Immunoglobulines polyvalentes intraveineuses et allo-immunisation érythrocytaire fœtomaternelle

Immunoglobulines polyvalentes intraveineuses et allo-immunisation érythrocytaire fœtomaternelle

Table ronde Traitements actuels des ictères néonatals Immunoglobulines polyvalentes intraveineuses et allo-immunisation érythrocytaire fœtomaternelle...

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Table ronde Traitements actuels des ictères néonatals

Immunoglobulines polyvalentes intraveineuses et allo-immunisation érythrocytaire fœtomaternelle P. Boutte*, C. Dageville, A.-M. Maillotte, F. Monpoux Service de médecine néonatale, Hôpitaux pédiatriques, CHU-Lenval, Nice

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’allo-immunisation fœtomaternelle (AFM) érythrocytaire est le conflit entre un antigène érythrocytaire de l’enfant, hérité du père, et le système immunitaire maternel. Si l’injection systématique d’immunoglobulines anti D à toute femme Rhésus négatif à risque de s’immuniser a permis une très importante réduction de la fréquence des AFM Rhésus, la prophylaxie des incompatibilités dans le système ABO demeure impossible. L’AFM occasionne une hémolyse à l’origine d’une anémie et d’une hyperbilirubinémie plus intenses dans les AFM Rhésus que dans les AFM AB0. Cette différence provient du fait que sur les hématies néonatales, il y a beaucoup moins de sites antigéniques A et B que de sites antigéniques D. L’hémolyse due aux anticorps anti-A (1 pour 150 naissances) est plus fréquente que celle due aux anticorps anti-B [1]. L’AFM érythrocytaire est la première cause d’ictère pathologique néonatal. Il s’agit d’un ictère à bilirubine libre qui, à forte concentration dans le plasma, peut être à l’origine d’une encéphalopathie bilirubinémique encore appelée « ictère nucléaire ». Le traitement de cet ictère repose essentiellement sur la photothérapie (PT) intensive. Lorsque malgré la PT, la bilirubinémie libre atteint des taux dangereux pour le cerveau, il faut recourir à l’exsanguino-transfusion (EST). En plus des variations volémiques enregistrées au cours de son exécution et du risque infectieux accompagnant toute manipulation de cathéter, une thrombopénie ou une hypocalcémie peuvent être notées après sa réalisation. L’EST a également été rendue responsable de convulsions, de bradycardies, d’apnées ou de thromboses vasculaires [2]. Au cours de ces dernières années, les améliorations apportées à la PT ont rendu exceptionnelle la prescription de l’EST. De ce fait, les équipes perdent progressivement l’expérience de cet acte, en pratique difficile, ce qui augmente le risque de survenue d’effets indésirables. À côté de la PT et de l’EST, l’administration d’immunoglobulines polyvalentes intraveineuses (IgIV) est utilisée dans le traitement des AFM depuis le début des années 1990. Le mécanisme d’action des IgIV est mal connu. Hammerman et al. [3] ont montré par la mesure simultanée du taux de bilirubine et de carboxyhémoglobine, qui est un marqueur de l’hémolyse, que les immunoglobulines entraînaient une décroissance parallèle des taux de ces deux molécules, témoignant ainsi de l’inhibition * Auteur correspondant. e-mail : [email protected]

de l’hémolyse. L’hypothèse d’une saturation des récepteurs Fc macrophagiques par les IgIV a été évoquée. Il résulte de la revue de la littérature effectuée en 2009 par Monpoux et al. [4] que le traitement des AFM Rhésus et ABO par IgIV permet une réduction des indications d’EST et une diminution des durées de PT et d’hospitalisation. D’après cette revue, aucune conclusion définitive ne peut être établie quant à la nécessité d’une transfusion sanguine dans le mois suivant la prise en charge de l’ictère et les IgIV ne semblent pas être associées à des effets indésirables significatifs. Une publication récente signale chez 3 nouveau-nés à terme, la survenue d’une entérocolite ulcéro-nécrosante après l’administration d’IgIV pour ictère par allo-immunisation [5]. Concernant les risques de transmission virale, la crainte est liée à l’utilisation de plasma humain pour l’extraction des immunoglobulines. Les processus de purification (fractionnement éthanolique, filtration, chromatographie) et d’inactivation virale (pasteurisation, nanofiltration) utilisés par l’industrie pharmaceutique permettent d’éliminer actuellement tout risque de transmission d’agents infectieux connus [6]. Depuis 2004, l’Académie Américaine de Pédiatrie recommande l’utilisation des IgIV à la dose de 0,5 à 1g/Kg en 2 h (éventuellement renouvelable dans les 12 h en cas de nécessité) dans les AFM ABO ou D (également C et E malgré l’absence de données) lorsque la bilirubinémie avoisine des taux dangereux pour le cerveau malgré une PT intensive [7]. En 2008, les recommandations israéliennes ne différaient des américaines que sur deux points : une dose unique et une perfusion de 3 à 4 h [8]. En 2010 en Angleterre, le « National Institute For Health and Clinical Excellence (NICE) » a publié une mise au point concernant l’ictère néonatal qui préconise l’utilisation des IgIV (0,5 g/Kg en 4 h) en association avec la PT intensive dans les cas d’AFM Rhésus ou ABO où la bilirubinémie augmente de plus de 8,5 μmol /l et par heure [9]. Enfin, toujours en 2010, les recommandations norvégiennes stipulent que la prescription d’IgIV (0,5 g/Kg en 2 h) devrait être envisagée chez tout nouveau-né porteur d’une AFM Rhésus ou ABO [10]. À la lumière de ces recommandations, l’utilisation des IgIV dans les AFM Rhésus et ABO semble justifiée car elle diminue le nombre d’EST. Le prix actuel des IgIV est inférieur à 40 euros par gramme. Il est souhaitable que soient édictées des recommandations françaises précisant les indications et la posologie des IgIV dans l’AFM érythrocytaire du nouveau-né.

19 © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2011;18:19-20

P. Boutte, et al.

Références [1]

Murray NA, Roberts IAG. Haemolytic disease of the newborn. Arch Dis Child Fetal Neonatal Ed 2007;92:F83-8. [2] Steiner LA, Bizzarro MJ, Ehrenkrenz RA, et al. A decline in the frequency of neonatal exchange transfusions and its effect on exchange-related morbidity and mortality. Pediatrics 2007;120:27-32. [3] Hammerman C, Vreman HJ, Kaplan M, et al. Intravenous immune globulin in neonatal immune haemolytic disease: does it reduce hemolysis? Acta Paediatr 1996;85:1351-3. [4] Monpoux F, Dageville C, Maillotte AM, et al. Immunoglobulines polyvalentes intraveineuses et ictère néonatal par alloimmunisation érythrocytaire. Arch Pediatr 2009;16:1289-94. [5] Navarro M, Nègre S, Matoses ML, et al. Necrotizing enterocolitis following the use of intravenous immunoglobulin for haemolytic disease of the newborn. Acta Paediatr 2009;98:1214-7.

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Archives de Pédiatrie 2011;18:19-20

[6] Hooper JA. Intravenous immunoglobulins: evolution of commercial IVIG preparations. Immunol Allergy Clin North Am 2008;28:765-78. [7] American Academy of Pediatrics Subcommittee on Hyperbilirubinemia. Management of hyperbilirubinemia in the newborn infant 35 or more weeks of gestation. Pediatrics 2004;114:297-316. [8] Kaplan M, Merlob P, Regev R. Israël guidelines for the management of neonatal hyperbilirubinemia and prevention of kernicterus. J Perinatol 2008;28:389-97. [9] National Institute for Health and Clinical Excellence. Neonatal Jaundice. (Clinical Guideline 98.) May 2010. http://www.nice. org.uk/CG98. [10] Bratlid D, Nakstad B, Hansen T. National guidelines for treatment of jaundice in the newborn. Acta Paediatr 2011;100:499-505.