Évaluation du métabolisme énergétique de la boxe anglaise de haut niveau de performance

Évaluation du métabolisme énergétique de la boxe anglaise de haut niveau de performance

Science & Sports (1995) 10, 159-162 © Elsevier, Pads Note br/~ve Evaluation du m6tabolisme 6nerg6tique de la boxe anglaise de haut niveau de perfor...

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Science & Sports (1995) 10, 159-162

© Elsevier, Pads

Note br/~ve

Evaluation du m6tabolisme 6nerg6tique de la boxe anglaise de haut niveau de performance JM Vallier, J Brisswalter, C Hanon lnstitut national du sport et de l'dducatian physique, 11, avenue du Tremblay, 75012 Paris, France

La boxe anglaise est un sport technique occasionnant une dEpense EnergEtique importante (Dal Monte et Menchinelli, 1986 ; Victorov et al, 1976). L'entra/neur doit intEgrer les deux composantes, technique et Energttique, dans la preparation des boxeurs. L'entra/nement technique se fait lors de sEances sptcifiques de type <>ou combat. L'entra/nement physique se fait soit sous forme de course ~t pied ou de <~saut h la corde >~,soit lors de sEances plus sptcifiques comme la ~ frappe au sac ~>. Ces sEances d'entra/nement font partie de l a , culture pugilistique ~ et ont EtE peu modifiEes ces derni~res annEes. Aussi, pour dEfinir la programmation de l'entra~nement, est-il important de conna/tre la nature des sollicitations du mEtabolisme Energttique lors de ces sEances. Or peu d'Etudes dans le domaine de la boxe anglaise ont EtE rEalisEes. Ces Etudes ont utilisE la frEquence cardiaque. Victorov et a l (1976) ont utilisE la fr6quence cardiaque pour Evaluer quantitativement l'intensitE des charges d'entra/nement. Dal Monte et Menchinelli (1986) ont 6tudiE l'Evolution de la frEquence cardiaque au cours de combats amateurs de boxe anglaise. Leur conclusion est que les combats sollicitent alternativement les mEtabolismes atrobie et anaErobie. Le fait que ces Etudes utilisent uniquement la frEquence cardiaque ne permet pas de determiner avec precision la fili~re EnergEtique dominante pour chaque exercice. C'est pour cette raison que nous avons essay6 de mettre en relation dans cette Etude la lactatEmie et la frEquence cardiaque mesurtes sur le terrain et les mSmes param~tres mesurEs en laboratoire pour Etudier le mEtabolisme EnergEtique sollicitE lors des sEances d'entrMnement chez des boxeurs de haut niveau.

MATI~RIELS E T M I ~ T H O D E S

Les sujets I1 s'agit de 16 boxeurs amateurs fran~ais de niveau national ou international qui s'entrMnent deux fois par jour. Leur ,~ge est de 20,7 + 1,9 ans, leur taille est de 176 + 9 cm, leur poids estde 68,4 + 10,0 kg.

l~valuation en laboratoire Une 6preuve d'effort de d6termination de la consommation maximale d'oxyg~ne (VO2 max) a 6t6 rtaliste au laboratoire d'exploration fonctionnelle de I'Insep selon la mtthode dtcrite par Joussellin et Legros (1990). Le sujet court sur un tapis roulant avec une pente de 3%. L'effort est discontinu, chaque palier d'effort de 4 minutes est entrecoup6 d'un repos d'une minute. La vitesse de depart est de 8 km.ht, l'incrtmentation de la vitesse est de 2 km.h4 ~ chaque palier. La vitesse du tapis est vtrifite de fa~on continue pendant le test par une cellule phototlectrique. Les gaz expires sont recueillis pendant les 2 demi~res minutes de chaque palier par un analyseur en circuit ouvert de type CPX Medicalgraphics. La fr&luence cardiaque est enregistrte en continu sur un scope. Un prtl~vement sanguin est effectu6 au lobe de l'oreille entre chaque palier pour mesurer la lactattmie par microdosage sur Microzym-L (SGI). La zone de transition atro-anatmbie est estimte pour une lactattmie de 4 mmol.ll (Mader et al, 1976). Le test est arrSt6 lorsque VO2 atteint un plateau ou bien iorsque la frtquence cardiaque est proche de la fr&luence cardiaque maximale thtorique avec un quotient respiratoire suptrieur ~ 1,1 (Vandewalle et Friemel, 1989).

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l~valuation des s~ances d'entrainement et du combat Sur le terrain, les param~tres mesurts sont la frtquence cardiaque et la lactat~mie. La frtquence cardiaque est enregistrte de fa~on continue par un Baumann BHL 6000. Pour chaque strie ou chaque reprise, la frtquence cardiaque est exprimte sous la forme d'un pourcentage de la frtquence eardiaque maximale mesurte lors du test d'effort en laboratoire (Karvonen et Vuorimaa, 1988). Un prtl~vement sanguin effeetu6 au lobe de l'oreille au repos et ~ la fin de chaque strie ou reprise permet de mesurer la lactattmie. Les stances d'entra~nement sont de deux types : <>et <>.Elles sont effectutes suivant le m~me schtma de trois stries de 3 minutes entrecouptes d'une minute de rtcuptration. L' intensit6 de l'exerciee qui doit ~tre fait ~ vitesse gestuelle maximale est contrtlte verbalement par I'entra~neur. Des combats ont 6t6 organis~s entre les boxeurs de l'lnsep et ceux de l'tcole interarmte des sports. Ces combats ont 6t6 rtalists en trois reprises de 3 minutes entrecouptes d'une minute de rtcuptration, leur intensit6 a 6t6 comparable ~tune comp&ition car il existait une rivalit6 entre ces combattants de niveau national.

Analyse statistique La moyenne et l'tcart type de chaque param~tre ont 6t6 calculus. L'tvolution des param~tres physiologiques iors des stries d'une mSme stance ainsi que la comparaison des difftrents types d'exercice sont analystes h partir d'une 6tude de variance ~ deux facteurs (effet du type d'exercice, effet de rtpttition des mesures). Le seuil de signification est fix6 p < 0,05. Enfin, le test post-hoc de Dunnet a permis de comparer chaque mesure avec la mesure effectute lors de la s&ie prtc&lente. Le seuil de signification est fix6 ~tp < 0,05.

Tableau I. Caracttdstiques des param~tresphysiologiquesmesurts lors de l'tpreuve maximale sur tapis roulant (n = 16). Parambtres

Moyenne ± 3cart type

VO2 max (ml.min-l.kg-]) Vitesse de course ~t'~O2 max (km.h-l) Lactattmie/~ 902 max (mmol.I-]) Fr&]uence cardiaque ~t~O2 max (bpm) Vitesse de course (kin.h-') pour une iactat~miede 4 mmol.l-j Fr&luence cardiaque (bpm) pour une lactatgmiede 4 mmol.1-I Pourcentage de ~'O2 max pour une lactat6mie de 4 mmol.1-1

62,2±3,1 17±1,8 8,7±2,2 192,2±7,5 14,6±1,2 181,3±7,3 89,1 +4,4

cice entre la frappe au sac et le saut ~ la corde. En revanche, il existe un effet type d' exercice entre le combat et les deux types d'entra~nement. L a figure 2 reprtsente l ' t v o l u t i o n de la frtquence cardiaque (FC) lors des deux types d'entraEnement et lors du combat. Le << saut ~ la corde >> est la stance entrafnant la moindre 6ltvation de la FC. Les valeurs de F C mesurtes se situent entre 85% et 89% de la F C maximale obtenue en laboratoire. Lors de la <, la F C est plus 61evte : entre 88% et 94% de la F C maximale. L'augmentation de la lactattmie lors des deuxieme et troisieme stries est statistiquement significative par le test post-hoc de Dunnet. Enfin, le combat est la stance qui augmente le plus le rythme cardiaque (la F C atteint la FC maximale & la fin du combat). L'augmentation de la FC n'est cependant significative qu'~ la deuxi~me strie.

mmolB

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12-

10-

RI~SULTATS Les rtsultats du test d'effort de dttermination de la ~rO2 max sont p r t s e n t t s clans ie tableau I. La figure 1 reprtsente l ' t v o l u t i o n de la lactattmie lots des deux types d'entrainement et lors du combat. Il existe un effet de rtpttition des mesures uniquement lots du combat. Cela est vtrifi6 par le test post-hoc de Dunnet qui montre une augmentation statistiquement significative de la lactattmie aux deuxi~me et troisi~me reprises. Lors des deux types d'entra$nement (<< saut la corde >>et <>),ia lactattmie est statistiquement stable, I1 n'existe pas d'effet du type d'exer-

i . . . . .!.

8-

6Sac 4O" . . . . . . . . . . . . . . . . O ,-~............... -O 2-

0

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Corde

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Combat

I 3

S6ries ou reprises Fig 1. t~volutionde la lactattmie (moyenne -+ds) au cours des series en fonctiondu type d'entrainement. * Les valeurs de lactattmie prtsentent une augmentation significativeavecla strie prtctdente pour p < 0,05.

Boxe anglaise de haut niveau % de FCmax. J051CO-

* -r T ...... -o .0- o'"

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Sac

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Corde

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Combal

75

SEries ou reprises Fig 2. l~volution de la frEquence cardiaque (moyenne :1: ds) au cours des series en fonction du type d'entra~nement. * Les valeurs de frEquence cardiaque prEsentent une augmentation significative avec la sEde prEc~dente p o u r p < 0,05.

DISCUSSION Le test d'effort en laboratoire montre que la consommation maximale d'oxyg~ne (VO2 max) des boxeurs est de 62,2 + 3,1 ml.min-l.kg L Cette valeur, importante pour des sportifs non spEcialistes de course ~ pied, tEmoigne d'un potentiel aErobie important. Ce rEsultat est identique ~tcelui trouvE par Joussellin et Legros (1990) chez les boxeurs de niveau national. Les valeurs de lactatEmie et de frEquence cardiaque atteintes lors du palier maximal sont relativement peu ElevEes.Enfin, la zone de transition aEroana~robie dEterminEe pour une lactatEmie de 4 mrnol.1-1, est assez proche du palier maximal. Cela indique que les boxeurs ont dEvelopp6 par leur entra~nement une endurance aErobie importante (Kinderman et al, 1979). Ces trois crit~res, VO2 max relativement ElevE, zone de transition aEro-anaErobie ElevEe, lactatEmie et frEquence cardiaque maximales basses, indiquent que les boxeurs ont un mEtabolisme aErobie tr~s dEveloppE. Les mesures de lactatEmie et de frEquence cardiaque effectuEes sur le terrain nous ont permis d'estimer la dEpense EnergEtique des entraTnements et des combats. Ces sEances different de par les groupes musculaires qu'elles mettent en jeu. Le ~ saut i~ la corde ~>et le test sur tapis roulant mobilisent essentiellement les membres infErieurs. La ~ frappe au sac ~ mobilise essentiellement les membres supErieurs. Le combat sollicite ~ la fois les membres supErieurs et infErieurs. Or, VO2 max et production d'acide lactique sont proportionnelles la masse musculaire mise en jeu Iors des mesures (Secher et al, 1974). L'utilisation de la relation linEaire

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F C - ~ 7 0 2 Etablie lors du test sur tapis roulant ne permet pas de quantifier la dEpense EnergEtique d'un exercice mobilisant des groupes musculaires diffErents ~ partir d'une valeur de frEquence cardiaque enregistrEe sur le terrain. L'Etude de l'Evolution de la lactatEmie (stabilit6 ou non au cours des diffErentes reprises) pour dEterminer la fili~re mEtabolique prEpondErante lots d'un exercice de terrain semble moins dEpendante de la masse musculaire mise en j eu (Di Prampero, 1981). La dEpense 6nergEtique des boxeurs a ErEEvaluEe lors de combats dont I'intensitE 6tait proche du rythme de competition. L'Evolution de la frEquence cardiaque et de la lactatEmie tEmoigne de l'intensit6 importante des combats. La fr&tuence cardiaque est croissante tout au long des combats pour atteindre la valeur maximale mesurEe lots du test d'effort en laboratoire. De mSme, la lactatEmie augmente de fa~on significative ~ chaque reprise. Cette absence de stabilitE montre que la demande 6nergEtique au cours d'un combat de boxe dEpasse les possibilitEs de la fili~re aErobie (Di Prampero, 1981) et sollicite la glycolyse anaErobie. Un combat de boxe peut donc Etre considErE comme un exercice anaErobie intermittent, ce qui est proche de la notion d'activitE alternativement aErobie et anaErobie proposEe par Dal Monte et Menchelli (1986). Les sEances de preparation physique rEalisEes dans la salle de boxe ont EtE EvaluEes ~ partir de la frEquence cardiaque et de la lactatEmie. La seance de ~ saut ~ la corde >>s'est rEvE1Eecomme Etant une seance peu intensive. La frEquence cardiaque ne dEpasse pas 89% de la fr&luence maximale enregistrEe lors du test de laboratoire. Par ailleurs, la lactatEmie et la frEquence cardiaque sont statistiquement stables Iors des trois series. Ce type d'entralnement sollicite donc prEfErentiellement le mEtabolisme aErobie. La seance de ~>est un peu plus intensive (la fr&luence cardiaque atteint 94% de la frEquence maximale) mais elle reste essentiellement aErobie. En effet, la lactatEmie est statistiquement stable tout au long des trois series de 3 minutes. La comparaison des rEsultats obtenus iors des combats, d'une part, et lors des sEances de preparation physique, d'autre part, montre qu'il y a une in&tuation entre ies caractEristiques de la sollicitation EnergEtique utilisEe par les boxeurs dans la competition et celles dEveloppEes par I'entralnement. Plusieurs hypotheses peuvent &re proposEes pour expliquer ce dEcalage. Tout d'abord, le <~saut ~ la corde ~ fait partie de la ~ culture pugilistique ~). Par cons&tuent, les boxeurs de haut niveau ont dEvelopp6 une Economie gestuelle dans cette pratique et semblent principalement solliciter la fili~re aErobie pour la rEali-

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ser. Ensuite, la ~ frappe au sac ~ se pratique de faqon statique devant le sac, seul le haut du corps travaille. Les groupes musculaires sollicit6s ne paraissent pas assez importants pour d6cleneher la fili~re ana6robie. Enfin, l'entra~nement en course ~ pied, qui n ' a pas 6t6 6valu6 dans cette 6tude, est pratiqu6 par chaque boxeur sous forme de ~ footing ~ libre. Cet exercice doit par cons6quent ~tre essentiellement a6robie. En conclusion, toutes les s6ances de pr6paration physique des boxeurs sollicitent essentiellement le m6tabolisme a6robie. Cela permet d'expliquer leur potentiel a6robie important r6v616 lors du test d'effort sur tapis roulant. En revanche, cette pr6paration physique ne r6pond qu'imparfaitement ~ la demande 6nerg6tique des combats qui sollicitent nettement le m6tabolisme ana6robie. Afin d'am61iorer ieurs performances au cours des combats, les boxeurs devraient mieux orienter leur pr6paration physique dans le sens d ' u n d6veloppement de la puissance ana6robie.

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