Intérêt de l'évaluation d'IgM et d'IgA spécifiques circulant dans le serum de malades atteints de sclérose en plaques (SEP)

Intérêt de l'évaluation d'IgM et d'IgA spécifiques circulant dans le serum de malades atteints de sclérose en plaques (SEP)

Immuno-analyse & Biologie spécialisée 17 (2002) 302–310 www.elsevier.com/locate/immbio Stratégies d’exploration fonctionnelle et de suivi thérapeutiq...

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Immuno-analyse & Biologie spécialisée 17 (2002) 302–310 www.elsevier.com/locate/immbio

Stratégies d’exploration fonctionnelle et de suivi thérapeutique

Intérêt de l’évaluation d’IgM et d’IgA spécifiques circulant dans le serum de malades atteints de sclérose en plaques (SEP) Detection of the specific IgM and IgA circulating in sera of multiple sclerosis patients: interest and perspectives M. Geffard a,*, D. Bodet a, Y. Martinet b, M.-P. Dabadie c a

ENSCPB-EPHE, 16, avenue Pey-Berland, 33607 Pessac, France b IDRPHT, 200, avenue de Thouars, 33400 Talence, France c S.A. GEMAC, 12, rue Condorcet, 33150 Cenon, France Reçu le 1 janvier 2002; accepté le 2 janvier 2002

Résumé L’identification d’anticorps circulants dans la sclérose en plaques a fait l’objet de nombreuses études sans apporter les arguments décisifs pour leur intérêt. Grâce à nos travaux sur le sérum des malades, nous avons trouvé des anticorps circulants dirigés contre : des acides gras liés à des protéines, l’acétylcholine conjuguée, l’acide azélaïque et le résidu malondialdehyde conjugués (produits de la lipoperoxydation) et contre des aminoacides conjugués modifiés par le NO. Ces immunoglobulines sont le plus souvent d’isotypie M. Leurs titres sont élevés dans la forme rémittente (R) et faibles (souvent peu différents des contrôles) dans les formes secondairement progressive (SP) et rémittente progressive (RP). Dans le même temps, des anticorps circulants ont été trouvés, dirigés contre des antigènes appartenant à Hafnia alvei, Pseudomonas aeruginosa et putida, Klebsiella pneumoniae, Proteus mirabilis, Morganella morganii. Dans la forme R, ces anticorps sont généralement d’isotypie M. Par contre, dans les formes SP et RP, ils sont principalement d’isotypie A. Des réponses immunes dirigées contre des antigènes bactériens (Hafnia alvei, Morganella morganii, Proteus mirabilis et Klebsiella pneumoniae) ont été trouvés dans la forme SP et contre seulement deux souches (Pseudomonas aeruginosa et putida) dans la forme RP. Il apparaît donc que les formes cliniques de SEP sont biologiquement identifiables. De plus, sur des suivis sériques temporels, nous avons trouvé des profils biologiques « M » et « A » de malades dont l’évolution clinique se situe entre les formes R et SP. © 2002 E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The identification of circulating antibodies has been largely studied in Multiple Sclerosis. Until now, no clear interest has been found for the follow-up of patients. In our studies, we have previously described in patient sera circulating antibodies directed against fatty acids, acetylcholine-like, azelaic acid and malondialdehyde residue, NO-modified amino-acids; all of these haptens were conjugated to proteins. The circulating antibodies were always of M isotype and their levels were only significantly high in remitting relapsing MS (RRMS) form. Conversely, they were found to be low in secondary progressive (SPMS) and remitting progressive MS (RPMS) forms. More, other circulating antibodies have been identified. These latters were directed against enterobacterial antigens from Hafnia alvei, Pseudomonas aeruginosa and putida, Klebsiella pneumoniae, Proteus mirabilis, Morganella morganii. In RRMS, these last circulating antibodies were most often of M isotype. In SPMS and RPMS, they were of A isotype. In order to discriminate these two progressive MS forms, antibodies directed against Hafnia alvei, Morganella morganii, Proteus mirabilis and Klebsiella pneumoniae of A isotype are only found in SPMS. For RPMS, antibodies directed against Pseudomonas aeruginosa and putida of A isotype were principally present. Our bioclinical results enable us to discriminate for the first time the different clinical MS forms. © 2002 E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. Mots clés: Sclérose en Plaques; Anticorps circulants; Serum; Suivi biologique Keywords: Multiple sclerosis; Circulating antibodies; Sera; Biological follow-up

* Auteur correspondant. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. PII: S 0 9 2 3 - 2 5 3 2 ( 0 2 ) 0 1 2 1 4 - 0

M. Geffard et al. / Immuno-analyse & Biologie spécialisée 17 (2002) 302–310

1. Introduction La sclérose en plaques est une maladie chronique démyélinisante, auto-immune et inflammatoire du système nerveux central. Son étiologie reste à ce jour inconnue. C’est une maladie multifactorielle où participent des facteurs génétiques liés au système majeur d’histocompatibilité [10,40,56] et au métabolisme lipidique. À ces aspects génétiques et biochimiques, se surajoutent des facteurs immunologiques et une possible participation infectieuse [18,32]. Le profil évolutif de la SEP est très variable, toujours imprévisible. Si 20 % des SEP évoluent dès le début sur un mode progressif, plus de 50 % d’entre elles, après dix ans, auront également une forme évolutive progressive. Malgré les nombreux travaux réalisés sur cette affection, il n’existe pas à ce jour d’indicateurs biologiques permettant de suivre la maladie, ni de thérapie ayant une réelle efficacité. La présence significative d’anticorps (Ac) sériques dirigés contre des antigènes (Ag) myéliniques centraux est un des aspects auto-immuns de la maladie [1,3,4, 17,30,31,33,36,37,39,42,43,45,46,49-51,53-55]. D’autres anticorps circulants dirigés contre des composants extraneurologiques [48] ont été identifiés. Tous les anticorps sériques trouvés ne permettent pas de définir s’ils sont liés à la cause ou s’ils sont une conséquence de la maladie, ni d’apporter de preuves décisives de leur intérêt dans la connaissance des processus pathogéniques et/ou dans le suivi bioclinique des malades. Depuis plusieurs années, notre démarche a consisté à identifier des anticorps circulants reconnaissant d’autres cibles que celles décrites dans les travaux cités plus haut. C’est ainsi que nous avons recherché et trouvé dans le sérum des patients des anticorps circulants dirigés contre des antigènes néoformés lors de processus oxydatifs et radicalaires [6,7,11,35]. En effet, les actions combinées de NO et d’espèces oxygénées réactives (EOR) peuvent conduire à des modifications antigéniques [5,12,29,52] de divers composants cellulaires endogènes, comme les lipides ou les protéines : peroxydation lipidique, formation de malondialdéhyde conjugué, de dérivés hydroxylés, d’aminoacides modifiés, nitrés ou nitrosylés. Les modifications antigéniques par NO et par les EOR peuvent altérer de manière importante la fonction des molécules endogènes. Les antigènes néoformés entraînent secondairement des réponses immunes spécifiques. L’ensemble de ces phénomènes intervient très vraisemblablement dans les processus pathogéniques de la SEP. Grâce à notre expérience acquise dans le domaine de l’immunologie des petites molécules [19-28], nous avons recherché la présence de réponses immunes spécifiques dans les sérums de malades. Deux aspects complémentaires de la maladie ont été évalués : l’étude indirecte des processus inflammatoires et dégénératifs mettant en jeu des mécanismes oxydatifs et radicalaires et la stimulation de

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facteurs chroniques très vraisemblablement liés à des antigènes bactériens appartenant à des souches communes. C’est ainsi que nous avons comparé les titres en anticorps circulants dirigés contre ces différents antigènes dans les différentes formes de SEP. Dans ce cadre, la quantification d’immunoglobulines (Ig) spécifiques circulant dans le sérum des malades atteints de SEP, devenait pertinente. Les résultats et leur intérêt sont présentés dans le présent article.

2. Patients et méthodes 2.1. Présentation des prélèvements sériques Cette étude a été faite avec le consentement éclairé des patients selon la loi française et la procédure médicale en vigueur. Les prélèvements sériques proviennent de services hospitaliers universitaires de neurologie. Le diagnostic de SEP a été posé selon les critères de [44]. Les malades étaient atteints des formes cliniques de SEP : • forme rémittente (SEP R, n = 100) : celle-ci se caractérise par des poussées évolutives, aiguës, assez brèves (< 1 mois) séparées par des périodes de rémission de durée variable. Les poussées peuvent être multiples et rapprochées ou limitées à quelques unes. Deux tiers des SEP de forme rémittente, les plus fréquentes, entrent dans une phase progressive entre sept et dix ans après le début de la maladie ; • forme secondairement progressive (SEP SP, n = 100) : l’aggravation de la maladie est continue sans phase de rémission, d’évolution lente ou rapide ; • forme rémittente progressive (SEP RP, n = 100) : après des poussées et des rémissions, l’évolution se fait sur le mode progressif, sur lequel se surajoutent de nouvelles poussées. De plus, des prélèvements sériques effectués sur plusieurs années avaient été réalisés pour plusieurs malades. Les sujets témoins (n = 200) sont apparemment indemnes de toute affection auto-immune dégénérative et proliférative. Les malades et les témoins sont appariés par l’âge et le sexe. 2.2. Tests d’identification des immunoglobulines circulantes dirigées contre les différents épitopes Nous effectuons leur quantification à l’aide de tests immunoenzymatiques (tests Elisa) bien éprouvés [2,6,7,11,14-16,35,38,47]. • Identification d’anticorps dirigés contre des épitopes nitrosylés et nitrés conjugués : la synthèse de ces conjugués et l’évaluation des anticorps circulants ont été réalisées par des tests immunoenzymatiques selon la méthode décrite par [28] ;

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• identification d’anticorps dirigés contre les acides gras et autres dérivés conjugués : la quantification des anticorps circulants dirigés contre ces composés a été faite selon les méthodes déjà décrites pour l’acétylcholine conjuguée [47] ; les acides gras conjugués [2,11] ; l’acide azélaïque et le résidu malondialdéhyde liés à des protéines [2,6,35] ; • identification d’immunoglobulines, d’isotypie M et A, dirigées contre des préparations de souches bactériennes. Le choix des souches bactériennes gram-négatif suivantes : Hafnia alvei, Pseudomonas aeruginosa, Proteus mirabilis, Morganella morganii, Pseudomonas putida, Citrobacter koserii, Klebsiella pneumoniae, est le résultat d’études (non publiées) effectuées depuis plus de 10 ans, sur des sérums de malades et de sujets contrôles. Les préparations antigéniques sont réalisées à partir de souches bien identifiées au moyen des tests biochimiques classiquement employés en bactériologie. Après la collecte des bactéries sur les boîtes de gélose, les étapes de préparation sont les suivantes : sonification (puissance moyenne, 30 min, à 4 °C), dialyse à 4 °C pendant 2 jours, évaluation de la concentration protéique au moyen de la technique de Bradford [9] et stockage des préparations à – 80 °C. Les plaques Maxisorp (Merck-Eurolab) de microtitration sont sensibilisées à une concentration de 4 µg/ml de lysat bactérien dans du tampon carbonate 0,05 M (pH 9,6). 200 µl sont déposés dans les puits pendant 16 h à 4 °C sous agitation et à l’obscurité. Après ce temps, les plaques sont saturées par 200 µl de tampon phosphate 10–2 M salé (tpPS) 9 g/l, ayant 0,5 % de Serum Albumine Bovine (SAB), 1 h à l’obscurité à 37 °C. Ce temps est suivi de trois lavages avec du tampon tpPS-Tween contenant 0,05 % de Tween 20. Les plaques sont ensuite séchées 3 h à 37 °C. Puis, les plaques sont remplies avec 200 µl de chaque sérum humain dilué au 1/500. Auparavant, chaque échantillon est pré-dilué au 1/10 dans du tampon tpPS, filtré sur 0,2 µm, puis redilué au 1/50 dans du tpPS-Tween ayant 0,25 % de SAB. Le temps d’incubation des dilutions sériques est de 1 h 45 à 37 °C à l’obscurité. Après cette étape de liaison spécifique des anticorps circulants, les plaques sont rincées trois fois avec du tpPS-Tween puis chaque puits reçoit une dilution d’anticorps de chèvre antiimmunoglobulines humaines d’isotypie M ou A (BioradPasteur) conjugués à la peroxydase et dilués au 1/5000 dans le tampon tpPS-Tween ayant 0,25 % de SAB. Le temps de liaison est de 1 h à 37 °C à l’obscurité. Cette étape est suivie de trois lavages avec du tpPS-Tween. La liaison Ig-anti-Ig péroxydase est révélée par addition de 200 µl d’une solution contenant 0,5 ml d’orthophénylène diamine (OPD ; Sigma) à 4 % préalablement dilué dans 20 ml de tampon citrate 0,05 M, phosphate 0,2 M (pH5) contenant 0,015 % de H2O2 (Merck). La réaction colorimétrique est développée pendant 10 min à l’obscurité puis stoppée par addition de 50 µl d’une solution de H2SO4 4N, dans chaque puits.

La densité optique (DO) de chaque puits est lue à 492 nm à l’aide d’un spectrophotomètre multicanaux (Secomam). Les valeurs expérimentales sont soustraites de celles données par les puits n’ayant que l’OPD. 2.3. Analyse statistique des données obtenues par les tests immunoenzymatiques Dans le but d’homogénéiser les DO lues lors des différentes expérimentations, un rapport est calculé : Z = 共 D.O. malade − moyenne des D.O. des te´ moins/ e´ cart − type des D.O. des te´ moins 兲 La valeur 0 de ce rapport représente la moyenne des témoins. Nous obtenons une variable binaire pour chaque marqueur : • valeur faible (inf.) : valeur inférieure à la moyenne des témoins ; • valeur forte (sup.) : valeur supérieure à la moyenne des témoins. Par le test de Khi2 global, nous avons étudié le lien entre un marqueur et les formes de SEP. Le test de Khi2 par case a permis d’évaluer le lien entre la valeur faible ou forte d’un marqueur et une forme de SEP (Statview, SAS).

3. Résultats La quantification des anticorps sériques circulants, rapportée ici, est le résultat de nombreuses expérimentations. Les premières séries ont permis de définir les réponses immunes statistiquement significatives vis-à-vis des valeurs données par les sérums des témoins. Plusieurs centaines de sérums de malades atteints de SEP de 3 formes cliniques ont été testés sur plusieurs centaines d’antigènes seules les réponses immunes décrites ci-dessous ont été trouvées significatives. • Identification d’anticorps circulants, dirigés contre des acides aminés nitrosylés et nitrés conjugués. Les antigènes les plus pertinents, reconnus par les anticorps circulants et leur signification pathogénique sont présentés sur le Tableau 1. Tableau 1 Antigènes nitrosylés et nitré sur lesquels des réponses immunes statistiquement significatives ont été trouvées Antigènes conjugués

Origine

Signification pathogénique

NO-Cysteine (NO–Cys) NO-Tyrosine (NO–Tyr) NO2-Tyrosine (NO2–Tyr) NO-Trytophane (NO–W) NO-Histidine (NO–Hist) NO-Methionine (NO–Met) NO-Asparagine (NO–Asp) .

constituants endogènes modifiés par NO et par des espèces oxygénées réactives

néoantigènes résultant d’une hyperproduction de NO et de peroxynitrite

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Tableau 2 Relation statistique entre les titres en anticorps reconnaissant les antigènes nitrosylés et nitré et les formes de SEP. Le nombre de malades par forme clinique est n = 100

Tableau 4 Relation statistique entre les titres en anticorps circulants reconnaissant ces antigènes et les formes de SEP. Le nombre de malades par forme clinique est n = 100

Antigènes conjugués

p de Khi2

SEP SP

SEP R

Antigènes conjugués

p de Khi2

NO-Cys NO-Tyr NO2–Tyr NO-W NO-Met NO-Hist NO-Asp .

< 0,0001 0,0402 0,0006 < 0,0001 0,0113 0,0129 0,0063

inf

Sup Sup Sup Sup Sup Sup Sup

Pal Ole Aze MDA Ach .

0,0101 0,0410 < 0,0001 0,0053 0,0010

inf inf

SEP RP

inf inf inf

Les résultats rapportés ici complètent ceux précédemment décrits [6,28]. L’isotypie des immunoglobulines trouvées est toujours de type M, quelque soit le stade évolutif de la SEP. Aucune réponse statistiquement significative de type G n’a été trouvée. Peu de réponses d’isotypie A ont été rapportées. Elles ne sont pas significatives. Les titres élevés en anticorps circulants d’isotypie M discriminent les formes de SEP R des formes progressives. Seule la SEP R présente des titres élevés (Tableau 2). • Identification d’anticorps circulants, dirigés contre d’autres molécules (acides gras et autres dérivés conjugués) La signification pathogénique de ces antigènes est décrite sur le Tableau 3. L’isotypie des immunoglobulines trouvées est de type M quelque soit le stade évolutif de la SEP. Cette donnée est conforme aux résultats précédemment décrits pour d’autres affections et la SEP [2,11,47]. Aucune réponse de type G n’a été trouvée. Peu de réponses d’isotypie A ont été identifiées. Dans la SEP R, on trouve des titres élevés en anticorps d’isotypie M et peu souvent dans les formes SP et RP (Tableau 4). • Identification d’anticorps circulants dirigés contre les antigènes bactériens Suite aux nombreuses études préliminaires effectuées au laboratoire, nous avons trouvé des réponses immunes statistiquement significatives, dirigées contre les préparations membranaires suivantes : Hafnia alvei (3), Pseudomonas aeruginosa (5), Proteus mirabilis (12), Morganella morganii (13), Pseudomonas putida (16), Citrobacter koserii (17), Klebsiella pneumoniae (19). Le numéro donné à chaque souche n’a qu’un intérêt expérimental.

SEP SP

SEP R

inf

Sup Sup Sup Sup Sup

SEP RP

Inf Inf

Contrairement aux deux autres catégories d’anticorps circulants trouvés, ceux-ci sont d’isotypie M et/ou A. Dans la forme R, les titres élevés en anticorps sont le plus souvent d’isotypie M. Par contre, dans les formes progressives, ils sont majoritairement d’isotypie A. De plus, les formes SP et RP se différencient par les souches bactériennes impliquées dans la reconnaissance des IgA (Tableau 5). • Profils immunologiques sériques de malades ayant des formes R, SP et RP ; Des profils immunologiques ont été établis et validés pour chacune des formes de SEP : • la forme rémittente est caractérisée par des titres élevés en anticorps d’isotypie M ; Pour illustrer ce résultat, des exemples concernant des malades atteints de SEP R sont présentés ci-après (Figs. 1a, b, c) : • la forme secondairement progressive est caractérisée par des titres faibles en anticorps d’isotypie M, et, élevés en anticorps d’isotypie A, principalement dirigés contre les souches Hafnia alvei, Morganella morganii, Proteus mirabilis et Klebsiella pneumoniae. Quelques profils de malades évoluant dans la forme SP sont montrés sur les Figs. 2a, b, c ; • enfin, la forme rémittente progressive présente des titres faibles en anticorps d’isotypie M et élevés en isotypie A dirigés principalement contre (Pseudomonas aeruginosa et putida). Quelques exemples de profils de malades ayant une SEP RP sont présentés sur les Figs. 3a, b, c. Les Figs. 4a, b, c montrent quelques exemples de malades dans une phase « intermédiaire » évolutive au cours de laquelle des titres en anticorps circulants, à la fois d’isotypie M et A, ont été trouvés. Les observations cliniques correspondent à des malades ayant une forme R en phase très évolutive.

Tableau 3 Antigènes conjugués sur lesquels des réponses immunes ont été trouvées statistiquement significatives Antigènes conjugués

Origine

Signification pathogénique

Acide Palmitique (Pal) Acide Oléique (Ole) Acétylcholine (ACh)

composés endogènes liés par liaison amide

physiologiquement non accessibles au système immunitaire ; reconnus après destructuration membranaire ou liaison anarchique à d’autres constituants du soi

Acide Azélaïque (Aze)

composé endogène modifié (liaison amide)

produit d’un processus d’oxydation et d’hydrolyse des acides gras insaturés

Résidu Malondialdéhyde (MDA)

produit très réactif sur des constituants endogènes aminés

produit final de la lipoperoxydation

.

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Tableau 5 Relation statistique entre les titres en anticorps circulants reconnaissant les antigènes bactériens de souches gram-négatif et les formes de SEP. Pour chaque forme clinique, le nombre de malades est n = 100 Antigènes bactériens

p de Khi2

SEP SP

SEP R

12M 13M 16M 17M 19M 3A 5A 12A 13A 16A 17A 19A .

0,0172 0,0028 0,0136 < 0,0001 0,0010 < 0,0001 0,0007 0,0012 < 0,0001 0,0011 0,0041 0,0005

inf inf

Sup sup sup sup sup inf inf inf inf inf inf inf

inf inf sup sup sup

sup

SEP RP

sup

sup

N.B. : Les lettres M et A correspondent à l’isotypie des anticorps circulants trouvés.

Fig. 2. Trois exemples de profils immunologiques de malades atteints de SEP, actuellement de forme SP : a : P.G., homme, 45 ans, SEP depuis 5 ans ; b : M.T.R., femme, 68 ans, SEP depuis 20 ans ; c : G.A., homme, 43 ans, SEP depuis 14 ans. Seuls les titres en IgA anti-antigènes bactériens sont élevés. ■ L’échelle donnée en ordonnée indique la valeur du rapport R = (D.O. malade – moyenne des D.O. des témoins) / moyenne des D.O. des témoins. En abscisse, sont rapportés les antigènes sur lesquels les sérums de patients ont été testés. N.B. : la positivité du signal immunologique est donnée pour R ≥ 2.

4. Discussion

Fig. 1. Trois exemples de profils immunologiques de malades atteints de SEP de forme R : a : A.K., femme, 22 ans, SEPR depuis 6 ans ; b : I.M., femme, 35 ans, SEPR depuis 9 ans ; c : F.R., femme, 40 ans, SEPR depuis 5 ans. Seuls les titres en IgM sont élevés. ■ L’échelle donnée en ordonnée indique la valeur du rapport R = (D.O. malade – moyenne des D.O. des témoins) / moyenne des D.O. des témoins. En abscisse, sont rapportés les antigènes sur lesquels les sérums de patients ont été testés. N.B. : la positivité du signal immunologique est donnée pour R ≥ 2.

La participation de l’immunité humorale dans la SEP est une donnée physiopathogénique bien admise. Il y a bien une coopération cellulaire entre les T helpers autoréactifs et les cellules B autoréactives notamment dans la production des anticorps anti-myéline [41]. Localement, la production d’immunoglobulines (Ig) est enrichie en auto-anticorps. Celle-ci apparaît être le reflet d’une affection dont la tendance est une hyper réactivité cellulaire-B produisant des anticorps dont la reconnaissance de cible est variée. De nombreux anticorps ont été trouvés dans cette affection : ceux dirigés contre des constituants myéliniques et du système nerveux central [1,3,4,31,33,37,39,42,43,45,50, 51,53-55] ; et ceux reconnaissant des constituants d’organes extra-neurologiques [48]. Mais ces Ig circulantes d’isotypies G, M et quelquefois A n’ont pas apporté, à ce jour, de preuves décisives de leur intérêt dans la connaissance des

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Fig. 3. Trois exemples de profils immunologiques de malades atteints de SEP de forme RP : a : F.V., homme, 49 ans, SEP depuis 23 ans ; b : E.M., homme, 32 ans, SEP depuis 6 ans ; c : ML.S, femme, 45 ans, SEP depuis 10 ans. Seuls les titres en IgA anti-Pseudomonas sont élevés. ■ L’échelle donnée en ordonnée indique la valeur du rapport R = (D.O. malade – moyenne des D.O. des témoins) / moyenne des D.O. des témoins. En abscisse, sont rapportés les antigènes sur lesquels les sérums de patients ont été testés. N.B. : la positivité du signal immunologique est donnée pour R ≥ 2.

processus pathogéniques et dans le suivi bioclinique des malades. À cette notion d’hyper réactivité cellulaire-B, nous avons associé dans notre démarche la production d’espèces radicalaires intervenant dans les processus inflammatoires et/ou infectieux de la SEP. Dans ce cadre, nous avons recherché des anticorps dirigés contre des épitopes endogènes modifiés ou non par des mécanismes radicalaires associant les effets du NO et d’autres espèces oxygénées réactives (EOR). Pour la mise en œuvre de cette approche, nous avons réalisé les étapes méthodologiques suivantes : • la synthèse de conjugués aminoacides modifiés, acides gras et dérivés, mimant des antigènes du soi modifiés ou non ; • la démonstration de leurs propriétés immunogéniques ; • l’obtention d’anticorps poly- et monoclonaux servant à leur détection ; • la détection d’anticorps circulants dirigés contre ces conjugués dans des sérums humains et d’animaux chez

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Fig. 4. Trois exemples de profils immunologiques de malades atteints de SEP dans une « phase intermédiaire » évolutive présentant à la fois des anticorps circulants d’isotypie A et M. a : D.L., femme, 43 ans, SEP depuis 5 ans ; b : C.B., femme, 45 ans, SEP depuis 5 ans ; c : D.L.C., femme, 46 ans, SEP depuis 14 ans. Ces malades ont des profils immunologiques avec des titres élevés en anticorps d’isotypies M et A. ■ L’échelle donnée en ordonnée indique la valeur du rapport R = (D.O. malade – moyenne des D.O. des témoins) / moyenne des D.O. des témoins. En abscisse, sont rapportés les antigènes sur lesquels les sérums de patients ont été testés. N.B. : la positivité du signal immunologique est donné pour R ≥ 2.

lesquels des modèles expérimentaux de SEP ont été induits [7]. Cette approche méthodologique a permis de trouver dans les sérums de malades atteints de différentes affections chroniques invalidantes dont la SEP, des anticorps circulants reconnaissant des cibles antigéniques précises [2,6,7,11,1416,28,35,38,47]. Parallèlement aux études sur les sérums humains, nous avons trouvé dans les sérums de rates Lewis ayant développé des crises d’encéphalite allergique expéri mentale [7,8] la présence éventuelle d’Ig circulantes reconnaissant les mêmes antigènes conjugués. Les anticorps trouvés tant dans la SEP que dans l’EAE sont principalement d’isotypie M. Cette observation est restée non expli quée puisque quelque soit le stade de la SEP, il n’y a jamais présence d’immunoglobulines d’isotypie G. Cette donnée est en apparente contradiction avec la production d’Ig intrathécales et mesurées dans le liquide céphalorachidien (LCR) qui sont principalement d’isotypie G et quelquefois M et A. Les cibles antigéniques reconnues par ces IgG

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Fig. 5. Schéma établi à partir de données recueillies sur des suivis biologiques de malades atteints de SEP. Ces suivis ont été réalisés sur plusieurs années. Cette synthèse permet de visualiser une possible évolution biologique des malades débutant par une forme R et évoluant vers la SP ou la RP. N.B. : L’échelle de temps ne tient pas compte de la durée moyenne des différentes formes cliniques de SEP.

intrathécales ne sont pas encore définies. Les Ig du LCR sont utilisées pour la mesure de l’indice de perméabilité de la barrière hémato-encéphalique. Pour notre part, sur quelques résultats individuels de LCR, des titres élevés en IgM reconnaissant les cibles antigéniques décrites dans cet article, ont été trouvés. Mais, nous n’avons effectué d’études systématiques que sur le sérum et non le LCR de malades (Fig. 5). Les Ig d’isotypie M sont le reflet de stimulations antigéniques apparaissant au cours des processus pathogéniques de la SEP. C’est ainsi que les anticorps d’isotypie M dirigés contre des antigènes modifiés par NO visualisent de façon indirecte l’hyperproduction de NO. Il est connu que la stimulation de la NO synthase de type inductible (NOS II) provoque de fortes concentrations de NO locales capables soit de se lier à des résidus d’acides aminés constitutifs, soit de s’associer à d’autres espèces radicalaires comme l’O2–. et former le peroxynitrite, très réactif. Ce dernier va nitrer les résidus tyrosine et donner du NO2-Tyrosine, mais aussi entraîner une peroxydation lipidique et provoquer la néoformation de MDA et/ou d’autres composés tels que l’acide azélaïque. Les anticorps circulants identifiés contre chacun de ces composés néoformés sont bien le moyen indirect d’analyser les mécanismes radicalaires impliqués dans les processus dégénératifs et/ou immuns. Des travaux récents nous font envisager que cette stimulation pourrait être rattachée à celle de lymphocytes B1 et MZB présents à la fois dans les ganglions péritonéaux et dans la zone intermédiaire de la rate et capables de migrer au niveau des muqueuses [13,34]. Ces sous-populations B, T-indépendantes sont décrites comme étant stimulées par des antigènes ressemblant à ceux identifiés dans nos études sur la SEP et l’EAE. De plus, les lymphocytes B1 et MZB sont connus pour ne produire que des IgM ou des IgA.

Les Ig d’isotypie A et M reconnaissant les antigènes bactériens des souches gram-négatif pourraient être également le résultat d’une stimulation B1 et MZB. En effet, ces lymphocytes sont connus pour être stimulés par certains constituants bactériens comme les lipopolysaccharides (LPS) [13]. L’implication d’antigènes bactériens dans la SEP a fait l’objet de peu de travaux bien que des arguments anciens et récents montrent qu’ils pourraient intervenir dans les processus de chronicité [18,32]. On peut envisager que les mêmes mécanismes immunologiques sont impliqués tant pour les antigènes chimiquement définis (Pal, Ole, Myr, MDA, NO-Cys, …) que ceux appartenant à des souches bactériennes puisque l’isoconversion M et/ou A vers G n’apparaît pas. Les mêmes souches d’entérobactéries sont reconnues par des titres élevés en IgM dans la SEPR et élevés en IgA dans les formes SP et RP de SEP. Il est intéressant de noter qu’au cours de l’évolution de la SEP, la stimulation des cellules productrices d’IgM disparaîtrait au profit d’une production d’IgA plus restreinte. Cette nouvelle « programmation » du système immun correspondrait au passage de la forme de SEP R contrôlée par les thérapies actuelles (corticoïdes, interférons, ...) à des formes progressives non contrôlées. La SEP apparaît, à travers nos résultats, comme une affection périphérique puis centrale. Les résultats sériques présentés ici offrent de nouvelles perspectives pour un suivi bioclinique plus précis de la SEP. Une meilleure prise en charge de la maladie devient possible avec en perspective : une adaptation plus rationnelle de la thérapeutique et pour la majorité des SEP, le passage différé dans les formes progressives.

5. Conclusion Les résultats rapportés ci-dessus montrent que la SEP devient une affection biologiquement identifiable. Les différentes formes cliniques se différencient par des titres en anticorps circulants d’isotypie M ou A dont la reconnaissance est antigéniquement précise. Il devient possible aux cliniciens de mieux cerner le passage d’une forme clinique à une autre, par exemple de la forme rémittente aux formes progressives.

Remerciements Les auteurs remercient l’association IDRPHT pour les crédits alloués à cette recherche. Sans son aide, ce travail n’aurait pu être réalisé. Nous tenons à remercier également Messieurs Guillaume Glaize pour son efficace participation informatique et statistique et Jean-François Peroteau pour l’approvisionnement en souches d’entérobactéries. Nous

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n’oublions pas également tous les médecins qui ont contribué au cours de ces années à ces travaux de recherche.

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