immunologie
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Gammapathie monoclonale à activité auto-anticorps Devant un titre élevé d’un auto-anticorps, le biologiste peut soupçonner l’interférence de gammapathies avec les tests d’immunofluorescence indirecte en auto-immunité : il doit donc essayer de faire la preuve de la nature monoclonale de la fluorescence observée. Aussi est-il utile de réaliser la recherche d’autoanticorps et d’immunoglobulines monoclonales dans le même laboratoire.
L
es gammapathies monoclonales sont une des anomalies biologiques les plus fréquentes. Une étude de Kyle à la Mayo Clinic (Rochester, Minnesota, États-Unis) a montré qu’une immunoglobuline monoclonale (Ig mc) était retrouvée dans 3 % des sérums des sujets de plus de 50 ans et dans 7 % des sérums des plus de 70 ans. Les pathologies associées à la découverte d’une Ig mc sont une gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS) dans 55 % des cas, un myélome dans environ 25 % des cas et, dans les autres cas, une macroglobulinémie de Waldenström, une amylose ou une autre lymphoprolifération. Les MGUS sont définies par un pic d’Ig mc inférieur à 30 g/L, une plasmocytose médullaire inférieure à 10 %, l’absence d’hypercalcémie, d’anémie et d’atteinte organique (atteinte osseuse, insuffisance rénale ou organomégalie).
Qu’est-ce qu’une immunoglobuline monoclonale ? Une immunoglobuline monoclonale correspond à la production par un clone de lymphocytes d’une Ig anormale en quantité, soit (le plus souvent) structurellement intacte (deux chaînes lourdes et deux chaînes légères), soit composée seulement d’une chaîne légère (10 % des cas) ou seulement d’une chaîne lourde tronquée (exceptionnel). Le rôle du biologiste est de faire la preuve de l’homogénéité de cette Ig : de charge (pic à l’électrophorèse) et d’isotypie (immunoélectrophorèse [IEP], remplacée aujourd’hui le plus souvent par une immunofixation), dans le sang et les urines. Les signes cliniques découlent de la prolifération lymphocytaire : signes osseux (lyse, fracture, hypercalcémie), envahissement médullaire (cytopénie) ou compression médullaire. Certains signes cliniques sont liés à l’Ig elle-même : syndrome d’hyperviscosité lorsqu’il s’agit d’une IgM en grande quantité, propriétés cryoprécipitantes de certaines Ig ou propension à se déposer dans les tissus entraînant une amylose ou une maladie de dépôt des chaînes légères. Dans certains cas, l’antigène (Ag) cible peut être identifié : exogène ou, le plus souvent, endogène (auto-Ag).
Méta-analyse sur les activités auto-Ac les plus fréquemment associées aux gammapathies monoclonales
de sensibilité de l’immunoprécipitation en milieu gélifié est 100 fois supérieur à celui de l’IFI. Les résultats possibles sont :
Tous les Ag peuvent être concernés : les Ag cibles les plus fréquents sont les Ag érythrocytaires I/i dans la maladie des agglutinines froides, les cryoglobulines de type II (Ag = fragment Fc des Ig) et des Ag associés aux nerfs (neuropathies avec IgM anti-Mag). En 2007, Carlizzi et al. ont montré qu’un tiers des Ig mc des MGUS (tous isotypes confondus) avaient une activité auto-Ac, mais un seul patient avait des signes cliniques en rapport avec l’auto-Ac présent. Stone et al. ont étudié les IgM de 172 patients MGUS et retrouvé dans 71 % des cas une activité auto-Ac associée, principalement dirigée contre des glycolipides, glycoprotéines, glycosaminoglycanes. Les gammapathies dirigées contre des constituants du soi peuvent interférer avec les tests d’immunofluorescence indirecte (IFI) en auto-immunité.
1. une parfaite cohérence : à l’IEP, une Ig de même chaîne légère et de même chaîne lourde que celle vue en IFI est retrouvée, on parle alors d’auto-Ac monoclonal ;
Quand le biologiste doit-il être alerté de la possibilité d’une interférence avec les tests d’immunofluorescence ? Lorsqu’il existe un titre élevé d’un auto-Ac et/ou un aspect inhabituel de fluorescence, pouvant se traduire par une spécificité restreinte, c’est-à-dire un aspect incomplet en comparaison à la réponse polyclonale du patient ayant une maladie autoimmune “classique”, le biologiste doit craindre une interférence des gammapathies avec les tests d’IFI en auto-immunité. Quand le biologiste se pose cette question, que doit-il faire ? Le biologiste doit essayer de faire la preuve de la nature monoclonale de la fluorescence observée, c’est-à-dire reprendre l’IFI et faire la révélation avec des antisérums anti-chaînes lourdes et anti-chaînes légères spécifiques. S’il s’agit bien d’une Ig mc à activité auto-Ac, il sera retrouvé un aspect de monotypie, c’est-à-dire un même aspect avec une seule chaîne lourde et une seule chaîne légère. Puis, il faudra, par IEP ou immunofixation, rechercher l’existence d’une protéine monoclonale en gardant bien à l’esprit que le seuil
OptionBio | Lundi 6 octobre 2008 | n° 406
2. l’IEP ne retrouve pas d’Ig mc, ce qui résulte de la différence du seuil de sensibilité des deux techniques, on parle d’auto-Ac monotypiques ; 3. une Ig est bien retrouvée, mais sans cohérence avec celle vue en IFI, on parle également d’Ac monotypique. La seule explication est que le patient a deux clones : l’un avec un auto-Ac monotypique détecté uniquement en IFI, l’autre, détecté par IEP ou immunofixation, dirigé contre un auto-Ag inconnu.
Une étude menée sur 12 000 demandes de recherche d’auto-Ac a montré que, dans 73 cas, était suspectée une gammapathie monoclonale sur un aspect inhabituel de fluorescence (intéressant le plus souvent le cytoplasme sur HEp-2 et/ou un titre élevé d’auto-Ac). Dans 44 cas, un auto-Ac monoclonal a été identifié (Ac vu en IFI retrouvé en immunofixation), et dans 27 cas, un auto-Ac monotypique. Sur les 44 auto-Ac monoclonaux, 10 ont été diagnostiqués grâce à l’IFI et dans 30 cas/44, il s’agissait d’une IgM.
Conclusion Il convient de connaître la possibilité de l’existence d’auto-Ac monoclonaux ou monotypiques qui peuvent perturber les réactions d’IFI (aspects inhabituels). Cette observation permet de souligner l’utilité de pratiquer la recherche des auto-Ac et des Ig mc dans le même laboratoire. Toutefois, l’intérêt de détecter plus précocement une MGUS par IFI n’est pas actuellement démontré. | CAROLE ÉMILE Biologiste, CH de Montfermeil (93)
[email protected] Source Communication d’Alain Chevallier, 5e colloque GEAI, Paris, juin 2008. Bibliographie Bachy B, Burban M, Foussard C et al. Gammapathies monoclonales à activité autoanticorps : de l’immunofluorescence indirecte comme technique de dépistage. Revue francophone des laboratoires. 2008 ; 404bis : 29-35. Carlizzi G, Ciarla MV, Di Luzio A et al. Autoantibodies in patients with monoclonal gammopathies. Ann N Y Acad Sci. 2007 ; 1107 : 206-11. Kyle RA, Rajkumar SV. Monoclonal gammopathy of undetermined significance. Clin Lymphoma Myeloma. 2005 ; 6 (2) : 102-14. Stone MJ, McElroy YG, Pestronk A et al. Human monoclonal macroglobulins with antibody activity. Semin Oncol. 2003 ; 30 (2) : 318-24.
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