Dermatose aiguë neutrophilique (Syndrome de Sweet)

Dermatose aiguë neutrophilique (Syndrome de Sweet)

Formation médicale continue Fiche histologique Ann Dermatol Venereol 2007;134:502-4 Dermatose aiguë neutrophilique (Syndrome de Sweet) M.-D. VIGNON-...

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Formation médicale continue Fiche histologique

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Dermatose aiguë neutrophilique (Syndrome de Sweet) M.-D. VIGNON-PENNAMEN

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epuis sa description en 1964 par Robert Douglas Sweet, la dermatose aiguë neutrophilique est devenue le pivot central des dermatoses neutrophiliques, dermatoses cliniquement différentes mais toutes liées par un critère morphologique essentiel, faute de connaissances physiopathologiques : l’infiltration de la peau par des polynucléaires neutrophiles en l’absence de cause infectieuse. Si le diagnostic histologique du syndrome de Sweet est dans la plupart des cas facile, il peut aussi être beaucoup plus difficile lorsque les lésions cliniques sont atypiques, lorsque la biopsie est faite un peu trop tôt ou un peu trop tard ou lorsque la dermatose survient dans le contexte d’une hémopathie myéloïde.

Diagnostic positif FORME TYPIQUE Le derme est massivement infiltré par des polynucléaires neutrophiles normaux, intacts ou fragmentés (leucocytoclasie). L’infiltrat est organisé en une large bande occupant le derme superficiel, en nodules périvasculaires et périannexiels dans le derme profond (fig. 1). Un œdème d’importance variable sépare l’infiltrat de l’épiderme qui est normal (fig. 2). En général, il n’y a pas d’altération vasculaire. Néanmoins, il est possible de voir des vaisseaux remaniés par une nécrose fibrinoïde avec peut-être une plus grande fréquence lorsque les lésions siègent à la face dorsale des mains. Ces altérations vasculaires sont secondaires à l’intensité de l’infiltration neutrophilique et non pas primitives, et ceci est aujourd’hui unanimement admis. Un infiltrat mononucléé, minoritaire, fait de lymphocytes et d’histiocytes peut accompagner l’infiltrat neutrophilique.

Fig. 1. Syndrome de Sweet typique : infiltration massive du derme par des polynucléaires neutrophiles.

FORMES ATYPIQUES Atypies liées à la topographie de l’infiltrat Dans les formes bulleuses ou pustuleuses du syndrome de Sweet, les signes épidermiques sont au premier plan, preServices de Pathologie (Pr A. Janin) et de Dermatologie (Pr P. Morel), Hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude Vellefaux, 75010 Paris. Tirés à part : M.-D. Vignon-Pennamen, à l’adresse ci-dessus. E-mail : [email protected]

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Fig. 2. Infiltrat neutrophilique au sein d’un important œdème du derme superficiel.

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Fig. 4. Panniculite neutrophilique.

Fig. 3. Pustule intra-épidermique.

formes le plus souvent associées aux leucémies aiguës myéloïdes. Les formes nodulaires hypodermiques du syndrome de Sweet se caractérisent par une atteinte isolée de l’hypoderme. L’infiltration neutrophilique est septale ou plus souvent lobulaire, sans atteinte vasculaire, sans adiponécrose (fig. 4). Ces panniculites neutrophiliques peuvent témoigner d’un syndrome myélodysplasique associé au syndrome de Sweet. Atypies liées à la composition cytologique des infiltrats

Fig. 5. Co-infiltration de polynucléaires neutrophiles normaux et de formes immatures au cours d’un syndrome de Sweet associé à une myélodysplasie.

nant différents aspects. L’œdème dermique superficiel peut être majeur, responsable d’un décollement sous épidermique. L’infiltration de l’épiderme par les polynucléaires peut être à l’origine de pustules intra-épidermiques et sous-cornées (fig. 3). Parfois, le tropisme des neutrophiles pour l’épiderme est tel qu’il est responsable d’une ulcération. C’est ce que l’on voit dans les syndromes de Sweet bullo-nécrotiques,

Les lésions du syndrome de Sweet suivent, selon certains, un processus dynamique avec une phase précoce lymphocytaire, une phase d’état neutrophilique et une phase tardive histiocytaire. Dans la réalité, l’individualisation de ces trois stades du processus inflammatoire n’est pas aussi tranchée. Il est vrai que certains cas, par ailleurs authentifiés par leurs caractéristiques cliniques et biologiques, peuvent comporter des infiltrats mixtes où les neutrophiles restent majoritaires, ceci étant vraisemblablement le reflet d’un stade évolutif particulier. La forme « histiocytoïde » du syndrome de Sweet correspondrait à un stade très précoce où l’infiltration aiguë massive de neutrophiles serait associée à des formes jeunes, immatures, de polynucléaires neutrophiles, en l’absence de toute hémopathie myéloïde. Au cours des leucémies aiguës myéloïdes et des syndromes myélodysplasiques, il n’est pas exceptionnel de trouver une co-infiltration de neutrophiles et de cellules myéloïdes plus jeunes voire de myéloblastes (fig. 5). Enfin, lors des syndromes myélodysplasiques, le syndrome de Sweet peut être atypique par ses récurrences, par sa chronicité, et se caractériser pendant plusieurs années par une infiltration lymphocytaire prédominante avant que n’apparaissent les infiltrats neutrophiliques typiques. Dans ces formes, des cellules myéloïdes accompagnent les infiltrats lymphocytaires puis neutrophiliques. 503

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Diagnostic différentiel FORME TYPIQUE Quelques dermatoses se caractérisent par une infiltration dermique neutrophilique tout à fait comparable à celle du syndrome de Sweet et ce n’est que la confrontation anatomoclinique qui permet d’établir le bon diagnostic. La maladie de Behçet, les syndromes d’impasse digestive, la dermatite rhumatoïde neutrophilique, les dermatoses accompagnant les fièvres périodiques ne peuvent être diagnostiquées sur une seule image histologique. Lorsque l’infiltrat n’est pas exclusivement formé de neutrophiles, un érythème polymorphe, une toxidermie peuvent se discuter. L’absence de nécroses kératinocytaires et de polynucléaires éosinophiles indiqués par le pathologiste doivent permettre au clinicien de poser le diagnostic. FORMES ATYPIQUES Les formes superficielles bulleuses et pustuleuses du syndrome de Sweet posent rarement des difficultés diagnostiques avec les maladies bulleuses immunologiques. Une immunofluorescence directe, s’il est besoin, lève les incertitudes. Elles font aussi discuter un pyoderma gangrenosum bulleux super-

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ficiel. Mais il s’agit là d’une discussion nosologique. Le syndrome de Sweet et le pyoderma gangrenosum appartiennent en effet au groupe des dermatoses neutrophiliques et ne peuvent, dans certains cas, être cliniquement ou histologiquement différenciés. Plus difficile est de distinguer un syndrome de Sweet hypodermique d’un érythème noueux ou d’une panniculite neutrophilique infectieuse. L’aspect clinique, l’évolution de la dermatose vont permettre dans ces cas d’établir le bon diagnostic. L’identification de cellules myéloïdes jeunes au sein d’un infiltrat neutrophilique conduit à discuter une leucémie cutanée. Les leucémies myéloïdes qui sont caractérisées par une infiltration de cellules myéloïdes jeunes, peuvent, par des mécanismes aujourd’hui mal connus, comporter une différenciation et/ou une maturation dans la peau en cellules matures, en polynucléaires neutrophiles, rendant le diagnostic histologique d’interprétation difficile. Cette co-infiltration de polynucléaires neutrophiles et de cellules myéloïdes témoigne le plus souvent d’une hémopathie myéloïde associée au syndrome de Sweet ; la dermatose ne régressant que lors de l’introduction d’une corticothérapie générale et restant insensible à la chimiothérapie anti-leucémique. Elle peut être révélatrice et doit conduire à la réalisation d’un myélogramme.