Grossesse et buprénorphine. À propos de 24 cas

Grossesse et buprénorphine. À propos de 24 cas

Arch Ptdiatr 1999 ; 6 : 1179-85 0 1999 editions scientifiques et medicales Elsevier SAS. Tous droits reserves MCmoire original Grossesse et buprbn...

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Arch Ptdiatr 1999 ; 6 : 1179-85 0 1999 editions scientifiques et medicales

Elsevier

SAS. Tous droits reserves

MCmoire original

Grossesse et buprbnorphine. . A propos de 24 cas M. Jernite l, B. Viville 2, B. Escande I, J.P. Brettes 2, J. Messer ’ t Service

de pediatric

(Re~u le 24 decembre

II, 2 service

de gyrzkologie-obstPtrique,

hopital

Central,

67091

Strasbourg

cedex,

France

1998 ; accept6 le 17 mai 1999)

La substitution a la toxicomanie des femmes enceintes pendant la grossesse ainsi que la prise en charge multidisciplinaire sont des facteurs importants dans la reduction des complications (prtmaturite, retard de croissance intra-u&in, souffrance f&ale aigue. mot-t foctale, infections). La methadone est la plus etudite pendant la grossesse, elle a montre son effet bentfique net. Les grossesses sous buprenorphine, bien suivies et prises en charge tot, s’accompagnent aussi d’une reduction importante des complications avec des resultats comparables a ceux obtenus avec la methadone. Patients et m&ode. - Vingt-quatre femmes sous buprenorphine et leurs enfants ont ete Ctudits en partie de man&e retrospective (13 cas, groupe I) a partir des dossiers obstetricaux et pediatriques, et de maniere prospective (11 cas, groupe II). Pour ce dernier groupe, un suivi a ttC realize en collaboration avec les differents intervenants du reseau de toxicomanie avec une prise en charge multidisciplinaire. Rbultuts. - Une nette diminution des complications (prematurite, retard de croissance et souffrance fcetale aigue) a ttt trouvte dans le groupe prospectif par rapport a celies observtes dans le groupe retrospectif, respectivement 9 versus 30 lo, 9 versus 46 % et 0 versus 23 %. La frequence du syndrome de sevrage neonatal Ctait la m&me pour les deux groupes (63 versus 69 %), mais l’evolution ttait plus rapidement favorable pour le groupe II. Conclusion. - La prise en charge de la femme enceinte substituee par la buprenorphine et btneficiant d’une prise en charge multidisciplinaire entraine une diminution des risques. Cette prise en charge ne doit pas s’arr&ter a I’accouchement mais doit continuer apres la sortie de la maternid. 0 1999 Editions scientifiques et mCdicales ElsevierSAS buprenorpbine

/ grossesse / sevrage (syndrome

Summary - Buprenorphine Background. - Maintenance

and pregnancy.

buprenorphine

/ substance

de)

Analysis

of 24 cases.

therapy of drug-addict mothers with medical and psychosocial support may reduce complications (prematurity, growth retardation, ,fetal distress and fetal death). Methadone has been widely used during pregnancy with beneficial effects. Buprenorphine (BUP) is used more and more and shows the same beneficial effects. Patients and method. - Twenty-four pregnunt women received BUP and their infants were enrolled in the study. Thirteen retrospective (GI) and 1 I prospective (GII) cases were studied. In the Gil, the women were treated and followed up in an interdisciplinary manner. Results. - Complications in Gil were lessfiequent than in GI: 9 vs 30% of prematurity, 9 vs 46% offetal growth retardation and 0 vs 23% of acute fetal distress. However. the frequencl: of withdraMa syndrome was the same in both groups, 63 vs 69% though improvements came more rapidly in GIL ” Conclusion. - This study shows that the use of BUP during pregnancy combined wjth medical and psychosocial support, may reduce addiction complications. This support has to i& muintained after the birth. 0 1999 Editions scienttfiques et medicales Elsevier SAS

/ pregnancy

withdrawal

La toxicomanie est devenue par son extension un probleme majeur de sante publique. Le nombre de toxicomanes en France varie de 150 000 a 300 000 personnes. Vingt-cinq pour cent sont des femmes dont une large majorite est en age de procreer.

syndrome

Les grossesses sous opiates sont generalement accidentelles et diagnostiquees avec retard. Les opiates entrainent une baisse de la fertilite, une amenorrhee ou une oligomenorrhte et, quand il y a conception, un retard de diagnostic de la grossesse

M. Jernite et al

1180

est tres frequent rendant impossible la pratique d’une interruption volontaire de la grossessesi elle est desiree. Ces grossessesdifficiles a suivre du fait du profil meme des femmes toxicomanes, qui se plient ma1 aux exigences du suivi medical regulier, s’accompagnent d’une augmentation des risques tant obstetricaux (avortement spontane, prematurite, retard de croissance, souffrance f&ale aigue.. .) que neonatals. Ces risques sont represent& par les infections, I’inhalation meconiale et, surtout, le syndrome de sevrage neonatal qui est caracterise par des signes neurologiques (tremulations, irritabilite. hypertonie et parfois des convulsions), des signes digestifs (troubles alimentaires, vomissements, diarrhee, douleurs abdominales) et des signes sympathiques (Cternuements, larmoiement, transpiration, tachycardie). L’amelioration de la prise en charge et la diminution des risques passent par une medicalisation de la toxicomanie par le biais de la substitution. En France, il n’y a pas de consensus concernant la substitution des femmes enceintes toxicomanes. La plupart des etudes, surtout americaines, font Ctat de grossesses sous methadone et de l’effet benefique de cette molecule avec une diminution nette des complications (retard de croissance intra-uterin, prematurite.. .). Les etudes concernant la buprenorphine pendant la grossesse sont moins nombreuses du fait que cette molecule n’a pas d’autorisation de mise sur le marche pour cette indication. Neanmoins, en France depuis un peu plus de deux ans, les grossesses menees sous buprenorphine sont de plus en plus frequentes. La prise en charge medicopsychosociale qui entoure cette grossessepar la substitution est un facteur important dans la prevention des complications obstetricopediatriques. Nous presentons dans cette etude une serie de 24 cas de grossessessous buprenorphine de 1996 a 1998, dont une partie retrospective et une autre prospective avec un suivi d’une partie des enfants dans notre service, les autres etant suivis par les services sociaux. PATIENTS

ET MkTHODE

I1 s’agit d’une part d’une analyse retrospective de 13 cas comportant une etude des dossiers obstetricaux et pediatriques, et, d’autre part, d’une analyse prospective de 1 I femmes suivies par des medecins participant au reseau de toxicomanie. Pour le groupe I (I 3 cas). la substitution a debut6 pendant la grossesse avec un suivi mediocre. La premiere consultation Ctait en moyenne a 25 semaines de grossesse, saris aucune preparation prealable a l’accouchement, ni entretien avec I’equipe ptdiatrique. Les enfants ont CtC tous hospitalises systematiquement a la naissance avec sepa-

Tableau

I. Caracteristiques de\ patientes et complications.

.&ge midian Intetuuption volontaire de grossesse Fausse couche DurCe de la toxicomanie P fq5/ &s tmiqlrrs Htro’ine C0Giine Cannabis BuprCnorphine Tabac

2.5ans 6 (25 ‘?c) I De I h 8 ans

AlCOOl

X(33’i;)

Association

9 (37,s c/c)(surtout groupr II)

20 (83.3 ‘2) 2 (8.3 ‘?r) 13 (53 %) I (4. I %) (premii-re intention) IY (7”).2 r/;)

ration d’emblee. Quant au groupe II (11 cas), la majorite des patientes Ctaient substituees avant la grossesse (huit cas sur 11). Celle-ci a et6 dans l’ensemble bien suivie, la premiere consultation Ctait a 14 semaines en moyenne. Une prise en charge psychosociale etait assuree pendant toute la grossesse. Un entretien avec l’equipe pediatrique et anesthesique a et6 fait avec lea 11 femmes avant i’accouchement. Aucune des 24 grossesses n’a CtP programmee. Dans cette etude, nous avons analyse le mode de surveillance de la grossesse, Ies modalites de prise en charge. les cotnplications obstetricales, neonatales et le devenir h court terme aprea la sortie de la maternite. Nous awns compare les resultats des deux groupes a ceux de la litterature ainsi qu’a un troisieme groupe de 84 patientes toxicomanes saris prise en charge prealable dans la m&me region. Cette etude de 84 cas a fait I’objet d’un memoire soutenu en 1998 pour l’obtention d’un doctorat en pharmacie [ I I.

RhJLTATS Caractkistiques

des m&es (tdderru

1)

L’age median des meres Ctait de 25 ans. La parite etait de I ,09 et la gestite Ctait de 1,63. On trouvait six interruptions volontaires de grossesse(25 %) et une seule fausse couche. La duree de la toxicomanie Ctait de 1 a 8 ans dont la majorite, 83,3 c/c, a I’hero’ine; 37,5 o/c des femmes prenaient d’autres toxiques (medicaments, cannabis.. .). Le tabac et l’alcool representaient respectivement 79,2 c?ret 33 c/odes cas. Le profil serologique viral maternel comportait 18 cas d’hepatite C soit 75 %, avec une seule contamination f&ale, un cas d’hepatite B. Dans notre serie. aucune mere n’a eu une serologic positive pour le virus de l’immunodeficience humaine (VIH). L’accouchement a eu lieu trois fois par cesarienne (deux souffrances fcetales aigues a 30 semaines d’amenorrhee (SA] et a 33 SA. et un siege) et 21 fois par voie basse.

1181

Grc~ssesse et buprknorphine Tableau

II. CaractCristiques

de la pCriode

PrCmaturitC Retard de croissance intra-&kin Souffrance f&ale aiguE Syndrome de sevrage nConatal Convulsions DurCe moyenne de traitement (jours) Duke d’hospitalisation (jours)

Complications obstktricales des nouveau-n&

nConatale

1 6 3 9 I

30 36 23 69

7.6

I6 19.5

et caract&istiques

Le tableau II montre les resultats obtenus dans les deux groupes. Nous avons note 46 % de retard de croissance intra-uterin dans le groupe I avec deux retards de croissance intra-uterins harmonieux. dont un issu d’une femme consommant de la cocai’ne, contre 9 c/c dans le groupe II. La prematurite Ctait de 30 5%dans le groupe I (deux enfants de 30 et 33 semaines nes par cesarienne pour une souffrance fcetale aigue, un enfant de 35 SA et un de 36 SA) contre 9 5%dans le groupe II. 11y avait 23 o/ de souffiances fetales aigues dans le groupe I avec trois cas d’inhalation de liquide amniotique meconial, contre 9 7~ dans le groupe II et saris inhalation meconiale: une maladie des membranes hyalines chez un premature de 30 SA du groupe I. Dans ce meme groupe. un enfant a eu des convulsions et un autre une apnee a la naissance; pour ces deux enfants, les meres prenaient de fortes dosesde benzodiazepines. La patbologie nkonatale Nous n’avons pas trouve de difference significative quant au syndrome de sevrage. 11est de 69 c/c (huit cas sur 13) pour le groupe I contre 63 5%(sept cas sur 11) pour le groupe II. Le delai d’apparition a C:tCde un a trois jours. Un delai long de dix jours a Ctii note dans un seul cas (la mere prenait 24 mg de buprenorphine et 1.50mg de benzodiazepine) ; cet enfant a eu une somnolence et une hypotonie pendant huit jours dues a une impregnation par des benzodiazepines avant de debuter son syndrome de sevrage neonatal. Tous les enfants ont CtC examines a la naissance puis trois ou quatre fois par jour. Le traitement a CtC Ctabli lors de l’apparition de signes de sevrage incontrolables par les moyens physiques (emmaillotement, maternage, alimentation hypercalorique, diminution des stimuli sonoreset lumineux.. .). II comportait dans I’ordre chronologique de l’etude : quatre enfants trait& par du phenobarbital. quatre par benzodiazepine.

I I 0 7 0

Y Y 0 63 0 9 IO.2

20 33 I6 61 5

23,s 39,2 I’) 72,6 5.9 21 32.8

sept par de l’elixir paregorique et les trois derniers par du chlorhydrate de morphine (trois enfants avaient une association elixir paregorique et benzodiazepine). La duree moyenne du traitement a ete de 16 jours pour le groupe I et de neuf jours pour le groupe II. La duke d’hospitalisation a CtC de 19,5 jours pour I contre 10,2 jours pour II. Dans les 1I derniers cas de notre etude (groupe II), la substitution Ctait anterieure 5 la grossesse. Les femmes Ctaient suivies en collaboration avec les medecins du reseau et les obstetriciens; plusieurs entretiens pediatriques ont CtCor&anisesavant l’accouchement pour expliquer le deroulement de la prise en charge neonatale. Les relations entre la mere et son enfant, d’une part. et entre la mere et l’equipe soignante, d’autre part, ont Cte dans tous les cas satisfaisantes.Ces mamansont participe activement au traitemerit de leur enfant et sont toutes rentrees au domicile avec lui. En revanche, pour les 13 premiers cas (groupe I), les nouveau-n& ont CtCsystematiquement hospitalises avec separation de la mere et de l’enfant, sarisaucune participation de la mere aux soins de son bebe. Les syndromes de sevrage ainsi que la duke d’hospitalisation ont CtCplus longs. Le tableau III resume l’evolution des enfants apres la sortie de la maternite : 69 5%des enfants sont rent& au domicile avec leurs meres dans le groupe I contre 90,9 % pour le groupe II. Deux enfants ont CtCplaces, et il y a eu un abandon dans le groupe I et aucun dans le groupe II. Sur les 23 enfants, nous avons suivi les 11 enfants en consultation (groupe II) avec un recul faible de 14 mois. Tous vivent avec leur maman et ont un developpement psychomoteur normal pour leur Lge. Pour deux d’entre eux. un syndrome de postsevrage ne necessitant aucun traitement a persiste pendant huit et dix semainesapres la sortie. Nous avons fait une enquete aupres des services sociaux pour connaitre le devenir des 13 enfants du groupe I; trois ont CtC places dans un foyer de l’enfance ; cinq vivaient avec leurs meres et, pour les cinq autres, aucun renseignement n’a pu &tre obtenu.

M. Jernite

11x2 Tableau

III.

kvolution

Retour au domicile Foyer mbe-enfant Placement Abandon

aprks la

et al

sortie de la maternit&.

9 I 2 I

69.2

736 IS,3

736

DISCUSSION Dans le but de diminuer les risques de la toxicomanie, un projet de substitution a CtC instaurk en 1995 visant 2 prendre en charge d’une manike mkdicale, sociale et sanitaire les toxicomanes. Cette substitution est rCa1isCe par la mkthadone ou par la buprknorphine. La grossesse est un moment propice pour commencer la substitution. La mkthadone est utiliske depuis longtemps et a prouvk ses effets bCnCfiques sur les complications de la grossesse chez les toxicomanes [2]. La buprknorphine n’ayant pas rec;u l’autorisation de mise sur le march6 (AMM) pour cette indication a @tC peu CtudiCe, cependant des grossesses sous buprknorphine sont de plus en plus frkquentes. Dans la plupart des Ctudes concernant les femmes toxicomanes enceintes, I’Bge moyen est de 21 ?I27 ans [3, 41. II est de 25 ans dans notre sCrie. Ces femmes ont des antkckdents t&s chargks en interruptions volontaires de grossesse, des sCries font Ctat de 35 ?I 70 % [5, 61, 27 % dans notre Ctude. Ce pourcentage ClevC est expliquk par l’action des opiacks sur la fertilit& qui entraPne des dysrkgulations hormonales avec des amCnorrhCes et des oligomknorrhkes. Dans ces cas, la grossesse accidentelle aboutit 2 une interruption volontaire de grossesse quand elle est encore possible. II faut ajouter 2 cela la difficult6 d’instaurer une contraception efficace chez des femmes se pliant ma1 aux exigences du suivi mCdica1 [7]. Les infections virales sont frkquentes et sont rep& sentkes par un taux Clew? d’hkpatite C de 35 2 70 % dans les differentes skies, et d’infection par le VIH de l’ordre de 5 2 37 % 14, S-121. Les complications de la grossesse sont dominCes par la prkmaturitk de 20 2 56 % selon les skies 16, 13-l 51. Cette prCmaturitC est expliquke par les conditions de vie difficiles, par un taux ClevC d’infections gknitales dues au dkfaut d’hygikne de vie, mais surtout par des kpisodes de manque a minima entrainant une irritabilitk utkrine avec une menace d’accouchement prCmaturC, de souffrance fcetale aigue avec risque de mort fetale. Ce risque est augmentC aussi par les tentatives de sevrage impok ou non pendant la grossesse. Ces complications peuvent

IO I 0 0

90.9

60

9.1

5

12 I

71 6 II 1.19

&tre CvitCes en amkliorant les conditions de vie et en maintenant un taux stable d’opiacks tout au long de la grossesse. L’augmentation du volume plasmatique chez la femme enceinte impose l’augmentation de la dose des opiacks pour maintenir ce taux stable et Cviter les alternances entre imprkgnation et manque prkjudiciables pour le fatus et pour le nouveau-nk [16-191.

La deuxikme complication est le retard de croissance intra-utkrin. 11 est de 30 5 50 c7r dans les diffkrentes sCries 11.3. 20-221. L’origine de ce retard de croissance intra-utCrin est multifactorielle et s’explique par l’intoxication tabagique, la malnutrition. le mode de vie, le manque de repos et de sCrCnitC. L’objectif quotidien des femmes toxicomanes est de trouver leur dose journalikre aux dkpens de la nutrition et du repos. L’kquilibre procurtZ par la substitution mkdicalement instaurke diminue les complications likes 2 l’environnement de la grossesse. Certains auteurs constatent une amelioration de la croissance fcetale chez les femmes sous mkthadone 12, 231, et Wong et Lao rapportent en 1997 WI cas d’anomalie s&&e du doppler ombilical h 29 SA disparaissant aprks substitution par la mCthadone 1241. Dans une Ctude portant sur 172 femmes enceintes sous mkthadone. Hagopian et al. montrent que l’augmentation de la posologie en fin de grossesse etait corkICe & une augmentation de 1’Bge gestationnel et du poids de naissance [ 25 1. Dans le groupe II de I’ktude prospective. notre taux bas de retard de croissance intra-utkrin (9 %) et de prCmaturitC (9 %) sous buprknorphine pourrait &tre expliquk par la prise en charge globale des femmes et l’amklioration de l’environnement de la grossesse. Ceci n’est possible qu’en maintenant un taux stable d’opiacks qui Cvite la prise d’autres substances toxiques agissant sur la croissance. Nous avons cornpark ces rksultats 2 ceux parus dans un travail menC dans la mEme rCgion de 199 1 ii 1997 et portant sur 84 cas (groupe III) de toxicomanie et grossesse [I]. Dans ce travail, 84,5 % des femmes n’ktaient pas substitukes avant la grossesse. Le pourcentage de retard de croissance intra-utCrin Ctait de 39,2 % et celui de la prtZmaturitk Ctait de 23,8 %.

Grossesse

1183

et buprknorphine

Ces resultats correspondent a ceux trouves dans le groupe I et sont bien plus importants que dans notre serie prospective du groupe II. Ces resultats doivent Ctre confirm& par une etude plus large. La complication neonatale majeure des opiates est le syndrome de sevrage neonatal. Dans la litterature, il est retrouve dans 60 Zt90 % des cas [2, 14, 17, 261. Ce syndrome est apprecie par des scores (Finnegan, Ostrea, Lipsitz) comportant des signes neurologiques qui dominent le tableau et qui existent dans pratiquement 100 % des cas, des signes digestifs et des signes sympathiques [27-291. Le syndrome de sevrage neonatal est plus important, plus intense, d’apparition parfois retardee avec la methadone [30, 311. Les etudes concernant la correlation entre la posologie et la s&Crite du syndrome de sevrage neonatal sont controversees [32, 331. Dans notre serie, nous n’avons pas trouve de correlation entre la dose prise par la mere et la &&rite du syndrome de sevrage neonatal qui nous semble moins intense, d’apparition plus precoce qu’avec la methadone, sauf dans les intoxications associees. Le delai d’apparition est de un a trois jours. 11 depend de la derniere prise par rapport a l’accouchement, de la posologie, de l’anciennete de la toxicomanie et de l’association medicamenteuse [28]. Un des risques du sous-dosage en opiates chez la femme enceinte est la prise simultanee d’autres substances, notamment les benzodiazepines, responsables, dans un premier temps, d’une somnolence et d’hypotonie qui peut durer parfois plusieurs jours et, par ailleurs, d’une aggravation du syndrome de sevrage pouvant aller jusqu’aux convulsions [34]. Dans notre serie, le seul cas de convulsions concernait un enfant dont la mere prenait de fortes doses de buprenorphine et de benzodiazepine. Actuellement, il n’existe pas de consensus concernant le traitement medicamenteux du syndrome de sevrage neonatal. Plusieurs medicaments ont Cte utilises : phenobarbital, benzodiazepine, chlorpromazine, clonidine, le plus classique &ant l’elixir paregorique. La complexitt des composants de ce dernier, en particulier le camphre, l’acide benzoi’que et l’alcool, rend son utilisation moins aisle [16]. Pour ces raisons, nous preferons l’utilisation du chlorhydrate de morphine, solution analgesique buvable, B la dose de 0,056 a 0,075 mg/kg/4 a 6 heures, donnee au moment du biberon pour respecter les phases de sommeil de l’enfant. Dans notre experience et malgre le peu de cas, il nous semble que l’amelioration est plus rapide qu’avec l’elixir paregorique et la duree moyerme de traitement moins longue. A cela s’ajoutent les moyens physiques que sont : l’alimentation hypercalorique et fractiontree, la diminution des stimuli sonores et lumineux, le maternage par la mere et le personnel visant a Cviter la mise en incubateur et a favoriser l’attache-

ment mere-enfant. Une seule mere a allaite son enfant; celui-ci a eu un traitement de 6 jours par du chlorhydrate de morphine. Cette mere est infectee par le virus de l’hepatite C. Actuellement, la plupart des auteurs autorisent l’allaitement m&me chez les femmes qui ont une PCR positive pour l’hepatite C. La seule contre-indication restant actuellement est une serologic positive pour le VIH [35]. Le passage en maternite est un moment primordial. 11 permet l’etablissement d’un lien privilegie entre la mere et son b&be. Sa participation active dans la prise en charge neonatale, meme en cas de traitement de syndrome de sevrage neonatal, est un imperatif dans la reussite de notre objectif. Ceci doit &tre prepare pendant la grossesse par l’equipe pluridisciplinaire qui installe un climat de confiance permettant a la femme d’integrer son role de mere et de le faire saris culpabilit& 11 permet egalement aux differents acteurs sanitaires (assistante sociale, puericultrice, psychologue, medecin) de se faire une idee sur cette relation et de preparer le suivi du couple mere-enfant apres la sortie de la maternite. Pour les grossesses non suivies et non substituees, on note 9 a 56 % de separation mere-enfant soit d’emblee, soit secondairement [36, 371. On estime que le risque de separation est fonction de l’anciennete de la toxicomanie, de l’echec d’un programme de substitution et d’une situation sociale particulierement defavorable. Pour Davis [38], les marqueurs principaux de l’abandon par la mere de son enfant sont l’absence de suivi de la grossesse, des antecedents d’abandon, l’absence de domicile fixe et, surtout, l’absence de visite pendant le sejour en neonatologie. Le pronostic B long terme des nouveau-nes de meres toxicomanes depend de la maladie perinatale (prematurite et asphyxie) qui peut &tre responsable de sequelles neurologiques et handicaper l’avenir des enfants. L’association d’autres toxiques (alcool, tabac, cocaine) intervient dans le retard psychomoteur par la microcephalie et le retard de croissance intra-uterin qu’elle engendre [39,40]. Actuellement, la plupart des auteurs pensent que les consequences a long terme sur le devenir neurologique et psychologique des enfants de meres toxicomanes sont plus en rapport avec l’environnement direct qu’avec une Cventuelle action directe des drogues pendant la vie fcetale [36,41]. CONCLUSION La grossesse est un moment important de la vie d’une femme toxicomane. Elle est le point de depart d’une remise en question concernant son avenir de toxicomane, de femme et de future mere. C’est un moment crucial pour une prise en charge globale medicopsy-

1184

M. Jernite

chosociale ; celle-ci passe obligatoirement par une substitution mkdicalement assistke. Notre Ctude de femmes toxicomanes sous buprknorphine met l’accent sur la prise en charge globale de ces grossesses, sur le suivi et sur la prtvention des complications (retard de croissance intra-u&in, prCmaturitC, souffrance f&ale aiguti). Bien que le nombre d’enfants soit faible, il nous semble que notre pourcentage bas de complications dans le groupe II confirme le r81e important de l’amklioration des conditions de vie des toxicomanes, du suivi rkgulier de la grossesse et du bon Cquilibre de la substitution visant B maintenir un taux stable d’opiacks tout au long de la grossesse. Cet Cquilibre permet B la maman de vivre sereinement sa maternit et d’envisager un accouchement dans les meilleures conditions. II nous semble important d’encourager les entretiens rCpCtCs avec l’kquipe pkdiatrique avant l’accouchement afin d’expliquer 21la m&e le syndrome de sevrage. A cette occasion. nous envisageons avec elle les modalit& pratiques permettant de renforcer la relation m&e-enfant. les moyens thkrapeutiques prop&s en cas de sewage. la possibilitk d’allaitement s’il est d&irk. Ces entretiens permettent une bonne adhksion avec une participation active de la mkre dans la prise en charge de son enfant et assureront le suivi du couple mkre-enfant aprks la sortie de la maternitk. I1 nous semble que pour les grossesses bien suivies, substitukes par la buprknorphine. les complications peuvent &tre prkvenues au m&me titre qu’avec la mkthadone en amkliorant l’environnement de la grossesse et que le syndrome de sevrage semble moins stW.re, 2 condition d’kviter l’association avec d’autres mkdicaments, en particulier les benzodiaz6pines. Ces rksultats doivent etre confirm& par d’autres Ctudes avec des effectifs plus larges.

et al 7 Roudot-Thoraval

8

9

I0

II

I’

I3

14

IS I6 I7

18 19

20

21

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22 ‘3 24

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Nouvelles

n

Traitement dCrations

du fetus : consiCthiques

Le comitC de bioCthique de I’American Academy ot’ Pediatrics vient de faire connaitre sa position sur les aspects kthiques du traitement du fetus. Pour ce cornit& les progrks de la mCdecine fatale permettent maintenant de considCrer la femme enceinte et le fcetus comme deux patients potentiels. Mais la situation du f&us, d&pendant de sa m&re et accessible uniquement par son intermkdiaire, peut &tre la source de difficultks tthiques trbs variCes. La discussion d’un traitement f&al est une situation de conflit potentiel entre les intCr&ts de la m&e (prCserver sa

santC, sa libertk..) et la perception des intCr&s du fetus. Jusqu’B une Cpoque rkcente, les dkcisions Ctaient principalement prises pour prkserver la santC de la m&e, alors qu’actuellement certaines interventions sont faites pour rksoudre des problemes mkdicaux ou chirurgicaux du fetus. 11 s’agit alors de situations complexes oti un avis pluridisciplinaire est essentiel. La constitution d’une Cquipe regroupant des pCdiatres g&Cralistes et des mCdetins spkcialistes (nkonatologistes, gknkticiens. chirurgiens) autour de I’obstktricien devrait permettre de

conduire un programme de thkrapeutique fcetale. Cette Cquipe devrait aussi informer directement les parents et s’assurer qu’une information objective est comprise avant qu’ils ne prennent une dkcision relative g un traitement fetal. En termes d’intervention sur le f&us, le comitC considbre qu’il existe deux situations diffkrentes : - traitement d’efficacitk prouvbe. rCaIisC de manikre habituelle et avec un risque maternel minime: il s’agit par exemple de l’administration de 7id0vudine pour prkvenir la transmission maternofcetale du VIH ou de stCroi’des pour prkvenir la maladie des menbranes hyalines. de la rkalisation de transfusions in utero en cas d’isoimmunisation Rhesus. Dans de tels cas, le mkdecin devrait (doit) reconmander le traitement fcetal et faire accepter 5 la m&e un risque minime, car le bkntfice attendu pour le fcetus est important. Cependant. son refus doit &tre respect6 : - traitement n’ayant pas fait preuve de son efficacitk, qu’il s’agisse de pro& dures diagnostiques, thkrapeutiques ou d’intervention chirurgicale : la mise en ceuvre de ces prockdures doit faire partie d‘un protocole de recherche et en suivre les obligations 1Cgales. Une femme enceinte ne devrait pas encourir

brkves

de risque cxcessif pour un bCnCfice fcetal incertain, et le mkdecin peut avoir h I’inverse h s’oppo5er i I’insistance de la m&e qui souhaite la mise en route d’un traitement t&al. Pour le cornit& le mtdecin doit savoir s‘opposer h un refus maternel de waiter le fetus si les conditions suivantes sont rkunies: le fetus risque de souffrir de mani&re irrevocable en I‘absence de traitement. Ie traitement propok est efficace, le risque pour la mere est extrtmement limitk. Si le refus maternel persistc. et avec son accord. lea discussions avec d’autres membres de la famille ou le recours B un autre medetin WI au comitk d’ethique peuvent @trc utiles.

Enfin, le coinit souligne avec force que la dkision d’accepter ou de refuser un traitement du fetus appartient 5 la femme enceinte et doit etre respect6 et qu’ainsi aucun traitement ne peut &tre entrepris sari\ son accord. Un mkdecin en d&accord avec sa patiente doit done impCrativement faire intervenir lea autoritCs

judiciaires.

American Academy of Pediatrics - Committee of Bioethics. Fetal therapy. Ethical consideration\. Pediatrics 1999 ; I03 : I06 I-7.

E. Jacq/ Aigrain HBpital Robert-Debt+. Paris