Étude de la cicatrisation endothéliale en microscopie spéculaire après traumatisme par poils de chenille processionnaire : à propos d’un cas pédiatrique

Étude de la cicatrisation endothéliale en microscopie spéculaire après traumatisme par poils de chenille processionnaire : à propos d’un cas pédiatrique

Modele + JFO-937; No. of Pages 3 ARTICLE IN PRESS Journal français d’ophtalmologie (2014) xxx, xxx.e1—xxx.e3 Disponible en ligne sur ScienceDirect...

695KB Sizes 0 Downloads 6 Views

Modele + JFO-937; No. of Pages 3

ARTICLE IN PRESS

Journal français d’ophtalmologie (2014) xxx, xxx.e1—xxx.e3

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

LETTRE À L’ÉDITEUR Étude de la cicatrisation endothéliale en microscopie spéculaire après traumatisme par poils de chenille processionnaire : à propos d’un cas pédiatrique Specular microscopic analysis of endothelial wound healing after trauma from pine processionary caterpillar hairs: Pediatric case report Les chenilles processionnaires peuvent nuire à l’homme par le biais des poils urticariants qui la recouvrent. Ils ont la forme d’un harpon (200 micromètres) facilitant leur pénétration active au travers des structures oculaires. Thaumatopoea pityocampa, espèce la plus fréquente, propulse ses poils en cas d’agression ; mortes, le vent véhicule passivement ses poils détachés. Nous rapportons le premier cas pédiatrique de traumatisme endothélial causé par projection de poils de chenille entièrement monitoré par microscopie spéculaire sur 24 mois. Cas clinique En février 2007, une adolescente, 11 ans, sans antécédents, a consulté au CHU de Saint-Étienne pour un œil droit rouge et douloureux suite à la projection de corps étranger au cours d’une promenade en forêt. À l’examen, elle présentait un œdème palpébral, une hyperhémie conjonctivale diffuse, un chémosis et une acuité visuelle à 20/32. Une cinquantaine de corps étrangers linéaires étaient visibles dans toute l’épaisseur de la cornée de l’épithélium à la membrane de Descemet. Le diagnostic de projection de poils de chenille a été évoqué. Le reste de l’examen et l’œil adelphe étaient normaux. Une extraction des poils à l’aiguille 30 gauges sous anesthésie générale a été nécessaire : tous ont été enlevés sauf 2 poils profonds (situés au centre et en temporal inférieur) dont l’extraction paraissait dangereuse (risque d’effraction descemétique et/ou de taie cornéenne). Un traitement intensif par antibiocorticoïdes locaux a été initié. La patiente a été suivie pendant 2 ans avec un examen ophtalmologique et une microscopie spéculaire (TOPCON SP2000P, Tokyo, Japon) (Fig. 1A—E). À 1 mois, l’évolution clinique a été favorable avec récupération complète. La corticothérapie locale a été diminuée

puis stoppée à 5 mois. À 2 ans, un seul poil prédescemétique restait visible. Le comptage cellulaire était réalisé grâce au module Cell analysis (TOPCON) (Tableau 1). Initialement, la densité cellulaire endothéliale (DCE) centrale était 1088 cellules/mm2 (cell/mm2 ) avec un coefficient de variation (CV) à 24 % et un pourcentage d’hexagonalité (H %) abaissé à 52 %. L’examen n’était pas réalisable dans les autres localisations en raison de l’œdème. À M1, la DCE était abaissée en regard de la zone de localisation des poils résiduels (1382, 1842 et 1269 cell/mm2 respectivement en central, temporal et inférieur). À M24, le DCE avait augmenté avec 1867, 2054, 1837 cell/mm2 respectivement en central, temporal et inférieur. Les zones nasale et supérieure gardaient une DCE élevée à 2709 et 2836 cell/mm2 . Une augmentation du pléomorphisme et du polymégatisme a été observé pendant toute la durée du suivi (Fig. 1C et D). Du côté sain, les chiffres de DCE (2899 cell/mm2 ) et la morphométrie cellulaire (CV à 0,32 et H % à 75 %) étaient stables (Fig. 1E). Discussion Pour la première fois, la microscopie spéculaire nous a permis de suivre l’évolution de la cicatrisation endothéliale cornéenne chez l’enfant après un traumatisme mécanique et toxique. L’aspect du stroma et l’épithélium ayant déjà été explorés dans la littérature par microscopie confocale et tomographie par cohérence optique [1], nous avons choisi la microscopie spéculaire pour pouvoir explorer l’endothélium. À la phase aiguë, la baisse de la DCE de moitié par rapport au capital initial est expliquée par : • l’action mécanique du poil (Fig. 1F et G) ; • la Thaumétopoéine, toxine polypeptidique urticariante, libérée lors de la cassure du poil [2,3] ; • la libération d’enzymes lysosomiales provoquée par la nécrose [2]. Au cours de l’évolution, les DCE centrale, temporale et inférieure augmentaient en parallèle du polymégatisme/pléomorphisme témoignant d’un réarrangement endothélial avec migration et étirement des cellules saines vers les zones acellulaires [4]. L’existence de niches en périphérie cornéenne a été observée suggérant une lente migration centripète des CE jusqu’au centre tout au long de la vie [5]. Aucune figure de mitose n’a été décelée sur les clichés même les plus précoces. Même si ce phénomène n’était

http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2013.09.014 0181-5512/© 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.

Pour citer cet article : Campolmi N, et al. Étude de la cicatrisation endothéliale en microscopie spéculaire après traumatisme par poils de chenille processionnaire : à propos d’un cas pédiatrique. J Fr Ophtalmol (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2013.09.014

Modele +

ARTICLE IN PRESS

JFO-937; No. of Pages 3

xxx.e2

Lettre à l’éditeur

Figure 1. Biomicroscopie, microscopie spéculaire et microscopie électronique à balayage (MEB). A. Aspect à j1 : œdème cornéen central et inféro-temporal. Poils intracornéens visibles. B. Aspect à M24 : un poil visible en prédescemétique. C. Spéculaire central à M1 (DCE : 1382 cell/mm2 , CV : 0,33, H : 60 %). D. Spéculaire central à M24 (DCE : 1867 cell/mm2 , CV : 0,30, H : 61 %). E. Spéculaire de l’œil sain (DCE : 2899 cell/mm2 , CV : 0,32, H : 75 %). F et G. Poil de chenille en MEB. Grossissement ×1000 (F), ×3500 (G). Centre de microscopie électronique, laboratoire « Biologie, ingénierie et imagerie de la greffe de cornée » EA2521, faculté de médecine de Saint-Étienne.

Tableau 1

Analyse endothéliale de l’œil droit sur 24 mois. Initial

M1

DCE en cellules/mm2 (n) Centre Nasal Temporal Supérieur Inférieur

1088 (64) Nc Nc Nc Nc

1382 2807 1842 2572 1269

Coefficient de variabilité (%) Centre Nasal Temporal Supérieur Inférieur

24 Nc Nc Nc Nc

33 25 28 35 28

M4 (82) (137) (96) (99) (68)

1423 2715 2295 2645 1509 28 35 33 41 26

M7 (77) (85) (85) (105) (65)

1506 2748 2103 2376 1291 32 33 29 40 33

M9 (92) (163) (101) (104) (39)

1376 2371 2419 2715 1541 23 41 34 42 27

M12 (72) (66) (108) (103) (72)

1614 2711 2265 2662 1724 30 32 37 41 37

M24 (85) (143) (106) (156) (55)

1867 2709 2054 2836 1837

(98) (156) (108) (139) (104)

30 31 35 33 40

Pour citer cet article : Campolmi N, et al. Étude de la cicatrisation endothéliale en microscopie spéculaire après traumatisme par poils de chenille processionnaire : à propos d’un cas pédiatrique. J Fr Ophtalmol (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2013.09.014

Modele +

ARTICLE IN PRESS

JFO-937; No. of Pages 3

Lettre à l’éditeur

xxx.e3

Tableau 1 (Suite)

Hexagonalité (%) Centre Nasal Temporal Supérieur Inférieur

Initial

M1

M4

M7

M9

M12

M24

52 Nc Nc Nc Nc

60 76 63 67 69

63 61 61 77 55

48 33 72 42 76

75 54 52 47 68

55 78 42 60 75

61 74 55 65 55

Nc : donnée non connue ; DCE : densité cellulaire endothéliale ; n : nombre de cellules comptées dans l’échantillonnage.

pas attendu puisqu’il est admis que l’endothélium cornéen humain perd ses capacités prolifératives avant la naissance, il a été décrit par Laing et al. [6] des images compatibles avec des mitoses en microscopie spéculaire survenant dans des circonstances exceptionnelles (rejet de greffe). Ces anomalies endothéliales quantitatives et morphologiques ne peuvent être liées à une maladie sous-jacente compte tenu de la normalité de l’œil adelphe et l’absence d’antécédents. Cette observation vient compléter la liste des affections ophtalmologiques décrites dans la littérature [7—9]. L’amélioration de la DCE à M1 était un argument contre l’ablation des poils résiduels qui aurait été plus délétère que bénéfique. Une surveillance au long cours par microscopie spéculaire devrait être systématique devant tout traumatisme par poils de chenille [10]. Une baisse de DCE pourrait témoigner d’une récurrence et faire réintroduire un traitement.

[5] He Z, Campolmi N, Gain P, Ha Thi BM, Dumollard JM, Duband S, et al. Revisited microanatomy of the corneal endothelial periphery: new evidence for continuous centripetal migration of endothelial cells in humans. Stem Cells 2012;30: 2523—34. [6] Laing RA, Neubauer L, Oak SS, Kayne HL, Leibowitz HM. Evidence for mitosis in the adult corneal endothelium. Ophthalmology 1984;91:1129—34. [7] El Matri L, Charfi O, Zeghal M, Triki F. Corneal lesions caused by caterpillar hairs: four case studies. J Fr Ophtalmol 2002;25:182—4. [8] Horng CT, Chou PI, Liang JB. Caterpillar setae in the deep cornea and anterior chamber. Am J Ophthalmol 2000;129:384—5. [9] Cadera W, Pachtman MA, Fountain JA, Ellis FD, Wilson FM 2nd. Ocular lesions caused by caterpillar hairs (ophthalmia nodosa). Can J Ophthalmol 1984;19:40—4. [10] Kolb H, Brandt HP. The treatment of caterpillar uveitis. Klin Monatsbl Augenheilkd 1970;157:698—700.

N. Campolmi a,∗,d , A.-S. Gauthier d , E. Cinotti b , F. Forest c , G. Thuret a,d , P. Gain a,d

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt en relation avec cet article. Références [1] Fournier I, Saleh M, Beynat J, Creuzot-Garcher C, Bourcier T, Speeg-Schatz C. Cornea imagery and keratitis caused by processionary caterpillar hairs. J Fr Ophtalmol 2011;34:164—7. [2] D’Hermies F, Parent de Curzon H, Mathieu L, Furia M, Campinchi R. Chorioretinopathy caused by migration of caterpillar hairs. Apropos of 2 cases. J Fr Ophtalmol 1985;8:471—8. [3] Lamy M, Pastureaud MH, Ducombs G. Thaumetopoein, an urticating protein of the processionary hairs of the caterpillar (thaumetopoea pityocampa schiff) (lepidoptera, thaumetopoeidae). C R Acad Sci III 1985;301:173—6. [4] Nuyts RM, Boot N, van Best JA, Edelhauser HF, Breebaart AC. Long term changes in human corneal endothelium following toxic endothelial cell destruction: a specular microscopic and fluorophotometric study. Br J Ophthalmol 1996;80:15—20.

a

Service d’ophthalmologie (hôpital Nord), CHU de Saint-Étienne, avenue Albert-Raimond, 42055 Saint-Étienne cedex 2, France b Service de dermatologie, CHU de Saint-Étienne, avenue Albert-Raimond, 42055 Saint-Étienne cedex 2, France c Service d’anatomopathologie, CHU de Saint-Étienne, avenue Albert-Raimond, 42055 Saint-Étienne cedex 2, France d EA 2521, laboratoire « Biologie, imagerie et ingénierie de la greffe de cornée », faculté de médecine de Saint-Étienne, 15, rue Ambroise-Paré, 42023 Saint-Étienne cedex 2, France ∗ Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (N. Campolmi)

Pour citer cet article : Campolmi N, et al. Étude de la cicatrisation endothéliale en microscopie spéculaire après traumatisme par poils de chenille processionnaire : à propos d’un cas pédiatrique. J Fr Ophtalmol (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2013.09.014