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Perspective sur une maladie, une therapeut~que
Interactions médicamenteuses chez le cardiaque très âgé Agnès Sommet Jean-louis Montatsruc Service de Pharmacoloi Clinique du de Toulouse
Principes pharmacocinétiques et dynamiques, situations cliniques.
Données pharmacocinétiques es interactions médicamenteusestouchent préférenet pharmacodynamiques tiellement le sujet âgé en raison : i) des modifications pharmacodynamiqueset pharmacocinétiques liées à Peu. d'essais cliniques sont réalisés spécifiquement dans l'âge, ii) de la présence de désordres multiples chez le sujet la population des sujets très âgés et le plus souvent on âgé qui augmentent le risque de confusion et d'interactions extrapole les données des patients plusjeunes à cette popu(troubles moteurs, sensoriels ou cognitifs) et surtout iii) car lation. Les modificationspharmacodynamiquesaccroissent la consommation médicamenteuse chez le sujet âgé est encore plus le risque d'interactions soit en raison d'une beaucoup plus importante, on estime qu'au dessus de 70 hypo-sensibilité des récepteurs (d'où moindre efficacité ans le nombre moyen de médicamentsest de 8.1. Lesconsédes B-bloquants) ou de l'hypersensibilité d'autres (affiquences directes sont illustrées par les données de pharnité de la warfarine se majore, plus grande sensibilité aux macovigilance qui soulignent chez les patients de plus de benzodiazépines).Cesont surtout les modificationsd'ordre 70 ans que près de 10 % des hospharmacocinétiquesqui majorent pitalisations sont imputables à la Plus de ,O der -I'mle risque d'interactions, elles tousurvenue d'un effet indésirable, le chent toutes les étapes de l'histoire des~~jets&plusde70ans plus souvent des tableaux de du médicament dans l'organisme : s o n t liées à uieffet indésirable déshydratation ou d'hypoten.. sions. Les a médicaments respon- des n ' & d m L'absorption est insensiblement sables D sont le plus souvent des modifiée malgré la diminution des médicaments de la sphère cardiovasculaires suivis par les secrétions digestives, des débits sanguins intestinaux ou psychotropes et les AINS, même s'il faut garder à l'esprit le de la motricité. risque de l'automédication [Il. Ces effets indésirables graves sont dans près de 40 % le résultat d'interactions médicaLa distribution est influencée par la majoration du rapmenteuses dont 2 % mettent en jeu le pronosticvitalet dont port masse grasselmasse maigre contribue à I'accumulaplus de la moitié sont évitables (Tableau 1). tion de médicaments liposolubles, la baisse de I'albumi-
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AMC pratique
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MISE AU Pol TABLEAU I
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Règles pratiques pour éviter les interactions médicamenteuses chez le sujet âgé.
L'élimination surtout rénale est largement affectée par t'âge. Le cardiaque très âgé est un insuffisant rénal en devenir. La baisse du débit sanguin rénal justifie le calcul de la clairance de la créatinine et l'adaptation des schémas d'administration pour éviter le risque d'accumulation de substances à élimination rénale (espacer les doses ou baisser la posologie). Les interactions médicamenteuses sont de trois ordres : iPhysico-chimique,
Troi h e s i non a d a p t h au poids ou à état physiologique du sujet Trop faibles :antidépresseu~s iExpkquer longuement 1'ordanJiance et s'assurer que le matade I'a comprise ilmpilquer i'entourage
m Rdwtther systématique~nmt lesrJgnesde surdossgc iAdapter frequernment les doses
némie (souvent par dénutrition) augmente la fraction libre circulante du médicament d'habitude fortement fixé (AVK, fibrates) augmentant le risque de surdosage enfin la perméabilisation de la barrière hémato-encéphalique majore la diffusion centrale.
Les fonctions métaboliquesdu foie sont réduites de 30 % au delà de 80 ans avec une diminution du débit et du catabolisme hépatiques. Le sujet âgé reste très sensible à l'induction et à l'inhibition enzymatique (tableau II). Tableau II - Inducteurs et inhibiteurs enzymatiques
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elles traduisent l'incompatibilité de deux médicaments, leur survenue n'a rien de spécifique chez le cardiaque âgé (précipitationde furosémide et d'héparine dans une même tubulure). iPharmacocinétiques,
elles peuvent toucher toutes les étapes décrites ci-dessus, chez le sujet âgé ce sont surtout des interactions qui touchent les étapes de la distribution et du métabolisme ainsi que l'élimination. Les caractéristiques pharmacologique d'un médicament augmentent le risque d'interaction médicamenteuse : ainsi, des médicaments dont la toxicité est concentration dépendante, la courbe dose-réponse est à pente élevée, l'effet de premier passage hépatique est important, I'élimination se fait par une seule voie, sont autant de caractéristiques qui augmentent le risque de survenue d'une interaction médicamenteuse.L'exemple caricatural est celui de la survenue d'effets indésirables avec les statines chez le sujet âgé, car ces médicaments présentent la plupart des caractéristiques énumérées ci-dessus. iPharmacodynamiques,
elles concernent par exemple, deux médicaments qui agissent sur le même récepteur (agoniste et antagoniste, adrénergique) ou deux médi-
caments qui agissent sur une même fonction, par exemple la fréquence cardiaque (atropine et B-bloquant).
Exemples d'interactions médicamenteuses Les interactions sont fréquentes, potentiellement graves mais cliniquement peu significatives. Nous avons retenu quelques situations fréquentes chez le sujet âgé qui illustrent à la fois les mécanismes, les modes de présentation et la sévérité potentielle des interactions.
Les hyponatrémies médicamenteuses Le mécanisme est double soit par déplétion, soit par dilution, elles se caractérisent par une hyponatrémie inférieure à 135 mmoltL. Les facteurs de risque sont classiquement l'existence d'une cardiopathie sous-jacente sous la forme d'une insuffisance cardiaque et la poly-médication du sujet âgé. Les médicaments les plus souvent incriminés sont les diurétiques, les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS), la carbamazépine et plus rarement les IEC, AINS. Ce tableau est dans 30-70 % des cas d'origine médicamenteuse et touche de 8-20 % des patients gériatriques. A l'hôpital on estime la prévalence des hyponatrémies à 2.5 % de la population suivie. Les patients se présentent dans 50 % des cas avec des tableaux neurologiques (convulsion, confusion, désorientation temporo-spatiale). Concernant les hyponatrémies sous IRS, on attribue un rôle à la sécrétion inappropriée de l'hormone antidiurétique, dans ce contexte le tableau touche surtout des sujets de sexe féminins 15 jours à 1 mois après l'introduction. L'association médicamenteuse la plus fréquemment responsable de ce tableau est celle comprenant IRS et IEC ou diurétique ou neuroleptiques.
graves et 5 décès. On retrouve dans les facteurs de risque, un âge supérieur à 70 ans mais aussi la présence d'un diabète ou d'une insuffisance rénale. En septembre 2005, I'AFSSAPS a notifié une alerte à l'attention des prescripteurs. En pratique, il s'agit de proscrire l'association de médicaments hyperkaliémiants (sels de potassium, AINS), excepté sous surveillance, dans I'insuffisance cardiaque. La surveillance du patient est l'outil le plus efficace dans la prévention des tableaux d'hyperkaliémie avec contrôle de la fonction rénale et de la kaliémie : à chaque modification de dose, avant initiation d'un médicament, lors de tout évènement pouvant modifier la kaliémie (fièvre, AEG).
Risque hémorragique des AVK chez le sujet âgé Les accidents sont plus fréquents et plus graves chez le sujet âgé avec 6.4 fois plus de complications fatales, 5 fois plus d'hématomes intracrâniens et un risque de mise en jeu du pronostic vital accru de près de 4 fois par rapport à une population moins âgée. Mais, ces accidents sont prévisibles grâce à l'identification des sujets à risque, essentiellement des hypertendus avec une insuffisance rénale etîou cardiaque ayant déjà fait un AVC ou avec une néoplasie active. On retrouve une augmentation proportionnelle au nombre de médicaments associés aux AVK. Les interactions médicamenteusesles plus fréquentes concernent les médicaments à forte fixation protéique comme les AINS pyrazolés ou l'aspirine. Là encore, c'est la surveillance accrue, à l'aide d'un carnet, avec réévaluation permanente de la balance bénéficetrisque. Le risque hémorragique doit inciter à la prudence mais ne pas priver un malade âgé d'un traitement anticoagulant justifié.
Risque hémorragique sous HBPM Les hyperkaliémies Cet effet indésirable est revenu sur le devant de la scène dans les suites de la publication de l'essai RALES. Dans une étude rétrospective britannique portant sur 226 patients insuffisants cardiaques qui ont respectés les recommandations de l'essai RALES, on recense 33.8 % des patients qui ont arrêtés en moyenne 11 mois après son introduction la spironolactone [2]. Cet arrêt est attribuable dans 20 % des cas à la survenue d'une hyperkaliémie etîou d'une insuffisance rénale. Les facteurs de risque sont une kaliémie de base élevée et surtout l'âge avancé des patients. Cette observation a été confirmée en France par une enquête du réseau des CRPV français qui recense entre 2000 et 2004, 74 cas d'hyperkaliémie sous spironolactone dont 72 classés comme
La survenue d'hémorragie grave sous HBPM est surtout observée chez le sujet âgé, du fait de I'insuffisance rénale sous jacente et dans les situations ou le traitement se prolonge. Le calcul de la clearance de la créatinine identifiera les patients chez lesquels le traitement curatif et préventif est contre indiqué (Clearance c 30 mltmin). Une attention particulière portera sur l'absence de traitement au dessus de 10 jours [3].
L'hypotension orthostatique Elle doit être recherchée systématiquement chez le sujet âgé. C'est un facteur de risque de morbidité (chutes, fractures) mais également de mortalité cardiovasculaire. La recherche est d'autant plus importante qu'il n'existe pas toujours de AMC pratique
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relation entre la survenue des symptômes et le niveau de pressionartérielle. Dans une étude portantsur 342sujetsd'au moins 75 ans, plus de la moitié présentent une hypotension orthostatique, mais qui est symptomatique chez seulement 20 % de la cohorte. La prévalence augmente avec l'âge et le nombre de médicaments sur I'ordonnance. Les médicaments les plus souvent incriminéssont les antihypertenseurs, les vasodilatateurs, dont le sildénafil, les diurétiques (surtout les fortes doses), enfin certains dopaminergiques, antidépresseurs (imipramiques) et neuroleptiques [4].
CO~C~US~O~S En pratique, les interactions médicamenteuses sont fréquentes et potentiellement graves chez le sujet âge. Elles restent évitables S i l'on veille à la prescription de médicaments utiles (ASMR 1 à 3) et à l'éviction de certains medicaments dépourvus d'indications patentes ou avec un niveau de S M R insuffisant. IIfaut garder à l'esprit les interactions les plus fréquentes entre autre avec les anticoagulants, les anti-arythmiques et les digitaliques, les AlNS
(dont l'aspirine) et les inducteurs ou inhibiteurs enzymatiques. A cet égard, réduire le nombre de médicaments et essayer de prescrire en DCI sont souhaitables. Enfin, la réévaluation régulière de I'ordonnance, pour maintenir les médicaments avec le plus de bénéfice et le moins de risque, permet d'inscrire ces précautions dans la durée. i
Références
1. Pouyanne P, Harambum F, lmbs Ji., Begaud B. Admissions to hospital caused by adverse dnig reactions : cross sectional incidence study. French Pharmacovigilance BMJ 2000Apr 15; 320 : 1036. 2.Witham MD, GillesDie NB ~truthers~~.~oierabili(of spironolactone in patients with chronicheart failure a cautionary message. Br J Clin Pharmacol. 2004 ; 58 : 554-7. 3. P, Bagheri LapeyreMestre M, Sie P.
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Fouladi A, Maupas E, Leger P, Fontan B. Massip P. Montastruc JL. Utilisation and safety of low molecular weight heparins : prospectiveobservational study in medical inpatients Drug Saf. 2003 ; 26 : 197-207. 4. hthak k Raoul V. Montastruc ~i., senard JM. Adverse drug reactions related to drugs used in orthostatic hypotension : a prospectiveand systematic pharmacovigilancestudy in France. Eur 1 Clin Pharmacol. 2005; 6 : 471-4.
-P En pral"lque : Réduire le nombre de médicaments présents et rediscuter /'ordonnance périodiquement. 16
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