Émergence de la technologie puces à ADN et conséquences à l’hôpital

Émergence de la technologie puces à ADN et conséquences à l’hôpital

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com ITBM-RBM 28 (2007) 269–271 Revue générale Émergence de la technologie puces à ADN et conséquences à l...

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ITBM-RBM 28 (2007) 269–271

Revue générale

Émergence de la technologie puces à ADN et conséquences à l’hôpital Emergency of DNA cheeps technology and its consequences at the hospital? J.-P. Lajonchère Groupement hospitalo-universitaire Est, Assistance publique–Hôpitaux de Paris, 3, avenue Victoria, 75184 Paris, France Rec¸u le 26 octobre 2007 ; accepté le 9 novembre 2007

Résumé L’introduction des puces à ADN dans l’univers de la biologie s’inscrit dans une démarche d’évaluation qui permettra de définir les contours d’utilisation et le positionnement de la technologie et ses conséquences en clinique. Une pression importante venant des médecins, des sociétés productrices et des patients pourrait naturellement pousser à introduire rapidement les puces en routine. Mais si les résultats et les apports potentiels sont bien validés pour des applications cliniques, telles que l’immunologie, la pharmacogénétique, l’infectiologie, la cytogénétique, la mise sur le marché nécessite encore des prérequis. Il s’agit de bien préciser le service médical rendu et de valider l’utilisation en biologie humaine. Cette technologie reste encore lourde à mettre en œuvre, son déploiement passe par la création de plateformes multidisciplinaires permettant de mutualiser les compétences et les investissements. Les débouchés en terme de ciblage de médicaments et de médecine prédictive vont induire une modification profonde des relations entre biologistes et cliniciens. Le volume des données et leur interprétation seront effectivement très importants et nécessiteront ce partage des connaissances. La biologie, grâce à la technologie émergente des puces à ADN, est donc à un nouveau tournant de son histoire qui sera effectif quand le coût des puces aura diminué et quand les travaux de ciblage de molécules auront progressé. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Introduction of DNA micro array chips in the field of biology has to be inscribed in a way of assessment that will allow to define the exact positionnement of the technology and its consequences in clinics. An important pressure coming from medical doctors, from companies and from patients could naturally lead to introduce fastly the chips in routine. But, if results and additional value are well valid for clinical applications as immunology, pharmacogenetic, infectiology and cytogenetic, the introduction on the market needs prerequired. Medical service has to be specified and it has to be validated in human biology. The technology remains difficult to be started, its dissemination needs creation of multidisciplinary platforms allowing mutualisation of know-hows and of invests. The outputs in term of targeting of drugs and of predictive medicine will induce a strong change in the relationship between biologists and clinical doctors. Volume of datas and their interpretation will be very important and will need to share knowings between specialists. Biology, thanks to emerging technology of DNA micro array is at a new turn of its history that will be effective when the cost of the chips will have been reduced and when targeting of molecules will have progressed. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Technologie ; Puces à ADN ; Émergence ; Évaluation ; Diffusion Keywords: Technology; DNA micro array; Evaluation; Dissemination

L’apparition et la mise au point de la technologie des puces à ADN induit naturellement une approche similaire à celle de toute introduction de technologie nouvelle sur le marché de la santé.

Adresse e-mail : [email protected]. 1297-9562/$ – see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rbmret.2007.11.001

Ainsi, au fur et à mesure que se poursuivent les évaluations et la définition du positionnement de la technique, se précisent ses impacts médicoéconomiques et ses conséquences sur les organisations. Ce sont ces conséquences sur le milieu hospitalier que nous allons tenter de décrire et de prévoir, en précisant les différentes phases qui conduiront cette technologie vers l’utilisation en rou-

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tine clinique à partir, notamment, des éléments fournis dans les articles de cette revue. 1. Émergence de la technologie La technique des puces à ADN est aujourd’hui relativement stabilisée. Mise au point dans les années 1990 [1], elle est maintenant utilisée en recherche et pour quelques applications en phase préclinique. Ainsi, cette technique a presque mis vingt ans à être utilisable, avant que puisse se poser la question de son utilisation à des fins diagnostiques. Cette situation n’est en rien atypique. Les mises au point des technologies sont de plus en plus ardues et les problèmes de reproductibilité et de sécurité nécessitent souvent bien du temps après la validation du concept. Ce détail entraîne les deux conséquences suivantes [2] : • l’optimisme naturel des fabricants et des médecins, qui anticipent l’introduction de la technologie, l’installent déjà dans le paysage alors même que la validation n’a pas été complètement menée ; • le temps et la complexité de la mise au point induisent une phase de recherche et développement coûteuse, que l’industriel doit supporter avant l’introduction sur le marché. Au moment de la validation, il y a donc une grande urgence réelle et ressentie à diffuser la technologie, tant de la part du corps médical, que de celle du fabricant. Tout cela sur fond de consumérisme médical, qui induit une demande des patients pour toute nouvelle technologie. Mais que l’on ne s’y trompe pas, une technique validée n’est pas toujours en état d’être mise sur le marché. Nos puces à ADN sont dans ce cas. Que nous reste-t-il donc à faire pour aboutir à une utilisation en routine de cette technologie ? 2. Enjeux et champ de l’évaluation et enjeux de diffusion La définition du champ de l’utilisation des puces ADN est en cours [1] et la puissance de cet outil diagnostic nous ouvre aujourd’hui les portes de la médecine prédictive. Et c’est là que les contours de l’évaluation de cette technologie sont considérablement élargis par rapport à ce qui est habituel. En effet, il ne s’agit plus seulement de réaliser une évaluation de positionnement par rapport à d’autres techniques, ou une évaluation coût/bénéfice, mais il y a lieu d’apprécier l’effet prédiction au cas par cas. L’éventail des possibles est considérable. Il en est de même pour le ciblage de médicament. L’aspect plus classique de l’évaluation, celui du positionnement de la technique par rapport à celles existantes, est bien sûr à mener. En effet, cette technologie entre pour partie en compétition avec la biologie moléculaire [3]. Il s’agit donc de définir quels sont les domaines où la substitution est totale, partielle, ou bien où des analyses complémentaires sont nécessaires. Cette évaluation est naturellement évolutive au cours du temps et de l’évolution des technologies.

Les puces à ADN se positionnent sur les domaines où des analyses en grand nombre sont indispensables. La rapidité d’exécution, la possibilité de réaliser des examens en quantité avec une méthode aussi simple que possible et le coût unitaire de chaque examen, constituent les clés de la dissémination de cette technologie. L’exemple du lymphome [4] est illustratif : la possibilité d’analyses en grande masse permet de progresser sur la compréhension des relations hôte–tumeur et doit permettre d’établir un index pronostic pour préciser les choix thérapeutiques bien plus finement qu’aujourd’hui. Mais pour aboutir à la diffusion, la définition et l’application d’indices pronostics génomiques guidant le choix thérapeutique sont encore indispensables. Il s’agit donc bien de poursuivre l’évaluation et d’accompagner le positionnement de la technologie afin de fixer les contours et les conditions de son utilisation. En matière infectieuse, là aussi, c’est la possibilité d’analyses nombreuses réalisées en temps court qui constitue la clé du développement de cette technique [5] avec des implications cliniques majeures. À ce jour, l’utilisation en recherche apporte déjà des informations permettant de mieux comprendre les mécanismes immunitaires et ouvrent les perspectives de développement de vaccins plus efficaces, par le bon ciblage d’antigènes spécifiques. Il reste cependant dans ce domaine à améliorer le contrôle de qualité et la reproductibilité des résultats avant diffusion. 3. Maîtrise et conditions de la diffusion La diffusion d’une technologie passe par des conditions strictes de mise sur le marché. Les puces à ADN, tests génétiques à visée humaine, nécessitent une démarche spécifique [6]. Celle-ci permettra de préciser les critères à remplir (sensibilité, reproductibilité. . .) pour ces dispositifs avant mise sur le marché. Autre préalable, la précision des conditions et de la hauteur du remboursement des tests. Pour cela, le service médical rendu devra être évalué par rapport aux autres technologies. Les résultats des évaluations serviront de support à ces travaux. Cette analyse est également évolutive. Les coûts de production des puces baisseront au fur et à mesure que leur diffusion augmentera. Dans tous ces travaux, les équipes de recherche hospitalouniversitaires seront tout particulièrement impliquées. Il leur appartient dès maintenant de se positionner, dans des conditions de partenariat clair auprès des entreprises fabricantes pour conduire ces évaluations avec le support de méthodologistes maîtrisant l’évaluation des technologies médicales. Lors de la mise sur le marché, faudra-t-il, ou non, limiter l’utilisation en routine de cette technologie à quelques équipes ou structures ? Cette question est en effet habituelle en matière de diffusion de technologie médicale complexe. Il est donc prévisible que seules des équipes ancrées sur la recherche seront à même de maîtriser la technique dans les premiers temps de sa diffusion. En effet, aujourd’hui, l’utilisation des puces à ADN nécessite encore une préparation d’amont lourde [1] (extraction et amplification d’ADN) et impose des systèmes de lecture également coûteux et techniquement compliqués.

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Ainsi, la démarche de l’institut fédératif des neurosciences de Rhône-Alpes [7] paraît constituer un potentiel de réussite propre à utiliser au mieux cette technique. Regrouper en une seule plateforme la préparation d’amont, plusieurs systèmes de puces, la lecture et l’interprétation permet de mutualiser les compétences de haut niveau nécessaires à la recherche et au développement. Bien sûr, cette structure a toutes les chances d’optimiser les investissements nécessaires pour accompagner cette technique évolutive. Elle est probablement l’une des mieux à même d’accueillir des projets d’évaluation sur une large échelle, indispensable à ce type d’étude. Elle est également la plus indiquée pour réaliser les travaux de mise au point de cibles pour élargir le domaine d’application des puces.

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Le sujet du positionnement du biologiste ne manquera probablement pas d’être posé. Il y aura intérêt–mais est-ce possible ?–à dépasser les clivages habituels pour apporter une réponse adaptée. La systématisation dans les spécialités concernées par la technologie de départements biocliniques paraît incontournable. Ne serait-ce que pour le dosage ciblé du médicament, il faudra réunir les cliniciens, les pharmaciens, les pharmacologues, les biologistes, ayant chacun une part de l’expertise, en n’oubliant pas les bio-informaticiens. Ces relations doivent dès maintenant être initiées sur les plateformes, afin d’en préciser les conditions et les difficultés éventuelles. Les habitudes sont bien plus dures à faire évoluer que les techniques et cette évolution doit reposer sur des expériences réussies.

4. Accompagnement et conséquences de l’introduction de l’innovation en routine

5. Conclusion

Projetons-nous dans quelques années : la technique aura encore été simplifiée, les domaines d’application auront encore été précisés, les coûts deviendront compatibles avec l’utilisation en grand nombre des analyses, le marquage CE aura été obtenu et des plateformes se trouveront installées dans chaque région. Il nous faudra alors tirer les conséquences de l’utilisation de cette nouvelle technique : éventuellement supprimer les technologies qu’elle aura remplacées, adapter les plateaux techniques en conséquence, y compris en effectifs et réviser la prescription des cliniciens. En effet, l’adaptation est toujours différentielle et il est souvent lent d’homogénéiser les pratiques. Le développement clinique de cette technologie va alors avoir deux conséquences :

Même si le chemin qui nous sépare d’une application en routine clinique de la technologie des puces à ADN est encore relativement long, nous avons aujourd’hui les preuves de la validation du concept et l’appréciation des domaines de son utilisation potentielle. Il nous faut prévoir les étapes à franchir pour aboutir à la diffusion large en pratique clinique quotidienne qui doivent se conduire avec une adaptation de nos organisations. Mais, compte tenu des implications et de la puissance potentielle de cette technologie, l’évolution sera probablement moindre sur les infrastructures que ses conséquences sur les pratiques. La médecine prédictive, rêvée par Jean Bernard et Jean Dausset, notamment [8], est au bout de ce chemin et l’approche médicale risque fort d’être révolutionnée.

• la meilleure compréhension des mécanismes biologiques et leurs conséquences cliniques ; • la meilleure articulation entre biologie et thérapeutique grâce à la pharmacogénétique. L’utilisation de ce nouvel outil diagnostic et–rappelonsnous–prédictif [1] va donc faire « bouger les lignes ». Les biologistes vont encore se rapprocher des cliniciens, renforc¸ant leur collaboration afin de préciser le pronostic, en examiner la portée, alliant presque systématiquement regard clinique et biologique. En effet, devant la quantité de données à interpréter, ce dialogue deviendra encore plus indispensable qu’aujourd’hui. Le biologiste et le clinicien devront d’ailleurs réfléchir ensemble aux applications éthiques d’un outil de prédiction d’une telle puissance.

Références [1] Delpech M. Prospective et applications médicales. ITBM-RBM 2007. [2] Fery-Lemonier E. Neuf éléments de succès pour une introduction efficace et raisonnée des innovations médicales dans le système de santé franc¸ais. FHF 2005. [3] Baron D. Puces à ADN. ITBM-RBM 2007. [4] Thieblemont C. Génomique des lymphomes malins non Hodgkiniens : un exemple de l’application de biopuces à la médecine. ITBM-RBM 2007. [5] Sakanian V. Puces à protéines et les perspectives des applications médicales. ITBM-RBM 2007. [6] Chevenne F. Les biopuces destinées au diagnostic médical in vitro : avant, pendant et après le marque CE. ITBM-RBM 2007. [7] Legras-Lachuer C. Plateforme de génomique au service de la recherche et de la clinique. ITBM-RTM 2007. [8] Bernard J. Espoirs et sagesse de la médecine. Paris: Odile Jacob; 1993.