L’atteinte bronchique dans la pneumopathie d’hypersensibilité

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Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique 48 (2008) 331–334 http://france.elsevier.com/direct/REVCLI/

L’atteinte bronchique dans la pneumopathie d’hypersensibilité§ Airway involvement in hypersensitivity pneumonitis J.-C. Dalphin Service de pneumologie, CHU Jean-Minjoz, 2, boulevard Fleming, 25030 Besançon cedex, France Disponible sur Internet le 1 mai 2008

Résumé La pneumopathie d’hypersensibilité est une maladie respiratoire due à l’inhalation chronique d’antigènes auxquels le sujet exposé a été préalablement sensibilisé. Elle est caractérisée par une inflammation granulomateuse à cellules mononucléées qui touche les régions alvéolaires et intéresse la plupart du temps les petites voies aériennes. Les lésions de bronchiolite sont bien caractérisées dans les études histopathologiques. Cette atteinte bronchique explique, notamment, les hyperclartés lobulaires donnant un aspect en mosaïque et le trappage d’air, visibles au scanner thoracique. La bronchite chronique, le trouble ventilatoire obstructif et l’évolution vers un emphysème sont les conséquences possibles de cette atteinte bronchique. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Hypersensitivity pneumonitis (HP) is a respiratory disease resulting from the inhalation of antigens to which the exposed subject was previously sensitized. HP is characterized by a diffuse and predominantly mononuclear cell inflammation of the alveolar regions that generally involves the small airways. Bronchiolitic lesions are well-described in histopathologic studies. This pathology explains the presence of mosaic attenuation and expiratory air trapping on thoracic scans. Chronic bronchitis with ventilatory obstruction and emphysema as a long-term outcome are possible consequences of this bronchial involvement. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Pneumopathie d’hypersensibilité ; Atteinte bronchique ; Bronchiolite oblitérante Keywords: Hypersensitivity pneumonitis; Bronchial involvement; Bronchiolitis obliterans

1. Introduction La pneumopathie d’hypersensibilité (PHS) est une pneumopathie de mécanisme immunoallergique complexe à médiations humorale et cellulaire qui est due à l’inhalation chronique de substances antigéniques le plus souvent organiques, parfois chimiques. Histologiquement, elle montre une infiltration cellulaire inflammatoire et granulomateuse de l’interstitium et des espaces aériens terminaux. La réaction granulomateuse résulte de l’exposition à des antigènes qui se déposent dans les bronchioles ou les alvéoles, d’une réponse du sujet exposé qui doit avoir certaines susceptibilités et de l’interaction entre les antigènes et l’hôte, qui est influencée par des facteurs génétiques et environnementaux [1]. §

Conférence donnée au 3e Congrès francophone d’allergologie. Adresse e-mail : [email protected].

La PHS fait partie des pneumopathies interstitielles et, du fait de cette dénomination, on néglige fréquemment l’atteinte des voies aériennes qui est pourtant constante et parfois au premier plan [2]. Ce court article se focalise sur les manifestations bronchiques de la PHS que nous mettrons en exergue. Les aspects classiques, au niveau épidémiologique, diagnostique, évolutif et thérapeutique, largement décrits par ailleurs, ne seront pas systématiquement repris. 2. Bronchiolite Les anomalies bronchiolaires sont relativement communes dans les maladies respiratoires. Il faut distinguer les maladies respiratoires, dans lesquelles l’atteinte bronchiolaire est l’anomalie histologique prédominante, des maladies respiratoires parenchymateuses ou des grosses voies aériennes, dans lesquelles les bronchioles sont secondairement atteintes [3].

0335-7457/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.allerg.2008.03.001

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Fig. 1. Poumon (biopsie chirurgicale). HES. Gr.  100. Aspect de bronchiolite constrictive avec granulome à cellules géantes dans la paroi bronchique et infiltrat lymphocytaire étendu aux cloisons alvéolaires adjacentes. PHS « domestique » liée à des moisissures dans un faux-plafond.

Dans la première catégorie, on classe les bronchiolites respiratoires, la bronchiolite aiguë, la bronchiolite constrictive, la bronchiolite foliculaire, la panbronchiolite diffuse et les atteintes aériennes en rapport avec les poussières minérales, notamment. Dans la seconde catégorie, on classe, outre la PHS, la pneumopathie interstitielle du fumeur et la pneumopathie organisée cryptogénique [4]. La bronchiolite de la PHS est souvent négligée, car le processus histopathologique principal se développe dans les régions alvéolaires et conduit à un trouble fonctionnel respiratoire essentiellement restrictif [2,5]. Les descriptions histologiques sont issues de PHS aviaires et de maladies du poumon de fermier [6–9]. Dans les formes récentes, il existe un œdème inflammatoire centré par les bronchioles composé de lymphocytes, de polynucléaires neutrophiles et de mastocytes, qui intéresse les alvéoles et l’interstitium. La plupart du temps, on distingue des granulomes sans nécrose caséeuse, de petite taille, mal organisés, très riches en lymphocytes, relativement pauvres en histiocytes épithélioïdes, qui prédominent au centre du lobule et qui entourent et/ou compriment les bronchioles terminales et respiratoires (Fig. 1). Il s’y associe, plus d’une fois sur deux, des lésions typiques de bronchiolite oblitérante [10,11]. Les lésions de fibrose sont vues préférentiellement dans les formes aviaires d’évolution insidieuse et sont rares dans les PHS liées aux moisissures, comme le poumon de fermier par exemple. Dans ces formes fibrosantes, il existe également une fibrose bronchiolaire, associée à la fibrose parenchymateuse, qui est toutefois moins intense que dans la fibrose pulmonaire idiopathique. En cas de fibrose, mais également en cas d’évolution emphysémateuse prédominante, la persistance d’une infiltration lymphocytaire avec quelques cellules géantes et l’observation assez fréquente de granulomes mal formés suggèrent le diagnostic de PHS.

subaiguës, il n’est pas rare d’observer une toux productive. Des études épidémiologiques, en outre, ont permis de préciser les relations entre bronchite chronique et PHS en milieu aviaire et en milieu de production laitière [12–15]. Il a été observé chez les éleveurs de pigeons qu’approximativement 10 % des sujets exposés avaient une bronchite chronique comme la seule manifestation de leur maladie, avec de surcroît une corrélation positive, pratiquement linéaire, entre la fréquence de la bronchite chronique et l’immunisation sérique [12,13]. Dans le Doubs, une première étude épidémiologique réalisée en 1986, avait permis de dépister 77 cas de poumon de fermier, dont 39 (50,6 %) avaient une bronchite chronique, sans relation avec le tabac [15]. Dans un second temps, une enquête de type cas-témoins a permis de relever un lien étroit entre la présence d’une bronchite chronique chez les agriculteurs non fumeurs et les antécédents d’épisodes respiratoires aigus semi-retardés évocateurs d’un poumon de fermier avec un odds ratio supérieur à 20 [16]. Dans les formes chroniques obstructives qui se manifestent par un trouble ventilatoire obstructif fixé et un emphysème, l’existence d’une expectoration chronique est habituelle. On peut l’observer également de façon non spécifique dans les formes fibrosantes. Dans ce dernier cas, les symptômes bronchiques sont toutefois au second plan. Les manifestations cliniques d’hyperréactivité bronchique ont été également observées de façon accrue chez les sujets atteints d’une PHS, notamment en milieu de production laitière [17–19]. En revanche, à notre connaissance, il n’est pas démontré que la fréquence de l’hyperréactivité bronchique chimique soit accrue chez ces patients. 4. Fonction respiratoire La PHS, dans les formes récentes, donne classiquement un trouble ventilatoire restrictif, avec une réduction variable des capacités pulmonaires totales et vitales, et une diminution de la compliance pulmonaire et de la capacité de diffusion du CO. La diminution des volumes est moins homogène que dans la plupart des autres pneumopathies interstitielles diffuses et il n’est pas rare d’observer un volume résiduel normal ou augmenté. Toutefois, à l’instar de la sarcoïdose, l’existence d’une obstruction bronchique, notamment distale, est commune [20]. Mais, à notre connaissance, sa fréquence n’a jamais été précisée. Dans de rares cas, la présentation est celle d’une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Les signes cliniques sont peu spécifiques. L’alvéolite lymphocytaire et l’existence de « signes d’activité » en tomodensitométrie haute résolution permettent de rattacher cette « BPCO » à la PHS. Cette présentation rare, quoique non exceptionnelle, a fait l’objet d’un développement dans la même revue en 2001 [21].

3. Présentation clinique

5. Signes radiologiques

Les signes bronchiques ne font pas partie des descriptions classiques des PHS. Pourtant, dans les formes aiguës et

Vingt pour cent des formes récentes de PHS ont un cliché thoracique normal et le scanner thoracique haute résolution est

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6. Données évolutives

Fig. 2. TDM HR. Coupes centimétriques. Condensations alvéolaires et opacités en verre dépoli des deux bases entrecoupées d’hyperclartés lobulaires. Forme aiguë sévère de maladie du poumon de fermier.

un élément clé du diagnostic [22]. Dans l’immense majorité des cas, deux types d’anomalies sont présentes comme suit [23] :  celles en rapport avec l’infiltration inflammatoire et granulomateuse intra-alvéolaire et de l’interstitium pulmonaire, qui se traduisent par des opacités en verre dépoli et des micronodules flous centrolobulaires (Fig. 2) ;  celles, « indirectes », en rapport avec l’atteinte bronchiolaire et le trappage aérique. Les lésions de bronchiolite se traduisent par des plages d’atténuation qui donnent un aspect en mosaïque (Fig. 3) et par des hyperclartés résultant de l’air trappé par les lésions obstructives bronchiolaires que l’on caractérise au mieux par les clichés en expiration [24]. L’association de ces images élémentaires est quasi pathognomonique de la PHS. Les lésions d’emphysème vraies sont observées dans les formes chroniques, mais également dans les formes aiguës et subaiguës [25–27].

Fig. 3. TDM HR. Coupes millimétriques. Opacités en verre dépoli entrecoupées d’hyperclartés lobulaires : aspect « en mosaïque ». Forme aiguë de PHS liée à la sciure de bois contaminée par des moisissures.

Dans les suites d’une maladie aiguë ou subaiguë, selon les séries, entre 30 et 65 % des patients restent symptomatiques et environ un tiers (avec d’assez grandes divergences d’une étude à l’autre) garde une insuffisance respiratoire chronique séquellaire [28]. On considérait, jusqu’à ces dernières années, que cette insuffisance respiratoire était la plupart du temps restrictive, avec ou sans fibrose pulmonaire caractérisée. Or l’analyse du suivi des grandes cohortes [28,29] et l’apport d’études plus récentes, qui comportent un suivi tomodensitométrique, montrent que l’évolution vers une maladie obstructive avec, souvent, emphysème est fréquente [26,30]. Elle serait même la plus habituelle dans le poumon de fermier ou dans les PHS liées à une exposition intermittente. En revanche, en cas d’exposition aviaire chronique à faible concentration d’antigènes, comme c’est le cas dans les PHS domestiques liées aux pigeons observées fréquemment au Mexique, l’évolution vers une fibrose pulmonaire est la règle [31]. 7. Conclusion L’atteinte histologique de la PHS, dans les formes récentes, intéresse de façon constante les petites voies aériennes. L’infiltration inflammatoire lymphoplasmocytaire est centrée par les bronchioles. Le granulome, centrolobulaire, comprime volontiers les petites voies aériennes et, dans une proportion élevée de cas, il existe des lésions de bronchiolite oblitérante. Tout cela explique l’existence de signes bronchiques (inconstants), la présence à l’exploration fonctionnelle respiratoire d’une obstruction distale (fréquente), les images tomodensitométriques (atténuation en mosaïque et trappage), mais également la fréquente évolution vers une maladie obstructive emphysémateuse. Références [1] Bourke SJ, Dalphin JC, McSharry CP, Baldwin CI, Calvert JE. Hypersensitivity pneumonitis: current concepts. Eur Respir J 2001;18:815–925. [2] Selman M, Vargas MH. Airway involvement in hypersensitivity pneumonitis. Curr Opin Pulm Med 1998;4:9–15. [3] Ryu JH, Myers JL, Swensen SJ. Bronchiolar disorders. Am J Respir Crit Care Med 2003;168:1277–92. [4] Ryu JH. Classification and approach to bronchiolar diseases. Curr Opin Pulm Med 2006;12:145–51. [5] Selman M, Perez-Padilla R. Airflow obstruction and airway lesions in hypersensitivity pneumonitis. Clin Chest Med 1993;14:699–714. [6] Perez-Padilla R, Gaxiola M, Salas J, Mejia M, Ramos C, Selman M. Bronchiolitis in chronic pigeon breeder’s disease: morphologic evidence of a spectrum of small airway lesions in hypersensitivity pneumonitis induced by avian antigens. Chest 1996;110:371–7. [7] Reyes CN, Wenzel FJ, Lawton BR, Emanuel DA. The pulmonary pathology of farmer’s lung disease. Chest 1982;81:142–6. [8] Iwata M, Colby TV, Kitaichi M. Diffuse panbronchiolitis: diagnosis and distinction from various pulmonary diseases with centrilobular interstitial foam cell accumulations. Hum Pathol 1994;25:357–63. [9] Coleman A, Colby TV. Histologic diagnosis of extrinsic allergic alveolitis. Am J Surg Pathol 1988;12:514–8.

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