La chirurgie prophylactique chez les patientes mutées BRCA ou à haut risque : étude rétrospective de 61 patientes de l’ICO

La chirurgie prophylactique chez les patientes mutées BRCA ou à haut risque : étude rétrospective de 61 patientes de l’ICO

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ANNPLA-1097; No. of Pages 7 Annales de chirurgie plastique esthétique (2014) xxx, xxx—xxx

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ScienceDirect www.sciencedirect.com

ARTICLE ORIGINAL

La chirurgie prophylactique chez les patientes mutées BRCA ou à haut risque : étude rétrospective de 61 patientes de l’ICO Prophylactic surgery in patients mutated BRCA or high risk: Retrospective study of 61 patients in the ICO A.S. Oger a,*, J.M. Classe b, O. Ingster a, M.E. Morin-Meschin a, B. Sauterey a, G. Lorimier a, R. Wernert a, N. Paillocher a, P. Raro a a b

ICO Paul-Papin, 2, rue Moll, 49933 Angers cedex 09, France ´ -Gauducheau, 44805 Saint-Herblain cedex, France ICO Rene

Rec¸u le 23 juillet 2014 ; accepte´ le 13 octobre 2014

MOTS CLÉS Prédisposition génétique ; Prévention ; Chirurgie prophylactique ; Complications ; Qualité de vie

Résumé Objectif. — Les prédispositions génétiques seraient en cause chez seulement 10 % des patientes présentant un cancer du sein. Cette étude a consisté à évaluer l’impact de la chirurgie prophylactique. Patientes et me´thode. — Il s’agit d’une étude rétrospective de 61 patientes qui ont bénéficié d’une chirurgie mammaire prophylactique. Le recueil des données a été effectué grâce au fichier informatique de l’ICO. Les critères d’inclusion ont été : patientes ayant bénéficié d’une mastectomie prophylactique bilatérale. Il n’y a pas eu de critère d’exclusion. Les patientes ont reçu un questionnaire de satisfaction à remplir. Re ´sultats. — Notre étude a concerné 61 patientes, 67 % des cas ont présenté un antécédent de cancer du sein. Une chirurgie prophylactique bilatérale a été réalisée chez 40 patientes. Il a été effectué en moyenne 2 interventions, 44,3 % d’entre elles ont présenté des complications postopératoires dont 18 % de reprise au bloc opératoire. Quarante-trois patientes étaient satisfaites de l’information médicale avant l’intervention. Le résultat final a correspondu aux attentes de 54,4 % des patientes et 67,4 % seraient prêtes à recommencer. Il a été retrouvé des douleurs en

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A.S. Oger). http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2014.10.001 0294-1260/# 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Oger AS, et al. La chirurgie prophylactique chez les patientes mutées BRCA ou à haut risque : étude rétrospective de 61 patientes de l’ICO. Ann Chir Plast Esthet (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2014.10.001

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A.S. Oger et al. rapport avec la chirurgie mammaire chez 56,5 % des patientes et quasiment la moitié a signalé une modification de leur vie sexuelle. Discussion et conclusion. — La mastectomie prophylactique est la technique la plus efficace pour prévenir le risque de cancer du sein. Les conséquences d’un tel geste restent importantes. Il est nécessaire de mieux sélectionner les patientes qui bénéficieraient le plus de ce type de chirurgie. # 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Genetic predisposition; Prevention; Prophylactic surgery; Complications; Quality of Life

Summary Background. — Genetic predisposition is involved in only 10% of patients with breast cancer. This study was to evaluate the impact of prophylactic surgery. Patients and methods. — This is a retrospective study of 61 patients who received prophylactic breast surgery. Data collection was carried out through the computer file of the ICO. The inclusion criteria were: patients who benefited from a bilateral prophylactic mastectomy. There were no exclusion criteria. Patients received a satisfaction questionnaire to complete. Results. — Our study included 61 patients, 67% had a history of breast cancer. Bilateral prophylactic surgery was performed in 40 patients. It was made an average of two interventions, 44.3% of them presented postoperative complications, 18% recovery. Forty-three patients were satisfied with the medical information before surgery. The end result matched the expectations of 54.4% and 67.4% of patients would be ready to start. It was found pain associated with breast surgery in 56.5% of patients and almost half reported a change in their sexual life. Discussion and conclusion. — Prophylactic mastectomy is the most effective technique to prevent the risk of breast cancer. The consequences of such an action are important. It is necessary to better select patients who would benefit most from this type of surgery. # 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction

Patientes et méthode

Les prédispositions génétiques restent mineures chez les patientes présentant un cancer du sein, un syndrome héréditaire serait en cause dans seulement 10 % des cas. Parmi les facteurs génétiques de forte pénétrance, BRCA1 et BRCA2 sont les mutations les plus fréquentes mais restent rares dans la population générale (<1 %) [1]. Les mutations BRCA1 et BRCA 2 exposent à des risques majeurs de cancer du sein et de l’ovaire qui peuvent atteindre 90 % en risque cumulé pour le cancer du sein [1—7]. Les personnes présentant une mutation génétique ou une histoire familiale évocatrice de prédisposition génétique se voient proposer une stratégie de prise en charge spécifique, basée sur la surveillance adaptée en milieu spécialisé et/ou la chirurgie prophylactique. Les recommandations concernant la prise en charge des patientes mutées ou à haut risque se multiplient et les programmes de surveillance sont en cours de généralisation. Il existe un impact important de l’annonce d’une prédisposition génétique dans la vie d’une femme et de sa famille tant par son caractère anxiogène, que par la réalisation du bilan, de la surveillance voire même de l’accessibilité aux structures de soins (IRM). La chirurgie prophylactique constitue un temps particulièrement fort du parcours médical de ces patientes et de leur entourage. Malgré son caractère mutilant, la mastectomie bilatérale prophylactique reste la mesure la plus efficace de prévention du risque de cancer du sein chez une femme indemne, porteuse d’une mutation BRCA1/2 [1—9]. Cette étude a consisté à évaluer l’impact de cette chirurgie prophylactique tant sur la qualité de vie que sur le plan chirurgical et ses complications.

Notre étude a consisté en une étude rétrospective se composant d’une cohorte de 61 patientes qui ont bénéficié d’une chirurgie mammaire prophylactique entre janvier 2006 et décembre 2012 à l’Institut de cancérologie de l’Ouest (ICO) sur les sites d’Angers et de Nantes. Le recueil des données a été effectué grâce au fichier informatique de l’ICO (Prima patient pour Angers et Hall pour Nantes). Les critères d’inclusion ont été les suivants : patientes ayant bénéficié d’une mastectomie prophylactique bilatérale en un temps ou en deux temps, avec ou sans reconstruction, dans le cadre d’une mutation BRCA1/2 ou non. Les reconstructions ont été immédiates ou différées par prothèse seule sous pectorale, lambeau de grand dorsal et prothèse (LGDP), ou lambeau de grand dorsal autologue (LGDA). Il n’y a pas eu de critère d’exclusion. Les patientes ont reçu un questionnaire à remplir (Annexe 1) avec une notice explicative spécifiant que les résultats recueillis pouvaient faire l’objet d’une publication scientifique (Annexe 2). Le questionnaire envoyé a été adapté du Breast Q questionnaire, couramment employé en chirurgie mammaire. Ce questionnaire de satisfaction se décline en 28 questions réparties en 5 chapitres : type de chirurgie mammaire, évaluation du résultat esthétique, les effets secondaires, la vie sexuelle et affective et l’information aux patientes. Nous avons envoyé 61 questionnaires aux patientes ayant bénéficié d’une chirurgie prophylactique entre janvier 2006 et décembre 2012 dans notre établissement. Les réponses au questionnaire ont toutes été anonymes. Les résultats ont été reportés sur un formulaire dynamique sur le logiciel de gestion documentaire de

Pour citer cet article : Oger AS, et al. La chirurgie prophylactique chez les patientes mutées BRCA ou à haut risque : étude rétrospective de 61 patientes de l’ICO. Ann Chir Plast Esthet (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2014.10.001

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La chirurgie prophylactique chez les patientes mutées BRCA ou a haut risque l’établissement : Blue Medi. Ce formulaire dynamique a permis par la suite de réaliser des statistiques en format « graphique en secteur » par type de question.

Résultats Descriptif de la population Âge des patientes Notre étude a concerné 61 patientes dont l’âge moyen de survenue d’un cancer du sein était de 43 ans [28—62 ans]. La chirurgie prophylactique bilatérale a été réalisée à un âge moyen de 46 ans [28—67 ans]. Type de mutations Notre étude a retrouvé 53 patientes mutées soit 86,9 % de la population. Parmi les mutations il a été retrouvé 54,1 % de BRCA1 (n = 33), 31,2 % de BRCA2 (n = 19) et 1,6 % de Li Fraumeni (n = 1). Soixante-sept pour cent des patientes ont présenté un antécédent de cancer du sein soit 41 patientes, dont 35 mutées. Seules 20 patientes ont bénéficié d’une vraie chirurgie prophylactique sans antécédent de cancer (Tableau 1 : description des mutations). Type de cancer Le cancer le plus fréquemment rencontré a été dans 92,7 % des cas un carcinome canalaire infiltrant (38 CCI), de grade III dans 66,7 % des cas (26 CCI de grade III). On a retrouvé 17 cancers triple négatif soit 43,6 % des CCI. Un envahissement ganglionnaire a été retrouvé chez 15 patientes soit 38,5 % des 39 patientes présentant un CCI. Un traitement conservateur a été réalisé dans 70,7 % des cas soit 29 patientes et seulement 5 patientes ont bénéficié d’une reconstruction mammaire immédiate (RMI) au court de la chirurgie de ce cancer (12,2 %). Le traitement chirurgical a été complété d’une chimiothérapie dans 87,8 % des cas (n = 36/41), d’une radiothérapie dans 82,9 % des cas (n = 34/41) et d’une hormonothérapie dans 46,3 % des cas (n = 19/41) (Tableau 2 : description des cancers). Récidive Six patientes ont présenté une récidive avec un délai moyen de 5 ans après la chirurgie, qui a été conservatrice pour l’ensemble de ces patientes. Cinq d’entre elles ont bénéficié d’une RMI dans le même temps que la chirurgie de récidive. Aucune n’a présenté de récidive après la chirurgie prophylactique.

Tableau 2

3 Description des cancers.

Type de cancer CCI CCI + CCIS CCIS NP Grade I II III NP Côté Droit Gauche Bilatéral Récepteurs RH + RH — Dissociés NP HER2 HER2 + HER2 — NP Ganglions Positifs Négatifs NP

n = 41

%

37 1 2 1

90,2 2,4 5 2,4

2/39 9/39 26/39 2/39

5,1 23,1 66,7 5,1

18 19 4

43,9 46,3 9,8

17/39 18/39 2/39 2/39

43,6 46,2 5,1 5,1

2/39 33/39 4/39

5,1 84,6 10,3

15/39 23/39 (9 CA, 12 GAS) 1/39

38,5 58,9 2,6

CCI : carcinome canalaire infiltrant ; CCIS : carcinome canalaire in situ ; NP : non précisé.

Type de chirurgie Une reconstruction mammaire différée a été réalisée chez 11 patientes (26,8 %) dans un délai moyen de 2 ans. Notre étude a retrouvé qu’une chirurgie prophylactique bilatérale a été réalisée chez 40 patientes soit 65,6 % de la population, à un âge moyen de 46 ans. Cette chirurgie prophylactique bilatérale était une RM par prothèse bilatérale pour l’ensemble de ces patientes (Tableau 3 : description de la chirurgie prophylactique bilatérale dans le même temps). Seulement 20 patientes ont bénéficié d’une chirurgie prophylactique vraie sans antécédent de cancer soit 32,8 % de la population. Pour les 21 autres patientes, la chirurgie prophylactique n’a jamais été dans le même temps, mais à la

Tableau 3 Description de la chirurgie prophylactique bilatérale dans le même temps. Tableau 1

Description des mutations.

Mastectomie RMI bilatérale (prothèse) (n)

BRCA1 BRCA2 Li Non Total Fraumeni mutée Sans antécédent 12 de cancer Avec antécédent 21 de cancer Total

33

6

2

20

13

1

6

41

19

1

8

61

Sans antécédent de cancer Avec antécédent de cancer

RMD + mastectomie RMI controlatérale (prothèse) (n)

20 18

2

RMI : reconstruction mammaire immédiate ; RMD : reconstruction mammaire différée.

Pour citer cet article : Oger AS, et al. La chirurgie prophylactique chez les patientes mutées BRCA ou à haut risque : étude rétrospective de 61 patientes de l’ICO. Ann Chir Plast Esthet (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2014.10.001

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A.S. Oger et al. Tableau 4

Récapitulatifs des complications selon le type de chirurgie réalisé.

Reprise au bloc (n = 11) Pas de reprise (n = 16)

Conservation PAM + étui cutanée

Conservation étui sans PAM + expandeur

Conservation étui sans PAM + Prothèse

Conservation étui selon schéma de Wise sans PAM + prothèse

Pas de conservation de la PAM et de l’étui

2 2

2 0

4 10

3 1

0 3

suite d’une prise en charge antérieure : 1er cancer, récidive ou RMD. Il a été réalisé en moyenne 2 interventions chez l’ensemble des patientes, 47,5 % d’entre elles ont bénéficié d’une reprise au bloc pour des retouches (n = 29/61). Nous avons retrouvé 44,3 % de complications post-opératoires (n = 27/61) dont 18 % ont nécessité une reprise au bloc opératoire (n = 11/61). Les patientes qui ont bénéficié d’une vraie chirurgie prophylactique sans antécédent de cancer ont bénéficié en moyenne de 2 interventions. Sept de ces patientes ont présenté des complications (35 %) dont 3 ont nécessité une reprise chirurgicale (15 %) (Tableau 4 : récapitulatif des complications selon le type de chirurgie réalisée). Ovariectomie Une ovariectomie prophylactique a été réalisée chez 36 patientes soit 59 % de la population à une moyenne d’âge de 49 ans [37—64 ans].

Réponse au questionnaire Nous avons envoyé un questionnaire à toutes les patientes de notre étude. Le taux de réponse a été de 75,4 % (n = 46). Type de chirurgie mammaire Sur l’ensemble des patientes ayant répondu, 32 ont présenté un antécédent de cancer du sein (69,6 %) et 63 % ont bénéficié d’une reconstruction bilatérale par prothèse seule (n = 29). Chez 63 % des patientes (n = 29), il a été réalisé plus de 2 interventions, avec plus de 5 jours d’hospitalisation pour 58,7 % d’entre elles (n = 27). Information Quarante-trois patientes soit 93,5 % de la population ont été satisfaites de l’information délivrée par l’équipe médicale avant l’intervention (chirurgien/anesthésiste) et 91,3 % d’entre elles ont été également satisfaites de l’information délivrée au cours de la consultation infirmière d’annonce (n = 42). La majorité des patientes (n = 41) seraient prêtes à recommander cette intervention à un proche porteur de la mutation génétique BRCA (89,1 %). Le résultat final a correspondu aux attentes de 54,4 % des patientes (n = 25), la cause principale de déception a été le manque de symétrie entre les deux seins pour 26,1 % des patientes (n = 12). Évaluation du résultat esthétique L’aspect global après la chirurgie mammaire a été satisfaisant pour 56,5 % des patientes (n = 26) et moyennement satisfaisant pour 34,8 % d’entre elles (n = 16). L’harmonie entre les deux seins reconstruits a été bonne pour 54,4 % des

patientes (n = 25). Trente-quatre patientes soit 73,9 % de la population ont considéré qu’il restait des zones à corriger mais 65,2 % ont été satisfaites de l’évolution du résultat (n = 30) et 67,4 % seraient prêtes à recommencer (n = 31). Effets secondaires Il a été retrouvé des douleurs en rapport avec la chirurgie mammaire chez 56,5 % des patientes (n = 26). Les patientes ont été satisfaites des cicatrices dans 52,2 % des cas (n = 24). Vie sexuelle et affective L’appréhension à la surveillance a été retrouvée chez 54,4 % des patientes (n = 25). Seulement 6 patientes ont eu après la chirurgie, une appréhension à toucher les seins reconstruits (13 %) et 7 ont été gênées de se mettre en maillot de bain (15,2 %). La majorité des patientes n’a pas été gênée de se regarder dans le miroir soit 63,1 % de la population (n = 29). Vingt-cinq patientes n’ont pas été gênées de se dévêtir devant leur conjoint (54,3 %) et 63,1 % des conjoints n’ont pas non plus été gênés de voir leur femme torse nu (n = 29). La moitié des patientes a signalé avoir montré le résultat final à leur entourage (n = 23) soit 50 % des patientes. Quasiment la moitié des patientes a signalé une modification de leur vie sexuelle (n = 22) avec une diminution de la fréquence des rapports et une diminution de la libido chez 34,8 % des patientes (n = 16). On a retrouvé une reprise des activités sexuelles normales chez seulement 11 patientes soit 23,9 % de la population.

Discussion La population des patientes pouvant bénéficier d’une chirurgie prophylactique reste très hétérogène comme le montre notre étude. Elle comprend les patientes mutées avec ou sans antécédent de cancer du sein et les patientes à haut risque.

La mastectomie bilatérale prophylactique chez les femmes porteuses d’une mutation BRCA sans antécédent de cancer du sein Les indications Les options de prévention pour les femmes ayant un risque accru de développer un cancer du sein comprennent la surveillance, chemoprévention, et mastectomie prophylactique. La chirurgie préventive est la mesure la plus efficace de réduction du risque de la survenue de cancers du sein [1,8,9]. Mais il n’y a pas de consensus clair quant aux indications de la mastectomie bilatérale prophylactique,

Pour citer cet article : Oger AS, et al. La chirurgie prophylactique chez les patientes mutées BRCA ou à haut risque : étude rétrospective de 61 patientes de l’ICO. Ann Chir Plast Esthet (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2014.10.001

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La chirurgie prophylactique chez les patientes mutées BRCA ou a haut risque celle-ci peut être envisagée sur demande de la patiente, qui a été correctement informée [1—3,7]. Il y a des risques chirurgicaux et anesthésiques qui doivent être pris en considération lorsque l’on propose la chirurgie prophylactique à un individu sain [1,7]. Dans notre étude, 43 patientes sur 45 ont considéré avoir été correctement informées par l’équipe médicale avant l’intervention soit 95,6 % de la population et 41 patientes ont été satisfaites de l’information délivrée par la consultation infirmière d’annonce soit 91,1 % de la population. Tout geste de mastectomie prophylactique doit être discuté après concertation du chirurgien et de l’oncogénéticien impliqués dans la prise en charge et dans le cadre d’une décision partagée avec la patiente [1—3,5,6,9]. Un suivi psychologique doit systématiquement être proposé à la patiente [1—3,6]. Une période de réflexion pour la patiente doit être respectée [2,3,6]. Techniques chirurgicales Il est recommandé d’expliquer que la mastectomie bilatérale prophylactique peut se faire selon trois techniques : mastectomie avec résection de peau et de la PAM, mastectomie avec conservation de l’étui cutané seul, mastectomie avec conservation de l’étui cutané et de la PAM. Dans notre étude, il a été réalisé une mastectomie bilatérale prophylactique avec conservation de l’étui cutané et RMI par prothèse chez 40 patientes (65,6 %). La moitié de ces patientes n’avaient pas d’antécédent de cancer du sein, cette chirurgie correspondait donc chez elles, à une vraie chirurgie prophylactique. Il est important de noter qu’en fonction du type de chirurgie utilisée les complications peuvent être majorées. Nous avons retrouvé 75 % de reprise chirurgicale par une technique utilisant les schémas de Wise et 50 % de complications nécessitant une reprise chirurgicale en cas de conservation de la plaque aréolo-mamelonnaire et de l’étui cutané. Pour faire le choix de la technique chirurgicale, la patiente doit être informée au préalable de l’ensemble des complications possibles et du risque résiduel selon le type de technique utilisé [1—3,6,8,11,12]. Le résultat cosmétique attendu doit être acceptable et doit tenir compte des situations à risque (les réductions de l’étui cutané, diabète, tabac. . .). La décision d’une reconstruction doit relever du choix de la patiente après exposé des différentes possibilités (reconstruction ou pas, immédiate ou différée, les différentes techniques de reconstruction et les complications des gestes chirurgicaux) [1—3,6,8,11]. Surveillance après mastectomie bilatérale prophylactique Après la reconstruction, il est recommandé de proposer une surveillance clinique, avec inspection et palpation des sites mammaires selon un rythme annuel ou biannuel. Aucune imagerie systématique n’est recommandée [2,3]. Pour les femmes qui ne choisissent pas la chirurgie prophylactique mammaire, l’examen de surveillance mammaire de référence est l’IRM avec injection de gadolinium, associée à une mammographie/échographie à un rythme annuel [2,3,10,13]. Ce bilan est recommandé à partir de l’âge de 30 ans ou plus tôt en cas de formes très précoces dans la famille [1—3,13]. Dans notre étude 53,3 % des patientes ont appréhendé la surveillance annuelle.

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La prise en charge des femmes porteuses d’une mutation BRCA1/2, atteintes d’un cancer du sein Prise en charge du cancer La prise en charge du cancer par une mastectomie chez les patientes mutées, ne doit pas reposer sur l’hypothèse d’une amélioration de la survie. Plusieurs études ont montré qu’il n’y avait pas de modification de la survie chez les patientes traitées par tumorectomie par rapport aux patientes traitées par mastectomie. Mahmood et al. ont montré à partir d’une étude de plus de 14 000 patientes de moins de 40 ans, sur la base de données du SEER, que les survies globales et spécifiques étaient similaires entre le traitement conservateur et la mastectomie [14]. Ces patientes doivent donc être informées de manière appropriée de leurs options de traitement [6,14—16]. Notre étude retrouvait une prise en charge par traitement conservateur premier chez 70,7 % de la population (n = 29/41). Six patientes ont présenté une récidive dans un délai de 5 ans après la prise en charge de leur cancer du sein. Si la mutation n’est pas connue mais l’histoire familiale évocatrice d’un contexte héréditaire, une consultation d’oncogénétique peut être envisagée « en urgence » dans le but d’éclaircir l’histoire familiale et si nécessaire modifier le traitement local ou controlatéral. Prise en charge du sein controlatéral Le risque de cancer du sein controlatéral chez les patientes mutées est de 15 à 40 % à 10 ans contre 3 à 10 % chez les patientes de la population générale [2,3,15,16]. La mastectomie controlatérale immédiate, ou retardée par rapport au traitement du premier cancer, est une option envisageable en cas de mutation documentée BRCA1/2. Les situations sont complexes et particulières, les décisions doivent être réfléchies et discutées au cas par cas [2,3,15,16]. Une étude de Boughley et al. a comparé 385 patientes avec une histoire familiale de cancer, traitées par mastectomie et mastectomie controlatérale prophylactique et 385 patientes traitées par mastectomie sans mastectomie controlatérale prophylactique. Cette étude a montré une survie globale significativement augmentée à 10 ans chez les patientes ayant bénéficié d’une mastectomie prophylactique controlatérale [18]. Mais des études ont également montré l’impact négatif sur la qualité de vie et l’image de soi après la mastectomie controlatérale prophylactique, bien que chez une minorité de femmes [2,3,17]. « L’existence de facteurs de mauvais pronostic constitue une situation où les mastectomies prophylactique ne sont pas recommandées » (St Paul 2007). Il est important de prendre en compte, l’âge de la patiente et la mutation en cause (BRCA1 > BRCA2), les facteurs histopronostiques du cancer, les traitements de ce cancer (chimiothérapie, radiothérapie et hormonothérapie) et d’évaluer ainsi la balance bénéfice/risque à réaliser un tel geste. Dans notre étude, 8,9 % des patientes n’ont pas été satisfaites de l’aspect global des seins reconstruits (n = 4). L’harmonie entre les deux seins reconstruits a été considérée comme mauvaise pour 13,3 % de la population (n = 5). Il a été retrouvé des douleurs post-opératoires chez 10 patientes soit 21,7 % de la population et des douleurs plus tardives en rapport avec la chirurgie mammaire chez 26 patientes soit 56,5 % de la population. Il est important de noter qu’en fonction du type de chirurgie réalisée les complications ont

Pour citer cet article : Oger AS, et al. La chirurgie prophylactique chez les patientes mutées BRCA ou à haut risque : étude rétrospective de 61 patientes de l’ICO. Ann Chir Plast Esthet (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2014.10.001

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A.S. Oger et al.

pu être majorées. Nous avons retrouvé 100 % de reprise chirurgicale en cas de pose d’expandeur, 75 % de reprise chirurgicale par une technique utilisant les schémas de Wise et 50 % de complications nécessitant une reprise chirurgicale en cas de conservation de la plaque aréolo-mamelonnaire et de l’étui cutané. Le recours à une mastectomie controlatérale prophylactique, chez les patientes atteintes de cancer du sein unilatéral invasif a augmenté de 150 % entre 1993 et 2003 aux États-Unis [17]. À l’heure actuelle, on sait que la mastectomie controlatérale prophylactique réduit le risque de cancer du sein chez les patientes mutées et/ou à haut risque (surtout les patientes mutée BRCA1), mais il n’y a pas suffisamment de preuves pour savoir si la survie est réellement améliorée et pour qui [19]. Une étude de Zendejas et al., publiée dans le JCO 2011, a montré que la mastectomie controlatérale prophylactique semblait être une stratégie rentable pour la population générale des patientes atteintes d’un cancer du sein qui avaient moins de 70 ans. La mastectomie controlatérale prophylactique serait à la fois moins coûteuse et offrirait plus de qualité de vie pour les patientes à haut risque (BRCA positif) de tout âge. Mais ces résultats ne doivent pas être utilisés pour suggérer que toutes les patientes devraient subir une mastectomie controlatérale prophylactique, ni que la mastectomie controlatérale prophylactique est supérieure à la surveillance. En effet, la discussion de mastectomie controlatérale prophylactique doit être individualisée pour chaque patiente [20].

prophylactique est la technique la plus efficace pour prévenir le risque de cancer du sein chez les femmes à haut risque. Cette procédure reste encore limitée principalement en cas d’antécédent personnel de cancer (évaluation du bénéfice/ risque). Les conséquences d’un tel geste restent importantes tant sur le plan chirurgical (techniques et complications) que sur la qualité de vie (satisfaction du résultat, douleurs, cicatrices, répercussion vie sexuelle et affective. . .). Cette étude montre qu’il est nécessaire de mieux sélectionner les patientes qui bénéficieraient le plus de ce type de chirurgie. Ainsi, les femmes envisageant une mastectomie prophylactique doivent s’appuyer sur des avis d’experts. La prise en charge de ces patientes doit être réalisée dans un milieu adapté et spécialisé avec une équipe multidisciplinaire. Le soutien médical et psychologique reste majeur. Les informations données aux patientes doivent être les plus claires possibles avec plusieurs étapes avant la décision finale. Celle-ci reste un choix personnel dans le cadre d’une décision partagée avec la patiente. Une étude prospective randomisée comparant la mastectomie prophylactique avec la surveillance (ou la chemoprévention) chez les femmes à risque serait nécessaire. Mais il est peu probable que les femmes à haut risque accepteraient de participer à une telle étude, étant donné l’importante différence en matière de prise en charge dans les deux groupes. En outre, même si une telle étude était réalisable, il faudrait 10 à 20 ans de recul pour avoir une information suffisante pour répondre à toutes les questions que l’on peut se poser [8].

La prise en charge des femmes non porteuses d’une mutation BRCA1/2, mais à risque génétique élévé

Déclaration d’intérêts

Une mastectomie bilatérale peut être envisagée dans le cas où il existe une volonté d’attitude préventive de la part de la femme et une forte présomption de prédisposition génétique, notamment en cas d’antécédent personnel de cancer [2,3,9]. La chirurgie prophylactique a sa place chez cette population de patientes qui reste majoritaire, mais cette décision de prise en charge n’est pas appuyée par les résultats de la mutation. Il existe peu de recommandations pour aider à la prise en charge de ces patientes. Compte tenu de la complexité de cette situation, la décision relève d’une approche multidisciplinaire avec au minimum le chirurgien et l’oncogénéticien impliqués dans la prise en charge de la patiente [1]. Dans notre étude, 8 patientes ont été prises en charge pour une mastectomie bilatérale prophylactique sans mutation génétique, dont 2 ne présentaient pas d’antécédent de cancer du sein, mais avaient une famille à risque. Sur l’ensemble de ces patientes, 4 d’entre elles ont présenté des complications (50 %) dont 2 ont nécessité une reprise au bloc opératoire pour infection de prothèse (25 %). L’ensemble de ces patientes a bénéficié en moyenne de 2 anesthésies générales.

Conclusion Les recommandations quant à la prise en charge des patientes mutées ou à haut risque restent encore générales pour une population très hétérogène. La mastectomie

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Annexe C. Matériel complémentaire Le matériel complémentaire accompagnant la version en ligne de cet article est disponible sur http://www.sciencedirect.com et doi:10.1016/j.anplas.2014.10.001.

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Pour citer cet article : Oger AS, et al. La chirurgie prophylactique chez les patientes mutées BRCA ou à haut risque : étude rétrospective de 61 patientes de l’ICO. Ann Chir Plast Esthet (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2014.10.001

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ANNPLA-1097; No. of Pages 7

La chirurgie prophylactique chez les patientes mutées BRCA ou a haut risque

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