Érosion vertébrale par rupture chronique d’un anévrysme de l’aorte abdominale sous-rénale

Érosion vertébrale par rupture chronique d’un anévrysme de l’aorte abdominale sous-rénale

Journal des Maladies Vasculaires (Paris) © Masson, 2006, 31, 3, 143-145 CAS CLINIQUES ÉROSION VERTÉBRALE PAR RUPTURE CHRONIQUE D’UN ANÉVRYSME DE L’A...

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Journal des Maladies Vasculaires (Paris) © Masson, 2006, 31, 3, 143-145

CAS CLINIQUES

ÉROSION VERTÉBRALE PAR RUPTURE CHRONIQUE D’UN ANÉVRYSME DE L’AORTE ABDOMINALE SOUS-RÉNALE J. PENARD, J. PICQUET, Y. JOUSSET, V. BLIN, X. PAPON, B. ENON Service de chirurgie cardiovasculaire et thoracique, 4 rue Larrey, CHU, 49033, Angers Cedex 01.

RÉSUMÉ :

ABSTRACT:

Érosion vertébrale par rupture chronique d’un anévrysme de l’aorte abdominale sous-rénale

Spinal destruction caused by chronic contained rupture of an infrarenal abdominal aortic aneurysm

L’érosion d’un corps vertébral lombaire causée par une rupture chronique contenue d’un anévrysme de l’aorte abdominale (AAA) sousrénale est un évènement rare. La rupture chronique contenue de l’aorte sous-rénale peut poser des difficultés diagnostiques. Sa présentation clinique peut être variée associant lombalgies, sciatalgies, masse expansive battante. La découverte en est parfois fortuite sur un examen radiologique. La tomodensitométrie (TDM) reste l’examen de référence pour le diagnostic. L’évolution après traitement chirurgical ou endovasculaire réalisé sans délai est comparable à celle des anévrysmes non rompus. Nous rapportons le cas d’un homme de 59 ans hospitalisé pour rupture septique d’une fistule cutanée d’un faux anévrysme du Scarpa gauche. La TDM préopératoire mettait en évidence un AAA sous-rénal de 6 cm de diamètre rompu de façon chronique érodant le corps vertébral de la troisième vertèbre lombaire. (J Mal Vasc 2006 ; 31 : 143-145)

The erosion of the lumbar vertebral bodies by a chronic contained rupture of an infra-renal abdominal aortic aneurysm is a rare event. Chronic contained rupture can cause diagnostic difficulties as there are many clinical presentations, such as: back pain, sciatic pain or an expansive abdominal mass. The diagnosis is sometimes made following an incidental finding on radiological examination. Currently a CT scan is the gold standard diagnostic tool. The outcome following urgent surgical or endovascular repair is equivalent to that of an elective aneurysm repair. We report a case of a 59 year old man admitted for septic rupture of a cutaneous fistula resulting from a false aneurysm in the left groin. Preoperative CT scan revealed a 6 cm abdominal aortic aneurysm, with chronic contained rupture. This had caused bone erosion of the vertebral body of the third lumbar vertebrae. (J Mal Vasc 2006 ; 31 : 143-145)

Mots-clés : Anévrysme de l’aorte abdominale. Rupture. Érosion vertébrale. Chirurgie.

Key-words: Abdominal aortic aneurysm. Chronic contained rupture. Spinal destruction. Surgery.

OBSERVATION

lombalgies évoluant depuis plusieurs semaines. Le patient était également connu porteur d’un anévrysme de l’aorte abdominale dépisté en échographie en 2004 et pour lequel il avait refusé toute prise en charge chirurgicale. Aucun bilan biologique n’avait été effectué et il n’existait pas de point d’appel clinique septique à l’époque. À l’admission, la tension artérielle était stable (135-80 mmHg) avec une tachycardie sinusale à 120/ min. Le patient était apyrétique. Il existait un syndrome inflammatoire biologique modéré (CRP : 42 mg/l) avec hyperleucocytose (Leucocytes : 11,54 G/l). Un examen tomodensitométrique pré-opératoire abdominopelvien confirmait la présence d’un AAA sous-rénal de 6 cm de diamètre rompu de façon chronique en postérieur dans le corps vertébral de L3, largement érodé sur son bord antérieur (fig. 1). Le traitement chirurgical consistait, en la mise à plat de l’anévrysme et greffe prothétique aorto-iliaque droite et fémorale gauche, l’exérèse de l’ancienne prothèse ilio-fémorale gauche. Un abord rétropéritonéal par lombotomie gauche était

Un patient de 59 ans, éthylo-tabagique non sevré, hypertendu, porteur d’une prothèse ilio-fémorale gauche implantée en 2000 pour une artériopathie oblitérante des membres inférieurs stade III de Leriche et Fontaine, était hospitalisé en urgence en septembre 2005 pour un faux anévrysme anastomotique fémoral gauche fistulisé à la peau. En 2000, l’artériographie montrait une occlusion de l’artère iliaque externe gauche, les index de pression systolique étaient de 0,56 à gauche et 0,71 à droite. L’interrogatoire retrouvait la notion de cruralgies droites et de

Reçu le 15 février 2006. Acceptation par le Comité de rédaction le 10 avril 2006. Tirés à part : J. PENARD, à l’adresse ci-dessus. E-mail : [email protected]

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J. PENARD

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réalisé. Après clampage aortique sous-rénal et ouverture de l’anévrysme, on constatait l’absence de paroi postérieure ainsi que du thrombus directement au contact de la spongieuse vertébrale du corps de L3. Le ligament vertébral antérieur était détruit et une large partie antérieure du corps vertébral avait été lysée (fig. 2). Une prothèse en Dacron bifurquée était mise en place. Les anastomoses étaient prothéto-aortique sous-rénale, prothéto-iliaque commune droite et prothéto-fémorale profonde gauche. Le jambage gauche était tunnélisé à travers le trou obturateur en raison de l’infection du Scarpa gauche. Les prélèvements opératoires au niveau de l’ancienne prothèse, du thrombus anévrysmal et des hémocultures retrouvaient un Proteus mirabilis. Les suites opératoires étaient marquées par une hospitalisation de 48 heures dans le service de réanimation. Au 8e jour post opératoire, une occlusion sur bride était traitée par laparotomie médiane. L’évolution était ensuite favorable. Un contrôle par écho-Doppler objectivait la perméabilité de la prothèse vasculaire. L’infection à Proteus mirabilis était traitée par une antibiothérapie intraveineuse associant vancomycine (2 g/jour) pendant 10 jours et gentamycine (160 mg/jour) pendant 7 jours. Cette bi-antibiothérapie était ensuite relayée per os par lévofloxacine (500 mg/jour) pendant 15 jours. Le patient quittait l’hôpital pour son domicile au bout d’un mois avec notamment un traitement anti-agrégant plaquettaire par clopidogrel (75 mg/jour).

DISCUSSION

nique. Il s’agit d’une symptomatologie inhabituelle faisant errer le diagnostic. Une douleur dorsale ou lombaire chronique est le plus souvent notée. Elle peut s’accompagner d’une irradiation dans un membre inférieur à type de sciatalgie ou de cruralgie lorsque l’hématome infiltre le muscle psoas. Le patient peut aussi présenter une masse abdominale pulsatile et douloureuse (2). La deuxième caractéristique clinique remarquable est la stabilité hémodynamique et l’absence de signes de choc qui définit un des critères diagnostiques de la rupture chronique contenue au contraire de la rupture aortique aiguë (5). Les autres critères cliniques sont : l’existence d’un AAA connu, un épisode de douleur abdominale ou lombaire ayant cédé, un taux d’hématocrite normal. L’examen paraclinique diagnostique de choix est la tomodensitométrie (5, 6). Les ruptures contenues sont caractérisées par une densité de type « tissu mou » bien différenciée par rapport à l’aorte, une discontinuité des calcifications circulaires aortiques avec défect postérieur, un muscle psoas masqué et l’absence de produit de contraste à l’intérieur de l’hématome (3). L’échoDoppler dans cette circonstance peut être mis à défaut (1). La TDM permet également de mettre en évidence l’érosion d’un corps vertébral qui peut comme dans notre observation compliquer ce type de rupture. Cette complication peut poser des problèmes de diagnostic

La rupture chronique contenue d’un anévrysme de l’aorte abdominale est un évènement peu commun. Depuis sa première description en 1961 par Szilagyi, 138 cas ont été rapportés dans la littérature (1-3). La survenue d’une rupture aortique chronique contenue varie entre 1,2 et 2,7 % (3, 4). La particularité de ces anévrysmes rompus contenus est leur mode de présentation cli-

FIG 2. – Radiographie standard du rachis lombaire de profil mettant FIG 1. – Angio-TDM abdominal mettant en évidence un anévrysme

de l’aorte abdominale rompu chronique avec érosion du corps vertébral de la troisième vertèbre lombaire. Abdominal CT scan demonstrating infrarenal abdominal aortic aneurysm with chronic contained rupture and remarkable destruction of the third lumbar vertebral body.

en évidence l’érosion du corps vertébral de L3 (flèches noires) avec recul significatif de son mur antérieur par rapport aux vertèbres sus- et sous-jacentes (flèches blanches). Standard spine X-ray demonstrating a significant erosion of the anterior wall of the third lumbar vertebral body (black arrows) compare to L2 and L4 (white arrows).

Tome 31, no 3, 2006

ÉROSION VERTÉBRALE ET ANÉVRYSME DE L’AORTE ABDOMINALE SOUS-RÉNALE

différentiel avec une lyse vertébrale due à un autre mécanisme (7, 8). À côté de cette présentation rhumatologique, il ne faut pas méconnaître les formes pseudoseptiques sur lesquelles insiste Szilagyi. Un authentique anévrysme infectieux peut également se compliquer de rupture chronique (9) et il n’était pas rare autrefois d’observer ce type d’érosion vertébrale en cas d’anévrysme syphilitique (2). Ces anévrysmes bien que contenus doivent être opérés en « semi-urgence ». Une évaluation clinique des patients et morphologique des anévrysmes doit malgré tout précéder l’intervention. La chirurgie ouverte restant à l’heure actuelle le traitement de référence permet alors d’obtenir une morbi-mortalité comparable à celle de la chirurgie des AAA conventionnelle réglée (2, 10). Le traitement endovasculaire dont la faisabilité technique est désormais démontrée pour le traitement des AAA rompus semble pouvoir également représenter une alternative thérapeutique intéressante (11-13). RÉFÉRENCES 1. SZILAGYI DE, SMITH RF, MACKSOOD AJ, WHITCOMB JG. Expanding and ruptured abdominal aortic aneurysms. Problems of diagnosis and treatment. Arch Surg, 1961 ; 83 : 395-408. 2. SRAIEB T, BEN AMEUR Y, BOUGAMRA S, LONGO S, BEN ROMDHANE N, MANAA J, et al. Chronic-contained ruptured aortic aneurysm: un unusual cause of back pain. Tunis Med, 2004 ; 82 : 1052-5. 3. ANDO M, IGARI T, YOKOYAMA H, SATOKAWA H. CT features of chronic contained rupture of an abdominal aortic aneurysm. Ann Thorac Cardiovasc Surg, 2003 ; 9 : 274-8.

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