Traitement de l'inflammation bronchique dans la mucoviscidose

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Archives de pédiatrie 14 (2007) 1350–1355 http://france.elsevier.com/direct/ARCPED/

Mise au point

Traitement de l’inflammation bronchique dans la mucoviscidose Treatment of airway inflammation in cystic fibrosis M. Abély Service de pédiatrie A, centre de ressources et de compétences pour la mucoviscidose, American Memorial Hospital, CHU de Reims, 47, rue Cognacq-Jay, 51092 Reims cedex, France Inserm UMRS 514, IFR 53, CHU Maison-Blanche, Reims, France Reçu le 10 juin 2007 ; accepté le 27 juin 2007 Disponible sur internet le 15 août 2007

Résumé L’inflammation bronchique dans la mucoviscidose est caractérisée par un infiltrat massif de polynucléaires neutrophiles et une surproduction de cytokines pro-inflammatoires telles que l’IL-8 et l’IL-6. Parmi les traitements anti-inflammatoires, la corticothérapie inhalée est fréquemment prescrite bien que le bénéfice d’un tel traitement ne soit pas certain. Bien qu’efficace, l’ibuprofène est peu prescrit du fait de ses effets secondaires. L’azithromycine a une action anti-inflammatoire qui justifie son usage chez les patients chroniquement colonisés à Pseudomonas aeruginosa. Enfin, en plus de son action mucolytique, la RhDNase semble avoir une action anti-inflammatoire intéressante. De nombreux traitements antiinflammatoires restent par ailleurs en cours d’évaluation. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Cystic fibrosis airway inflammation is characterized by neutrophilic efflux and high levels of proinflammatory cytokines such as IL-8 and IL-6. Inhaled corticosteroids are widely used despite lack of evidence of efficacity. Despite evidence of efficacity of ibuprofen, many clinicians have chosen not to use this therapy because of concerns regarding potential side effects. Azithromycin has antiinflammatory properties and is effective in cystic fibrosis (CF) patients. Deoxyribonuclease (rhDNase) has been shown to improve lung function in patients with cystic fibrosis and may also have a positive effect on inflammation. Other antiinflammatory drugs are in the process of validation. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Mucoviscidose ; Inflammation ; Corticothérapie ; Azithromycine ; RhDNase ; Ibuprofène

1. Introduction Bien que l’espérance de vie des patients atteints de mucoviscidose ait augmenté ces 20 dernières années, le pronostic reste conditionné par le déclin de la fonction pulmonaire. L’atteinte bronchopulmonaire est liée à une hyperviscosité du mucus bronchique responsable d’une altération de la clairance mucociliaire ; s’y associent une infection bronchique et une inflammation majeure. Le canal chlore présent au pôle apical des cellules épithéliales a une fonction altérée et l’inhibition par CFTR (cystic fibrosis transmembrane conductance regula-

Adresse e-mail : [email protected] (M. Abély).

tor) du canal Enac est réduite [1]. Ainsi, au niveau des cellules épithéliales, il en résulte une augmentation de l’absorption de sodium et une hyperviscosité du mucus. Une altération de la clairance mucociliaire associée à une diminution des défenses antibactériennes innées au niveau bronchique [2] va favoriser la survenue d’infections bronchiques à certains pathogènes tels que Staphylococcus aureus et Pseudomonas aeruginosa. Chez les patients atteints de mucoviscidose, on observe dès les premières années de vie la présence d’une inflammation des voies aériennes [3]. Cette inflammation est caractérisée par un infiltrat massif de polynucléaires neutrophiles, avec surproduction de cytokines pro-inflammatoires telles que l’IL-8, l’IL-6, le TNF-α et le leucotriène B4 et une sous-expression de l’IL-10 qui a une action anti-inflammatoire. Cet afflux de neutrophiles

0929-693X/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.arcped.2007.06.029

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conduit à une majoration de l’obstruction bronchique. On peut parler de cercle vicieux où la mauvaise clairance mucociliaire conduit à une infection bronchique et une importante réaction inflammatoire qui à son tour majore l’obstruction et la dilatation des bronches secondaires. Le rôle d’un défaut de CFTR dans la réduction de transport en glutathion et le défaut d’apoptose pourrait également contribuer à une inflammation excessive, mais cela reste à déterminer [1]. Dans la mucoviscidose, l’infection bronchique bactérienne est un des principaux facteurs provoquant une importante réaction inflammatoire. Ainsi, le contrôle du risque infectieux est un élément prédominant dans la prévention d’une réponse inflammatoire. C’est pour cela qu’il est essentiel de contrôler le statut bactérien des expectorations bronchiques afin d’adapter la thérapeutique pour limiter l’infection bronchique. La réponse inflammatoire à un agent pathogène est beaucoup plus importante dans la mucoviscidose, comme en témoignent de nombreux travaux effectués in vitro et in vivo. Par ailleurs, il a été suggéré qu’à l’état basal, avant toute stimulation bactérienne, il existait un état inflammatoire. Cette hypothèse est étayée par des travaux effectués sur des modèles de cultures cellulaires et par la démonstration chez le nourrisson qu’il existe une inflammation très précoce avant même la présence d’infections bactériennes. Le rôle d’agents infectieux non bactériens, dont les virus, n’est pas élucidé. La prévention d’une inflammation bronchique secondaire à une infection virale comme le virus respiratoire syncytial pourrait justifier l’immunisation préventive chez les nourrissons atteints de mucoviscidose [4]. Tous ces éléments nous conduisent à nous interroger sur le rôle du clinicien face à cette inflammation précoce des voies aériennes respiratoires dans la mucoviscidose. À l’heure actuelle, il manque clairement d’outils simples pour identifier cette inflammation à un stade préclinique. Les marqueurs systémiques ont peu d’intérêt. L’outil de référence est le lavage bronchoalvéolaire. Il nous apporte des informations sur la situation bactérienne in situ et sur l’importance de l’inflammation grâce à l’analyse de la population cellulaire, des cytokines pro-inflammatoires comme l’IL-8 et l’élastase produite par le polynucléaire neutrophile. Toutefois, pour des raisons évidentes, cette technique très performante ne peut être effectuée de manière récurrente chez un nourrisson exempt de toute symptomatologie respiratoire. Ainsi, l’attitude thérapeutique à adopter n’est pas clairement définie actuellement. Bien qu’actifs sur l’inflammation bronchique, certains traitements ne peuvent être envisagés chez le nourrisson et l’enfant du fait de leurs effets secondaires. D’autres, bien que prescrits fréquemment dans la mucoviscidose, n’ont pas prouvé leur efficacité. Nous nous proposons de rapporter l’état actuel des connaissances dans ce domaine. 2. Anti-inflammatoires stéroïdiens 2.1. Corticothérapie orale La corticothérapie par voie orale a une activité antiinflammatoire démontrée dans la mucoviscidose dans le cadre

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d’une aspergillose bronchopulmonaire immunoallergique (ABPA) et au cours des exacerbations bronchiques sur une courte période. L’effet anti-inflammatoire a également été démontré lorsque la corticothérapie orale était administrée durablement. On observe une amélioration significative de la fonction respiratoire, une réduction de la fréquence des exacerbations [5]. Toutefois, ce bénéfice est au prix d’effets indésirables qui ne permettent pas d’envisager ce traitement au long cours. Il a été rapporté un effet délétère sur la croissance staturale à des posologies de prednisone de 1 à 2 mg/kg 1 jour sur 2 [5]. Une étude randomisée incluant 224 enfants âgés de 6 à 14 ans a évalué l’effet d’un traitement par prednisone sur la croissance staturale à distance de l’arrêt du traitement. Il est clairement apparu que ce décalage statural n’était pas corrigé à distance de la corticothérapie orale [6]. La faible minéralisation osseuse et la fréquente ostéoporose observées chez ces patients à l’âge adulte sont majorées par la prise prolongée d’une corticothérapie orale. Il a été rapporté des cas de fractures spontanées sous traitement corticoïde oral prolongé [7]. Enfin, la corticothérapie orale a un effet délétère sur le métabolisme glucidique. Un diabète insulinodépendant est observé chez 30 % des adultes atteints de mucoviscidose. La corticothérapie par voie orale prolongée favorise la survenue précoce d’un diabète, fréquemment associée à une dégradation de la fonction respiratoire. Ainsi, en dehors d’un traitement de courte durée pour une exacerbation ou une ABPA, les effets secondaires rapportés ne permettent pas de préconiser un tel traitement [8]. 2.2. Corticothérapie inhalée La corticothérapie inhalée est fréquemment prescrite chez les patients atteints de mucoviscidose sans qu’elle ait clairement prouvé son bénéfice sur l’inflammation bronchique et la fonction respiratoire. Cette démarche correspond à une extrapolation à la mucoviscidose des pratiques dans le traitement de l’asthme, bien que les mécanismes impliqués soient différents. Le traitement inhalé pourrait avoir une efficacité comparable à celle de la corticothérapie orale sans en avoir les effets secondaires. Cependant, les données actuelles ne nous permettent pas de considérer qu’un tel traitement ait un effet bénéfique sur l’inflammation et sur la fonction respiratoire. Il est important de remarquer que la plupart des études cliniques concerne de petites cohortes de patients, ce qui en limite la puissance. En outre, la durée du traitement n’est que de quelques semaines, ce qui peut être insuffisant pour juger d’un effet sur la fonction respiratoire. Parfois il est rapporté une diminution isolée de l’hyperréactivité bronchique sous traitement [9], ailleurs un gain sur les données des épreuves fonctionnelles respiratoires [10], voire un recours moindre aux antibiotiques. Pour d’autres, aucun bénéfice n’est observé [11]. Toutes les études mettent en évidence la très bonne tolérance du traitement et le peu d’effets secondaires. Cependant, il est important de considérer que la combinaison d’une corticothérapie inhalée et d’un traitement par itraconazole doit être surveillée régulièrement, car des insuffisances surrénales ont été rapportées [12].

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Une étude multicentrique récente portant sur une population de 171 patients a évalué l’effet de l’arrêt de la corticothérapie inhalée. Durant une période de 2 mois, tous les patients recevaient du fluticasone ; puis un groupe continuait le traitement et un autre recevait un placebo durant 6 mois. Il n’a pas été observé de différence concernant le volume maximal expiré en une seconde (VEMS) et le délai de survenue de la première exacerbation entre les 2 groupes [13]. Peu d’études cliniques ont évalué l’association d’un corticoïde inhalé et d’un bêta agoniste de longue action. L’étude statistique des différentes études n’a pas permis de mettre en évidence de bénéfice clinique avec l’association propionate de fluticasone et salmétérol dans la mucoviscidose [14]. Néanmoins, des travaux fondamentaux suggèrent que l’association salmétérol–fluticasone pourrait avoir un effet bénéfique à la fois sur l’inflammation, sur l’expression de CFTR et sur l’intégrité de l’épithélium bronchique. Il a en effet été rapporté que le salmétérol, β2 adrénergique de longue action, stimulait l’expression de CFTR au pôle apical des cellules épithéliales primaires humaines. Le proprionate de fluticasone a des effets antiinflammatoires sur un modèle de xénogreffe bronchique humanisée. Il diminue nettement la réponse inflammatoire de l’épithélium bronchique mucoviscidosique après stimulation par du lipopolysaccharide (LPS) de P. aeruginosa [15]. Enfin, le rôle du proprionate de fluticasone sur la stimulation de la réponse inflammatoire via la voie de NFκB a été évalué dans une étude ayant montré qu’une préincubation par fluticasone permettait de réduire la réponse inflammatoire sur le même modèle de xénogreffe bronchique humanisée, en bloquant le signal de la transduction conduisant ainsi à une diminution du taux de kinases IkappaB-alpha/bêta dans les cellules épithéliales bronchiques [16]. 3. Autres thérapeutiques 3.1. Ibuprofène L’ibuprofène est un anti-inflammatoire non stéroïdien fréquemment prescrit dans la mucoviscidose. Il semble avoir un effet bénéfique sur le déclin de la fonction respiratoire lorsqu’il est administré à forte dose [17]. À faible dose, il semble avoir un effet inverse en entraînant une augmentation des marqueurs inflammatoires bronchiques [18]. Il a été suggéré que l’utilisation de ce traitement à forte dose pourrait entraîner des complications digestives (hémorragies) plus fréquentes. Bien que de telles observations aient été rapportées [19], une étude sur 4 ans n’a pas confirmé l’augmentation du risque hémorragique [17]. Il existe par ailleurs, un risque également mal évalué d’insuffisance rénale. Ce risque apparaît notamment, en association avec des traitements néphrotoxiques tels que les aminosides [20]. Enfin, le traitement par ibuprofène entraîne fréquemment des effets secondaires à type de douleurs abdominales pouvant conduire à l’arrêt du traitement. Le nombre de patients traités par ibuprofène semble de ce fait diminuer et actuellement moins de 5 % des patients aux États-Unis prennent régulièrement ce traitement.

3.2. Colchicine Il a été suggéré un effet bénéfique du traitement par colchicine sur l’inflammation bronchique dans la mucoviscidose mais les données actuelles sont insuffisantes pour retenir cette hypothèse. En effet, il n’a été rapporté qu’une étude pilote portant sur 7 enfants traités pendant 6 mois. Chez 5 d’entre eux, on observait une amélioration du score clinique et des épreuves fonctionnelles respiratoires [21]. 3.3. RhDNase La DNase humaine recombinante (RhDNase) est un traitement inhalé utilisé pour son action mucolytique. L’infection bronchique est caractérisée par un afflux massif de polynucléaires neutrophiles. Il en résulte une augmentation de la sécrétion bronchique et de l’obstruction qui va à son tour favoriser l’infection. La RhDNase permet de lyser les squelettes nucléiques des polynucléaires et des bactéries, et de réduire la viscosité et la quantité de mucus. Ce traitement permet une réduction de la fréquence des exacerbations bronchiques. Des études récentes ont confirmé que ce traitement avait également une action anti-inflammatoire. Dans une étude randomisée en double insu chez 105 patients (RhDNase versus placebo), un traitement de 3 ans était associé à une moindre augmentation du nombre de neutrophiles, d’IL-8 et d’élastase dans les liquides de lavage bronchoalvéolaire [22]. Une autre étude multicentrique, portant sur 48 patients ayant une atteinte pulmonaire modérée, a montré qu’un traitement par RhDNase pendant 18 mois s’associait à une diminution de concentration des polynucléaires neutrophiles dans le liquide de lavage bronchoalvéolaire [23]. L’action du traitement par RhDNase a également été évaluée sur la production de métalloprotéinases. Les métalloprotéinases sont impliquées dans le remodelage et la dégradation de la matrice extracellulaire et joueraient un rôle dans la destruction du parenchyme pulmonaire dans la mucoviscidose. Les métalloprotéinases ont été étudiées dans le liquide de lavage bronchoalvéolaire (MMP8 et MMP9 et leur inhibiteur naturel TIMP1) chez des nourrissons atteints de mucoviscidose. On observait une augmentation supérieure dans le groupe non traité par RhDNAse des valeurs de MMP8 et MMP9 et du rapport MMP9/TIMP1 et une diminution des valeurs des métalloprotéinases dans le groupe traité par RhDNase [24]. 3.4. Azithromycine Les macrolides sont des antibiotiques utilisés pour leur action antibactérienne contre Mycoplasma pneumonia, Chlamydia pneumonia et Legionella. L’azithromycine a également été étudiée ces dernières années pour ses propriétés antiinflammatoires dans la mucoviscidose [25]. L’idée vient de l’observation du bénéfice observé après traitement au long cours par érythromycine dans les pan-bronchiolites, pathologie qui présente des similitudes avec la mucoviscidose (sinusite chronique, colonisation par des souches mucoïdes de P. aeruginosa et bronchectasies) [26]. Ce bénéfice est impor-

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tant puisque la survie à 10 ans est passée de 12–21 % à plus de 90 % chez les patients colonisés par P. aeruginosa [26]. Les autres macrolides tels que la clarithromycine et l’azithromycine ont une efficacité comparable. Plusieurs mécanismes ont été envisagés. Des études suggèrent que les macrolides posséderaient une importante activité anti-inflammatoire due à : ● une inhibition du chimiotactisme des polynucléaires neutrophiles ; ● une diminution de la libération de l’élastase par les neutrophiles ; ● une diminution de la production de cytokines proinflammatoires IL-1β, IL-6, IL-8, et TNF-α [27,28]. Par ailleurs, ils réduiraient la viscosité du mucus et l’adhérence de P. aeruginosa, et augmenteraient la destruction des souches mucoïdes, par un mécanisme de rupture de l’intégrité du biofilm et de frein à la transformation des souches nonmucoïdes en souches mucoïdes non-virulentes [27,28]. Bien que les mécanismes impliqués ne soient que partiellement connus, plusieurs études multicentriques confirment le bénéfice d’un traitement au long cours par azithromycine chez les patients atteints de mucoviscidose et porteurs chroniques de P. aeruginosa [29–31]. Une étude multicentrique américaine a intégré 185 patients porteurs chroniques de P. aeruginosa [29]. Les patients avaient plus de 6 ans et leur VEMS était supérieur à 30 %. Il s’agissait d’une étude randomisée, traitement versus placebo. L’azithromycine était donnée à la dose de 250 ou 500 mg 3 fois par semaine selon le poids. On observait une augmentation du VEMS de 6,2 % et un gain pondéral de 0,8 kg dans le groupe traité par azithromycine. Cette augmentation du VEMS était observée après 168 jours de traitement et le déclin de la fonction respiratoire était observé à l’arrêt du traitement. L’azithromycine avait également un impact sur la fréquence des exacerbations avec une diminution de 40 % du nombre de cures antibiotiques intraveineuses et de 47 % sur le nombre de jours d’hospitalisation. Par ailleurs, la qualité de vie était améliorée. Il existe ainsi maintenant des arguments croissants en faveur de l’utilisation des macrolides dans la mucoviscidose. Cependant, il a été rapporté une augmentation des résistances de S. aureus et d’Haemophilus influenzae à l’azithromycine après prise prolongée [32]. Enfin, il n’a pas été mis en évidence de modifications des paramètres inflammatoires dans les sécrétions bronchiques chez les patients atteints de mucoviscidose sous azithromycine [29]. 3.5. Antileucotriènes Les leucotriènes sont des composants biologiquement actifs, produits à partir de l’acide arachidonique. Ils sont libérés au cours de la réponse inflammatoire aux infections pulmonaires. Les leucotriènes sont présents à un haut niveau dans les expectorations bronchiques de patients atteints de mucoviscidose.

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Plusieurs études portant sur de petites cohortes ont évalué le rôle potentiel des antagonistes (inhibiteurs) des leucotriènes chez ces patients. Comme pour les corticoïdes inhalés, les données actuelles ne permettent pas de juger de l’efficacité des antileucotriènes dans la mucoviscidose, car les résultats sont variables. Certains travaux ont mis en évidence un bénéfice sur les marqueurs inflammatoires et également sur l’état clinique (scores cliniques et épreuves fonctionnelles respiratoires) [33,34], alors que dans une autre étude, le bénéfice ne portait que sur les marqueurs inflammatoires, l’état clinique n’étant pas modifié par le traitement par montelukast [35]. L’antagoniste du récepteur du leucotriène B4 BIL 284 PS (amelubant) est utilisé avec succès dans la polyarthrite rhumatoïde. Dans cette maladie, il bloque l’inflammation dominée par les neutrophiles ; son intérêt potentiel dans la mucoviscidose a justifié la mise en place récente d’études cliniques. Une étude clinique de phase II, en double insu versus placebo, a été conduite pour évaluer l’efficacité clinique de 24 semaines de traitement chez des patients atteints de mucoviscidose avec atteinte pulmonaire modérée (adultes et enfants). L’étude s’est arrêtée précocement du fait de l’augmentation significative des effets secondaires sévères au niveau respiratoire chez les adultes recevant l’amelubant [36]. 3.6. Alpha-1-antitrypsine et inhibiteur de la leucoprotéase sécrétoire Deux défenses naturelles protègent le poumon contre l’impact destructeur de l’élastase libérée par le polynucléaire neutrophile qui a un rôle prépondérant dans l’inflammation du poumon mucoviscidosique. Il s’agit de l’alpha-1-antitrypsine (a-1-AT) et de l’inhibiteur de la leucoprotéase sécrétoire (secretory leukoprotease inhibitor-SLPI). Ces antiprotéases peuvent être administrées par aérosol pour suppléer au trop faible taux d’antiprotéases présentes dans les voies aériennes des sujets atteints de mucoviscidose. Dans une petite étude utilisant l’alpha-1-antitrypsine transgénique nébulisée, il semblait se dégager un bénéfice clinique [37]. Une étude pilote plus récente a montré que l’a-1-AT humaine recombinante, administrée par inhalation pendant 4 semaines à 39 patients atteints de mucoviscidose, n’entraînait aucun effet secondaire et en particulier pas de réaction allergique [38]. Le bénéfice du traitement était limité à une diminution de l’activité élastase du polynucléaire neutrophile et de quelques autres marqueurs de l’inflammation. 3.7. IL-10 recombinante La modulation des cytokines par la voie de la signalisation de NFκB est une cible possible pour contrôler l’inflammation dans la mucoviscidose, promettant une bonne action thérapeutique avec des effets secondaires limités. L’IL-10 recombinante qui inhibe directement l’activation de NFκB a entraîné quelques bénéfices chez la souris témoin dans un modèle expérimental d’infection endobronchique à P. aeruginosa [39], mais, n’a pas encore été évaluée chez l’humain.

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3.8. Interféron gamma Une étude récente a évalué l’efficacité de l’interférongamma-1b (IFN-gamma-1b) sur les marqueurs inflammatoires et sur la fonction respiratoire. Le traitement administré à 66 patients âgés de plus de 12 ans a été bien toléré en dehors d’un bronchospasme. En revanche, aucun bénéfice n’a été observé sur les marqueurs inflammatoires au niveau des expectorations ni sur la fonction respiratoire des patients [40]. 3.9. N-acétylcystéine L’inflammation bronchique à prédominance de neutrophiles est associée à une forte production d’agents oxydants, entraînant un déséquilibre oxydants–antioxydants. Cela active la voie de NFκB et induit une inflammation majeure. Il a été envisagé de favoriser la production d’agents antioxydants afin de réduire l’inflammation bronchique. Deux traitements sont envisagés dans ce cadre : le N-acétylcystéine qui est un précurseur du glutathion et la vitamine E. Un travail récent a évalué l’action de la N-acétylcystéine à forte dose par voie orale sur le taux de glutathion et sur l’élastase produite par le neutrophile chez 18 patients atteints de mucoviscidose [41]. Ce traitement a été bien toléré et a permis une diminution de l’activité de l’élastase dans les expectorations bronchiques, une diminution du nombre de neutrophiles et une diminution du taux d’IL-8 chez les patients ayant une forte inflammation à l’état basal. Cette étude conduite sur seulement 4 semaines ne permet cependant pas d’apporter d’information concernant un bénéfice sur les épreuves fonctionnelles respiratoires. 3.10. Acide docosahexaénoïque Les patients atteints de mucoviscidose ont des concentrations plasmatiques généralement faibles en acide linoléique et en acide docohexaénoïque (DHA) et élevées en acide archidonique. Le rôle du déséquilibre de la concentration des acides gras, de type omega-3 et omega-6 dans la physiopathologie de la mucoviscidose, reste méconnu. Il a été envisagé de supplémenter ces patients en DHA afin de juger l’effet sur les concentrations et sur la fonction respiratoire. Toutes les études montrent une augmentation des concentrations en DHA qui augmentent tant au niveau plasmatique que tissulaire et une diminution des concentrations plasmatiques en acide arachidonique. Cependant, dans toutes ces études, il n’a pas été mis en évidence d’amélioration de la fonction respiratoire. Aussi, des études cliniques portant sur une supplémentation prolongée sur une cohorte de patients plus importante sont nécessaires afin de juger du bénéfice clinique éventuel [42–44]. 3.11. Héparine L’intérêt de l’héparine non fractionnée a également été suggéré, car elle aurait des propriétés anti-inflammatoires et même une action mucolytique. Cependant, son utilisation en pratique clinique n’est pas actuellement envisagée car le risque

d’hémorragie des voies aériennes supérieures n’a pas été estimé. Une étude récente, portant sur 31 patients, a évalué la tolérance et le bénéfice de l’héparine sous forme inhalée. Il s’agit d’une étude croisée randomisée en double insu. Le traitement actif correspondait à des inhalations de 50 000 UI d’héparine pendant deux semaines. Il est apparu que le traitement était bien toléré, sans qu’il y ait de complication hémorragique et sans que les marqueurs sanguins de la coagulation ne soient affectés. En revanche, il n’a pas été observé d’amélioration de la symptomatologie ni des épreuves fonctionnelles respiratoires [45]. 4. Conclusion L’inflammation bronchique dans la mucoviscidose est caractérisée par un infiltrat massif de polynucléaires neutrophiles, une surproduction de cytokines pro-inflammatoires telles que l’IL-8, l’IL-6, le TNF-α et le leucotriène B4 et une sousexpression de l’IL-10, qui a une action anti-inflammatoire. Cet afflux de neutrophiles conduit à une majoration de l’obstruction bronchique. Parmi les traitements anti-inflammatoires, la corticothérapie inhalée est fréquemment prescrite bien que le bénéfice ne soit pas certain. Au contraire, bien que son efficacité soit démontrée, l’ibuprofène est moins prescrit du fait de ses effets secondaires. L’azithromycine a une action antiinflammatoire qui justifie son usage chez les patients colonisés de manière chronique à P. aeruginosa. Enfin, en plus de son action mucolytique, la RhDNase semble avoir une action antiinflammatoire intéressante. De nombreux traitements antiinflammatoires restent par ailleurs en cours d’évaluation. Références [1] Mall M, Grubb BR, Harkema JR, et al. Increased airway epithelial Na+ absorption produces cystic fibrosis-like lung disease in mice. Nat Med 2004;10:487–93. [2] Bals R, Weiner DJ, Meegalla RL, et al. Salt-independent abnormality of antimicrobial activity in cystic fibrosis airway surface fluid. Am J Respir Cell Mol Biol 2001;25:21–5. [3] Armstrong DS, Grimwood K, Carlin JB, et al. Lower airway inflammation in infants and young children with cystic fibrosis. Am J Respir Crit Care Med 1997;156:1197–204. [4] Colasurdo GN, Fullmer JJ, Elidemir O, et al. Respiratory syncytial virus infection in a murine model of cystic fibrosis. J Med Virol 2006;78:651– 8. [5] Eigen H, Rosenstein BJ, FitzSimmons S, et al. A multicenter study of alternate-day prednisone therapy in patients with cystic fibrosis. Cystic Fibrosis Foundation Prednisone Trial Group. J Pediatr 1995;126:515–23. [6] Lai HC, FitzSimmons SC, Allen DB, et al. Risk of persistent growth impairment after alternate-day prednisone treatment in children with cystic fibrosis. N Engl J Med 2000;342:851–9. [7] Yen D, Hedden D. Multiple vertebral compression fractures in a patient treated with corticosteroids for cystic fibrosis. Can J Surg 2002;45:383– 4. [8] Balfour-Lynn IM, Dezateux C. Corticosteroids and ibuprofen in cystic fibrosis. Thorax 1999;54:657. [9] Van Haren EH, Lammers JW, Festen J, et al. The effects of the inhaled corticosteroid budesonide on lung function and bronchial hyperresponsiveness in adult patients with cystic fibrosis. Respir Med 1995;89:209–14. [10] Bisgaard H, Pedersen SS, Nielsen KG, et al. Controlled trial of inhaled budesonide in patients with cystic fibrosis and chronic bronchopulmo-

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