2S20 Conclusion : Les conséquences d’une analgésie insuffisante chez le sujet âgé sont nombreuses : dysfonctions cognitives aiguës ou aggravation d’un état confusionnel préexistant, détresse psychologique, troubles du sommeil, syndrome dépressif mais aussi complications dues à une immobilisation (par exemple, postopératoire) : iléus, troubles de la coagulation, retentissement respiratoire, mais aussi hypertension artérielle, tachycardie ou troubles du rythme avec le risque de souffrance myocardique. Les conséquences d’une douleur aiguë dépassent par conséquent le « simple » inconfort du patient ; elles peuvent être délétères chez le patient âgé, mais aussi pour les institutions avec une augmentation de la durée de séjour en structure de soins. L’adaptation à chaque situation douloureuse et à chaque patient doit être une obsession constante de l’ensemble des acteurs de soins.
Douleurs, 2006, 7, hors-série 2 des actions tendant à éviter l’apparition, le développement ou la complication d’une maladie ou la survenue d’un accident. La prévention médicale envisage trois aspects : prévention primaire (transmission, infection...), prévention secondaire qui vise à détecter la maladie et éviter l’apparition des symptômes cliniques ou biologiques, enfin la prévention tertiaire qui a pour objectif de diminuer les récidives, les incapacités et de favoriser la réinsertion sociale. D’après cette définition, l’approche des facteurs prédictifs de chronicisation de la douleur du sujet âgé entre bien dans le cadre des actions de prévention tertiaire. Il s’agira en tous cas de lancer des pistes de réflexion car, jusqu’à présent, il n’existe pas de travaux dans ce domaine. Cependant, la douleur et particulièrement celle du sujet âgé fait partie des indicateurs de suivi de la politique de santé publique (loi du 9 août 2004) ; ce qui présage des enquêtes ou travaux futurs diligentés par la Direction Générale de la Santé.
RÉFÉRENCES 1. Guay DRP, Artz MB, Hanlon JT, Schmader K. The pharmacology of aging. In Brocklehurst’s textbook of geriatric medicine and gerontology. 6th edition. Raymond C Tallis, Howard M Fillit Eds. Churchill Livingstone Elsevier Science, London 2003, pp. 155-161. 2. Aubrun F, Monsel S, Langeron O, et al. Postoperative titration of intravenous morphine in the elderly patient. Anesthesiology 2002;96:17-23. 3. Wary B. Évaluation et prise en charge thérapeutique de la douleur chez les sujets âgés avec troubles de la communication. ANAES, 2000. 4. Aubrun F. Management of postoperative analgesia in elderly patients. Reg Anesth Pain Med. 2005;30:363-79. 5. Brady HR, Brenner BM, Clarkson MR, Lieberthal W. Acute renal failure in Brenner BM, ed. The Kidney. 6th ed. Brenner and Rector’s, 2000; pp. 1201-62. 6. Rouvière S, Lavallart B, Khezzari F, et al. Procédures d’utilisation du Kalinox pour les soins de gériatrie. Douleurs 2005;6:3S25.
CS12 FACTEURS PRÉDICTIFS DE CHRONICISATION DE LA DOULEUR CHEZ LA PERSONNE ÂGÉE
N. Memran Médecin anesthésiste-réanimateur, CHU de Nice, Hôpital Pasteur, Département d’Evaluation et de Traitement de la Douleur-Médecine Palliative, Nice. • « La douleur chronique ne peut pas être réduite à une douleur aiguë qui persiste... largement dissociée de sa composante lésionnelle la douleur chronique est devenue un syndrome••• ou les dimensions émotionnelles ou de renforcement psychosocial prennent une large place quand elles n’ont pas envahi toute la place. » [1] • L’IASP appelle, pour l’année 2007, un mouvement international de lutte contre la douleur des personnes âgées avec une mobilisation conjointe des professionnels de la santé, des institutions et de la politique de santé en général, en considérant que dans cette population la douleur est fréquente, sévère, handicapante et qu’elle est sous-évaluée et sous-traitée. • Réfléchir aux facteurs prédictifs de chronicisation de la douleur représente un autre domaine ; celui de la prévention, domaine complexe qui, selon l’OMS, regroupe l’ensemble
Quels sont les facteurs favorisant l’installation d’une douleur chronique chez la personne âgée ? C’est à partir de l’analyse des résultats des larges études dans des populations âgées [6, 7], des enquêtes sur les populations particulières comme celle des vétérans de la guerre du golfe (Ang DC 2006), ou du suivi de postopérés de chirurgie discale à l’étage lombaire [5], que nous pouvons présenter quelques éléments sur les critères prédictifs de chronicisation de la douleur du sujet âgé. – L’altération physique : les tares cardio-vasculaires (HTA), pulmonaire (bronchite), inflammatoire (arthrite), nutritionnelle (obésité ou dénutrition) sont des circonstances facilitatrices, de même que les atteintes neurologiques et les handicaps moteurs. – Dans l’étude longitudinale de Jacobs JM [6], l’âge, le sexe féminin, les difficultés économiques, la solitude, la dépression sont des facteurs qui augmentent la prévalence de chronicisation au-delà de 55 %. – La dépression [8] est un facteur prédictif responsable de complications diverses, dont la douleur et le handicap chez les personnes âgées. – Le sentiment de peur et l’évitement [11, 4], bien connus comme éléments favorisant la chronicisation, sont également pointés comme facteurs d’ancrage de la douleur du sujet âgé. Quels sont les facteurs de pérennisation de la douleur chronique du sujet âgé ? Nous abordons, en fait, les critères de mauvais pronostic de la douleur du sujet âgé. Les facteurs individuels : baisse d’activité physique et récréative, troubles du comportement et de la communication autour du phénomène subi de la douleur (refus de demande d’aide, de mobilisation, de relaxation, etc. [13] sont des critères négatifs rapportés à la douleur, mais qui sont eux-mêmes responsables de pérennisation de celle-ci.
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Douleurs, 2006, 7, hors-série 2 La douleur : les critères d’intensité et de durée sont facteurs de chronicisation. Von Korff [14] présente une conception novatrice de la douleur chronicisée avec des possibilités de prédictibilités en fonction de l’intensité, localisations multiples, nombres de jours d’incapacité, etc.). Le stress post-traumatique, les deuils [3] rapportés par de nombreux auteurs sont signalés ici comme facteurs de complication et de pérennisation de la douleur chronique. Les facteurs environnementaux : la famille, les aidants naturels [9]. L’approche de la douleur des personnes âgées doit être analysée dans la dynamique familiale : époux, enfants, aidants naturels sont susceptibles de développer des symptômes identiques tels que dépression, anxiété, stress et « burn out », tous facteurs de renforcement et de chronicisation de la douleur de ces patients. Les facteurs de chronicisation liés à une prise en charge désadaptée : l’évaluation systématique [15], la connaissance des procédures, protocoles, choix rationnels des médicaments, approche multidisciplinaire, y compris par évaluation gérontologique systématisée, sont les garants des bonnes pratiques. À défaut, les douleurs négligées peuvent effectivement devenir chroniques [10, 12].
7. Hartvingsen J, Frederiksen H, Christensen K. Physical and mental fonction and incident lowback pain in seniors: a population base two years prospective study of 1,387 Danish twins aged 70 to 100 years. SPINE 2006:31:1628-32.
Discussion et conclusion : Les facteurs prédictifs de chronicisation de la douleur chez la personne âgée ne semblent pas présenter de critères très différents par rapport aux sujets plus jeunes. Deux commentaires méritent cependant notre attention : – les règles de prédiction clinique sont complexes et difficiles à concevoir sur le plan méthodologique dans la douleur d’un individu, phénomène éminemment subjectif et personnel à variantes multiples ; – dans le cadre d’une pratique médicale cohérente adaptée au sujet âgé et dans une optique de prévention tertiaire, la recherche, par une évaluation systématique de tous les facteurs précités, permet une approche multidisciplinaire en accord avec les règles d’éthique et de qualité. L’établissement d’une grille listant les différents critères pourrait se concevoir. Son utilité en pratique routinière reste à démontrer !
ÂGÉE
8. Kivela SL, Pahkala K. Depressive disorder as a predictor of physical disability in old age. J Am Geriatr Soc 2001;49:290-6. 9. Leonard MT, Cano A. Pain affects spouses too: personnal experience with pain and catastrophizing as correlates of spouse distress. Pain 2006;20. 10. Lussier D. AGS guideline on persistent pain in older persons: lack of specific pharmacotherapeutic recommendation. J Am Geriatr Soc 2003;51:883-4. 11. Munoz Sastre MT, Albaret MC, Maria Raich Escusell R, Mullet E. Fear of pain associated with medical procedure and illnesses. Eur J Pain 2006;10:5766. 12. Pickering G. Pharmacology of pain in older persons. Psychol Neuropsychiatr Vieil 2006;4:95-102. 13. Truchon M, Cote D, Irachabal S. The chronic pain coping inventory confirmatory factors analysis of the French version. BMC Musculoskelet Disord 2006;14:7-13. 14. Von Korff M, Miglioretti DL. Pronostic approach to defining chronic pain. Pain 2005;117:304-313. 15. Wary B, Villard JF. Specificity of pain assessment in the aged. Psychol Neuropsychiatr Vieil 2006;4:171-8.
CS12B LES DOULEURS NEUROPATHIQUES CHEZ LA PERSONNE
RÉFÉRENCES 1. Allaz AF. In « Aspects psychologiques de la douleur chronique ». Institut UPSA de la Douleur 2003, pp. 7-14. 2. Ang DC, Peloso PM, Woolson RF, Kroenke K, Doeggling BN. Predictors of incident chronic widespread pain among veterans following the first gulf war. Clin J Pain 2006;22:554-63. 3. Benezech JP. La douleur chronique : une face cachée de la résilience. Sauramps, nov. 2005. 4. Cook AJ, Brawer PA, Vowless KE. The fear avoidance model of chronic pain: validation and age analysis using structural equation modeling. Pain 2006;121: 195-206. 5. Den Boer JJ, Oostendorp RA, Beems T, Munneke M, Evers AW. Continued disability and pain after lumbar disk surgery: the role of cognitive-behavioral factors. Pain 2006;123:45-52. 6. Jacobs JM, Hammerman-Rosenberg R, Cohen A, Stressman J. Chronic back pain among the elderly prevalence, associations and predictors. SPINE 2006; 31:E, 203-7.
G. Mick Cabinet de Neurologie, Voiron, France. Si il est classique de considérer que la prévalence des douleurs neuropathiques augmente avec l’âge, du fait d’une augmentation de la prévalence des affections neurologiques, on doit aujourd’hui considérer que seule l’incidence augmente avec l’avancement de la durée de vie, mais que la prévalence ne constitue plus une fraction majoritaire dans la population générale, du fait de la reconnaissance récente des affections neurologiques douloureuses chez les sujets jeunes, notamment traumatiques ou iatrogènes. Il n’a pas de spécificité clinique à la douleur neuropathique chez les sujets âgés, tel qu’en atteste la littérature, sachant par ailleurs que la sensibilité ne présente pas de modifications notoires avec l’âge d’après les études psychométriques (exploration quantifiée de la sensibilité) réalisées très récemment chez des sujets sains. C’est le contexte dans lequel se situe la douleur neuropathique qui rend, d’une certaine manière, spécifique l’évaluation et sa prise en charge chez le sujet âgé. L’évaluation, si elle ne diffère pas sur le plan somatique de celle réalisée dans les autres catégories d’âges, doit tenir compte des commodités, de l’autonomie, et des traitements concomitants. Le problème de la prise en charge est crucial : il suffit de mettre en place des règles de précautions rigoureuses afin de limiter le risque d’effets indésirables, propice aux déséquilibres d’une situation bien souvent rendue précaire tant sur le plan somatique que psychique par le syndrome douloureux ou la pathologie causale, ainsi que les pathologies éventuellement associées. Le traitement de la douleur neuropathique chez le sujet âgé doit être essentiellement