évolution des bourgeons faciaux pour former le palais primaire, puis secondaire, expliquant les différentes formes cliniques. Il a décrit la technique chirurgicale de rotation avancement de Millard, pratiquée au Médipole de Toulouse, avant le premier mois de vie. La pose d’un conformateur narinaire de Koken en postopératoire permet la ventilation et une prise alimentaire normale. J.-J. Tournier (Toulouse), en deuxième partie d’exposé, a rappelé que le Code de santé publique préconise l’information et le consentement du patient. Le Plan maladies rares prévoit dès 2004 des centres de référence pour former, informer, faciliter le diagnostic, définir les protocoles, coordonner la recherche. Les centres de compétence sont, depuis 2007, désignés par un centre de référence. Il existe également des centres de proximité pour la chirurgie courante des enfants de plus de trois ans, des centres spécialisés qui les prennent en charge dès la naissance (salle de surveillance post interventionnelle [SSPI]) et des centres de recours traitant tous les enfants (CHU avec réanimation pédiatrique). Cette labellisation n’est pas coercitive, mais incitative. La qualification des praticiens est nécessaire car l’anesthésie pédiatrique occasionnelle est source d’accidents. La prise en charge anesthésique des fentes labiopalatines a été exposée par C. Dadure (Montpellier) qui a insisté sur la recherche des malformations associées lors de la consultation d’anesthésie, nécessitant parfois des explorations complémentaires et sur l’obligation d’obtenir le consentement des deux parents surtout s’ils sont séparés. L’induction est inhalatoire, l’intubation (sondes armées ou sondes préformées orales ou nasales [RAE]), parfois difficile, ne doit pas léser les tissus et peut être facilitée par l’utilisation d’un glottiscope, qui de plus évite l’appui sur le maxillaire supérieur. La ventilation est contrôlée. Les morphiniques sont recommandés en peropéra0750-7658/$ see front matter doi:10.1016/j.annfar.2010.07.009
toire, la nalbuphine ou la morphine et les anti-inflammatoires (dexaméthasone ou kétoprofène) en postopératoire. Les blocs infraorbitaire, associés à une infiltration palatine, ou maxillaire suprazygomatique contribuent à gérer la douleur postopératoire. F. Braun (Toulouse) a développé la physiopathologie et l’exploration du SAOS de l’enfant. Le débit respiratoire diminue jusqu’à l’apnée, qui se différencie de l’apnée centrale par les efforts inspiratoires. Une partie de l’oropharynx n’est pas rigide et il existe une pression critique sous laquelle la voie aérienne se collabe. Le ronflement isolé sans apnée ni perturbation gazométrique est banal, il est plus grave lorsqu’il est associé à une obésité, une somnolence, ou une hypertension mais un traitement précoce préviendra les complications. G. Orliaguet (Paris) a expliqué les risques périopératoires encourus par ces enfants. La consultation d’anesthésie doit rechercher les ronfleurs et les formes graves de SAOS avec retentissement cardiorespiratoire, une polysomnographie peut être nécessaire. L’intubation risque d’être difficile et tout doit être mis en œuvre pour lutter contre l’obstruction des voies aériennes : FiO2 à 100 %, positive end expiratory pressure (PEEP), luxation mandibulaire, surélévation du menton. . . Une continuous positive airway pressure (CPAP) ou ventilation non invasive (VNI), si elle est indiquée en préopératoire, doit être poursuivie en salle de surveillance postinterventionnelle où l’enfant restera surveillé 24 heures. La dexaméthazone est préférée aux opioïdes, qui, s’ils sont indispensables, doivent être titrés. Si l’intervention n’est pas urgente, le SAOS doit être traité : orthodontie, amaigrissement, amygdalectomie, décongestionnants, corticoïdes. L’approche philosophique des dysmorphies faciales de l’enfant, remarquablement traitée par le Pr A.-R. Chancholle (Toulouse), a permis de clore cette première partie. L’impact des thérapeutiques ciblées sur le déroulement de la période périopératoire a été détaillé par J.-P. Delord (Toulouse) et J. Muret (Villejuif) : 413 gènes existent sur les chromosomes (sauf Y), parmi eux 77 gènes de prédisposition. Quelle anomalie génétique sera inductrice de carcinogenèse ? La tolérance immunitaire favorise l’inflammation locale.
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L’angiogenèse est accélérée par un dysfonctionnement du microenvironnement. L’hypoxie crée une pression de sélection qui induit une instabilité génétique, d’où des modifications qui peuvent migrer dans d’autres tissus : agressivité tumorale. L’évolution des cancers s’améliore, les transformant en maladies chroniques et un traitement ciblé permet d’intervenir. J. Muret a détaillé certains de ces traitements. Les traitements antiangiogéniques s’adressent aux anticorps monoclonaux : anti-VEGE (Avastin) ou sont des inhibiteurs des tyrosineskinases (Nevastar, Sutenk) . Les traitements anti-EGFR, comme l’Erbitux (anticorps monoclonal chimérique : IgG1), bloquent les récepteurs du facteur de croissance épidermique, ils peuvent également inhiber sélectivement la tyrosine kinases du récepteur EGFR comme l’Iressa ou le Tarceva. Ces traitements ont de lourds effets secondaires : hypertension, protéinurie, troubles de la cicatrisation, hémorragies ou thromboses pour les anti-VEGE, sans possibilité de traitement préventif. Les antiEGFR provoquent rash acnéiforme et interactions médicamenteuses par l’intermédiaire du cytochrome P450. Augmentation des effets des anesthésiques volatils, diminution de ceux de la morphine, diminution de l’immunité. . . les interférences entre la chirurgie, l’anesthésie et la maladie cancéreuse sont multiples. Les rapports entre la nutrition et les cancers ORL et maxillofaciaux ont été confiés par S. Antoun (Villejuif) et C. Bachmann (Lyon). La dénutrition est sévère dans les cancers de la tête et du cou, due à la diminution des apports mais également aux séquelles de la chirurgie, de la radiochimiothérapie, à la sécrétion de substances lytiques, de médiateurs tumoraux. La morbi-mortalité qui en résulte s’ajoute aux complications des traitements spécifiques pour diminuer la qualité de vie. L’évaluation de la dénutrition doit être précoce, le taux de complications est multiplié par quatre quand la perte de poids est supérieure à 10 %. Si le risque de dénutrition est faible, un conseil diététique suffit, s’il est modéré on choisit une alimentation hypercalorique, si le risque est important, une alimentation entérale ou par gastrostomie endoscopique percutanée (GEP) est indiquée. Une réévaluation au bout
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d’une quinzaine de jours est nécessaire, la prise de complément nutritionnel devant se gérer comme une prise médicamenteuse. Le plan Cancer 2009–2016 insiste sur la prise en charge personnalisée du patient, en renforçant le rôle du médecin traitant, avec évaluation du risque de rechutes et de séquelles. M.-N. Falawee (Nice) a fait le point sur une étude évaluant la place de l’immunonutrition dans la prise en charge périopératoire des cancers des voies aérodigestives supérieures. Quelle est son efficacité versus l’alimentation standard ? À quel moment l’initialiser, en pré- ou périopératoire ? Quel est son retentissement sur la durée moyenne de séjour et sur les paramètres de la dénutrition ? Les erythropoïetine (EPO) ont-elles encore leur place dans le traitement de l’anémie en oncologie ? S. Vignot (Paris) a défini l’anémie (Hb < 12 g chez la femme, 13 g chez l’homme), rappelant qu’elle a une valeur pronostique. Les EPO sont indiquées en cours de chimiothérapie pour la corriger, mais le traitement ne doit pas dépasser quatre semaines. La décision doit être prudente en période curative et doit tenir compte du coût et du risque thromboembolique. P. Rouge (Toulouse) a énuméré les seuils transfusionnels périopératoires : Hb = 7 g/l pour le patient sans antécédent, 8 à 9 g/l en présence d’antécédents cardiovasculaires, 9 à 10 g/l s’il existe une intolérance aux seuils précédents, une insuffisance coronaire ou une insuffisance cardiaque décompensée. Il faut donc évaluer le patient (Hb préopératoire, poids, sexe), connaître les pertes sanguines corrélées à chaque intervention (Pi) et fixer le seuil inférieur d’hémoglobine toléré par le malade (Pt). Si les pertes sanguines sont supérieures aux pertes tolérées estimées, la transfusion est incontournable, si l’hémoglobine est inférieure à 10 à 12 g/l, les EPO peuvent avoir une indication, toujours en tenant compte de la comorbidité. D. Boisson-Bertrand, Service d’anesthésie-réanimation, CHU de Nancy, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, CO 60034, 54035 Nancy cedex, France Adresse e-mail :
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