© Masson, Paris, 2006
Neurochirurgie, 2006, 52, n° 2-3, 119-122
Cas clinique
GANGLIOGLIOME MALIN CÉRÉBELLEUX À propos d’une observation, avec revue de la littérature A. MEKNI, I. CHELLY, S. HAOUET, M. ZITOUNA, N. KCHIR Service d’Anatomie et de Cytologie Pathologique, Hôpital La Rabta, 1007, Bab Saadoun, Tunis, Tunisie.
SUMMARY: Malignant cerebellar ganglioglioma. A case report and review of the literature
A. MEKNI, I. CHELLY, S. HAOUET, M. ZITOUNA, N. KCHIR (Neurochirurgie, 2006, 52, 119-122). Ganglioglioma is usually a well differentiated slowly growing mixed neuronal and glial neoplasm corresponding to WHO grade I or II. However, some gangliogliomas are considered to be WHO grade III because they exhibit anaplastic features in their glial component. Finally there are exceptionally rare cases of newly diagnosed gangliogliomas with grade IV changes in the glial component. We report a case of a 25-year-old woman with a family history of neurofibromatosis who presented initially with a World Health Organization grade IV anaplastic ganglioglioma (a mixed ganglion cell multiform tumor glioblastoma). Despite aggressive management, the patient died of disease in a relatively short period. Histologically, two cell populations were noted: a predominant glial component consisting in a multiform glioblastoma and ganglion cells supporting a diagnosis of ganglioglioma. Immunohistochemical analysis clearly distinguished the two tumor cell populations. Although other cases of grade III gangliogliomas and twelve cases of grade IV gangliogliomas have been reported, the present case is exceptional in that, to our knowledge, it is the second case of a patient who presented initially with a composite grade IV ganglioglioma and who was clinically followed up to the time of death. This case allows direct comparison between the histological findings in a multiform glioblastoma and a ganglioglioma. It also documents the aggressive biologic behavior of this complex neoplasm.
RÉSUMÉ Le gangliogliome (GG) est une tumeur nerveuse, habituellement bien différenciée, de croissance lente, composée de cellules neuroganglionnaires matures mêlées à une composante gliale de grade I ou II et beaucoup plus rarement anaplasique de grade III. Uniquement 12 cas de gangliogliomes récemment publiés présentent une composante gliale manifestement maligne à type de glioblastome et sont considérés, selon la classification de l’OMS, de grade IV. Nous en rapportons un cas survenu chez une femme âgée de 25 ans aux antécédents familiaux de neurofibromatose de type I. Ce gangliogliome de grade IV se distinguait par un contingent glial répondant à un glioblastome multiforme et dont la richesse en cellules géantes masquait l’existence de cellules neuroganglionnaires. Un tel aspect a nécessité un examen immunohistochimique afin de distinguer les deux populations cellulaires. Notre observation constituerait le second cas de gangliogliome malin grade IV où le suivi est précisé jusqu’au décès du patient. Nous discuterons son diagnostic différentiel et nous exposerons son profil clinique ainsi que son pronostic.
Key-words: ganglioglioma, malignant ganglioglioma, multiform glioblastoma, pathology, immunohistochemistry.
Le gangliogliome est une tumeur nerveuse, habituellement bien différenciée, de croissance lente, composée d’un contingent de cellules neuroganglionnaires matures mêlées à une compo-
sante gliale de grade I ou II et beaucoup plus rarement anaplasique de grade III. Exceptionnellement, et dans 12 cas de la littérature mondiale, une composante gliale manifestement maligne à type
Article reçu le 28 juillet 2003. Accepté le 10 août 2005. Tirés à part : A. MEKNI-NOUIRA, 5, rue Ibn-Messaoud, Menzeh 6, 2091 Tunis, Tunisie. e-mail :
[email protected]
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A. MEKNI et al.
Neurochirurgie
de glioblastome a été observée. Nous en rapportons un cas qui se distingue par la richesse en cellules géantes. Un tel aspect n’a été décrit, à notre connaissance, que dans une seule observation de la littérature [2]. OBSERVATION Mme B…, âgée de 25 ans, aux antécédents familiaux de neurofibromatose de type I, consultait à l’Institut de Neurochirurgie pour un syndrome d’hypertension intracrânienne évoluant depuis 6 mois et s’accompagnant depuis 2 semaines de troubles de l’équilibre. L’examen clinique notait une patiente consciente, présentant un syndrome cérébelleux cinétique gauche. L’examen du fond d’œil objectivait un œdème papillaire de grade I. La patiente présentait, par ailleurs, des signes cutanés typiques d’une maladie de Von Recklinghausen : tâches café au lait en carte géographique mesurant de 1 à 4 cm, sur le thorax, l’abdomen et le dos, associées à de multiples neurofibromes cutanés du tronc, de la racine des membres et en interfessier, confirmés histologiquement.
FIG. 2. — Prolifération tumorale à double composante gliale maligne et neuroganglionnaire bénigne présentant une prolifération endothéliocapillaire marquée (HE ; × 20). FIG. 2. — Predominantly glial neoplasm characterized by vascular proliferation in combination with spared mature ganglion cells (HE; ×20).
FIG. 3. — Composante gliale faite de cellules astrocytaires, manifestement malignes, géantes ou fusiformes, mêlées à des cellules neuroganglionnaires régulières et à de nombreux globules hyalins (HE ; × 20). FIG. 3. — Astrocytic component composed by giant and spindle cells intermingled with mature ganglion cells and hyaline bodies (HE; ×20).
FIG. 1. — Masse kystique et charnue de la fosse postérieure, mesurant 5 cm de grand axe et envahissant le 4e ventricule. FIG. 1. — 5cm diameter cerebellar mass exhibiting both cystic and solid features invading the 4th ventricle.
La tomodensitométrie cérébrale visualisait une volumineuse masse kystique et charnue, se rehaussant après injection de produit de contraste. Elle siégeait au niveau de la fosse postérieure, mesurait 5 cm de grand axe et envahissait le tronc cérébral, le 4e ventricule et le vermix (figure 1). Une tumorectomie était réalisée.
Vol. 52, n° 2-3, 2006
GANGLIOGLIOME MALIN DE GRADE IV
L’examen histologique montrait une prolifération tumorale à double composante gliale maligne et neuroganglionnaire bénigne. La composante gliale, densément cellulaire, réalisait une prolifération de cellules astrocytaires, manifestement malignes, montrant une importante prolifération endothéliocapillaire, et des foyers de nécrose tumorale (figure 2). Les cellules tumorales astrocytaires étaient géantes, monstrueuses, multinucléées ou fusiformes ; leur noyau était hyperchromatique, riche en atypies, et présentait de nombreuses figures de mitoses. Des cellules neuroganglionnaires régulières ainsi que des boules éosinophiles ou « corps hyalins » étaient entremêlées à ce contingent astrocytaire (figure 3). On notait, par ailleurs, la présence d’un infiltrat lymphocytaire périvasculaire marqué. Une étude immunohistochimique était réalisée et montrait la positivité intense et focale des cellules neuroganglionnaires aux anticorps anti-neurofilament et PS100. Quant aux cellules astrocytaires, elles exprimaient focalement la GFAP. Le diagnostic de gangliogliome malin de la fosse postérieure de grade IV était ainsi posé. La patiente est décédée un mois après l’intervention.
tés dans la littérature. La neurofibromatose est une maladie génétique à transmission autosomique dominante, caractérisée par l’association de trois lésions majeures qui sont : des tumeurs nerveuses multiples telles que les neurofibromes, des lésions cutanées pigmentées multiples, et des hamartomes pigmentés de l’iris également appelés « nodules de Lisch ». Le gène de la NF1 a été localisé au niveau du chromosome 17q11.2 ; il code pour une protéine appelée neurofibromine qui régule la fonction de l’oncoprotéine p21ras. Les tumeurs glioneuronales ne présentent pas de mutations chromosomiques et leur association avec la neurofibromatose est, de ce fait, très probablement fortuite. De par sa localisation préférentielle au niveau du lobe temporal, le gangliogliome se manifeste le plus souvent par des crises épileptiques inaugurales [2]. Dans sa localisation cérébelleuse, la symptomatologie clinique se résume à des troubles de l’équilibre avec signes d’hypertension intracrânienne, conformément à notre observation. Histologiquement, le gangliogliome associe habituellement une composante neuroganglionnaire cytologiquement régulière à un contingent glial bénin, de grade I ou II, avec présence au sein de la tumeur de corps éosinophiles granuleux ou « corps hyalins », ainsi que d’un infiltrat lymphocytaire périvasculaire typique. La présence de rares mitoses dans le contingent astrocytaire n’est pas synonyme de malignité. Cependant, dans de rares cas rapportés dans la littérature, des signes d’anaplasie franche ont été notés au niveau du contingent astrocytaire. La tumeur répond alors à un gangliogliome anaplasique [6]. Exceptionnellement, et dans 12 cas de la littérature (récapitulés dans le tableau I) ainsi que dans notre observation,
DISCUSSION Le gangliogliome est une tumeur à double composante neuroganglionnaire et gliale, classiquement considérée comme bénigne, représentant 0,4 % des tumeurs du système nerveux central et 1 % des tumeurs intra-crâniennes [6]. Le gangliogliome est de localisation ubiquitaire, avec une prédilection pour le lobe temporal. Il touche préférentiellement les adultes jeunes et les enfants, et s’observe avec des extrêmes de 2 mois et 70 ans [6]. De rares cas de gangliogliome associé à une neurofibromatose de type 1 (NF1) ont été rappor-
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TABLEAU I. — Tableau récapitulatif des gangliogliomes malins grade IV. TABLE I. — Summary of malignant grade IV gangliogliomas. Composante anaplasique
Référence
Nombre de cas
Astrocytome de grade IV :
Kemohan et al., 1932 [5]
1
composante gliale du gangliogliome répondant à un glioblastome, d’où gangliogliome de grade IV
Tönnis et Zülch, 1939 [8]
1
Hall et al., 1986 [3]
1
Lang et al., 1993 [7]
2
Campos et al., 1994 [1]
1
Zentner et al, 1994 [10]
2
Wolf et al., 1994 [9]
2
Isimbaldi et al., 1996 [4]
1
Dash et al., 1999 [2]
1
Notre observation
1
Total
13 cas
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A. MEKNI et al.
une prolifération endothéliocapillaire associée à quelques foyers de nécrose tumorale est observée au sein du contingent astrocytaire, qui correspond ainsi à un glioblastome [1-5, 7-10]. Le gangliogliome est alors considéré par les auteurs, et selon la dernière classification de l’OMS, comme un gangliogliome malin de grade IV [6]. Notre observation est particulière de par le fait qu’elle pose un problème de diagnostic différentiel avec un glioblastome multiforme, d’autant plus difficile à résoudre que la composante astrocytaire renferme de nombreuses cellules géantes masquant l’existence de cellules neuroganglionnaires [2]. Un tel aspect n’a été décrit que dans une seule observation de la littérature, celle de Dash et al. [2], où le contingent glial était presque exclusivement composé de cellules géantes. Cependant, un examen morphologique minutieux permet de faire la différence entre les cellules astrocytaires multinucléées, qui présentent de nombreux noyaux atypiques mitotiques et un cytoplasme peu abondant, et les cellules neuroganglionnaires ne renfermant qu’un ou deux noyaux vésiculeux centrés par un nucléole proéminent et un cytoplasme abondant éosinophile contenant un corps de Nissl cernant la membrane cellulaire. L’examen immunohistochimique confirme le diagnostic en permettant de distinguer les deux types de cellules géantes, et ce, en montrant l’immunomarquage positif des cellules neuroganglionnaires aux anticorps anti-neurofilament et anti-synaptophysine, et des cellules astocytaires multinucléées et fusiformes aux anticorps anti-GFAP et antiMib 1 [2, 6]. L’évolution du gangliogliome grade I et II est généralement lente, et le pronostic est excellent lorsque la tumeur est rapidement diagnostiquée et totalement réséquée. Le suivi post-opératoire montre une excellente survie, et ce, sans thérapie adjuvante [6]. En revanche, pour le gangliogliome malin, le suivi post-opératoire n’a été signalé que dans 4 cas de la littérature [1-4], où une seule ré-
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cidive avec progression tumorale à 6 mois de suivi [1] a été observée. Dans les deux autres cas, l’évolution n’était émaillée d’aucune récidive, ni complication, en sachant que le recul était insuffisant ; enfin, dans le 4e cas [2], comme dans notre observation, le patient est décédé dans le mois qui a suivi l’intervention.
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