Annales Médico Psychologiques 162 (2004) 700–701
Dictionnaire biographique de psychiatrie par des membres de la Société médico-psychologique Disponible sur internet le 23 août 2004
Le troisième homme : François-Achille Longet (1811–1871) François-Achille Longet (prénom usuel Achille), né en 1811 à Saint-Germain-en-Laye, était avec Jules Baillarger et Laurent Cerise le troisième homme du triumvirat fondateur des Annales Médico-Psychologiques (le quatrième mousquetaire étant Joseph Moreau de Tours). Rétrospectivement on les voit comme des ancêtres, mais à l’époque de la fondation des Annales ils étaient tous jeunes (Baillarger avait 28 ans, Longet 32, Cerise 38). Longet s’était déjà fait connaître par quelques publications : « Recherches sur les exhalations sanguines des méninges » (1835), c’était sa thèse ; « Mémoire sur la portion céphalique du nerf grand sympathique » (Journal des connaissances médico-chirurgicales, 1838) ; « Recherches expérimentales sur les propriétés des faisceaux de la moelle épinière et des racines des nerfs rachidiens, avec des observations pathologiques et un examen historique des expériences faites sur ces organes depuis Ch. Bell » (1841) ; « Recherches expérimentales sur les conditions nécessaires à l’entretien et à la manifestation de l’irritabilité musculaire avec application à la pathologie » (1841) ; « Recherches expérimentales sur les mouvements intrinsèques du poumon et sur une nouvelle cause d’emphysème pulmonaire » (comptes rendus de l’académie des Sciences, Paris, 1842, 55 & 500). Son ouvrage principal est presque contemporain de la fondation des Annales : « Autonomie et physiologie du système nerveux de l’homme et des animaux vertébrés » (Paris, 1842). Cet ouvrage très riche, bien documenté, comprend des descriptions anatomiques, l’étude des fonctions et des faits pathologiques, c’est-à-dire des observations encore très intéressantes à lire. Par exemple, dans une observation transmise par un élève de Velpeau, Longet entrevoit la moria : « Paris (Charles), âgé de 66 ans, coiffeur, entre à la Charité le 25 février 1843, pour une affection déjà ancienne des voies urinaires. Assez infatué de son esprit, il est moqueur, plaisant jusqu’à la licence et se livre à la masturbation avec cynisme » ; l’autopsie montre une tumeur squirrheuse du pôle frontal droit. Ailleurs, il indique qu’une lésion d’un des pédoncules cérébelleux fait tourner l’homme sur lui-même autour d’un axe longitudinal et dans un sens généralement opposé à la lésion (je cite ce cas pour en avoir vu un semblable attribué à l’hystérie). Il expose les différentes critiques du système de Gall ; par exemple, la localisation de l’instinct de reproduction dans le cervelet, il discute l’avis de Lapeyronie qui doi:10.1016/j.amp.2004.07.009
établissait le siège de l’âme dans le corps calleux. À la parution de ce livre, Longet était lauréat de l’Institut de France (académie des Sciences, section d’anatomie et de zoologie), professeur d’anatomie et de physiologie, chirurgien de la première succursale de la Maison royale de Saint-Denis, membre de la Société anatomique. Il connaissait bien l’œuvre de ses prédécesseurs et de ses contemporains : Barthez, Vic d’Azyr, Fodéré, qu’il appelle Fodera (la Maurienne a été italienne, fodera, en italien, signifie « doublure », curieusement Fodéré était « un enfant de remplacement »), Ollivier d’Angers, auteur d’un célèbre traité des maladies de la moelle, J.-L. Petit, Ch. Belle, Foville, dont le Traité complet de l’anatomie, de la physiologie et de la pathologie du système nerveux central paraîtra en 1844, Lélut, Leuret, Calmeil, Gerdy, Brown-Séquart… Il connaissait bien Baillarger, et c’est peut-être ainsi qu’il est arrivé aux Annales. En voici une preuve, tirée de son Anatomie et Physiologie… (T. 1, p. 606) : « M. Baillarger qui a bien voulu répéter ses préparations sous mes yeux a étudié, avec le plus grand soin, la substance grise ou corticale des circonvolutions cérébrales. Il a découvert dans cette substance six couches ainsi disposées (voy. Pl. IV). » Longet ajoute que le fait avait déjà été entrevu par Vicq d’Azyr. Dans le manifeste introductif au premier numéro des Annales, on annonce trois grandes rubriques : les généralités médico-psychologiques, l’anatomie et la physiologie, la pathologie. La rédaction de manifeste a, sans doute, été collective, mais pour la deuxième section, Longet a probablement défini les moyens (anatomie microscopique, anatomie physiologique et embryogénie comparées) et les orientations (« il s’agit moins de circonscrire un organe que d’en montrer les connexions fonctionnelles »). Dans ce premier numéro des Annales, c’est peut-être Longet qui a obtenu un mémoire de Claude Bernard, alors interne des hôpitaux et préparateur du cours de Magendie au Collège de France. De nombreuses publications paraissent dans les années suivantes : « Faits pouvant servir à déterminer le lieu d’origine et le mode d’entre-croisement des nerfs optiques » (Ann. Méd. Psychol., 1843) ; « Les mouvements de l’estomac dépendent-ils de la paire vague ou du grand sympathique ? » (Ann. Méd. Psychol., 1843, 71) ; « Documents et recherches sur quelques points douteux de l’anatomie et de la physiologie du nerf facial » (Ann. Méd. Psychol., 1843, 232) ; avec Matteucci, « Sur la relation qui existe entre le sens du courant électrique et les contractures musculaires dues à ce courant » (Ann. Méd. Psychol., 1844,
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2, 317), avec le même « Note sur l’hypothèse des courants électriques dans les nerfs » (ibid., 325) ; « Nouvelles expériences relatives à la soustraction du liquide céphalorachidien » (Ann. Méd. Psychol., 1845, II, 157) ; « Mémoire sur les troubles qui surviennent dans l’équilibration, la station et la locomotion des animaux après la section des parties molles de la nuque » (1845) ; « Nouvelles recherches relatives à l’action 1°) du suc gastrique sur les matières albuminoïdes, 2°) du fluide séminal sur les corps gras neutres » (1855) ; « Du sulfocyanure de potassium considéré comme un des éléments normaux de la salive » (1856). Son Traité de physiologie paraît d’abord en 1861, on en repère une troisième édition en 1868. On peut trouver à la BIUM de Paris une notice sur les travaux anatomiques et physiologiques de Longet en 1850, et une autre en 1856. Son décès est annoncé dans les Annales (1871, I, 472) : « Le Professeur Longet est mort subitement à Bordeaux le 24 avril 1871. Il était professeur de physiologie à la faculté de médecine de Paris, membre de l’académie des Sciences et de l’académie de Médecine, commandeur de la légion d’Honneur. Il avait été l’un des principaux collaborateurs des Annales Médico-Psychologiques de 1843 à 1847. » Après 1847, il a encore beaucoup travaillé, mais pas dans les Annales… Pourquoi Longet a-t-il plongé pour ne réapparaître que dans une brève notice nécrologique anonyme ? Aujourd’hui, il est ignoré par la plupart des médecins, sauf, peut-être, par ceux qui s’intéressent à la posturologie, dont il est considéré comme l’un des précurseurs depuis sa communication de 1845 sur le rôle de la proprioceptivité des muscles paravertébraux dans le maintien de l’équilibre.
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Que s’est-il passé en 1847 ; dans sa vie privée ? mais il a continué à produire ; dans le pays ? mais 1847 semble avoir été une année ordinaire avec ses scandales, ses affaires de corruption de certains dirigeants (affaire TesteCubières), une année banale, somme toute ; à la Société Médico-Psychologique ? ici, nous tenons peut-être un début d’explication. Il est alors question d’apporter des changements à la publication de la revue. On en trouve l’annonce dans les Annales (1848, 2, 437). Il y a forcément un délai entre une réforme annoncée et sa préparation qui était déjà probablement en cours en 1847. Dans la référence citée, on peut lire : « … nous devons reconnaître que les travaux sur l’anatomie et la physiologie du système nerveux, sur la science des rapports du physique et du moral n’ont été que très peu nombreux » et plus loin on peut lire que les mémoires sont souvent trop longs, d’intérêt inégal et que la rédaction envisage de « reproduire de longs extraits comprenant les parties les plus importantes ». Longet a pu prendre ombrage et du jugement et de la mesure envisagée. Le nom de Longet figurait avec ceux de Baillarger et Cerise sur la couverture et la page de garde. En 1849, on ne lit plus que ceux de Baillarger et de Cerise ; en 1850 apparaît Brière de Boismont. L’énigme de l’éclipse de Longet semble expliquée par une petite révolution de palais à l’étouffée, comme il y en a dans beaucoup de Sociétés. Il est mort en avril 1871 à Bordeaux où il avait peut-être suivi les administrations et les corps constitués fuyant devant l’envahisseur prussien. J. Biéder