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www.sciencedirect.com IRBM 33 (2012) 277–280
Note technique
Développement d’un système de navigation guidé par l’image, pour la chirurgie de l’épaule : chirurgie augmentée de l’épaule Development of image-based navigation system for shoulder surgery: Shoulder augmented surgery J. Chaoui a,∗ , E. Stindel a,b , C. Hamitouche a a
Institut Mines-Télécom, Télécom Bretagne, LaTIM Inserm U1101, technopôle Brest-Iroise, CS 83818, 29238 Brest cedex 3, France b Service d’orthopédie-traumatologie, CHU de Brest, 2, avenue Foch, 29609 Brest cedex, France Rec¸u le 25 mai 2012 ; rec¸u sous la forme révisée le 9 aoˆut 2012 ; accepté le 27 aoˆut 2012 Disponible sur Internet le 22 octobre 2012
Résumé Cette étude s’intègre dans la problématique générale du traitement des lésions dégénératives ou traumatiques de l’épaule reposant sur la réalisation d’une arthroplastie (mise en place d’une prothèse). Le volume total des arthroplasties d’épaule réalisées chaque année progresse de plus de 15 % par an en raison d’une demande croissante des patients. Cependant, cette chirurgie est difficile et n’est pratiquée que par les centres experts. L’exposition difficile et l’accès limité aux structures à opérer sont les deux principales difficultés d’un geste opératoire dont l’impact sur la restitution de la fonction est directement lié à un positionnement prothétique optimal. Les méthodes d’optimisation du guidage du geste sont aujourd’hui très limitées, ce qui n’est plus acceptable. Les systèmes mécaniques d’aide à l’orientation des pièces prothétiques ne permettent pas d’assurer un positionnement des implants prenant en compte le capital osseux car ce dernier n’est pas visible. Seule l’appréciation préopératoire de ce dernier sur des images tomodensitométrique (scanner) permet d’assurer le guidage final du geste. Pour répondre à une demande forte et face aux limitations des solutions actuelles, nous proposons des approches très innovantes de traitement d’image qui permettent le développement de systèmes de navigation très simples d’utilisation, entièrement automatiques pour la chirurgie de l’épaule. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract This study concerns the general problem of the treatment of shoulder degenerative or traumatic lesions, based on total or partial joint replacement (shoulder arthroplasty). With baby boomers, increasingly complaining of shoulder pain, the number of shoulder arthroplasties increased by 15% each year. This surgical procedure is very difficult and limited to the expert centers. The two main challenges for this surgery are the minimal surgical incision and the limited access to the operated structures. Moreover, the success of such procedure is related to optimal prosthesis positioning. So far, the existing optimization and guiding systems are now very limited, which is no longer acceptable. Some mechanical systems may enhance the prosthetic components orientation but do not ensure an implant positioning taking into account the bone stock because it is not visible during the surgery. Only the preoperative evaluation on CT images could enhance the final gesture. To meet strong demand and meet the limitations of current solutions, we propose innovative approaches to build a navigation system easy to use and fully automatic for shoulder surgery. © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1. Introduction Aux États-Unis, on estime qu’approximativement un tiers de la population est en cours de traitement pour une affection d’origine ostéoarticulaire. L’impact de ces dernières sur la qualité de vie, l’aptitude au travail et l’économie est majeur. Arthrose
∗
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (J. Chaoui).
1959-0318/$ – see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.irbm.2012.08.001
et douleurs constituent en effet la première cause d’arrêt de travail chez les patients d’âge compris entre 16 et 72 ans et représentent la première cause de handicap chez les sujets de plus de 65 ans. Les chiffres européens sont superposables à ceux des États-Unis traduisant l’importance du phénomène. Dans ce contexte, les douleurs de l’épaule constituent l’une des causes les plus fréquentes de consultation auprès des rhumatologues, des chirurgiens orthopédistes et des rééducateurs. Les origines de ces douleurs sont nombreuses et les entités anatomiques responsables très variées incluant les structures
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musculaires, tendineuses ou ostéoarticulaires. Le traitement en est très souvent symptomatique. Cependant, les patients souffrant de lésions dégénératives, nécrotiques ou traumatiques sévères de l’articulation glénohumérale sont traités par la mise en place d’une prothèse d’épaule (arthroplastie). Il s’agit, pour ces patients, de la seule solution thérapeutique permettant de lutter contre l’enraidissement douloureux de l’épaule et le handicap qui s’installe systématiquement au cours de l’évolution de la maladie [1–5]. Au regard de l’impact médicoéconomique souligné cidessus, toute amélioration même minime de la technique chirurgicale permettant de faire gagner ne serait-ce qu’un pour cent de chirurgie de reprise ne peut être négligée. Notre projet a pour vocation de diminuer le taux d’échec en proposant une solution optimale et innovante de chirurgie guidée par l’image. 2. Matériels et méthodes 2.1. Segmentation autonome et reconnaissance automatique des structures osseuses de l’épaule L’objectif ici est d’obtenir la morphologie spécifique du patient en préopératoire et l’identification de toutes les structures osseuses de l’épaule. Notre approche repose sur une technique originale de reconnaissance des formes des structures osseuses de l’épaule dans les images TDM [6–9]. L’algorithme prend en compte les attributs topologiques et morphologiques des différentes parties osseuses de l’épaule avec un modèle acquis en utilisant des méthodes descriptives des contours. Cette méthode de reconnaissance de forme est robuste aux variabilités interindividuelles et aux variations pathologiques. Cet algorithme repose sur une segmentation initiale de qualité. Dans notre cas, cette dernière utilise des méthodes de morphologie mathématique et intègre des notions sur la signature des contours. Notre méthode présente la particularité d’être autonome, c’est-à-dire d’effectuer automatiquement la détection, puis la séparation des zones de fusion entre humérus et scapula (très fréquent dans les cas pathologiques). Cette capacité
d’autocorrection repose sur une approche originale basée sur les signatures signature-based. Ce procédé permettra au chirurgien de personnaliser la visualisation 3D selon son choix, d’ajuster les régions d’intérêt pour le recalage de fac¸on fine et précise et d’obtenir une extraction automatique du capital osseux de la glène. Ce dernier est l’élément fondamental nécessaire au chirurgien pour un bon positionnement de l’implant glénoïdien. Nos solutions prennent en compte la diversité des protocoles de scanner des patients (Fig. 1). 2.2. Mesure en 3D de la rétroversion et l’inclinaison de la glène L’idée majeure est de substituer aux méthodes classiques basées sur des radiographies 2D, une approche 3D afin de mesurer l’inclinaison et la version glénoïdienne utile en peropératoire. L’approche totalement innovante et robuste que nous proposons, permet d’extraire de fac¸on totalement automatique les paramètres morphologiques de la surface glénoïdienne en prenant comme référence la géométrie 3D globale de la Scapula. Ces deux derniers paramètres représentent une information cruciale pour le positionnement et l’orientation 3D de la prothèse, extrêmement utile au chirurgien, qu’il soit expert ou novice. 2.3. Recalage peropératoire 3D-3D de l’épaule avec un nuage de points En peropératoire, nous devons mettre en correspondance le modèle 3D du patient obtenu en préopératoire et un nuage de points palpés sur les structures réelles du patient. La technique de recalage que nous avons développée est basée sur une optimisation par algorithmes génétiques (AGs) [8,9]. Son but est d’optimiser le recalage entre le modèle 3D et le patient et de pouvoir augmenter la précision. Les méthodes existantes de recalage sont fréquemment mises en échec par la difficulté à trouver une bonne configuration initiale. Notre solution trouve son intérêt dans toutes ces situations. Il est en effet désormais possible d’automatiser le choix de cette configuration initiale en utilisant
Fig. 1. Résultats de la segmentation et la reconnaissance automatique des formes osseuses : scapula en bleu et l’humérus en rouge.
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Fig. 2. Comparaison des résultats du recalage entre notre nouvelle technique basée sur les algorithmes génétiques avec configuration initiale automatique (à gauche), et un recalage classique basé sur une minimisation Levenberg-Marquadt avec configuration initiale donnée par trois points palpés (à droite). Les couleurs non vertes indiquent les résidus supérieurs à 2 mm.
les résultats de la segmentation. Par ailleurs, si la configuration initiale est distante de la position finale, l’approche générative permet quand même d’obtenir une solution satisfaisante dans tous les cas testés. Nous disposons d’une base de 50 examens constitués par les CHU de Nice et Brest et sur lesquels nous avons pu tester nos différents algorithmes (Fig. 2).
Tableau 2 Le coefficient Kappa pour le processus de la reconnaissance globale.
3. Résultats
4. Discussion et conclusion
Nous détaillerons ici les résultats et la validation pour notre système de reconnaissance de formes. Nous avons traité une base de données de 12 patients sur une moyenne de 200 coupes par patient. Nous avons extrait les résultats avec l’avis d’un expert pour l’affectation de la bonne décision de la reconnaissance. Pour mesurer l’efficacité de la reconnaissance, à partir de la matrice de confusion nous avons appliqué les mesures de la spécificité, la sensibilité et l’exactitude de la reconnaissance pour chaque classe. Nous avons aussi calculé le facteur Kappa pour le taux global de reconnaissance (Tableau 1). Le Tableau 2 représente le facteur Kappa, qui montre le degré d’accord réel entre les classes prédites et les classes observées (vraies valeurs). Ce qui permet de « retirer » la portion du hasard ou de subjectivité de l’accord. Il est calculé à partir des deux facteurs Q1 et Q2 qui représentent respectivement le taux de bonne prévision et la concordance aléatoire.
Les résultats déjà acquis témoignent de la faisabilité de notre projet. Ils constituent les briques technologiques sur lesquelles s’appuiera notre prototype final. Leur maturation dans le cadre du projet ANR-Emergence-Tec SCAPTEC permettra de proposer la première solution de guidage du geste opératoire (pose de prothèse d’épaule) reposant sur une méthode robuste d’analyse d’image préopératoire autonome. L’intégration de notre technologie dans un système prototype industriel de navigation constitue notre premier objectif. Pour la première fois, nous avons réussi à séparer automatiquement l’humérus de la scapula y compris pour les cas où les images scanner présentent des zones significatives de fusion secondaires à l’arthrose. De plus, cette étape nous permet d’analyser morphologiquement la structure anatomique du patient, puis d’en extraire les paramètres et informations nécessaires à une mise en place optimisée d’une prothèse totale de l’épaule. Ces paramètres morphologiques sont des points primordiaux, mesurés aujourd’hui très approximativement sur les données brutes du scanner en 2D la plupart du temps. Cette imprécision est dommageable à la sécurité et l’efficacité du geste chirurgical. En réaliser la caractérisation automatique est un point essentiel assurant la reproductibilité de la mesure. Cela participe également à la simplification du processus chirurgical en rendant ce dernier simple, rapide, intuitif et convivial. Ces derniers points apparaissant, d’expérience, comme cruciaux dans l’appropriation de ces technologies par la communauté chirurgicale. La seconde perspective à moyen termes réside
Tableau 1 Les mesures calculées via la matrice de confusion (spécificité – sensibilité – exactitude) pour le système de reconnaissance de formes.
Humérus Scapula Fusion Rejeté
Sensibilité
Spécificité
Exactitude
0,97 0,95 0,94 0,96
0,99 0,98 0,98 0,97
0,99 0,98 0,99 0,97
Humérus Scapula Fusion Rejeté
Q1
Q2
Kappa
1727,50 654,91 13,64 2020,47
0,96
0,94
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dans l’intégration d’informations cinématiques dans le planning chirurgical. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Remerciement Les auteurs remercient l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour son soutien accordé au projet ANR-Emergence-Tec SCAPTEC. Références [1] Boileau P, Krishnan SG, Tinsi L, Walch G, Coste JS, Mole D. Tuberosity malposition and migration: reasons for poor outcomes after hemiarthroplasty for displaced fracture of the proximal humerus. J Shoulder Elbow Surg 2002;16:117–25.
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