Hémophilie A acquise découverte au cours de la grossesse : à propos d’un cas et revue de la littérature

Hémophilie A acquise découverte au cours de la grossesse : à propos d’un cas et revue de la littérature

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La Revue de médecine interne 33 (2012) 401–404

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Communication brève

Hémophilie A acquise découverte au cours de la grossesse : à propos d’un cas et revue de la littérature Acquired hemophilia A in prepartum: Case report and literature review M. Chaari ∗ , M. Sassi , V. Galea , G.T. Gerotziafas , I. Elalamy Service d’hématologie biologique, hôpital Tenon, Assistance publique–Hôpitaux de Paris, 4, rue de la Chine, 75020 Paris cedex 20, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Disponible sur Internet le 30 mai 2012 Mots clés : Hémophilie A acquise Anti-facteur VIII Pré-partum

r é s u m é Introduction. – L’hémophilie A acquise (HA) est une maladie hémorragique rare secondaire à l’apparition d’un auto-anticorps dirigé contre le facteur VIII. Chez le sujet jeune, cette pathologie est volontiers associée à la période du post-partum, mais est rarement découverte au cours de la grossesse. Nous rapportons une nouvelle observation d’HA découverte en pré-partum, et nous réalisons une revue de la littérature. Observation. – Il s’agit d’une femme de 31 ans, chez laquelle était découvert un allongement isolé du TCA en fin de grossesse. Cliniquement la patiente présentait des ecchymoses des jambes. L’exploration de l’hémostase montrait un taux diminué du facteur VIII (18 %) et la présence d’un anticorps anti-facteur VIII titré à 1,4 unité Bethesda. Afin d’éradiquer l’auto-anticorps, la patiente était traitée par prednisone, puis par rituximab. Conclusion. – Il est important de diagnostiquer un auto-anticorps anti-facteur VIII du pré-partum avant l’accouchement, car cela permet de mettre en place des mesures préventives indispensables pour éviter une hémorragie de la délivrance. © 2012 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

a b s t r a c t Keywords: Acquired hemophilia A Factor VIII inhibitors Prepartum

Introduction. – Acquired hemophilia A (AH) is a rare hemorrhagic disorder, secondary to the occurrence of factor VIII inhibitor. In young patients, this disorder is commonly observed during the post-partum period, and has been rarely documented in the prepartum. We report a new case of a prepartum AH and review literature data. Case report. – An isolated prolongation of the activated partial thromboplastin time (APTT) was fortuitously discovered in a 31-year-old pregnant women, with spontaneous ecchymosis of her lower limbs few days prior to delivery. Coagulation tests revealed decreased factor VIII activity (18%) and the presence of factor VIII inhibitor (1,4 Bethesda unit). In order to eradicate the autoantibody, the patient was first treated with prednisone and then with rituximab. Conclusion. – Prepartum factor VIII inhibitors need to be precociously recognized to allow prophylactic management of the delivery bleeding. © 2012 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction L’hémophilie A acquise (HA) est une maladie hémorragique liée au développement d’un auto-anticorps dirigé contre le facteur VIII [1]. C’est une pathologie rare dont l’incidence qui augmente avec l’âge est estimée à environ 1,5 cas par million par an [2]. L’HA se

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Chaari).

caractérise par des manifestations hémorragiques souvent sévères, apparaissant chez un patient sans antécédents hémorragiques personnels ou familiaux, et pouvant engager le pronostic vital [3]. En effet, cette affection reste associée à une mortalité hémorragique significative (5 %), avec des taux de mortalité globale qui varient entre 7,9 % et 42 % [4] (27,9 % était le taux de mortalité enregistré au cours de la plus grande cohorte de cas d’HA, récemment publiée [5]). L’auto-anticorps anti-facteur VIII peut survenir au cours de maladies auto-immunes (polyarthrite rhumatoïde, le lupus érythémateux disséminé, syndrome de Gougerot-Sjögren), de

0248-8663/$ – see front matter © 2012 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2012.04.018

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cancers solides ou certaines hémopathies malignes (essentiellement syndromes lymphoprolifératifs), ou encore lors d’affections dermatologiques (psoriasis, pemphigus) ou respiratoires chroniques (asthme, bronchopneumopathie chronique obstructive). Il est parfois associé à la prise de certains médicaments (pénicillines et dérivés, phénytoïne, méthyldopa, etc.) ou à la période du post-partum. Cependant, dans plus de la moitié des cas, l’HA est apparemment isolée [6]. Ainsi, dans la cohorte de Knoebl et al., portant sur 501 cas d’HA, 51,9 % étaient idiopathiques, 13,4 % associés à des maladies auto-immunes et 11,8 % associés à des cancers. L’HA n’était associée au post-partum que dans 8,4 % des cas. Les autres étiologies étaient rarement rencontrées [5]. L’objectif du traitement au cours de l’HA est, d’une part, de contrôler le syndrome hémorragique et, d’autre part, d’éliminer l’auto-anticorps. En cas de syndrome hémorragique important, le traitement hémostatique recommandé en première intention est le recours aux agents « by-passant » : concentrés de complexes prothrombiniques activés (CCPA) ou facteur VII recombinant activé (rFVIIa). Pour éradiquer l’auto-anticorps, un traitement immunosuppresseur doit être instauré immédiatement idéalement par une association corticostéroïdes–cyclophosphamide. En cas d’échec, peuvent être utilisés le rituximab (anti-CD20 monoclonal) ou d’autres agents immunosuppresseurs [1,3]. La survenue d’une HA au cours de la grossesse est connue depuis 50 ans [7]. La maladie est habituellement diagnostiquée en post-partum, mais rarement au cours de la grossesse. Nous rapportons un nouveau cas d’HA découvert quelques jours avant l’accouchement et analysons les données de la littérature.

La patiente était mise sous corticothérapie à forte dose (prednisone 1 mg/kg par jour). Au huitième jour, le facteur VIII était toujours diminué (11 %). Le travail était déclenché dans le cadre d’un protocole anti-hémorragique avec en début du travail, un bolus de 90 ␮g/kg de facteur VII recombinant activé (rFVIIa, Novoseven® ). La même dose était à nouveau administrée deux heures plus tard. Au décours de l’épisiotomie, la patiente présentait un saignement vaginal rapidement contrôlé par une nouvelle injection de rFVIIa (90 ␮g/kg). Un bébé de sexe masculin naissait en bonne santé. Au septième jour du post-partum, face à la persistance d’un taux bas du facteur VIII (7 %), la prednisone était jugée inefficace et arrêtée. Au 12e jour, des saignements vaginaux spontanément résolutifs étaient notés sans autres signes hémorragiques ultérieurs. Le contrôle biologique réalisé deux mois et demi après l’accouchement montrait la persistance d’un taux de facteur VIII bas (4 %) et un titre d’inhibiteur à 2,3 UB. Un mois plus tard, le facteur VIII était toujours à 4 % alors que l’anti-facteur VIII était à 1,4 UB. Devant la persistance de l’auto-anticorps, un traitement immunosuppresseur alternatif est prescrit avec rituximab en monothérapie (quatre injections à une semaine d’intervalle de 375 mg/m2 ). Les jours de la deuxième et de la troisième dose, en pré-injection du rituximab, le facteur VIII était toujours à 4 % (TCA respectivement à 77 s/33 s et 75 s/33 s), alors que le jour de la dernière injection, le facteur VIII était remonté à 8 % (TCA à 70 s/33 s). Malheureusement, après la fin du protocole d’administration du rituximab, aucune donnée de suivi clinique ou biologique n’est disponible (perdue de vue).

3. Discussion 2. Observation 3.1. Hémophilie A acquise du post-partum Une femme de 31 ans primipare était adressée au service de gynécologie à 39 semaines d’aménorrhée suite à la découverte d’un allongement isolé du TCA à l’occasion d’un bilan de suivi de la grossesse du fait d’ecchymoses spontanées des jambes. L’interrogatoire retrouvait dans les antécédents un terrain d’asthme chronique et un épisode de pneumothorax, mais aucun antécédent hémorragique personnel ou familial. L’étude des paramètres biochimiques et de l’hémogramme montrait des résultats normaux. L’exploration de l’hémostase révélait un allongement spontané du TCA (malade/témoin : 54 s/36 s), alors que les autres paramètres étaient normaux. Le mélange du plasma du malade (M) avec un plasma témoin (T) objectivait une correction partielle du TCA (M + T/T : 40 s/33 s ; ratio : 1,21) avec un indice de Rosner de 12,5. Le dosage de l’activité coagulante du facteur VIII était à 18 %, tandis que les taux des autres facteurs de la voie intrinsèque et le facteur de Willebrand étaient normaux. La recherche d’un anticoagulant circulant de type antiprothrombinase (lupus anticoagulant) était négative. L’épreuve de correction réalisée de nouveau, mais cette fois après incubation des plasmas malade, témoin et du plasma mélange (M + T) pendant deux heures à 37 ◦ C, montrait une absence de correction du TCA (M + T/T : 47 s/34 s) avec un indice de Rosner de 18,3. Ce dernier résultat associé à un facteur VIII diminué à 18 % faisait suspecter fortement un anticoagulant circulant de type anti-facteur VIII. Le test « Bethesda » permettait de confirmer la spécificité de l’anticoagulant circulant vis-à-vis du facteur VIII à titre faible : 1,4 unités Bethesda (UB). Le bilan immunologique montrait la présence d’anticorps antinucléaires de fluorescence mouchetée (titre : 1/640), de type anti-SSA associée à des anticorps anti-mitochondries (titre faible : 1/40), alors que le reste des auto-anticorps (anti-phospholipides, anti-cardiolipine, anti␤2-glycoprotéine 1, anti-ADN natif, anti-SSB, facteur rhumatoïde) était négatif.

Les auto-anticorps anti-facteur VIII du post-partum constituent 7 à 21 % de l’ensemble des cas d’HA et se développent le plus souvent après la première grossesse. L’HA apparaît généralement un à quatre mois après l’accouchement, mais elle peut se manifester plus à distance (un an). La majorité de ces auto-anticorps anti-facteur VIII ont tendance à disparaître spontanément, sans risque de réapparition au cours des grossesses ultérieures [8]. L’HA du post-partum est caractérisée par une grande hétérogénéité, tant clinique que biologique. En effet, au cours de la plus grande série d’HA du post-partum concernant 51 cas, Hauser et al. notaient un temps d’apparition des symptômes par rapport au moment de l’accouchement très variable (la plupart des cas survenant cependant au cours des trois premiers mois), un titre de l’inhibiteur entre 5 et 200 UB et une grande variabilité des manifestations hémorragiques [9]. Le site de l’hémorragie au cours de l’HA du post-partum semble varier en fonction du délai d’apparition de l’auto-anticorps, avec une prédominance des saignements vaginaux si l’inhibiteur se développe dans les jours suivant l’accouchement, et une plus grande fréquence des ecchymoses et des hémorragies des parties molles si l’anticorps apparaît plus tardivement [10]. L’évolution de l’HA du post-partum est généralement liée au titre de l’inhibiteur, alors qu’il n’existe pas de corrélation entre le titre de l’inhibiteur et le risque hémorragique. Ainsi, les inhibiteurs de faible titre (< 5 UB) tendent à disparaître spontanément en quelques mois, alors que ceux de titre plus élevé (> 5 UB) peuvent persister pendant des années en dépit d’un traitement immunosuppresseur, et parfois précèdent le développement d’une maladie auto-immune [11]. Cependant, dans la très grande majorité des cas, l’évolution est favorable avec disparition de l’autoanticorps [12,13]. Ainsi l’HA du post-partum est généralement considérée comme de meilleure pronostic avec une mortalité nulle [9,10,14,15].

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Tableau 1 Caractéristiques des patientes enceintes ayant développé une hémophilie acquise. Réf.

Âge Parité Signes hémorragiques

Pathologie associée

[16] [17] [15,18] [15] [19] Observation

14 29 35 35 17 31

Aucune 3 Aucune 1 Aucune 29 Aucune 1 Paludisme, hyperthyroïdie 4 Asthme 3

1 1 5 – 1 1

Hématurie, 29 SA Ecchymoses, hématurie, 22 SA Hémorragie utérine, 3e trimestre ND Épistaxis, gingivorragie, 13 SA Ecchymoses, 39 SA

Nombre d’épisodes hémorragiques

% FVIII initial Titre inhibiteur au diagnostic 3 ND 3 6 24 18

7a 300b 10,9b ND 1,7b 1,4b

Titre inhibiteur maximal 7a 10 500b 885b 14,4b 1,7b 2,3b

ND : données non disponibles ; SA : semaines d’aménorrhée. a U/mL selon la méthode de Shapiro [29]. b Unité Bethesda.

3.2. Hémophilie acquise découverte en cours de grossesse La découverte d’une HA au cours de la grossesse est exceptionnelle. En plus de notre observation, seules cinq autres observations d’HA au cours de la grossesse ont été rapportées dans la littérature. Les caractéristiques de ces cas sont résumées dans les Tableaux 1 et 2. L’âge moyen des femmes enceintes était de 26,8 ans (14–35 ans). Les signes hémorragiques apparaissaient dans la plupart des cas au cours du troisième trimestre de grossesse. Le facteur VIII résiduel variait entre 3 et 24 % et les titres d’inhibiteur au moment du diagnostic entre 1,4 et 300 UB. Cette hétérogénéité du titre de l’inhibiteur est retrouvée dans l’HA du post-partum (de 5 à 200 UB dans la série de Hauser et al. et de 5 à 550 UB dans la série de Solymoss et al.) [9,15]. Au moment du diagnostic d’HA, la plupart des patientes étudiées (quatre cas sur six) ne présentait aucune affection associée et ne prenait aucun médicament. Chez notre patiente, une affection respiratoire chronique d’association probablement fortuite (asthme), un titre élevé d’anticorps antinucléaires totaux et des anti-SSA positifs étaient retrouvés. L’asthme a été décrit parmi les affections pouvant être associées à l’HA. Dans la cohorte américaine incluant 215 cas, cinq patients étaient asthmatiques [20] et dans une série franc¸aise d’HA, Bossi et al. ont constaté trois cas d’asthmatiques sur les 34 patients étudiés [21]. Le bilan immunologique de notre patiente (présence d’antinucléaires de type anti-SSA) évoque un contexte de pathologie auto-immune. Cependant, le diagnostic de syndrome de Gougerot-Sjögren ne peut pas être retenu en raison de l’absence d’éléments cliniques du syndrome sec. Une des six patientes présentait un terrain particulier à savoir un paludisme à Plasmodium vivax et une hyperthyroïdie diagnostiqués au moment de l’apparition du syndrome hémorragique. Cette patiente est le seul cas d’association de paludisme à l’HA rapporté dans la littérature [19]. Le tableau clinique est caractérisé, comme pour l’HA du postpartum, par des hémorragies toujours spontanées muqueuses, sous-cutanées ou gynécologiques : hématuries (deux cas), épistaxis et gingivorragie (un cas), ecchymoses (deux cas), hémorragie

utérine (un cas) et saignement vaginal (un cas). Le nombre total d’épisodes hémorragiques observés chez les six patients s’élevait à 39 épisodes. Seule une patiente, où l’auto-anticorps persistait pendant cinq ans et demi, a présenté des épisodes répétés d’hémarthrose. À l’inverse de l’hémophilie A congénitale, où le tableau clinique est généralement dominé par les hémarthroses, celles-ci sont beaucoup plus rares dans l’HA [2]. L’étude des caractéristiques cliniques des patientes en fonction du titre de l’inhibiteur, montre que ce dernier n’est corrélé ni au nombre d’épisodes hémorragiques ni à leur sévérité. Pour la prise en charge thérapeutique, différents agents hémostatiques ont été utilisés chez ces six patientes pour contrôler l’hémorragie : agents « bypassant » ou des concentrés de facteur VIII humain. Il faut signaler dans un cas le recours à des moyens moins conventionnels pour contrôler l’hémorragie (vitamine K, adrénaline et sang total). Chez deux patientes, les agents « bypassant » étaient administrés en prévention respectivement avant césarienne et en début du travail. Le pronostic des hémorragies sévères au cours de l’HA a été nettement amélioré depuis l’utilisation des agents « bypassant ». Ainsi, dans une étude rétrospective concernant le traitement de l’HA, les CCPA (FEIBA) ont montré leur efficacité dans 100 % des cas de saignements modérés et dans 75 % des cas sévères [22]. Avec le rFVIIa (Novosen® ), un taux de réponse de 95 % est observé lorsqu’il est utilisé en première intention [23]. Par ailleurs, l’efficacité du rFVIIa a également été montrée avec une administration répétée toutes les deux heures d’un bolus de 90–120 ␮g/kg, aussi bien en curatif (pour contrôler les hémorragies aiguës) qu’en préventif (dans les chirurgies à haut risque hémorragique) [24]. Les agents immunosuppresseurs utilisés chez ces patientes enceintes ont été les corticoïdes, notamment la prednisone, et les immunoglobulines polyvalentes. Cependant, la corticothérapie à forte dose, utilisée seule, s’est révélée inefficace en première ligne (prednisone 40 mg/j pendant trois semaines et 60 mg/j pendant deux semaines respectivement) chez deux patientes, ainsi qu’en seconde ligne de traitement (prednisone 1 mg/kg par jour pendant dix mois chez une autre patiente). En dehors de ce

Tableau 2 Traitement des patientes ayant développé une hémophilie acquise lors d’une grossesse. Réf.

TH préventif

TH curatif

TIS 1re ligne

TIS 2e ligne

Suivi après rémission

[16]

Non

Prednisone

Non

ND

[17] [15,18] [15] [19] Observation

CCPA Non Non Non rFVIIa

Concentré de F VIII, épinéphrine, cryoprécipité Non CCPA ND VK, adrénaline, sang total rFVIIa

IgIV IgIV, CVP × 3 ND Non Prednisone

Prednisone 10 mois ND Non Rituximab

ND 176 mois 2 mois 8,5 mois Pas de rémission (après 3,5 mois de suivi et avant début du rituximab)

TH : traitement hémostatique ; TIS : traitement immunosuppresseur ; IgIV : immunoglobulines polyvalentes en intraveineux ; cyclophosphamide–vincristine–prednisone ; VK : vitamine K ; CCPA : concentrés de complexes prothrombiniques activés ; rFVIIa : facteur VII recombinant activé.

CVP :

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contexte de grossesse, certains auteurs recommandent d’emblée l’association prednisone et cyclophosphamide plutôt que la prednisone en monothérapie [3]. Dans leur méta-analyse portant sur 249 patients, Delgado et al. ont retrouvé un meilleur taux de rémission avec cette association en comparaison avec les corticostéroïdes administrés seuls (89 % versus 70 % des patients) [25]. Cependant, pour les femmes en âge de procréation, l’utilisation du cyclophosphamide doit être utilisée avec précaution du fait du risque d’infertilité [3]. Aucune des deux patientes traitées par les immunoglobulines polyvalentes n’a répondu à ce produit. Une étude prospective incluant 19 patients a montré que les immunoglobulines polyvalentes à fortes doses, utilisées seules, entraînaient une réponse partielle ou totale dans moins de 30 % [26], ce qui a incité un groupe d’experts à ne pas proposer leur recommandation ou tout au moins leur emploi systématique dans cette indication [3]. Chez notre patiente, l’absence de rémission biologique (antifacteur VIII au même titre du départ et facteur VIII encore plus abaissé) à trois mois et demi de suivi, malgré la corticothérapie initiale, qui cependant a été brève, a incité à proposer un traitement par rituximab, comme recommandé par le groupe d’experts [27]. Huth-Kühne et al. suggèrent d’utiliser le rituximab uniquement comme alternative thérapeutique en cas d’échec du traitement immunosuppresseur de première ligne [1]. Une analyse récente des cas publiés a montré un taux élevé de rémission (79 %) dans des HA traitées par le rituximab, avec des posologies, des schémas d’administration et des traitements associés divers [28]. Chez la patiente enceinte impaludée, l’auto-anticorps a disparu spontanément, en dehors de toute thérapie immunosuppressive, suite au traitement du paludisme à P. vivax par la chloroquine, suggérant un effet inducteur de cette infection parasitaire sur l’apparition secondaire des anticorps. 4. Conclusion Il est essentiel chez une femme enceinte présentant un allongement isolé du TCA de savoir évoquer et porter le diagnostic d’HA même si les signes hémorragiques sont minimes ou absents. En effet, un tel diagnostic bien que rare permettra de limiter les complications hémorragiques potentielles de la délivrance grâce à la mise en place de mesures préventives adaptées. Il est important dans le contexte de l’HA de rechercher une maladie auto-immune sous-jacente par un bilan immunologique élargi. En dépit du nombre limité de cas, l’HA diagnostiquée au cours de la grossesse semble avoir les mêmes caractéristiques cliniques et biologiques que l’HA du post-partum. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Huth-Kühne A, Baudo F, Collins P, Ingerslev J, Kessler CM, Lévesque H, et al. International recommandations in the diagnosis and treatment of patients with acquired hemophilia A. Haematologica 2009;94:566–75.

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