Annales de chirurgie plastique esthétique 52 (2007) 148–151
a v a i l a b l e a t w w w. s c i e n c e d i r e c t . c o m
j o u r n a l h o m e p a g e : w w w. e l s e v i e r. c o m / l o c a t e / a n n p l a
CAS CLINIQUE
Le lambeau musculaire pur de Latissimus dorsi dans les séquelles de traitement conservateur du cancer du sein : à propos d’un cas Latissimus dorsi muscular flap in cosmetic sequelae of breast cancer conservative surgery: a case report N. Zwillingera,*, S. Caretteb, B. Lorenceaub a
Centre hospitalier René-Dubos, 6, avenue de L’Île-de-France, 95303 Pontoise, France Service de chirurgie viscérale, unité de chirurgie plastique, CHR Pontoise, 6, avenue de l’Île-de-France, 95303 Cergy Pontoise cedex, France b
Reçu le 14 septembre 2005 ; accepté le 24 février 2006
MOTS CLÉS Lambeau musculaire pur de Latissimus dorsi ; Chirurgie oncoplastique ; Séquelles de chirurgie conservatrice du sein ; Plastie en trident
KEYWORDS Latissimus dorsi muscular flap; Oncoplastic surgery; Cosmetic sequelae; Conservative breast surgery; Double-opposing Z plasty
Résumé La correction des séquelles de type II des tumorectomies du sein est un problème difficile à résoudre. Les auteurs présentent le cas d’une femme de 39 ans, chez qui la réparation a été effectuée en deux temps. Dans un premier temps, un lambeau musculaire pur de Latissimus dorsi est réalisé, puis dans un second temps une prothèse mammaire et une plastie en trident sur l’aréole viennent terminer la reconstruction. Le résultat final est très satisfaisant sur le plan esthétique, pour une rançon cicatricielle minime. Ce cas difficile présente la variante musculaire pure du lambeau de Latissimus dorsi, comme une technique de choix dans les séquelles post-quadrantectomie.
© 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract The correction of type II sequelae of breast conservative surgery is a difficult problem to solve. The authors present the case of a 39 years old woman, in which the repair has been carried out in two steps. A latissimus dorsi muscular flap is first realised, then a breast implant and a double-opposing Z plasty on the areola finish the reconstruction. The final result is very satisfactory in a cosmetic point of view, with a little cost in terms of scars. This difficult case presents the muscular variant of the latissimus dorsi flap, as a technique of choice in the post-quadrantectomy sequelae.
© 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
* Auteur
correspondant. 194, rue Legendre. Adresse e-mail :
[email protected] (N. Zwillinger).
0294-1260/$ - see front matter © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anplas.2006.02.012
Le lambeau musculaire pur de Latissimus dorsi dans les séquelles de traitement conservateur du cancer du sein
149
Introduction La classification des séquelles cosmétiques du sein après chirurgie conservatrice a été proposée par Clough [1] et Berrino [2]. Clough différencie trois types de séquelles : ● le type I correspond aux seins opérés dont l’aspect global est normal mais qui présentent une asymétrie de volume et/ou de forme avec le sein controlatéral ; ● le type II est défini par un sein déformé, qu’il est possible de corriger par l’utilisation des tissus voisins ; ● le type III est caractérisé par une déformation majeure du sein avec fibrose, qui oblige à la mastectomie et à la reconstruction mammaire immédiate.
Figure 1
Aspect préopératoire (face).
Cette classification permet le plus souvent de guider le choix du chirurgien plasticien dans la réparation de ces séquelles. Cependant le type II peut poser un problème de choix thérapeutique. Nous présentons un cas difficile de séquelles de type II, où la variante musculaire pure du lambeau de Latissimus dorsi (LD) a été utilisée.
Cas clinique Une patiente de 39 ans se présente en consultation pour prise en charge d’une séquelle de traitement conservateur du sein gauche. Elle avait subi, un an auparavant, une tumorectomie du quadrant supéro-interne avec curage axillaire qui révélait un carcinome canalaire infiltrant de grade 2 de 2,2 cm avec un ganglion envahi sur les sept retirés. Le reste du bilan d’extension permettait de classer la tumeur T2N1M0. Une radiothérapie adjuvante avait alors été entreprise, délivrant 45 GY sur le sein gauche et la chaîne mammaire interne avec un complément d’irradiation de 65 GY sur le lit tumoral. La patiente bénéficiait aussi d’une chimiothérapie. Onze mois après la fin de la radiothérapie, la patiente était en bonne santé et les derniers bilans biologique et radiologique normaux. L’examen révèle une femme de 1,70 m pour 85 kg avec une asymétrie majeure de volume aux dépens du sein gauche, en rapport avec un segment 2 vidé (Figs. 1, 2). La cicatrice de tumorectomie est rétractile et le mamelon invaginé vers le haut. La peau sus-mammelonnaire est radiodystrophique et fixée au muscle pectoral, lui-même très fin. Le sein droit controlatéral est, par ailleurs, de volume important (bonnet D) avec une ptose à quatre crayons. Une technique en deux temps fut proposée à la patiente.
Premier temps Réalisation d’un lambeau musculaire pur de muscle Latissimus dorsi (LD). En prolongeant de 5 cm vers l’arrière l’ancienne cicatrice axillaire du curage, le lambeau de muscle Latissimus dorsi est prélevé de manière classique
Figure 2
Figure 3
Aspect préopératoire (profil gauche).
Lambeau musculaire pur de grand dorsal disséqué.
(Fig. 3). Par cette même voie, la zone radiodystrophique est libérée de ces adhérences profondes, créant ainsi une loge suffisante pour accueillir le lambeau. La glande mammaire rétractée et fibreuse derrière l’aréole est prélevée pour examen anatomopathologique. Le lambeau musculaire pur de LD est ensuite translaté dans la loge préparée après
150
N. Zwillinger et al.
section de son attache tendineuse et fixé par des points séparés au tissu mammaire et au muscle pectoral restant. La voie d’abord est fermée en deux plans, après mise en place de deux redons aspiratifs. Les suites opératoires sont simples et la patiente quitte le service après une dizaine de jours.
La patiente est revue à six mois : le volume mammaire gauche est comparable au sein droit réduit et l’invagination mamelonnaire est corrigée (Figs. 6, 7). La patiente est satisfaite de son résultat, obtenu en quelques mois et deux interventions.
Le résultat histologique des prélèvements peropératoires se révèle négatif.
Discussion
Deuxième temps Implantation d’une prothèse mammaire sous le lambeau et plastie cutanée en trident sur le mamelon. Quatre mois plus tard, la voie d’abord axillaire est reprise pour placer sous le lambeau une prothèse préremplie de gel de silicone de forme ronde de 200 cc. Durant ce deuxième temps, une symétrisation du sein droit par une plastie mammaire de réduction à pédicule supérieur retirant 250 g de glande mammaire est réalisée. Enfin, une plastie en trident sur la plaque aréolomamelonnaire (PAM) permet d’amener de la peau saine sur l’aréole et de désinvaginer le mamelon (Figs. 4, 5).
Dans le traitement des séquelles de tumorectomie pour cancer du sein, les possibilités thérapeutiques permettant de corriger le manque de peau et l’insuffisance de volume sont multiples mais rarement idéales, certains auteurs proposant même une abstention thérapeutique, considérant que les résultats des réparations sur les séquelles de type II sont les plus décevants [3]. Le lambeau musculocutané de LD est en théorie la technique de choix dans la prise en charge de ces cas difficiles, car il apporte une peau saine et permet de combler facilement le manque tissulaire du quadrant supérieur du sein de
Les suites sont simples et la patiente quitte l’unité au bout d’une semaine.
Figure 4
Figure 6
Résultat à six mois (face).
Figure 7
Résultat à six mois (profil).
Plastie en trident sur le mamelon invaginé.
Figure 5
Résultat immédiat du trident.
Le lambeau musculaire pur de Latissimus dorsi dans les séquelles de traitement conservateur du cancer du sein
par sa rotation. Dans le cas présenté, cette technique n’a pas été proposée car l’effet « patch » au-dessus d’une PAM conservée qu’apportait un lambeau de LD musculocutané nous semblait inesthétique. D’autre part, le sacrifice de l’aréole faisait perdre le bénéfice de la chirurgie conservatrice. Les techniques de comblement comme le lipofilling ne nous semblent pas être une solution intéressante. Le taux de succès de la greffe des adipocytes est, en effet, lié à la qualité du sous-sol [4], très moyenne sur terrain irradié. De plus, la quantité de tissu graisseux nécessaire pour compenser l’asymétrie mammaire était très importante, nécessitant plusieurs séances. Il faut aussi souligner que, utilisé seul, le lipofilling ne règle pas le problème cutané. Enfin et surtout, une partie du tissu graisseux peut évoluer vers la cytostéatonécrose [5], ce qui se présente cliniquement comme une masse pseudotumorale et radiologiquement comme des calcifications, ce qui gêne la surveillance carcinologique du sein traité. Les procédures d’implantation prothétique d’emblée ou après expansion ne peuvent pas être fiables sur des peaux irradiées et radiodystrophiques, avec les risques d’infection et d’extrusion de prothèse qui s’en suivent. Enfin, l’excision–greffe de la PAM peut être une solution, mais nécessite un sous-sol de bonne qualité. La greffe rend, par ailleurs, le mamelon insensible. Dans ces cas difficiles, le lambeau musculaire pur de LD nous paraît être la meilleure solution. Utilisé depuis longtemps pour le traitement des déformations du thorax [6], des radionécroses [7], du syndrome de Poland [8], en réparation mammaire immédiate après tumorectomie [2] et en reconstruction mammaire secondaire associée à une prothèse d’expansion [9], son prélèvement est aisé. Il apporte un tissu vascularisé au niveau d’une zone cutanée dystrophique qui peut ainsi supporter secondairement une plastie locale, recouvrant par la même occasion un implant prothétique. Son utilisation, associée à une plastie en trident, nous a permis d’éviter trois des inconvénients de la réparation mammaire chez ces femmes aux lourdes séquelles cosmétiques : l’amputation de la PAM et son remplacement par une greffe de peau totale insensible, l’effet « patchlike » d’un lambeau musculocutané, ainsi que la rançon cicatricielle au niveau du dos. Le prolongement postérieur de la cicatrice axillaire et la plastie en trident restent des cicatrices minimes et plus facilement acceptables. Notre cas illustre les problèmes posés par la chirurgie réparatrice du sein après cancer. Les séquelles postquadrantectomie sont connues et les auteurs s’accordent sur le fait que les séquelles de type II sont les plus difficiles à traiter, qu’elles nécessitent souvent plusieurs interventions, avec des résultats esthétiques moins satisfaisants que dans les types I et III. Actuellement, le traitement conservateur du sein avec ou sans radiothérapie pour les tumeurs de moins de trois centimètres est le traitement de référence [10]. Il est important de corriger le sein au moment de la tumorectomie afin de prévenir l’asymétrie de forme ou de
151
volume, ce qui semble le cas lorsque le volume de glande retirée est supérieur à 70 cm3 [11]. Chez ces patientes, une plastie glandulaire ou un lambeau musculaire pur de grand dorsal [12] doit être réalisé. Ces techniques récentes, fruit d’une collaboration entre des chirurgiens gynécologues et des chirurgiens plasticiens, ont permis de développer une chirurgie oncoplastique.
Conclusion Le lambeau musculaire pur de LD, associé à une plastie en trident sur le mamelon, et à la mise en place d’une prothèse mammaire, nous a permis d’obtenir un résultat très satisfaisant dans un cas difficile de séquelle postquadrantectomie. De réalisation aisée, il offre une alternative thérapeutique à sa variante musculocutanée sans apporter d’effet « patch » ni créer de cicatrices supplémentaires. Nous en recommandons l’utilisation dans les séquelles de tumorectomie de type II.
Références [1]
Clough KB, Thomas SS, Fitoussi AD, Couturaud B, Reyal F, Falcou MC. Reconstruction after conservative treatment for breast cancer: cosmetic sequelae classification revisited. Plast Reconstr Surg 2004;114(7):1743–53. [2] Berrino P, Campora E, Santi P. Postquadrantectomy breast deformities: classification and techniques of surgical correction. Plast Reconstr Surg 1987;79(4):567–72. [3] Berrino P, Campora E, Leone S, Santi P. Correction of type II breast deformities following conservative cancer surgery. Plast Reconstr Surg 1992;90(5):846–53. [4] Mojallal A, Foyatier JL. The effect of different factors on the survival of transplanted adipocytes. Ann Chir Plast Esthet 2004;49(5):426–36. [5] Hartrampf JR, Bennett GK. Autologous fat from liposuction for breast augmentation. Plast Reconstr Surg 1987;80(4):646. [6] Campbell DA. Reconstruction of the anterior thoracic wall. J Thorac Surg 1950;19(3):456–61. [7] Santi P, Berrino P, Galli A, Quondamcarlo C, Rainero ML. Anterior transposition of the latissimus dorsi muscle through minimal incisions. Scand J Plast Reconstr Surg 1986;20(1):89–92. [8] Hester TR, Bostwick III J. Poland’s syndrome: correction with latissimus muscle transposition. Plast Reconstr Surg 1982;69 (2):226–33. [9] Mcshane RM, Omotunde O, Weatherly-White RC. Individualized muscle coverage of implants in breast reconstruction. Plast Reconstr Surg 1981;67(3):318–27. [10] Veronesi U, Banfi A, Salvadori B, et al. Breast conservation is the treatment of choice in small breast cancer: long-term results of a randomized trial. Eur J Cancer 1990;26(6):668–70. [11] Oliviotto IA, Rose MA, Osteen RT, et al. Late cosmetic outcome after conservative surgery and radiotherapy: analysis of causes of cosmetic failure. Int J Radiat Oncol Biol Phys 1989;17(4):747–53. [12] Nano MT, Gill PG, Kollias J, Bochner MA. Breast volume replacement using the latissimus dorsi miniflap. ANZ J Surg 2004;74 (3):98–104.