Immuno-analyse & Biologie spécialisée 19 (2004) 138–147 www.elsevier.com/locate/immbio
Stratégies d’exploitation fonctionnelle et de suivi thérapeutique
Suivi immunobiologique de malades atteints de sclérose en plaques Immunobiological follow-up for multiple sclerosis D. Bodet a,*, G. Glaize b, M.P. Dabadie b, M. Geffard a a
ENSCPB-PIOM-EPHE, 16, avenue Pey-Berland, 33607 Pessac, France b SA GEMAC, 12, rue Condorcet, 33150 Cenon, France Reçu le 5 mars 2004 ; accepté le 25 mars 2004
Résumé Des anticorps circulants dirigés contre de nombreuses cibles ont déjà été décrits dans la sclérose en plaques (SEP). À l’aide de tests Elisa, nous avons trouvé des anticorps dirigés contre : (i) des antigènes bactériens : Pseudomonas aeruginosa et putida, Hafnia alvei, Proteus mirabilis, Morganella morganii, Citrobacter koserii et Klebsiella pneumoniae ; (ii) des petites molécules conjuguées : acides gras, acide azélaïque, farnesyl-cystéine, résidu malondialdéhyde, NO-cystéine, NO-tyrosine, NO2-tyrosine, NO-tryptophane, NO-méthionine, NOhistidine, NO-asparagine, NO-arginine, NO-phénylalanine et NO-sérum albumine bovine. Pour les formes rémittentes de la maladie, les titres en anticorps circulants d’isotypie M augmentent lors des poussées et diminuent pendant les phases de rémission. Dans les formes secondairement progressives, des titres élevés en anticorps sont également trouvés, mais la majorité de ces immunoglobulines sont d’isotypie A. Dans ce cadre, les cibles reconnues par ces anticorps sont des antigènes bactériens. Des prélèvements successifs effectués sur plusieurs dizaines de patients et sur plusieurs années nous ont permis d’établir des profils immunologiques évoluant avec le stade et la forme de la maladie. Nous avons également montré que le passage dans les formes secondairement progressives est visualisé par des profils dans lesquels les réponses sont à la fois d’isotypie M et A (seulement pour les antigènes bactériens). Cette approche méthodologique constitue un modèle encourageant pour le suivi biologique de la SEP en fonction du stade évolutif de la maladie. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Circulating antibodies have been previously described in Multiple Sclerosis (MS). Using immunoenzymatic ELISA tests, we found antibodies directed against: (i) bacterial antigens: Pseudomonas aeruginosa and putida, Hafnia alvei, Proteus mirabilis, Morganella morganii, Citrobacter koserii and Klebsiella pneumoniae; and (ii) conjugated small haptens: fatty acids, azelaic acid, farnesyl cysteine, malondialdehyde residue, NO-Cysteine, NO-Tyrosin, NO2-Tyrosin, NO-Tryptophan, NO-Methionine, NO-Histidine, NO-Asparagine, NOArginine, NO-Phenylalanine and NO-Bovine Serum Albumin. For remitting relapsing MS, circulating antibody titers increase during the relapse and decrease during the remission phase. Moreover, the isotype of these antibodies is principally M. For secondary progressive MS, circulating antibodies are elevated and mostly IgA. Anti-bacterial antigens are IgA in this clinical MS form. Repeated samples from several tens of patients allowed us to establish biological profiles fluctuating with the MS status. It was also shown that the clinical transition from the remittent to the secondary progressive forms was characterized by simultaneous increase of IgM and IgA antibody (only for the bacterial antigens). This methodological approach is an encouraging model for the MS biological follow-up. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Sclérose en plaques ; Anticorps circulants ; Suivi biologique ; Sérum ; Formes cliniques Keywords: Multiple sclerosis; Circulating antibodies; Biological follow-up; Sera; Clinical forms
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (D. Bodet). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.immbio.2004.03.007
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1. Introduction La sclérose en plaques (SEP) est une maladie autoimmune et inflammatoire se traduisant par une atteinte de la myéline du système nerveux central (SNC) et également des axones à un stade plus avancé de l’affection. C’est une maladie lourdement invalidante dont l’évolution, difficilement prévisible, peut s’exprimer sous plusieurs formes cliniques. Elle débute dans la majorité des cas (80 %) par la forme dite rémittente (R) qui évolue après plusieurs années vers des formes secondairement progressives (SP) beaucoup plus invalidantes et irréversibles. Le diagnostic de SEP reste difficile à établir même si l’IRM se présente comme un outil fiable de confirmation. En revanche, cette technologie est mal adaptée pour suivre la maladie dans son évolution puisque les données issues de l’imagerie sont souvent en contradiction avec l’état clinique du patient [3]. Un des problèmes majeurs posé aujourd’hui aux cliniciens est l’incapacité à appréhender le passage de la forme R peu invalidante vers les formes SP évoluant vers la perte d’autonomie. Des anticorps dirigés contre de nombreuses cibles ont été trouvés dans les sérums des patients atteints de SEP. La plupart des travaux réalisés dans ce cadre ont porté sur la mise en évidence d’anticorps dirigés contre des antigènes myéliniques centraux [1,5,31]. Pour notre part, nous avons trouvé des anticorps circulants dirigés contre d’autres cibles ayant une forte signification physiopathologique. Les épitopes indirectement mis en évidence par ces anticorps correspondent à des sous-produits de la peroxydation lipidique : acides gras, acide azélaïque et résidu malondialdéhyde liés, et à des résidus d’acides aminés nitrosylés ou nitrés : NOcystéine, NO-tyrosine, NO2-tyrosine, NO-tryptophane, NOhistidine, NO-méthionine, NO-asparagine, NO-arginine et NO-phénylalanine conjugués [18,19] De plus, des données de la littérature mettent en cause des bactéries dans le déclenchement et la chronicité de la maladie [20,24,25,28]. Pour notre part, nous avons également montré, dans les sérums de patients, la présence d’anticorps dirigés contre des antigènes issus de bactéries communément rencontrées dans l’environnement mucosal : Pseudomonas aeruginosa et putida, Hafnia alvei, Proteus mirabilis, Morganella morganii, Citrobacter koserii et Klebsiella pneumoniae. Au-delà de la nature des antigènes, l’isotypie des anticorps mis en jeu est importante [19]. Concernant ces composants bactériens, les SEP R montrent des taux élevés en immunoglobulines d’isotypie M (IgM) alors que les SEP SP sont caractérisées par des titres élevés en immunoglobulines d’isotypie A (IgA). L’ensemble de nos travaux a permis de montrer que certains de ces antigènes pouvaient être considérés comme des marqueurs de différents processus physiopathologiques mis en cause dans la SEP. Les informations données par le profil immunologique résultant de l’ensemble du dosage de ces marqueurs sériques constituent un outil pertinent pour l’iden-
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tification biologique de la SEP et de ses principales formes évolutives. Nous avons ainsi montré que : • la SEP pouvait être biologiquement identifiée par rapport à d’autres affections neurodégénératives, inflammatoires et/ou chroniques [18] ; • grâce à cet outil, les principales formes évolutives de la maladie pouvaient être discriminées entre-elles [19]. Après avoir défini des profils antigéniques, à l’aide de ces marqueurs immunologiques, pour les principales formes évolutives de la SEP, il était important de suivre l’évolution de l’ensemble de ces paramètres sur des cas concrets de malades. Le travail présenté ci-après nous a permis d’évaluer, à l’aide d’un outil constitué de 34 paramètres, l’intérêt de ce profil immunologique dans le suivi bioclinique de la maladie. 2. Patients et méthodes 2.1. Présentation des prélèvements sériques Cette étude a été faite avec le consentement éclairé des patients selon la Loi française et la procédure médicale en vigueur. Les prélèvements sériques proviennent de services hospitaliers universitaires de neurologie et de laboratoire de recherche. Le diagnostic de SEP a été posé selon les critères de Poser et al., [27] et de Mc Donald et al., [23]. Au début du suivi, les malades étaient atteints de différentes formes cliniques de SEP : • forme rémittente (SEP R) : celle-ci se caractérise par des poussées évolutives, aiguës, assez brèves (< 1 mois) séparées par des périodes de rémission de durée variable. Les poussées peuvent être multiples et rapprochées ou limitées à quelques unes. Deux tiers des SEP de forme rémittente, les plus fréquentes, entrent dans une phase progressive entre sept et 12 ans après le début de la maladie ; • formes secondairement progressives (SEP SP) : l’aggravation de la maladie est continue sans phase de rémission, d’évolution lente ou rapide ; • les titres en anticorps obtenus sur les sérums de malades sont comparés à ceux de sujets témoins apparemment indemnes de toute affection auto-immune dégénérative et proliférative. Ces sérums témoins sont incontournables pour la validation des tests Elisa et donnent le niveau du bruit de fond physiologique présent dans tout sérum humain. Les malades et les témoins sont appariés par l’âge et le sexe. 2.2. Tests d’identification des immunoglobulines circulantes dirigées contre les différents épitopes Sur les bases d’études précédentes [19], nous avons recherché les anticorps dirigés contre plusieurs types de motifs antigéniques constituant un ensemble pertinent pour l’analyse biologique de la SEP. Nous effectuons leur quantifica-
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tion à l’aide de tests immunoenzymatiques (tests Elisa) bien éprouvés [2,7,8,12,15–17,22,26,29].
lants dirigés contre ces antigènes a été faite selon les méthodes décrites dans des travaux précédents [19].
2.2.1. Identification des anticorps d’isotypie M dirigés contre des épitopes nitrosylés et nitrés conjugués La recherche d’anticorps dirigés contre des petites molécules nécessite une étape préliminaire de couplage de ces épitopes sur une macromolécule qui est en général la Sérum Albumine Bovine (SAB). Le but de cette liaison à une protéine non spécifique est de mimer les modifications antigéniques pouvant intervenir « in vivo ». Une recherche d’anticorps d’isotypie M a été menée contre les conjugués suivants : NO-cystéine-SAB (NO-CysM), NO-tyrosine-SAB (NO-TyrM), NO2-tyrosine-SAB (NO2-TyrM), NOtryptophane-SAB (NO-WM), NO-méthionine-SAB (NOMetM) , NO-phénylalanine-SAB (NO-Phe-M), NOasparagine-SAB (NO-AspM), NO-arginine-SAB (NOArgM), NO-créatine-SAB (NO-CréM), NO-SABM. Et NOhistidine-SAB (NO-HistM et NO-HistAGM). Pour l’épitope NO-histidine, les deux abréviations correspondent à deux modes de couplages différents de cette molécule sur la SAB. La synthèse des conjugués et l’évaluation des anticorps circulants ont été réalisés par des tests immunoenzymatiques selon la méthode décrite par Geffard et al. [18,19].
2.3. Analyse statistique des données obtenues
2.2.2. Identification des anticorps d’isotypie M dirigés contre des marqueurs de la lipoperoxydation et des épitopes d’ancrage conjugués La quantification des anticorps circulants dirigés contre ces composés a été faite selon les méthodes déjà décrites pour : • l’acétylcholine conjuguée (AchM) [29] ; • les acides gras conjugués et épitopes d’ancrage : acide palmitique (PalM), acide myristique (MyrM), acide oléique (OleM) et farnésylcystéine (FarM) [2,12] ; • l’acide azélaïque (AzeM) et le résidu malondialdéhyde (MDAM) liés à des protéines [2,8,22] ; • le phosphatidyl inositol (PiM) [10]. 2.2.3. Identification d’immunoglobulines, d’isotypies M et A, dirigées contre des préparations de souches bactériennes Le choix des souches bactériennes gram négatif suivantes : Hafnia alvei (3), Pseudomonas aeruginosa (5), Morganella morganii (12), Proteus mirabilis (13), Pseudomonas putida (16), Citrobacter koserii (17) et Klebsiella pneumoniae (19), est le résultat d’études (non publiées) effectuées depuis plus de dix ans, sur des sérums de malades et de sujets témoins. Les préparations antigéniques sont réalisées à partir de souches bien identifiées au moyen des tests biochimiques classiquement employés en bactériologie. Après la collecte des bactéries sur les boîtes de gélose, les étapes de préparation sont les suivantes : sonification (puissance moyenne, 30 minutes, à 4 °C), dialyse à 4 °C pendant deux jours, évaluation de la concentration protéique au moyen de la technique de Bradford [9] et stockage des préparations à –80 °C. La quantification des anticorps circu-
2.3.1. Homogénéisation des résultats Dans le but d’homogénéiser les densités optiques (DO) lues lors des différentes expérimentations, un rapport est calculé : • Z = (DO malade – moyenne des DO des témoins)/écarttype des DO des témoins. Ce rapport représente la position d’une DO, en nombre d’écart type des témoins par rapport à la moyenne des témoins. La valeur 0 de ce rapport représente la moyenne des témoins (témoins sains dosés en même temps). 2.3.2. Synthèse de l’information contenue dans les 34 paramètres testés Souhaitant suivre graphiquement l’évolution des titres en anticorps sur plusieurs prélèvements sériques, il semblait difficile de rapporter 34 courbes sur un seul graphique. Les méthodes statistiques d’analyse en composantes principales (ACP) et de classification ascendante hiérarchique avec agrégation de Ward (CAH) [14,21] ont été utilisées sur la base des données du laboratoire, contenant l’analyse de plusieurs milliers de prélèvements sanguins, pour dégager quatre groupes homogènes d’anticorps : • groupe 1 : anticorps d’isotypie M dirigés contre des épitopes d’ancrage et de lipoperoxydation (8 paramètres : AchM, OleM, MyrM, PalM, FarM, AzeM, MDAM et PiM). Les corrélations de ces différents paramètres sont suffisantes pour les rassembler, même si le paramètre AchM s’écarte légèrement des autres ; • groupe 2 : anticorps d’isotypie M dirigés contre des épitopes nitrosylés et nitrés (12 paramètres : NO-CysM, NO-TyrM, NO2-TyrM, NO-WM, NO-MetM, NOPheM, NO-AspM, NO-ArgM, NO-CréM, NO-SABM, NO-HistM et NO-HistAGM) ; • groupe 3 : anticorps d’isotypie M dirigés contre des antigènes bactériens (7 paramètres : 3M, 5M, 12M, 13M, 16M, 17M et 19M) ; • groupe 4 : anticorps d’isotypie A dirigés contre des antigènes bactériens (7 paramètres : 3A, 5A, 12A, 13A, 16A, 17A et 19A). Afin de synthétiser l’information de chaque groupe d’anticorps, nous effectuons une ACP par groupe et ne gardons que le premier facteur de variabilité de chaque analyse : • le premier facteur du groupe 1 résume 68 % de la variance des anticorps ; • le premier facteur du groupe 2 résume 77 % de la variance des anticorps ; • le premier facteur du groupe 3 résume 78 % de la variance des anticorps ; • le premier facteur du groupe 4 résume 62 % de la variance des anticorps.
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Fig. 1. Présentation du suivi d’un malade (ROF) atteint d’une SEP de forme rémittente. Dans la figure a, les valeurs des rapports « Z » sont présentées pour chaque paramètre testé (les différentes couleurs permettent de rattacher chaque paramètre à l’un des groupes décrits ci-après). Dans la figure b, les paramètres sont regroupés en quatre familles à l’aide de la méthode statistique ACP ((-♦-) épitopes d’ancrage et de lipoperoxydation-isotypie M) ; (-"-) acides aminés nitrosylés-isotypie M; (-m-) Antigènes bactériens-isotypie M ; (-x-) Antigènes bactériens- isotypie A). L’échelle des ordonnées indique la valeur du rapport « Z » et celle des abscisses, le temps.
On obtient ainsi quatre combinaisons linéaires du dosage des anticorps qu’il est possible d’appliquer au dosage d’un nouveau prélèvement. Ce calcul nous donne quatre valeurs relatives au titre en anticorps de chacun des groupes. Il devient possible de suivre l’évolution des quatre valeurs sur un graphique et avoir ainsi une bonne appréciation de l’évolution de l’ensemble des paramètres évalués.
3. Résultats 3.1. Intérêt du regroupement des marqueurs par la méthode statistique ACP Les Figs. 1 et 2 montrent les profils immunologiques de deux patientes atteintes de SEP dans des formes cliniques
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Fig. 1. (suite)
différentes. Dans ces exemples, les résultats obtenus sont présentés sous deux formes. Les Figs. 1a et 2a donnent les valeurs des rapports « Z » de chacun des paramètres testés, alors que dans les Figs. 1b et 2b les paramètres sont regroupés en quatre familles constituées à l’aide de la méthode statistique ACP. Le suivi présenté sur les Figs. 1a et 1b est celui d’une malade en forme rémittente. Les informations principales apportées par ces figures sont d’une part : des titres en anticorps d’isotypie M toujours élevés fluctuant avec les poussées, notamment sur les épitopes nitrosylés, et d’autre part : des titres en anticorps d’isotypie A faibles sur les différents antigènes bactériens testés. On ne note pas de discordance entre la présentation de l’ensemble des paramètres et les courbes résumant l’information en ACP. Le deuxième exemple présenté sur les Figs. 2a et 2b montre le cas d’un malade en forme secondairement progressive. Les profils immunologiques présentent des titres faibles sur l’ensemble des paramètres testés en isotypie M et de fortes réponses sur les antigènes bactériens en isotypie A. Cette tendance est accentuée sur le dernier prélèvement. Ces deux exemples montrent que les présentations avec les antigènes groupés en quatre familles à l’aide de la méthode statistique ACP résument correctement l’information apportée par l’ensemble des marqueurs avec une lecture plus facile.
3.2. Suivi biologique de différentes formes évolutives de SEP 3.2.1. La forme rémittente Les Figs. 3a et 3b présentent les suivis de deux malades dans la forme rémittente avec de nombreux prélèvements sur une durée de quatre ans. Le profil décrit sur la Fig. 3a a été obtenu par l’analyse des prélèvements sanguins d’une patiente développant de
nombreuses petites poussées se traduisant, sur le plan clinique, essentiellement par des troubles sensitifs et une légère atteinte motrice de la jambe gauche. Cette malade est traitée de façon continue et présente peu de séquelles. Il est à noter que les pics en anticorps visibles sur le profil correspondent aux périodes de poussées. Le profil présenté sur la Fig. 3b nous donne l’exemple d’une malade développant des poussées plus aiguës se traduisant par des pics en anticorps plus élevés. Comme nous l’avons déjà observé dans la Fig. 1b, les titres en anticorps d’isotypie A dirigés contre les antigènes bactériens sont significativement faibles par rapport à la population témoin. Les trois groupes d’anticorps d’isotypie M présentent des titres élevés qui fluctuent en fonction de l’état clinique du patient. 3.2.2. Les formes secondairement progressives Les suivis présentés sur les Figs. 4a et 4b sont ceux de malades en formes secondairement progressives. Le profil 4a expose le cas d’un patient avec un lourd handicap (EDSS entre 8 et 9), l’ensemble des courbes évolue très peu et les titres en anticorps d’isotypie A dirigés contre les antigènes bactériens sont toujours très élevés. La Fig. 4b présente un exemple de SEP progressive mieux maîtrisée. Le suivi débute par une forte poussée (EDSS entre 4 et 5) pendant laquelle on observe des réponses importantes contre les antigènes bactériens à la fois en isotypie A et M. L’état clinique de cette patiente s’est ensuite amélioré même si elle reste dans une phase progressive de la maladie (EDSS entre 2 et 3), le profil immunologique montre de faibles titres en IgM alors que les IgA dirigées contre les antigènes bactériens sont modérément élevés et stables au cours du temps. Dans ces deux cas comme dans celui de la Fig. 2b, les valeurs trouvées dans les trois groupes d’anticorps d’isotypie M sont de l’ordre de ceux de la population témoin. En revanche, les anticorps d’isotypie A dirigés contre les antigènes bactériens sont significativement élevés.
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Fig. 2. Présentation du suivi d’un malade (GUR) atteint d’une forme secondairement progressive de SEP. Dans la figure a, les valeurs des rapports « Z » sont présentées pour chaque paramètre testé (les différentes couleurs permettent de rattacher chaque paramètre à l’un des groupes décrits ci-après). Dans la figure b, les paramètres sont regroupés en quatre familles à l’aide de la méthode statistique ACP. ((-♦-) épitopes d’ancrage et de lipoperoxydation-isotypie M) ; (-"-) acides aminés nitrosylés-isotypie M; (-m-) Antigènes bactériens-isotypie M ; (-x-) Antigènes bactériens-isotypie A). L’échelle des ordonnées indique la valeur du rapport « Z » et celle des abscisses, le temps.
3.2.3. Passage de la forme rémittente aux formes secondairement progressives Les Figs. 5a et 5b présentent deux exemples de patients diagnostiqués en forme rémittente au début du suivi, mais dont l’évolution clinique (augmentation de la fréquence et de l’intensité des poussées) laisse supposer un passage dans une forme progressive même si celui-ci n’est pas confirmé par les outils classiques d’évaluation de la maladie (clinique et IRM).
Le cas décrit dans la Fig. 5a est celui d’un patient dont la maladie prend une forme invalidante, même si l’évolution n’est pas nettement marquée. Nous avons ici un malade qui n’est plus vraiment dans la forme rémittente et dont le profil immunologique présente des pics élevés en IgM et en IgA. La Fig. 5b présente le cas d’une malade dont le profil immunologique est modifié au cours du temps. Effective-
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Fig. 3. Exemple de deux suivis de malades atteints de forme rémittente de SEP (Fig. 3a : CHC ; Fig. 3b : KRA). Présentation sous forme de marqueurs groupés par l’analyse statistique ACP (les codes couleurs correspondent à ceux décrits dans les Figs. 1 et 2). L’échelle des ordonnées indique la valeur du rapport « Z » et celle des abscisses, le temps.
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Fig. 4. Exemple de deux suivis de malades atteints de formes secondairement progressives de SEP (Fig. 4a. : ANG ; Fig. 4b : CHA). Présentation sous forme de marqueurs groupés par l’analyse statistique ACP (les codes couleurs correspondent à ceux décrits dans la Figs. 1 et 2). L’échelle des ordonnées indique la valeur du rapport « Z » et celle des abscisses, le temps.
4. Discussion ment, on constate une nette élévation des IgA dirigées contre les antigènes bactériens dans la dernière année du suivi. Sur le plan clinique, cette patiente est sous traitement continu et présente une évolution lente de sa maladie.
Comme nous l’avons précédemment montré [19], les différentes formes évolutives de SEP peuvent être discriminées à l’aide d’un profil immunologique regroupant un ensemble
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contre ces motifs antigéniques est qu’elles sont d’isotypie M chez les patients ayant une SEP rémittente et d’isotypie A chez les patients atteints par les formes secondairement progressives. La production d’anticorps d’isotypie A est le résultat d’une stimulation lymphocytaire se faisant soit à partir des muqueuses, soit sous l’action de cytokines (TGF b, IL10, IL2...) et/ou de lipopolysaccharides [4,30]. Les aggravations cliniques constatées dans les formes secondairement progressives pourraient être causées par des activations dues à des éléments bactériens. La conversion d’isotypie M en isotypie A lors de l’évolution de la SEP pourrait être liée à une différence au niveau des portes d’entrée conduisant à la stimulation lymphocytaire. D’une stimulation dite « générale » (IgM), on passerait dans les phases plus évoluées de la maladie à une stimulation préférentiellement mucosale (IgA). Les différents marqueurs évalués et présentés ici permettraient de répondre aux questions fondamentales que se posent les cliniciens sur l’évolution de la SEP. En fonction des pics anticorps observés sur les différentes catégories de paramètres, notre outil pourrait apporter des informations complémentaires à la clinique et à l’IRM.
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Fig. 5. Exemples de deux suivis de malades atteints de formes rémittentes de SEP avec des évolutions cliniques laissant présager d’un passage dans la forme progressive (Fig. 5a : MOE ; Fig. 5b : BRN). Présentation sous forme de marqueurs groupés par l’analyse statistique ACP (les codes couleurs correspondent à ceux décrits dans les Figs. 1 et 2). L’échelle des ordonnées indique la valeur du rapport « Z » et celle des abscisses, le temps.
de paramètres (IgM et IgA) présentant un intérêt physiopathologique dans le développement et la chronicité de la maladie. Ce profil regroupe des anticorps dirigés contre : • des épitopes endogènes modifiés ou démasqués (IgM) ; • et des antigènes présentés par des bactéries communément rencontrées dans l’environnement mucosal (IgM et IgA). Les épitopes endogènes modifiés ou non mis en évidence par les anticorps circulants, sont générés à la suite de réactions radicalaires et inflammatoires connues pour jouer un rôle important dans la SEP. Ils révèlent la mise en jeu d’espèces oxygénées réactives et l’hyperproduction de NO [6,11]. Nous avons ainsi pu doser des anticorps dirigés contre des acides aminés nitrosylés et nitrés, des acides gras démasqués à la suite de perturbations membranaires et des sous-produits de la lipoperoxydation. Des bactéries ont été mises en cause dans les désordres immunologiques de la SEP [13,20,24,28]. Pour notre part, nous avons montré qu’il existait des titres significativement élevés en anticorps dirigés contre des antigènes membranaires de bactéries gram négatif dans le sérum des patients atteints de SEP [19]. La particularité des réponses dirigées
L’analyse des anticorps circulants n’est pas toujours en adéquation avec l’état clinique du patient, il semble nettement que l’apparition des pics en anticorps d’isotypie M dirigés contre les espèces nitrosylées et les marqueurs de lipoperoxydation précède les aggravations cliniques, quelque soient les formes de SEP. Grâce à la méthode statistique d’analyse en composantes principales, nous avons pu synthétiser les informations apportées par cette analyse complexe en dégageant quatre facteurs principaux résumant chacun l’information apportée par un ensemble cohérent de marqueurs biologiques. Cette présentation des résultats, résumée graphiquement par quatre courbes, permet de rendre la lecture plus facile pour les utilisateurs du suivi de la SEP, en minimisant la perte d’information. La SEP est une maladie très polymorphe faisant de chaque patient un cas particulier. Cette hétérogénéité se retrouve au niveau des profils immunologiques qui ne sont pas identiques pour deux malades ayant un handicap proche et une même forme évolutive. En revanche, par des prélèvements sanguins effectués plusieurs fois par an, cette analyse présentée sous la forme d’un suivi biologique permet d’apporter des informations précieuses sur l’activité de la maladie et d’adapter les traitements pour freiner la progression du handicap. Les observations montrent que dans le cas de SEP rémittentes, l’augmentation continue, sur plusieurs mois, du score EDSS (score critique autour de 4) peut être considérée comme un risque important de passage dans une forme progressive. Le patient se trouve alors dans une forme que nous appelons « intermédiaire » se traduisant par l’apparition simultanée de pics en anticorps d’isotypie M et A dirigés contre les antigènes bactériens. Notre outil permet de fournir
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Tableau 1 Évolution du profil immunologique en fonction des formes évolutives et de l’état clinique des patients Formes cliniques Rémittente
En aggravation (poussée) En rémission Progression du handicap sur plusieurs mois Secondairement progressive stable En aggravation (poussée) En aggravation En stabilisation
Profil immunologique Modifications Nette augmentation de certaines IgM Nette diminution des IgM présence à la fois d’IgA élevées et d’IgM élevées IgM Faibles et IgA élevées Pas de modification du profil Nette augmentation de certaines IgM Nette augmentation de certaines IgA Diminution des IgM mais les IgA restent élevées
Profil de base IgA faibles et IgM élevées
une bonne évaluation du risque de cette transformation irréversible de la maladie vers des formes lourdement invalidantes. L’observation de nombreux cas (non présentés ici) nous a permis de relier l’évolution du profil immunologique avec les formes évolutives et l’état clinique des patients, ces informations sont résumées dans le Tableau 1. Le passage dans les formes secondairement progressives de la maladie est impossible à appréhender par les techniques actuelles puisque cette évaluation est faite à posteriori. Nous proposons ici un outil pertinent pour permettre de mieux gérer la SEP, de prévoir et de retarder sinon empêcher l’apparition des formes secondairement progressives. Remerciements Les auteurs remercient l’association IDRPHT et la société GEMAC pour les crédits alloués à cette recherche. Sans leur aide, ce travail n’aurait pu être réalisé. Nous tenons à remercier également Monsieur Jean-François Peroteau pour l’approvisionnement en souches d’entérobactéries. Nous n’oublions pas également tous les médecins qui ont contribué au cours de ces années à ces travaux de recherche. Références [1]
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