Des noyaux et des graines ! Intoxication par noyaux d’abricots et graines de ricin

Des noyaux et des graines ! Intoxication par noyaux d’abricots et graines de ricin

56e Congrès STC 2018 182 [2] Baudoux TE, Pozdzik AA, Arlt VM, et al. Probenecid prevents acute tubular necrosis in a mouse model of aristolochic acid...

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56e Congrès STC 2018

182 [2] Baudoux TE, Pozdzik AA, Arlt VM, et al. Probenecid prevents acute tubular necrosis in a mouse model of aristolochic acid nephropathy. Kidney Int 2012;82:1105—13. [3] Jadot I, Colombaro V, Martin B, et al. Restored nitric oxide bioavailability reduces the severity of acute-to-chronic transition in a mouse model of aristolochic acid nephropathy. PLoS One 2017;12(8):e0183604. https://doi.org/10.1016/j.toxac.2018.07.061 P25

Réseaux moléculaires en toxicologie médico-légale: application à une suspicion d’intoxication à Tabernanthe iboga S. Allard 1,∗ , P. Allard 2 , F. Le Devehat 3 , I. Morel 1,4 , T. Gicquel 1,4 Laboratoire de toxicologie biologique et médicolégale, CHU de Rennes, Rennes, France 2 School of pharmaceutical sciences, university of Geneva, university of Lausanne, Switzerland 3 COrInt, CNRS 6226, institut des sciences chimiques de Rennes, université de Rennes 1, Rennes, France 4 Institut NuMeCan, U1241 Inserm - U1341 Inra, université de Rennes 1, Rennes, France ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Allard) 1

Objectif Nous appliquons à un cas d’intoxication fatale due à l’ingestion d’une poudre vendue comme Tabernanthe iboga, une approche analytique utilisée dans le domaine de la chimie des substances naturelles: la génération de réseaux moléculaires. L’objectif est ici de déterminer l’identité botanique de la plante en cause dans le décès de la patiente et d’explorer les relations structurales entre les métabolites retrouvés dans les fluides biologiques et ceux présents dans la poudre végétale. Méthode La poudre de plante et les prélèvements biologiques (sang périphérique et bile) ont été extraits et analysés selon une méthode de screening non ciblée par un couplage LC-MS/MS en ® haute résolution (Orbitrap, Q Exactive , Thermo Scientific) sur une colonne Gold PFP (150 × 2,1 mm, 3 ␮m). Après conversion, les données spectrales ont été pré-traitées avec le logiciel MZmine2 puis chargées sur le serveur GNPS (http://gnps.ucsd.edu) afin de générer le réseau moléculaire correspondant. Celui-ci permet d’organiser les spectres de fragmentation acquis en fonction de leur similarité spectrale et donc de grouper les analytes en fonction de leur similarité structurale. Les nœuds dont les spectres de masses sont semblables seront ainsi regroupés au sein de clusters. L’annotation des données MS est faite au niveau MS1 via une base de données bibliographiques (Dictionnary of Natural Products) et au niveau MS2 via une base de donnée spectrale fragmentée in silico restreinte aux Apocynaceae et via les bases de données spectrales expérimentales du serveur GNPS. Résultats 1) L’analyse visuelle du réseau moléculaire multimatrices (sang, bile, poudre à identifier et poudre de racines de T. iboga) révèle l’existence d’un cluster constitué de nœuds issus à la fois des liquides biologiques et des extraits de plantes, indiquant la présence de molécules structurellement proches au sein des 4 échantillons 2) L’annotation des nœuds montre que ce cluster est principalement constitué d’alcaloïdes de type indolomonoterpéniques caractéristiques de la famille des Apocynaceae. Plus spécifiquement deux nœuds annotés comme ibogaïne et ibogamine sont retrouvés dans la poudre de T. iboga mais sont absents des matrices biologiques et de la poudre non identifiée. Trois nœuds annotés comme ajmaline, réserpine et yohimbine sont eux partagés entre les matrices bile, sang et poudre non identifiée. La présence de ces trois alcaloïdes suggère que la poudre ingérée provient d’une plante du genre Rauwolfia sp. 3) Cette information est corroborée par l’analyse des méta-données des annotations spectrales de la poudre non identifiée qui indique une majorité d’occurrences rat-

tachée au genre Rauwolfia. 4) Par ailleurs l’observation du cluster montre plus de nœuds appartenant à la bile qu’au sang: ces molécules structurellement similaires sont de possibles métabolites des alcaloïdes du genre Rauwolfia. Conclusion L’approche par réseau moléculaire est parfaitement adaptée à l’analyse des données complexes obtenues lors de méthodes de screening non ciblées acquises en HRMS. De manière intéressante, cet outil de visualisation des données spectrales permet l’obtention d’informations clés avant même l’étape d’annotation. Enfin, l’utilisation de bases de données spectrales théoriques générées par fragmentation in silico, permet d’élargir les champs d’applications en toxicologie médico-légale notamment lorsque les composés recherchés sont absents des bases de données classiques. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. https://doi.org/10.1016/j.toxac.2018.07.062 P26

Des noyaux et des graines ! Intoxication par noyaux d’abricots et graines de ricin C. Tournoud 1,∗,2 , G. Labro 3 , E. Bayle 1,2 , J.-M. Sapori 4 , G. Hoisey 5 , G. Capellier 3 1 Centre antipoison et de toxicovigilance Est, CHU de Strasbourg, Strasbourg, France 2 CHU de Nancy, Nancy, France 3 Réanimation médicale, CHU de Besanc ¸on, Besanc¸on, France 4 Centre antipoison de Lyon, CHU de Lyon, Lyon, France 5 Toxlab, Paris, France ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Tournoud) Objectif Les intoxications volontaires par ingestion de plantes toxiques sont rares. Le choix des plantes ingérées est de plus en plus souvent guidé par la consultation de sites internet. Nous rapportons un cas d’intoxication mixte par amandes d’abricot et graines de ricin. Description du cas Une femme de 21 ans est hospitalisée suite à la prise volontaire de 20 amandes d’abricot et de 20 graines de ricin achetées sur internet. À l’admission deux heures après, elle présente des vomissements et des douleurs abdominales. Le bilan biologique met en évidence une acidose métabolique compensée (pH 7,45, PaCO2 3,22 kPa, Pa02 PaO2 13,6 kPa, bicarbonates 16 mmol/L, lactates 3,70 mmol/L), une insuffisance rénale aiguë modérée. La recherche de toxiques est négative en dehors d’une alcoolémie à 0,72 g/L. La patiente présente dans les 48 heures des douleurs abdominales, des diarrhées profuses non sanglantes, avec persistance d’une acidose, ainsi que des paresthésies des extrémités. Le traitement consiste en l’administration de charbon activé, le respect des diarrhées, une réhydratation, une alcalinisation pour compenser les pertes digestives. L’évolution est favorable. Les analyses toxicologiques (HPLC-MS/MS) réalisées à H26, mettent en évidence une concentration de ricinine de 102 ng/mL dans le sang, 414 ng/mL dans les urines. Résultats Des hétérosides cyanogènes sont présents dans de nombreux aliments dont les noyaux d’abricot (4000 mg/kg) [1]. Le principe actif essentiel est l’amygdaline, hydrolysée au niveau intestinal pour former du cyanure d’hydrogène. L’ingestion de plus de 20 amandes d’abricot chez l’adulte peut entraîner une intoxication cyanhydrique avec survenue rapide de céphalées, nausées, malaise, dyspnée, hypotension, acidose métabolique. Le traitement est symptomatique etantidotique ; l’hydroxocobalamine est l’antidote de choix. La dose létale du cyanure est de 0,5 à 3,5 mg/kg poids corporel. Les graines de Ricinus communis contiennent une glycoprotéine, la ricine (1 à 10 %) et un alcaloïde la ricinine. L’ingestion de 8 à 10 graines peut-être létale surtout si elles

Posters sont mâchées (ce qui augmente la biodisponibilité de la ricine). Une dose de 5 à 10 ␮g/kg peut-être létale. La ricine agit sur les ribosomes induisant un arrêt de la synthèse protéique au niveau cellulaire [2,3]. Cliniquement, aux troubles digestifs souvent marqués (vomissements, diarrhées profuses), peut s’associer une fièvre, une hypotension puis une défaillance multiviscérale. Dans notre cas, le tableau clinique était typique d’une intoxication à la ricine de faible gravité. La ricine étant difficile à doser dans les matrices biologiques, c’est la ricinine qui est utilisée comme marqueur d’exposition, bien que les concentrations soient mal corrélées à la gravité de l’intoxication. Conclusion Internet permet l’accès à un grand nombre d’informations sur les substances ou les plantes toxiques, et permet également l’achat de graines, commercialisées pour l’horticulture, mais pouvant être ingérées volontairement dans un contexte suicidaire. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Abraham K, Buhrke T, Lampen A. Bioavailability of cyanide after consumption of a single meal of foods containing high levels of cyanogenic glycosides: a crossover study in humans. Arch Toxicol 2016;90:559—74. [2] Acute health risks related to the presence of cyanogenic glycosides in raw apricot kernels products derived from raw apricot kernels. EFSA Journal 2016;14(4):4424. [3] Worbs S, Köhler K, et al. Ricinus communis intoxications in human and veterinary medicine. A summary of real cases. Toxins 2011;3:1332—72, http://dx.doi.org/10.3390/toxins3101332. https://doi.org/10.1016/j.toxac.2018.07.063

183 adressé aux urgences. À l’admission, son examen clinique était sans particularité hormis une dysarthrie, sa tension artérielle était à 144/87 mm Hg et son ECG était strictement normal. Le criblage toxicologique urinaire réalisé aux urgences à la recherche de substances psychoactives était négatif. Un prélèvement sanguin a été adressé au laboratoire de toxicologie du CHU de Garches où un dosage spécifique de DMT a été réalisé par chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem (LC-MS/MS) sur un TSQ ® Vantage . La limite de détection de la technique était de 1 ng/mL. En cohérence avec l’absence d’effets psychédéliques rapportés, ce dosage est revenu négatif. Résultats Il s’agissait d’une première tentative infructueuse pour cet apprenti chaman. Néanmoins, de nombreux « trip reports » en ligne rapportent la réussite de cette opération par des opérateurs plus expérimentés. L’écorce de racines de M. hostilis contient en effet environ 0,5 % de DMT. Par ingestion, la DMT nécessite la consommation préalable d’un IMAO pour prévenir la dégradation de la DMT par les mono-oxydases digestives. Par inhalation, l’association d’un IMAO à la DMT n’est pas nécessaire, ce qui permet d’éviter la survenue d’un syndrome sérotoninergique, décrit par certains utilisateurs. La synthèse de DMT « maison » présente donc de nombreux avantages : la bonne disponibilité des différentes espèces végétales contenant la DMT, l’absence de réglementation les concernant, et la possibilité d’usage par inhalation qui affranchit des effets toxiques des IMAO. En revanche, si l’équipement requis est simple, ce cas souligne également la nécessité d’une certaine expérience dans les techniques de laboratoire qui manque parfois aux utilisateurs novices. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. https://doi.org/10.1016/j.toxac.2018.07.064

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Analogues de l’ayahuasca : le chamanisme de synthèse J. Langrand 1,∗ , L. Dufayet 1 , A. Villa 1 , I.A. Larabi 2 , J.-C. Alvarez 2 1 Centre antipoison et de toxicovigilance, hôpital Fernand-Widal, Paris, France 2 Laboratoire de toxicologie, hôpital Raymond-Poincaré, Garches, France ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J. Langrand) Objectif L’ayahuasca est un breuvage psychédélique originaire du bassin amazonien et utilisé dans des rites chamaniques. Il consiste en l’ingestion successive de 2 décoctions végétales, l’une ayant un effet inhibiteur de la monoamine oxydase (IMAO), l’autre contenant de la diméthyltryptamine (DMT) responsable des effets hallucinogènes. Son utilisation en Europe est limitée par la réglementation qui l’interdit, et par le climat peu propice à la culture des espèces végétales utilisables. Afin de contourner ces difficultés, des « analogues de l’ayahuasca » existent, dont l’utilisation a été peu décrite. Nous rapportons le cas d’un homme de 42 ans ayant tenté de réaliser par ses propres moyens une extraction sélective de DMT à partir d’écorce de racines de Mimosa hostilis en poudre, achetée sur internet. Description du cas À l’aide d’une méthode d’extraction détaillée sur un site internet, elle-même issue d’une publication dans la revue « the Entheogen review », il a tenté cette extraction. La recette en 10 étapes nécessite de l’écorce de M. hostilis, de la soude, du vinaigre, un solvant naphta, de l’ammoniaque, un congélateur, un moulin et des filtres à café, et de la vaisselle de chimie. Après avoir suivi ces étapes, il a obtenu une pâte qu’il a laissée sécher, puis qu’il a fumée. Peu de temps après, il a ressenti une douleur thoracique, des nausées et des vertiges, une sensation de palpitation cardiaque, de tremblement généralisé, et une anxiété. Il n’a ressenti aucun effet hallucinogène. Il a alors appelé le centre antipoison qui l’a

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Effets de Momordica charantia sur la grossesse : à propos d’un cas M. Evrard ∗ , C. Moulut , J. Manel Centre antipoison et de toxicovigilance Est, Nancy — Strasbourg, France ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Evrard) Objectif Couramment consommé en salade à la Réunion, le concombre à verrues Gôya encore appelé concombre amer, margose ou Momordica charantia est une cucurbitacée dotée de propriétés médicinales voire toxiques. Ces propriétés sont évoquées à la lumière d’un cas avec effet ocytocique. Description du cas Une femme enceinte de 6 mois consomme environ 50 grammes de « margose », un légume ancien issu de la culture familiale sur l’île de la Réunion. Suite au repas, la patiente ressent une recrudescence des contractions utérines. Un monitorage des contractions et du rythme cardiaque fœtal est mis en place et poursuivi pendant 48 heures. Le rythme cardiaque restera normal et les effets ocytociques ne seront plus observés à partir de la 5e heure après consommation. Résultats Le concombre amer est utilisé en pharmacopée traditionnelle et ayurveda. De multiples propriétés médicinales sont attribuées à M. charantia : effet hypoglycémiant, antidiabétique, antihelminthique, antipaludéen, anti-VIH, anticancéreux (p. ex. colon, prostate). La plante est également utilisée en médecine traditionnelle pour ses propriétés abortives. Cette cucurbitacée est très répandue et connaît une grande biodiversité. Parmi les composants retrouvés dans le fruit, on trouve notamment les protéines suivantes : ␣-momorcharine, ␤-momorcharine, MCP30 ayant une activité antitumorale [1]. L’␣-momorcharine interfère sur l’implantation de l’œuf et le développement de la morula : chez la souris, 2 mg/25 g de poids du corps : avortement par formation de blastocystes anormaux diminuant les chances de viabilité