Facteurs de risque de passage à l’acte d’homicide chez des patients marocains atteints de schizophrénie

Facteurs de risque de passage à l’acte d’homicide chez des patients marocains atteints de schizophrénie

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G Model

ARTICLE IN PRESS

ENCEP-1014; No. of Pages 6

L’Encéphale xxx (2017) xxx–xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Article de recherche

Facteurs de risque de passage à l’acte d’homicide chez des patients marocains atteints de schizophrénie Risk factors related to homicide in Moroccan patients with schizophrenia A. Kachouchi a,∗ , M. Sebbani b , S. Salim a , I. Adali a , F. Manoudi a , M. Amine b , F. Asri a a

Équipe de recherche pour la santé mentale, service de psychiatrie, hôpital Ibn-Nafis, CHU de Marrakech, Marrakech, Maroc Département de santé publique, médecine communautaire et épidémiologie, FMPM, service de recherche clinique, CHU Mohammed VI de Marrakech, Marrakech, Maroc b

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Rec¸u le 10 juin 2017 Accepté le 5 juillet 2017 Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Schizophrénie Homicide Prévention Facteurs de risque Étude comparative

r é s u m é Objectif. – Ce travail avait pour objectif d’étudier les facteurs de risque associés à l’acte d’homicide chez des patients atteints de schizophrénie. Méthodes. – Il s’agissait d’une étude cas témoin rétrospective avec un appariement sur le sexe et l’âge, ayant concerné 30 patients atteints de schizophrénie, auteurs d’actes d’homicide et qui ont été hospitalisés au service de psychiatrie CHU Mohamed VI de Marrakech entre le premier janvier 2005 et le 31 août 2015. Ces patients ont été comparés à une population composée de 90 patients suivis pour la même pathologie et n’ayant pas commis l’acte d’homicide. Résultats. – Pour le groupe de patients ayant commis un homicide, 28 étaient de sexe masculin et 2 de sexe féminin avec une moyenne d’âge de 37,03 (± 9,09). Près de 56,7 % étaient issus de milieu urbain et 96,7 % avaient un revenu faible. Concernant la comparaison entre les 2 groupes, on a trouvé comme facteurs de risque : la présence dans les antécédents personnels de tentative d’homicide (p = 0,003), de tentative de suicide (p < 0,001) et d’acte de violence (p = 0,005), les traits de personnalité antisociale (p < 0,001), l’absence de traitement avant l’acte (p < 0,001), la mauvaise observance et la mauvaise prise en charge familiale (p < 0,001) ainsi que l’usage de toxiques présents chez 86,7 % des patients du premier groupe avec un p = 0,007. Conclusion. – La prévention d’acte d’homicide doit prendre en considération ces facteurs associés notamment une prise en charge précoce des troubles, une amélioration de l’observance thérapeutique et de la prise en charge familiale. ´ Paris. © 2017 L’Encephale,

a b s t r a c t Keywords: Schizophrenia Homicide Risk factors Comparative study Prevention

Background. – Persons with schizophrenia are thought to be at increased risk of committing violent crime – 4 to 6 times the level of general population individuals without this disorder. The relationship between schizophrenia and homicide is complex and cannot be reduced to a simple causal link. Objectives. – The objectives of this study were to describe the characteristics of homicide in Moroccan patients suffering from schizophrenia and to determine the correlated sociodemographic, clinical and toxic variables. Methods. – The study included two groups of patients with a DSM IV diagnosis of schizophrenia who attended the “Ibn Nafis” university psychiatric hospital of Marrakech in Morocco. The first group was composed of 30 patients hospitalized for homicide in the forensic unit between 1 January 2005 and 31 August 2015. The second group included 90 patients without any criminal record. These two groups have been matched according to age and gender. Demographic, clinical and therapeutic variables were analyzed and compared between the two groups.

∗ Auteur correspondant. Hôpital psychiatrique Ibn Nafiss, CHU Mohamed VI, Marrakech, Maroc. Adresse e-mail : [email protected] (A. Kachouchi). http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2017.07.001 ´ 0013-7006/© 2017 L’Encephale, Paris.

Pour citer cet article : Kachouchi A, et al. Facteurs de risque de passage à l’acte d’homicide chez des patients marocains atteints de schizophrénie. Encéphale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2017.07.001

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Results. – Data analysis has objectified the following results: the mean of age in the first group was 37.03 (± 9.09) and in the second group was 31.4 (± 8.76). No significant differences were found between the two groups regarding the different sociodemographic variables and the age of onset of disease. Significant differences were found between the two groups regarding: personal antecedents of attempt of homicide (P = 0.003), personal antecedents of attempt of suicide (P < 0.001), a history of previous violence (P = 0.005), untreated psychosis before the act (P < 0.001), poor medication compliance and a low familial support (P < 0.001), antisocial behavior (P < 0.001) and addictive behavior (P = 0.005). Discussion. – Several studies identified some possible predictor factors for violent behavior: poor compliance, lack of insight impulsivity and paranoid–hallucinatory symptoms, systematized delusions and addictive behavior seem to considerably increase the risk of turning to violence. Demographic variables as suggested by other studies are less valuable predictors of homicide in patients with schizophrenia. Conclusion. – Awareness of these factors will allow us to provide improved prevention of violence within schizophrenic subjects. Interventions for reducing such behavior should focus on clinical variables and integrate an early diagnosis of the disease and an improvement of medication compliance. ´ Paris. © 2017 L’Encephale,

1. Introduction La violence et la dangerosité sont souvent liées à la pathologie mentale dans la représentation collective des sociétés et sont source de stigmatisation du malade mental. La violence est définie par L’organisation mondiale de la santé (OMS) comme : « l’usage délibéré ou la menace d’usage délibéré de la force physique ou de la puissance contre soi-même, contre une autre personne ou contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fort d’entraîner un traumatisme, un décès, un dommage moral, un mal-développement ou une carence » [1]. Le caractère violent des malades mentaux était parmi les précurseurs de la discussion autour des premières mesures thérapeutiques pour les malades mentaux. Ainsi, plusieurs études viennent appuyer ce constat, dans les pays industrialisés, le taux d’homicide est compris entre 1 et 5 pour 100 000 habitants. Le risque qu’un individu commette un meurtre varie donc de 0,001 à 0,005 % [2]. On estime que les troubles mentaux graves seraient responsables de 0,16 cas d’homicide pour 100 000 habitants. Dans des pays scandinaves plus de 20 % des cas d’homicides sont attribuables à des patients souffrant de troubles mentaux graves (schizophrénie, trouble délirant ou troubles affectifs majeurs) [3]. Dans une autre étude rétrospective des homicides en Nouvelle-Zélande entre 1970 et 2000, on trouve que 8,7 % des homicides ont été commis par des personnes présentant des troubles mentaux. En soulignant la prédominance des patients atteints de schizophrénie : sur les 126 malades mentaux, 55 présentaient un trouble schizophrénique (43 %) [4]. Le fait que la schizophrénie soit la pathologie mentale la plus incriminée dans le passage à l’acte est réconforté par plusieurs données de la littérature, dans une étude réalisée en Finlande portant sur une cohorte de naissance non sélectionnée de 12 058 sujets suivie jusqu’à l’âge de 26 ans, les auteurs notent l’association de la schizophrénie (OR : 8,8) à un risque majoré d’infractions violentes [5]. La méta-analyse de Large et al. retrouve une prévalence de 6,6 % des meurtriers répondant aux critères diagnostiques de schizophrénie [6]. Les hommes atteints de schizophrénie présentent huit à dix fois plus de risque de commettre un homicide que les hommes sans trouble psychiatrique [7]. Eronen a aussi comparé la pathologie mentale des meurtriers homicides et celle de la population générale en Finlande et a montré que la schizophrénie multiplie entre quatre à dix fois le risque de commettre un homicide [3]. Dans une autre étude rétrospective, Schanda et al. ont objectivé que le risque d’homicide est multiplié par 6,5 pour un homme schizophrène [8]. Cependant, il est intéressant de souligner que les patients atteints de maladie mentale sont souvent eux aussi sujets de violence et de maltraitance, en plus il est essentiel de noter la faible

occurrence des auteurs schizophrènes parmi les hommes ou les femmes violents dans la société Dubreucq et al. : « Si l’on était en mesure d’éradiquer la violence due aux malades mentaux, 95 à 97 % des actes de violence continueraient d’être perpétrés » [2]. Au Maroc, l’Enquête nationale de prévalence des troubles mentaux en population générale âgée de 15 ans et plus (ENPTM, 2003–2006) a révélé que 5,6 % souffrent de trouble psychotique et que plus de 200 000 marocains de 15 ans et plus, souffrent d’une pathologie schizophrénique [9]. Le secteur de santé mentale constitue un problème de santé publique, ainsi le ministère de la Santé marocain dans son plan d’action 2012–2016 a déclaré qu’il veut changer la situation en annonc¸ant que le secteur de santé mentale serait une priorité du gouvernement marocain afin de mieux répondre aux attentes des patients et à leurs familles. Devant l’absence de données officielles traitant l’homicide chez les patients schizophrènes et la rareté des études qui s’intéressent à ce sujet, notre étude veut comme objectif : l’étude des facteurs de risque de passage à l’acte d’homicide chez les patients atteints de schizophrénie afin d’élaborer des conduites thérapeutiques et préventives appropriées. 2. Matériel et méthode 2.1. Type d’étude Il s’agissait d’une étude cas témoins portant sur 120 patients atteints de schizophrénie selon les critères diagnostiques de la quatrième version du DSM IV répartis en deux groupes [10]. 2.2. Population étudiée et échantillonnage 2.2.1. Définition des cas L’échantillonnage des cas était exhaustif incluant tous les patients atteints de schizophrénie selon les critères diagnostiques de la quatrième version du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux du DSM IV, qui ont commis un acte d’homicide entre le premier janvier 2005 et le 31 août 2015 et qui ont été hospitalisés dans le service de psychiatrie universitaire à Marrakech. Les cas étaient au nombre de 30. 2.2.2. Définition des témoins Le groupe témoin était composé des patients atteints de schizophrénie selon les critères diagnostiques de la quatrième version du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux DSM IV à partir de la consultation, l’appariement sur l’âge et le sexe a été adopté. Pour chaque cas, trois témoins ont été inclus dans l’étude. La taille finale des témoins était de 90 patients.

Pour citer cet article : Kachouchi A, et al. Facteurs de risque de passage à l’acte d’homicide chez des patients marocains atteints de schizophrénie. Encéphale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2017.07.001

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2.3. Critères d’exclusion Nous avons exclu du groupe témoin les patients ayant commis une tentative d’homicide ou ayant déjà un antécédent personnel judiciaire. Nous avons exclu des deux groupes de l’étude les patients atteints d’un retard mental ou ayant une pathologie neurologique associée telle qu’une démence ou une épilepsie. 2.4. Variables à l’étude La comparaison a porté sur : • des paramètres sociodémographiques : ◦ âge, sexe, ◦ mode et lieu de vie, ◦ niveau socio-économique, ◦ niveau d’instruction. . . ; • les antécédents familiaux et personnels psychiatriques, les antécédents personnels de violence, de tentative d’homicide, de tentative de suicide. . . ; • la qualité de l’adaptation sociale : ◦ profession, ◦ statut conjugal ; • la clinique : ◦ forme de schizophrénie selon le DSM IV, ◦ date et mode de début de la maladie, ◦ retard diagnostique, ◦ l’existence d’une personnalité antisociale, ◦ les automutilations ; • usage des substances toxiques : ◦ tabac, ◦ cannabis, ◦ alcool. . .. ; • la prise en charge : ◦ observance du traitement, ◦ traitements rec¸us, qualité de la prise en charge familiale, ◦ la mauvaise observance était définie arbitrairement comme un arrêt de traitement supérieur à deux semaines consécutives rapporté par le patient ou par la famille, ◦ la mauvaise prise en charge familiale était définie par la verbalisation des propos de mépris, de critique ou de négligence de fac¸on soit quotidienne soit au moins trois par semaine. Ainsi que la description de l’acte médicolégal : le lieu d’homicide, moyen, contexte, statut et sexe des victimes, comportement posthomicide. . . 2.5. La collecte des données La collecte des données a été effectuée par deux médecins spécialistes via deux méthodes, la revue des dossiers couplée à l’entretien du même patient afin d’avoir tous les éléments nécessaires à l’étude. Un questionnaire fermé était rempli par la suite. Le recueil des données s’est fait dans le respect de l’anonymat et de la confidentialité des informations. 2.6. L’analyse des données La saisie et l’analyse des données ont été faites par le logiciel SPSS version 16. Les variables qualitatives ont été représentées par leurs effectifs et leurs pourcentages, quant aux variables quantitatives elles étaient décrites par la mesure de tendance centrale et de dispersion.

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L’analyse bivariée a fait appel à la comparaison de pourcentages en utilisant le 2 deux et le Fischer et à la comparaison des moyennes en utilisant le test t de Student. Le seuil de 5 % a été considéré. 3. Résultats 3.1. Caractéristiques sociodémographiques des participants L’âge moyen au moment du crime était de 37,03 (± 9,09) et l’âge moyen du deuxième groupe était de 31,4 (± 8,76) avec une nette prédominance masculine. Les données sociodémographiques des deux groupes ne révélaient pas de différence significative, ainsi les deux groupes se caractérisaient par le célibat, l’absence de profession et un revenu mensuel faible (Tableau 1). 3.2. Antécédents Les sujets schizophrènes avec homicide avaient plus d’hospitalisations antérieures sans consentement que les sujets schizophrènes sans homicide, il est aussi important de noter que la présence d’idées suicidaires dans les antécédents était comparable dans les deux groupes avec une différence de nombre de passages à l’acte (Tableau 2). 3.3. Caractéristiques cliniques de la maladie Dans les deux groupes, la forme paranoïde de la schizophrénie était la plus présente avec un mode de révélation progressif caractérisé par les signes du syndrome autistique associé au syndrome délirant, les conduites auto agressives étaient rarement présentes dans les deux groupes (Tableau 3). 3.4. Description de l’acte d’homicide Le crime a été commis au domicile du patient dans 15 (50 %) cas, aux alentours du domicile dans 7 cas, et loin du domicile dans 8 cas. Les victimes d’homicide étaient un membre de famille dans 17 (56,7 %), il s’agissait d’une connaissance dans 11 (36,7 %) cas et d’une personne inconnue dans 2 (6,7 %) cas. Nous avons relevé 30 victimes d’homicide, 24 victimes étaient de sexe masculin. Le crime a été accompli par une arme blanche dans 23 cas (76,3 %), la strangulation dans 2 cas, un bâton en fer dans 3 cas, utilisation de pierre dans un seul cas, le jet de la victime dans un puits dans un seul cas. Une tentative de suicide après le crime a été notée chez 7 patients (23,3 %). Le syndrome délirant et les hallucinations étaient les principales motivations d’homicide chez les patients présents tous les deux chez 50 % des patients au moment de l’acte avec la prédominance de la thématique de persécution. 3.5. Facteurs de risque de passage à l’acte d’homicide Plusieurs facteurs de risque ont été objectivé lors de la comparaison des résultats entre les deux groupes ; les plus importants sont : la comorbidité toxique, la présence d’une personnalité antisociale, la mauvaise observance et la mauvaise prise en charge familiale ainsi que les antécédents de tentative de suicide ou d’homicide (Tableau 4). 4. Discussion Il est fréquent d’associer la violence à la schizophrénie en raison des symptômes positifs de la schizophrénie : excitation, agitation, faible contrôle des impulsions. . .

Pour citer cet article : Kachouchi A, et al. Facteurs de risque de passage à l’acte d’homicide chez des patients marocains atteints de schizophrénie. Encéphale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2017.07.001

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4 Tableau 1 Les caractéristiques sociodémographiques. Variables Sexe Homme Femme Études Oui Non Statut professionnel Sans profession Avec profession Résidence Urbain Rural Statut marital Célibataire Marié Divorcé Vit Seul Famille Revenu mensuel faible Oui Non

Patients avec homicide Moyenne ± DS ou n (%)

Patients sans homicide Moyenne ± DS ou n (%)

p

28 (93,3) 2 (6,7)

84 (93,3) 6 (6,7)

0,681

18 (60) 12 (40)

66 (73,3) 24 (26,7)

0,168

18 (60) 12 (40)

47 (52,5) 43 (47,4)

0,459

13 (43,3) 17 (56,7)

43 (47,8) 47 (52,2)

0,673

17 (56,7) 10 (33,3) 3 (10)

45 (50) 41 (45,6) 4 (4,4)

Non applicable

3 (10) 27 (90)

0 (0) 90 (100)

0,14

29 (96,7) 1 (3,3)

78 (86,7) 12 (13,3)

0,113

Tableau 2 La descriptions des antécédents des deux groupes de patients. Variables

Patients avec homicide Moyenne ± DS ou n (%)

Patients sans homicide Moyenne ± DS ou n (%)

p

Antécédent personnel d’idées suicidaires Antécédents psychiatriques familiaux Antécédents familiaux d’hospitalisation dans un hôpital psychiatriques Antécédents judiciaires familiaux

9 (30) 3 (10) 1 (3,3) 0

10 (11,1) 11 (12,2) 3 (3,3) 11 (12,2)

0,019 0,517 0,740 0,036

Tableau 3 Les caractéristiques cliniques de la schizophrénie. Variables Forme clinique maladie Paranoïde Autres Mode de début Aigu Progressif Présence d’automutilations

Patients avec homicide Moyenne ± DS ou n (%)

Patients sans homicide Moyenne ± DS ou n (%)

26 (86,7) 4 (13,3)

84 (93,3) 6 (6,7)

3 (10) 27 (90) 4 (86,7)

13 (14,4) 77 (85,6) 5 (94,4)

p Non applicable

0,393 0,158

Tableau 4 Les facteurs de risque de passage à l’acte d’homicide. Variables

Patients avec homicide Moyenne ± DS ou n (%)

Patients sans homicide Moyenne ± DS ou n (%)

p

Antécédent de Tentative d’homicide Antécédent de Tentative de suicide Antécédent personnel de violence Personnalité antisociale Traitement avant l’acte ou l’hospitalisation Mauvaise prise en charge familiale Mauvaise observance Conduites addictives Tabagisme Consommation d’alcool Consommation de cannabis Début de consommation avant la maladie Traitement par Neuroleptiques atypiques

4 (13,3) 7 (23,3) 19 (63,3) 10 (33,3) 24 (80) 26 (89,7) 23 (92) 26 (86,7) 26 (86,7) 17 (56,7) 25 (83,3) 25 (83,3) 4 (13,3)

0 1 (1,1) 31 (34,4) 5 (5,6) 90 (100) 23 (25,6) 38 (42,2) 54 (60) 54 (60) 21 (23,3) 31 (34,4) 38 (42,2) 83 (92,2)

0,003 < 0,001 0,005 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 0,005 0,005 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,0001

Le risque de violence serait accru lors d’épisodes délirants ou lors d’une poussée Floride de la maladie [11]. Des études ont souligné que les schizophrènes les plus violents seraient les plus jeunes et ceux qui sont célibataires ou vivants

seuls [12,13]. Dans une méta-analyse portant sur 17 études [2], l’agressivité subie au cours du jeune âge de sujet schizophrène est associée de la moitié à deux tiers des cas à une violence à l’âge adulte. Dans notre étude, nous n’avons pas trouvé de différence

Pour citer cet article : Kachouchi A, et al. Facteurs de risque de passage à l’acte d’homicide chez des patients marocains atteints de schizophrénie. Encéphale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2017.07.001

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entre les deux groupes concernant les caractéristiques sociodémographiques. Il est fréquemment observé que les victimes de violence des patients schizophrènes sont l’épouse, les parents ou une personne très proche [14]. Ce qui augmenterait par la suite le niveau de rejet social et familial et accentuera le vécu d’exclusion du malade. Joyal et al. ont retrouvé que 78 % des homicides ou tentatives d’homicide commis par des patients schizophrènes avaient eu lieu dans une habitation privée contre 22 % dans un lieu public et dans environ 50 % des cas la victime est un membre de la famille et dans 86 % des cas, l’acte homicide commis par un individu schizophrène l’a été à l’encontre d’une connaissance (familiale ou professionnelle) [15]. Ceci est expliqué selon Lindqvist et Allebeck par une longue période de conflit et de discorde entre le patient et la personne proche [16]. Dans notre étude, la victime était un membre de famille ou une connaissance dans plus de 90 % des cas et de lieu d’homicide était le domicile familial dans la moitié des cas. Nous n’avons pas trouvé de corrélation entre la forme clinique de schizophrénie et le passage à l’acte d’homicide, toutefois la forme paranoïde était présente chez 86,7 % des patients du premier groupe. Dans la littérature, la forme paranoïde serait la plus pourvoyeuse de conduites agressives avec des pourcentages qui varient de 50 % à 65 % [17–19]. Les hallucinations et le syndrome délirant à thème de persécution étaient les plus rapportés motivant l’acte d’homicide. Bouchard pense que l’agressivité est la résultante de l’activité délirante et que les délires de persécution et de préjudice sont les plus fréquents chez les sujets schizophrènes, psychotiques ou paranoïaques violents [20–22]. En effet, la violence d’un psychotique est perc¸ue comme une réponse de défense à un sentiment de menace et à un vécu émotionnel d’angoisse ou à une impression de perte de contrôle interne [11,22]. Il semble aussi important de s’intéresser aux mécanismes du délire surtout le mécanisme hallucinatoire, d’analyser la nature des voix hallucinatoires, le ton impératif, menac¸ant d’une hallucination persécutrice et du degré de conviction du patient. [11,22]. Sur le plan clinique, la comorbidité chez les schizophrènes violents semble accroître le risque de violence. Dans la littérature, deux types de trouble de la personnalité ont été associés à la violence chez le patient schizophrène : • la personnalité de type borderline ; • la personnalité d’antisociale [23]. Dans notre étude, on a retrouvé que les traits de la personnalité antisociale étaient présents chez 66,7 % versus avec une différence significative (p < 0,001). Le retard diagnostique, les antécédents personnels de violence, de tentative d’homicide ou de suicide sont liés à l’acte d’homicide avec une différence significative, ceci est en concordance avec d’autres études qui avaient comme objectif de mettre en évidence les caractéristiques des patients schizophrènes ayant commis un homicide [24]. Il semblerait que un quart à un tiers des schizophrènes soient concernés par les problèmes de toxicomanie avec des drogues dures. Ce chiffre augmenterait à 30 % si on ajoute le cannabis [25]. D’autres données de la littérature ont objectivé que les conduites addictives sont un facteur favorisant les actes de violence [26]. Barlow et al. ont retrouvé que les troubles d’abus de substance sont associés à une augmentation du risque de violence [27]. L’abus de substance augmenterait le risque de passage à l’acte homicide par six par rapport à la population générale [28], l’abus d’alcool par 12 chez l’homme et par 52 chez la femme [18]. L’abus et la dépendance à des substances toxiques augmentent, chez un sujet souffrant de schizophrénie, le risque de violence homicide par un facteur 4. Par rapport à la population générale, le risque d’homicide

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est multiplié par 8 chez les schizophrènes présentant un abus de substances (principalement l’alcool) et par 2 chez les schizophrènes sans comorbidité [29]. Ainsi dans notre étude, nous avons trouvé que l’usage des toxiques était présent chez 86,7 % versus 60 % avec une différence significative pour toutes les substances évaluées : • tabac ; • alcool ; • cannabis. L’observance thérapeutique définit comme étant la concordance entre le comportement d’un patient et les prescriptions médicales – médicamenteuses ou non – qui lui ont été recommandées. Elle permet l’acquisition puis le maintien de la stabilité de l’état mental et joue un rôle essentiel dans la diminution de la dangerosité. Uniquement un tiers des patients schizophrènes suit la prescription médicale selon Marsand et al. [30]. Selon Soliman et Reza, la violence des schizophrènes serait donc corrélée avec une médication inadaptée [31] et la non-compliance au traitement serait un facteur de risque d’agressivité et de violence selon Torrey [32]. La mauvaise observance du traitement présente chez 92 % des patients du premier groupe avec une différence significative a été identifiée comme facteur de risque de passage à l’acte. Ce résultat est en accord avec les données de littérature, plusieurs études ont confirmé que les patients ayant commis un acte hétéroagressif étaient en arrêt de traitement [19]. Le choix de la classe des psychotropes a fait le sujet de quelques travaux qui soulignent l’intérêt de l’utilisation des antipsychotiques atypiques qui auront une efficacité supérieure sur l’agressivité et la violence des patients présentant des troubles mentaux par rapport aux neuroleptiques classiques [33,34]. Dans notre échantillon, uniquement quatre patients du premier groupe étaient sous neuroleptiques atypiques avec une différence significative entre les deux groupes. On a aussi objectivé que la mauvaise prise en charge familiale joue un rôle primordial dans la prévention de l’acte hétéroagressif [18] ; en effet des études antérieures ont décrit la qualité de l’environnement familial des sujets schizophrènes violents qui se caractérisait par le rejet, l’hostilité, l’humiliation, l’absence de contact et de communication affective [35]. Quant aux facteurs de protection, ils n’ont pas fait l’objet de notre étude, Nicholls et al. ont décrit certains qui sont la présence d’un support social solide, d’un attachement ou de liens relationnels forts, d’une attitude positive envers l’autorité, de l’investissement durant la scolarité et de traits de personnalité résiliente [36].. 4.1. Limites de l’étude La taille réduite de l’échantillon a fait que l’étude était de faible puissance, ce qui n’a pas permis de faire une analyse multivariée. 5. Conclusion Les études épidémiologiques ont démontré que les patients atteints de schizophrénie ont plus de risque de passage à l’acte d’homicide que les patients atteints de troubles mentaux [6,37]. Dans notre étude, on a objectivé certains facteurs qui augmentent ce risque et qui nous poussent à revoir la stratégie thérapeutique et préventive afin d’éviter ce genre de drame individuel et social. Ainsi, il serait utile d’évaluer le risque de violence par le praticien, d’assurer un suivi ambulatoire efficace et régulier en donnant des rendez-vous rapprochés ou des consultations à domicile, d’améliorer l’observance thérapeutique, de faciliter l’accès aux

Pour citer cet article : Kachouchi A, et al. Facteurs de risque de passage à l’acte d’homicide chez des patients marocains atteints de schizophrénie. Encéphale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2017.07.001

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Pour citer cet article : Kachouchi A, et al. Facteurs de risque de passage à l’acte d’homicide chez des patients marocains atteints de schizophrénie. Encéphale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2017.07.001