Bull Cancer 2015; 102: 73–82
Synthèse
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Le rôle des cohortes d'expansion dans les essais de phase I en cancérologie : des recommandations du HUB phase I Monia Ezzalfani 1, Audrey Dugué 2, Caroline Mollevi 3, Marina Pulido 4, Franck Bonnetain 5, Thomas Filleron 6, Jocelyn Gal 7, Mélanie Gauthier 8, Marie Cécile Le Deley 9, Christophe Le Tourneau 10, Jacques Médioni 11, Jean-Michel Nguyen 12, Sylvie Chabaud 13, Luis Teixeira 14, Emilie Thivat 15, Benoît You 16, Andrew Kramar 17, Xavier Paoletti 1 Reçu le 22 septembre 2014 Accepté le 23 octobre 2014 Disponible sur internet le : 2 janvier 2015
1. Institut Curie, département de biostatistique, Inserm U900, 25, rue d'Ulm, 75005 Paris, France 2. Unité de recherche clinique, CLCC François-Baclesse, 3, avenue du Général-Harris, 14000 Caen, France 3. Institut régional du cancer Montpellier, service de biostatistique, 31, rue de Croix-Verte, 34298 Montpellier cedex 5, France 4. Institut Bergonié, CTD, unité de recherche et d'épidémiologie cliniques, 229, cours de l'Argonne, 33076 Bordeaux cedex, France 5. CHRU Besançon et CTD GERCOR, unité de méthodologie et qualité de vie en cancérologie, 2, place Saint-Jacques, 25000 Besançon, France 6. Institut Claudius-Regaud, Bureau des essais cliniques, 20-24, rue du Pont-SaintPierre, 31052 Toulouse cedex, France 7. Centre Antoine-Lacassagne, unité statistiques, 33, avenue de Valombrose, 06189 Nice cedex 2, France 8. Centre de Georges-François-Leclerc, unité de biostatistique et d'épidémiologie, 1, rue Professeur-Marion, 21079 Dijon cedex, France 9. Service de biostatistique et d'épidémiologie, Gustave-Roussy, 39, rue CamilleDesmoulins, 94805 Villejuif cedex, France 10. Institut Curie, département d'oncologie médicale, 5, rue d'Ulm, 75005 Paris, France 11. Hôpital européen Georges-Pompidou, service de cancérologie médicale, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France 12. Centre hospitalier universitaire Nantes, service d'épidémiologie et de biostatistique, 85, rue Saint-Jacques, 44093 Nantes, France 13. Centre Léon-Bérard, unité de biostatistique et d'évaluation des thérapeutiques/ Direction de la recherche et de l'innovation, 28, rue Laënnec, 69373 Lyon cedex 08, France 14. Hôpital Saint-Antoine, service de médecine interne et oncologie médicale, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75475 Paris cedex 10, France 15. Centre Jean-Perrin, unité de recherche clinique, Clermont-Ferrand, France 16. Centre d'investigation de thérapeutiques en oncologie et hématologie de Lyon, chemin du Grand Revoyet, 69495 Pierre-Bénite, France 17. Centre Oscar-Lambret, unité de méthodologie et biostatistiques, 3, rue Frédéric-Combemale, 59020 Lille, France
Correspondance : Monia Ezzalfani, Institut Curie, département de biostatistique, Inserm U900, 25, rue d'Ulm, 75005 Paris, France.
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Résumé Après une étape d'escalade de dose dans les essais de phase I en cancérologie, il est de plus en plus fréquent d'inclure des patients dans des cohortes d'expansion. Or l'objectif de ces cohortes, le nombre de patients inclus ainsi que sa justification, sont insuffisamment explicités dans les protocoles. Ces cohortes sont parfois de taille considérable. Le but de cet article est d'étudier
tome 102 > n81 > janvier 2015 http://dx.doi.org/10.1016/j.bulcan.2014.10.001 © 2014 Société Française du Cancer. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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Mots clés Essais cliniques de phase I Oncologie Cohortes d'expansion HUB phase I
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M. Ezzalfani, A. Dugué, C. Mollevi, M. Pulido, F. Bonnetain, T. Filleron, et al.
la méthodologie des cohortes d'expansion afin de proposer des recommandations sur leur planification dans la pratique. Ce travail a été réalisé dans le cadre du groupe de travail regroupant les statisticiens des centres d'investigation précoce (CLIP2), soutenu par l'Inca. Dans un premier temps, un point sur les différents articles et revues de la littérature publiés sur les cohortes d'expansion dans les essais de phase I a été réalisé. Des recommandations ont été ensuite proposées, en termes d'objectifs et de nombre de patients à inclure, pour guider les investigateurs et faciliter l'utilisation de ces cohortes d'expansion dans la pratique. Une revue de la littérature effectuée entre 2006 et 2011 (Manji et al., 2013) a identifié 149 essais cliniques de phase I utilisant des cohortes d'expansion en cancérologie. Les objectifs de ces cohortes étaient explicités dans 111 essais (74 %). L'objectif le plus cité était l'évaluation de la toxicité, rapporté dans 80 % des essais, suivi par l'évaluation de l'efficacité, rapporté dans 45 % des essais. Selon cette revue, le nombre de patients inclus dans ces cohortes était insuffisamment justifié. Ce résultat a été confirmé par l'étude que nous avons effectuée sur la période 2011–2014. Nous proposons de définir le nombre de patients à inclure dans une cohorte d'expansion en fonction de (1) son objectif, (2) de critères statistiques et (3) du contexte clinique de l'essai. L'étude de la toxicité reste l'objectif principal à évaluer pendant la phase d'expansion. Dans certaines situations, l'activité est considérée comme objectif co-principal afin soit d'identifier un signe préliminaire d'activité dans des études de type screening, soit d'étudier l'activité lorsque la population cible est connue. Il s'agit alors d'un essai de phase I/II, les plans d'expérience de phase II peuvent ainsi être adaptés pour la planification des cohortes d'expansion. Des recommandations pour les calculs d'effectifs sont proposées. En dépit des caractères exploratoires des cohortes d'expansion, une justification de leur effectif fondée sur des hypothèses statistiquement définies est recommandée afin que les conclusions des études de phase I soient interprétables et les risques d'erreur quantifiés.
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Keywords Phase I trials Oncology Expansion cohorts Phase I HUB
Summary The role of the expansion cohort in phase I trials in oncology: Guidelines of the phase I HUB At the end of the dose escalation step of phase I trials in oncology, it is increasingly frequent to include patients in expansion cohorts. However, the objective of the expansion cohorts, the number of patients included and their justification are insufficiently explained in the protocols. These cohorts are sometimes of considerable size. The aim of this article is to outline the methodology of expansion cohorts in order to provide recommendations for their planning in practice. This work has been undertaken in collaboration with the statisticians of the early phase investigation centers (CLIP2), supported by INCA. First, we have outlined the recent articles published on the expansion cohorts in phase I. We then proposed recommendations, in terms of objectives and number of patients to be included, to guide investigators and facilitate the use of these expansion cohorts in practice. Manji et al. have identified 149 phase I clinical trials using expansion cohorts in oncology with a review of the literature between 2006 and 2011 (Manji et al., 2013). Objectives of the expansion cohort were reported in 111 trials (74%). In these trials, safety was the most reported objective (80% of trials), followed by efficacy (45%). According to this review, the number of patients included in these cohorts was insufficiently justified. This result was confirmed by the study of literature that we conducted over the period 2011–2014. We propose to define the number of patients to be included in expansion cohorts in terms of (1) their objectives, (2) the statistical criteria and (3) the clinical context of the trial. The toxicity study remains the primary objective to evaluate in the expansion phase. In some contexts, the activity study is considered as co-primary objective, either for identifying preliminary signs of activity in studies like screening, or for studying the activity when the target population is known. This study is then considered as phase I/II, and experience plans of phase II can be adapted for planning expansion cohorts. Recommendations for the size of expansion cohorts are proposed. Despite the exploratory character of the expansion cohort, a justification of their size based on assumptions statistically defined is recommended in order to provide an interpretable conclusion and to quantify the risk of errors.
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Après la phase préclinique réalisée in vitro et in vivo, évaluant la toxicologie et le mécanisme d'action d'un nouveau traitement, la première étape de la recherche clinique en cancérologie chez l'homme consiste en l'étude de recherche de dose, appelée aussi essai clinique de phase I. Son objectif principal est d'identifier la dose optimale d'un nouveau traitement ou d'une nouvelle stratégie thérapeutique pour les évaluations ultérieures. Sous l'hypothèse que la dose optimale est la dose maximale tolérée (DMT), le critère de jugement principal est classiquement la survenue ou non d'une toxicité jugée sévère et rédhibitoire pour la poursuite du traitement sur une période d'observation donnée, appelé « toxicité limitant la dose » (TLD). Le plus fréquemment, un petit nombre de patients (de 15 à 40) sont inclus dans ces essais [1]. La recherche de la DMT entraînant une toxicité jugée acceptable, ou toxicité cible suit un schéma d'escalade de dose, c'est-à-dire que des cohortes successives de patients sont traités séquentiellement à différents paliers de dose. La DMT est généralement la dose à laquelle on observe une fréquence de TLD inférieure à 33 %, typiquement entre 20 et 25 %. Par exemple, si on observe une TLD sur six patients, l'estimation du taux de toxicité est égale à 17 %, avec un intervalle de confiance à 95 % variant de 0,4 % à 64 %. Cet intervalle reflète la grande incertitude autour de l'estimation issue d'un petit échantillon. C'est la première limite de ces essais de petite taille. Pour pallier cette limite, après cette étape d'escalade de dose, certains investigateurs planifient des cohortes d'expansion où des patients supplémentaires sont inclus à la DMT. Ces cohortes d'expansion sont de plus en plus utilisées, notamment depuis l'émergence des agents anticancéreux non cytotoxiques, comme les immunothérapies de type anti-PD1. En effet, les thérapies moléculaires ciblées remettent en cause le paradigme classique des agents cytotoxiques, à savoir la relation monotone croissante entre la dose et la toxicité, d'une part, et la dose et l'efficacité, d'autre part. Ces cohortes sont aussi bien utilisées dans les essais étudiant un agent en monothérapie que dans les essais étudiant une association thérapeutique. Le nombre de patients inclus dans ces cohortes augmente régulièrement atteignant parfois un effectif considérable. À titre d'exemple, l'essai de recherche de dose du bosutinib chez des patients atteints d'une tumeur solide à un stade avancé a été conduit en utilisant une phase d'expansion incluant plus de 100 patients. Cette phase avait pour but de documenter la toxicité et recueillir les premiers signaux éventuels d'efficacité [2]. Néanmoins, l'objectif et le plan d'expérience sont rarement détaillés et la taille des cohortes d'expansion est rarement justifiée par une approche statistique rigoureuse, ce qui limite le contrôle du risque d'erreur et la robustesse des conclusions. À titre d'exemple, l'étude publiée par Britten et al. n'est pas basée sur des hypothèses statistiques mais sur des considérations pratiques afin d'obtenir un minimum de 5 patients avec une
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biopsie disponible avant et après le traitement pour l'étude d'un biomarqueur [3]. Penel et al. ont proposé une approche pour justifier la taille de ces cohortes à l'aide d'une analyse rétrospective basée sur la probabilité d'observer la TLD à la dose à recommander [4]. Mais cette approche n'est pas utilisable dans la pratique pour des essais prospectifs car elle est basée sur la probabilité d'observer une TLD calculée à la fin de l'escalade de dose. Une revue détaillée des plans d'expérience utilisés pour les cohortes d'expansion a été publiée [5] ainsi qu'un travail plus statistique décrivant l'impact de la taille d'échantillon sur les conclusions qui pouvaient être tirées de ce type de cohortes [6]. Dans le cadre du groupe de travail regroupant les statisticiens des centres d'investigation précoce (CLIP2), soutenu par l'Inca, une synthèse des articles récemment publiés sur le sujet, que nous avons complétée pour les années les plus récentes, est utilisée pour proposer des recommandations sur le plan d'expérience et le nombre de sujets à inclure en fonction de l'objectif de la cohorte d'expansion. Pour la suite de cette communication, nous considérons que la dose maximale tolérée est la dose identifiée à l'issue de l'escalade de dose et que la dose définie après la phase d'expansion, en utilisant les données de toxicité obtenues au cours des deux phases, est la dose à recommander pour les essais ultérieurs ; cette dose est notée RP2D pour Recommended Phase 2 Dose.
Les objectifs des cohortes d'expansion dans les essais de phase I Manji et al. ont identifié les articles des essais cliniques de phase I en cancérologie évaluant un seul agent publiés entre le 1 janvier 2006 et le 31 décembre 2011 à l'aide des moteurs de recherche « OVID Medline » et « Embase » [5]. Dans cette revue bibliographique, 615 articles ont satisfait les critères de sélection ; 611 rapportaient des essais avec escalade de dose et quatre se focalisaient sur les résultats des cohortes d'expansion. Au total, 149 essais ont utilisé des cohortes d'expansion (24 %). Le nombre médian de patients inclus dans ces cohortes était de 17 (min. = 2, max. = 271). Les objectifs de ces cohortes étaient explicités dans 111 essais (74 %) ; cinq objectifs principaux ont été identifiés que nous détaillons dans les paragraphes suivants (cf. tableau I). Les objectifs de ces cohortes différaient d'une étude à l'autre, ce qui a été confirmé par une revue non exhaustive publiée par Iasonos et O'Quigley [6].
Évaluation de la toxicité L'objectif le plus cité lors de l'utilisation des cohortes d'expansion était l'évaluation de la toxicité, suivi par l'évaluation de l'efficacité [5]. Ces résultats ont été confirmés par l'article d'Iasonos et O'Quigley [6]. L'évaluation du profil de toxicité et sa sévérité a été rapportée dans 89 des 111 essais (80 %). Cibquante-neuf essais
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Introduction
Synthèse
Le rôle des cohortes d'expansion dans les essais de phase I en cancérologie : des recommandations du HUB phase I
Synthèse
M. Ezzalfani, A. Dugué, C. Mollevi, M. Pulido, F. Bonnetain, T. Filleron, et al.
Autres objectifs des cohortes d'expansion
TABLEAU I Différents objectifs des cohortes d'expansion Objectifs des cohortes d'expansion
Nombre d'essais (fréquence1) n = 111 (%)
Évaluation de la toxicité
89 (80)
Évaluation de l'efficacité
50 (45)
Évaluation de la PK
31 (28)
Évaluation de la PD
25 (23)
Enrichissement des patients
15 (14)
1
La fréquence est calculée sur la base des 111 essais citant l'objectif des cohortes d'expansion.
décrivaient séparément les toxicités spécifiques observées pendant l'escalade de dose et au cours des cohortes d'expansion. Informations supplémentaires de la toxicité suite à la phase d'expansion De nouvelles toxicités ont été rapportées au cours de la phase d'expansion pour 32 essais des 59 essais (54 %). Des toxicités de grade supérieur ou égal à 3 ont été rapportées dans 28 essais et classées comme possiblement liées au traitement évalué. Les données sur la modification de la RP2D étaient disponibles dans 76 essais. Les cohortes d'expansion ont conduit à la modification de la RP2D dans 10 des 76 essais (13 %) à cause de l'apparition des TLDs pendant la phase d'expansion.
Évaluation de l'efficacité Le second objectif le plus commun était la recherche de signaux d'activité/efficacité du traitement étudié. Cinquante essais (45 %) ont implémenté des cohortes d'expansion pour évaluer l'efficacité ; 27 essais rapportaient séparément le nombre de réponses tumorales auprès de la phase d'escalade de dose et la phase d'expansion.
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Informations supplémentaires de l'efficacité suite à la phase d'expansion Seulement 3 essais (11 %) ont montré une activité anti-tumorale qui n'avait pas été identifiée pendant l'escalade de dose. En l'absence des protocoles, il n'est pas possible de déterminer si des cohortes d'expansion avaient été planifiées, mais non pas été réalisées en absence de réponse clinique au cours de l'escalade de dose. L'utilisation des cohortes d'expansion peut essentiellement jouer un rôle de « filtre » pour décider ou non de la poursuite du développement thérapeutique, et ainsi arrêter les essais ultérieurs d'un traitement si le résultat est décourageant. Or, cet objectif correspond exactement à celui des essais de phase IIa.
Les autres objectifs cités pendant la phase d'expansion étaient l'évaluation de la pharmacocinétique dans 31 essais (28 %), l'évaluation de critères pharmacodynamiques dans 25 essais (23 %), et l'enrichissement de la population dans 15 essais (14 %), c'est-à-dire lorsque l'on modifie les critères d'inclusion dans la phase d'expansion pour améliorer la définition de la population cible issue de la phase d'escalade de dose. Parmi les 31 essais évaluant les données de pharmacocinétique (PK), seulement neuf essais ont rapporté séparément les données de l'escalade de dose et ceux de la phase d'expansion. Dans trois de ces essais, les conclusions de PK ont été modifiées après la phase d'expansion. Parmi les 25 essais utilisant des cohortes d'expansion pour évaluer les données de pharmacodynamie (PD), 20 essais (80 %) ont rapporté les résultats de la PD. Parmi ces 20 essais, 15 essais (75 %) ont montré que le biomarqueur PD était modifié par le médicament évalué. Parmi les 15 essais ayant pour objectif d'améliorer la définition de la population cible en sélectionnant des sous-groupes de population sensible ou résistante à un traitement particulier pour les essais de phase II, 10 essais ont rapporté des conclusions sur l'enrichissement de la population. Ces essais ont recommandé une population cible pour les essais de phase II. Manji et al. ont effectué une recherche bibliographique des essais de phase II dans « ClinicalTrials.gov » qui a confirmé que les études ultérieures des traitements étudiés dans ces essais avaient été établies sur cette population cible. En vue d'actualiser et de compléter cette revue de la littérature, nous avons réalisé une requête PubMed concernant les articles publiés entre janvier 2009 et février 2014. Nous avons utilisé les termes « dose-expansion », « cohort expansion » dans cette requête. Notre objectif était d'identifier les essais de phases I publiés avec une cohorte d'expansion d'au moins 10 patients. Cette recherche n'est probablement pas exhaustive car le terme « expansion cohort » n'est pas toujours utilisé. Les articles déjà identifiés dans la revue de Manji et al. ont été exclus. Au total, 24 nouveaux articles ont été identifiés, dont quatre publiés entre 2009 et 2011 et non identifiés par Manji et al. Le nombre médian de sujet inclus dans les cohortes d'expansion était de 14 patients (min. = 10, max. = 55). Les types de traitement, la population et les objectifs de ces cohortes d'expansion sont présentés dans le tableau II. Nous avons observé que les cohortes d'expansion étaient aussi bien utilisées dans les essais étudiant une monothérapie (32 % des essais avec cohorte d'expansion) que dans les essais étudiant une association thérapeutique (68 %). À noter que l'essai de première administration de l'onartuzumab chez l'homme a étudié à la fois la molécule en monothérapie en testant 5 paliers de dose (phase Ia), puis en association avec le bevacizumab (phase Ib) en ne considérant plus que 2 paliers de dose [7], après une
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Description des cohortes d'expansion dans 24 articles n
(%)
24
(100)
2009–2011
4
(16)
2012
5
(21)
2013–2014
15
(60)
Monothérapie
8
(32)
Escalade d'un seul traitement dans une association
9
(38)
Escalade d'une association thérapeutique
7
(28)
Articles Année de publication
Traitement étudié
Cohortes d'expansion Population Identique à la phase d'escalade
18
(75)
Restreinte à une ou plusieurs localisations
6
(24)
Objectifs Non explicite
4
(17)
Tolérance/Toxicité
16
(64)
Définition de la MTD/RP2D
2
(8)
Activité/Efficacité
14
(58)
PK/PD
7
(28)
2
(8)
Justification de la taille
cohorte d'expansion en monothérapie. La grande majorité de ces 24 études (76 %) incluait le même type de patients pendant la phase d'escalade et la phase d'expansion. Six études (24 %) ont restreint la population des cohortes d'expansion à une ou plusieurs localisations. Ainsi, l'essai concernant le niraparib [8] a d'abord inclus des patients avec des tumeurs solides puis 40 patients ayant un cancer de la prostate ou de l'ovaire dans une cohorte d'expansion. Nous avons également observé que 20 % des études n'avaient pas précisé clairement l'objectif de la cohorte d'expansion. Deux études [3,9] ont précisé explicitement que l'objectif de la cohorte d'expansion était uniquement l'activité. Dans deux autres études [10,11], l'objectif de la cohorte d'expansion était uniquement la pharmacocinétique ou la pharmacodynamie. De plus, nous avons constaté que dans deux études, après la phase d'escalade de dose, l'excès de TLD observées dans ces cohortes traitées à la DMT a permis, pour l'une, de réévaluer la DMT [12], et pour l'autre, de définir la dose recommandée en phase II [13]. Enfin, seules 2 études (8 %) justifient la taille de la cohorte d'expansion : la première n'utilise pas un plan statistique mais des considérations pratiques pour obtenir un minimum de 5 patients avec une biopsie disponible avant et après traitement
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pour l'étude d'un biomarqueur [4] et la seconde a calculé un nombre de sujets nécessaire pour comparer la cohorte d'expansion à un placebo [14]. Il apparaît qu'aucun consensus n'existe sur les cohortes d'expansion en ce qui concerne leur objectif et la justification de leur taille. Il est pourtant requis de définir précisément les objectifs et les hypothèses d'une cohorte d'expansion afin de justifier sa taille et son interprétation en utilisant des outils statistiques simples. Les résultats et les conclusions apportés par ces cohortes d'expansion pourraient ainsi être clairs et reproductibles.
Réévaluation de la DMT après la phase d'expansion Une question fréquente rencontrée dans les essais de phase I concerne le risque d'erreur sur l'identification de la DMT en fin d'essai. Selon la revue détaillée précédemment, la DMT a été modifiée dans 10 % des essais, après les phases d'expansion ayant pour but d'évaluer la toxicité. Il est toutefois difficile de répondre précisément à cette question puisque : la « vraie » relation entre la dose du traitement étudié et la toxicité n'est pas connue ; les études de phase II ne sont pas toujours menées empêchant de vérifier si la DMT a été bien identifiée lors des essais de phase I. Une solution consiste à effectuer des simulations, c'est-à-dire à fixer une relation hypothétique entre la dose et la toxicité et mesurer la capacité d'une méthode de recherche de dose à identifier correctement la DMT en simulant les toxicités des patients en fonction de cette relation hypothétique. Différentes relations sont en général étudiées afin de couvrir une gamme variée de situations cliniquement plausibles. C'est l'approche choisie par Iasonos et O'Quigley [6].
La précision de l'estimation de la DMT Dans ce contexte, les auteurs ont étudié l'apport éventuel des cohortes d'expansion dans la précision de l'estimation de la DMT, en répondant aux questions suivantes : quelle est la dose identifiée après l'escalade de dose et après la phase d'expansion lorsque toutes les données de deux phases sont combinées ? Est-ce que ces deux doses sont différentes ? Laquelle est la plus proche de la vraie RP2D ? Les auteurs ont proposé 10 relations dose-toxicité, notées scénarios. Ces scénarios comportaient 5, 8 ou 10 paliers de dose à explorer. La position de la RP2D dans l'échelle des doses variait selon les scénarios. Pour chaque scénario, les auteurs ont simulé 1000 essais de phase I comme si le même essai était répété sur 1000 échantillons différents. Dans les différents essais simulés, l'escalade de dose a été réalisée selon le schéma 3 + 3 et était suivie d'une phase d'expansion. Deux tailles de phases d'expansion ont été évaluées, en considérant successivement 10 et 4 patients supplémentaires traités à la
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TABLEAU II
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DMT (soit un total de respectivement 16 et 10 patients traités à cette dose). Pour définir la RP2D après la phase d'expansion, les auteurs ont proposé d'estimer rétrospectivement la relation entre la dose et la toxicité à l'aide d'un modèle logistique [15]. Par cette étude de simulations, les auteurs ont montré qu'analyser les données des deux phases permettait de recommander souvent une dose différente de la DMT définie en se basant seulement sur les données d'escalade de dose. Les auteurs ont montré que le risque d'erreur d'identification de la DMT était plus faible et l'estimation du risque de toxicité plus précis.
Différentes approches pour la réévaluation de la DMT Iasonos et O'Quigley ont proposé cinq méthodes pour définir la RP2D après une phase d'expansion. Analyse rétrospective de la toxicité Toutes les données de toxicité, avant et après la phase d'expansion sont combinées dans une analyse rétrospective finale afin d'estimer la RP2D. Cette analyse finale a pour but de ré-estimer avec plus de précision, le taux de TLD à la DMT. Réévaluation dynamique de la toxicité à la DMT La deuxième approche consiste à évaluer de façon dynamique la DMT après la phase d'escalade de dose, en utilisant la toxicité comme critère de jugement. Les auteurs ont proposé de traiter les patients à la DMT tant que le pourcentage de TLD estimé est acceptable, en le comparant à un seuil cible de toxicité (25 % par exemple). Si un grand nombre de TLD est observé, les patients supplémentaires seraient traités à la dose juste inférieure. En revanche, si le pourcentage estimé de TLD est faible comparé au pourcentage-cible, la dose pourrait être escaladée pour les patients suivants. Une règle d'arrêt peut être définie en sus, en se basant par exemple sur le nombre de patients traités à la DMT. Il s'agit ainsi d'une méthode séquentielle permettant de continuer la recherche de dose pendant la phase d'expansion, en prenant en compte toutes les observations accumulées. Évaluation dynamique de la toxicité et de l'activité Contrairement aux deux premières méthodes basées sur la toxicité pour définir la RP2D, cette approche consiste à évaluer de façon dynamique la DMT en se basant conjointement sur la toxicité et l'efficacité. Cette approche peut être appliquée lorsque l'objectif principal des cohortes d'expansion est d'évaluer simultanément la toxicité et l'efficacité du traitement étudié. Les auteurs ont proposé un algorithme permettant de sélectionner une dose tolérable présentant un taux d'efficacité supérieur à un certain seuil pendant la phase d'expansion, mais aucune évaluation n'est fournie.
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Randomisation de deux doses La quatrième méthode consiste à traiter les patients au cours de la phase d'expansion à deux autres paliers de dose (la DMT et la DMT 1) de façon aléatoire. Cette approche est rarement utilisée en pratique.
Estimation de la DMT dans des sous-groupes La cinquième approche consiste à définir différentes DMT selon différents sous-groupes traités, lorsque des patients hétérogènes sont inclus dans le même essai. Les auteurs ont recommandé l'utilisation des cohortes d'expansion de manière séquentielle permettant de continuer la recherche de dose pendant la phase d'expansion. Néanmoins, la performance des cinq approches proposées n'a pas été évaluée pour mesurer la précision dans l'identification de la dose à recommander avant et après la phase d'expansion.
Recommandations pour l'utilisation des cohortes d'expansion Sur la base de ces travaux, nous proposons des recommandations, en termes d'objectifs et de nombre de patients, pour guider les investigateurs et faciliter l'utilisation des cohortes d'expansion dans la pratique. Le nombre de patients à inclure à la MTD pendant la phase d'expansion varie en fonction : de son objectif ; de critères statistiques ; du contexte clinique de l'essai. Différents contextes ont été identifiés et sont listés dans le tableau III. Puisque les deux revues des essais de phase I décrites précédemment montraient que la toxicité était le critère principal pendant la phase d'expansion pour identifier la RP2D avec plus de précision, nous proposons de considérer l'évaluation de la toxicité, dans les différents contextes étudiés, comme objectif principal ou co-principal (possiblement évalué simultanément avec d'autres critères).
Contexte 1 : affiner l'étude de la toxicité Comme illustré dans le tableau III, l'objectif principal de la cohorte d'expansion est de mieux documenter la toxicité afin d'affiner l'identification de la DMT. Ce contexte est fréquent, notamment lors de la première administration chez l'homme, lorsque le profil de toxicité limite la dose (par exemple les inhibiteurs de tyrosine kinase), pour les associations présentant des risques d'interaction et pour tous les traitements avec des risques de toxicités cumulées ou tardives. Le critère d'évaluation devrait suivre les recommandations du groupe DLT-TARGETT en considérant comme TLD [16,17] : les toxicités graves reliées au traitement (grades 3 ou 4) quel que soit le cycle de traitement ; les toxicités modérées conduisant à une baisse de la dose intensité d'au moins 25 % ; l'incapacité d'atteindre une dose intensité sur l'ensemble du traitement d'au moins 75 %. La taille d'échantillon peut alors être calculée pour limiter le risque d'erreur sur l'identification de la DMT. D'autres règles sont possibles, par exemple, si l'escalade de dose a été réalisée par une méthode algorithmique ou 3 + 3, un intervalle de confiance
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Synthèse
Le rôle des cohortes d'expansion dans les essais de phase I en cancérologie : des recommandations du HUB phase I
TABLEAU III Les objectifs des cohortes d'expansion selon le contexte clinique Objectif de la cohorte d'expansion
Co-critères principaux
Plan d'expérience
Dose allouée pendant la cohorte d'expansion (analyse séquentielle versus unique)
Exemples du contexte clinique
Documenter la toxicité
Toxicité
Taille de cohorte d'expansion calculée pour limiter le risque d'erreur sur l'identification de la DMT
Patients inclus à la DMT, avec la possibilité de réévaluer la DMT après la moitié de l'échantillon
Essais de phase I en première administration chez l'homme
Estimer les paramètres de PK (ou PD) à la DMT
Toxicité PK Et/Ou Toxicité PD
Cohorte unique
Patients inclus à la DMT Pas de réévaluation de la DMT après la moitié de l'échantillon
Monothérapie dans autre population (pédiatrie, autre localisation, population âgée, etc.)
Patients inclus à la DMT définie après la première étape de l'essai (escalade de dose) Remarque : possibilité de réévaluer la DMT après la moitié de l'échantillon
Essais de phase I/II
Toxicité Efficacité/Activité
Taille de cohorte basée sur le plan de Gehan ou la première étape du plan de Simon
reposant sur le calcul de la loi binomiale peut être estimé. Si une méthode avec modèle (CRM, EWOC etc., [18–20]) a été implémentée, on peut utiliser la règle d'arrêt proposée par O'Quigley et Reiner qui repose sur la prédiction dynamique ; les inclusions sont stoppées lorsque la probabilité de maintenir la même dose pour les prochains patients est élevée [21]. Par exemple si la probabilité que les 5 prochains patients soient traités à la même dose dépasse 90 %, l'essai peut être arrêté. Des règles d'arrêt de type Bayésien peuvent également être considérées, par exemple, estimer la taille de l'échantillon pour que la proportion de patients recevant une dose supérieure à la DMT soit inférieure à 10 %. Ces précédentes règles peuvent être appliquées en cours d'essai, mais elles sont peu adaptées à la planification de la taille d'échantillon de l'étude. Alternativement, on peut fournir un ordre de grandeur du nombre de sujets nécessaires, en évaluant le risque d'erreur dans l'identification de la DMT. Celui-ci dépend du nombre de paliers de dose et de la forme supposée de la relation entre la dose et le risque de toxicité sévère. Nous avons effectué une étude de simulations selon la méthodologie de Paoletti et Kramar [22] sur un grand nombre de relations dose-toxicité générées automatiquement en faisant varier l'emplacement de la DMT (1er palier, 2e ou 5e), la probabilité de toxicité à cette dose ainsi que l'écart entre les risques de toxicité de deux doses adjacentes. Dans cette étude de simulation la DMT est définie comme la dose associée à un risque estimé de TLD compris entre 15 et 25 %. La performance globale estimée pour des multiples relations dose-toxicités possibles permet ainsi de justifier la taille de cohorte d'expansion. Par exemple, si la vraie DMT correspond à l'une des deux premières doses, un essai conduit avec la CRM sur 10 patients
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traités au total (6 pendant l'escalade de dose et 4 dans la cohorte d'expansion) devrait permettre d'identifier correctement la DMT dans 70 % des cas. Si au contraire, la vraie DMT est une dose plus élevée comme le 5e palier de dose, il faudra inclure en moyenne 30 patients au total, dont une moyenne de 10 à la DMT, pour identifier correctement la DMT dans 70 % des cas. Nous recommandons une taille d'échantillon pour les cohortes d'expansion soit au minimum de 4 pouvant aller jusqu'à 10 selon le nombre de paliers de dose pour les essais ayant pour but de documenter la toxicité pendant la phase d'expansion. Il est recommandé de réviser la DMT après l'inclusion de la moitié de la cohorte d'expansion en cas de risque de toxicité excessif et de diminuer ou augmenter la dose pour le reste de la cohorte d'expansion. L'utilisation de la CRM offre plus de flexibilité que les méthodes 3 + 3 pour guider ce choix. La réévaluation de la DMT au cours de la phase d'expansion permettrait de diminuer le risque d'une mauvaise sélection de la RP2D, et reste réaliste quant à la gestion de l'essai. À titre d'exemple, on se rapportera à l'étude publiée par Haddad et al. [12] où la dose a été considérée comme trop toxique après 3 TLDs observées parmi les 6 premiers patients de la cohorte d'expansion (qui devait en inclure 10). Une nouvelle cohorte d'expansion de 10 patients a ensuite été traitée au palier de dose inférieur qui a finalement été définie comme la RP2D.
Contexte 2 : étude de critères de pharmacocinétique ou de pharmacodynamie L'objectif principal de la phase d'expansion est d'étudier les critères pharmacocinétiques et/ou pharmacodynamiques d'un nouveau traitement tout en contrôlant la toxicité ; par exemple pour les essais de phase I de traitement de faible toxicité
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Déterminer la dose optimale
Taille de cohorte définie en collaboration avec les pharmacologues ou biologistes
Synthèse
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attendue, comme les anticorps monoclonaux ou dans des populations plus fragiles avec une clearance de la créatinine inférieure à 50, ou dans une population âgée. Le critère d'évaluation principal dépendra du mécanisme d'action. Afin d'augmenter la puissance statistique de l'exploration des marqueurs caractérisant les mécanismes d'action, il est recommandé de conserver le critère d'évaluation comme une variable continue quantitative si possible. La toxicité est un co-critère principal, mais sert à s'assurer que la dose testée ne conduit pas à des toxicités inattendues. La taille de la cohorte d'expansion est définie en collaboration avec les pharmacologues afin d'avoir une précision suffisante pour estimer le paramètre d'intérêt. Elle dépendra de la variabilité attendue de la mesure d'évaluation, la méthode d'analyse des paramètres PK (méthode compartimentale versus non compartimentale, cinétique de population versus autre méthode).
Contexte 3 : exploration de l'activité anti-tumorale
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Dès que l'activité d'un traitement est considérée comme cocritère principal d'évaluation de la phase d'expansion avec la toxicité, ces essais correspondent aux essais de phase I/II. Trois situations sont distinguées : la cohorte d'expansion a pour objectif de fournir une estimation préliminaire de l'activité, tout en continuant à documenter la toxicité. La taille d'échantillon peut être calculée en se basant sur la méthodologie développée dans les études de phase II en cancérologie afin d'éliminer les traitements sans activité. Par exemple, selon la première étape du plan de Gehan [23], il faut un échantillon de 9 patients pour observer au moins un succès (une réponse objective), si le traitement évalué est associé à une efficacité de 30 % ou 14 patients pour une efficacité de 20 % avec un taux de faux négatif de 5 %. Si ce plan d'expérience permet d'éliminer des molécules avec une activité insuffisante, cette première étape d'un plan de Gehan ne permet pas de conclure à l'activité du traitement. Dans ce type d'essai, nous recommandons de réévaluer la DMT après la moitié de l'échantillon inclus dans la phase d'expansion afin d'estimer la dose optimale associée à une activité maximale tout en contrôlant la toxicité. Cette situation se rencontre par exemple dans les essais d'association où un traitement standard (avec une dose fixe) est associé à un traitement expérimental, les essais dans des sous-populations, les essais de molécules de même classe que des agents dont l'activité est déjà établie etc. ; la cohorte d'expansion a pour objectif de « screener » plusieurs populations (généralement plusieurs types tumoraux) en parallèle afin d'identifier celle(s) produisant l'activité la (les) plus prometteuse(s). Après l'escalade de dose, des multiples cohortes d'expansion sont ouvertes. Si la situation est proche de la précédente, l'analyse de façon indépendante de ces cohortes augmente fortement le nombre de tests réalisés et le risque de conclure à tort à l'activité dans une de ces
cohortes. Ainsi, l'étude de 10 cohortes d'expansion et la réalisation de 10 tests à 5 % conduira à un risque de faux positif global de 40 % si le traitement n'est actif dans aucune cohorte. Si ces cohortes multiples sont planifiées conjointement dans le même protocole, il est recommandé de considérer des approches statistiques pour contrôler le risque global de faux positifs si une décision d'arrêt du développement dans une des indications doit en découler. Parmi ce type d'essai, nous citons les essais des immunothérapies où plus de 30 cohortes d'expansion ont été lancées ; la cohorte d'expansion a pour objectif de déterminer si l'activité est suffisante pour envisager une étude randomisée (phase II ou phase III), tout en contrôlant le risque de toxicité. C'est une phase I/II. La partie phase I est généralement restreinte à peu de paliers de dose, ou à des patients présentant des mutations d'intérêt. Une version extrême est la phase II avec période de faisabilité, dit aussi run-in, où deux paliers de doses sont prédéfinis : le palier attendu comme la RP2D et un palier de dose inférieur. Celui-ci est testé pour s'assurer de la faisabilité avant de traiter les patients à la RP2D. La taille d'échantillon peut être calculée en se basant sur la méthodologie des essais de phase II simple bras, de type Fleming [24], voire de type Simon en deux étapes [25], ou d'autres designs plus adaptés. Tous les patients inclus à la RP2D et correspondant aux critères d'évaluation de la partie phase II peuvent être inclus pour tester si l'activité est suffisante pour continuer le développement dans cette indication. Si un schéma en deux étapes est retenu, on pourra construire l'étape 1 pour correspondre aux patients inclus dans la partie I de la phase I/II. Il est essentiel que la population pouvant potentiellement bénéficier du traitement soit connue avant l'ouverture de l'essai et caractérisée dans le protocole. Cette situation est bien adaptée aux essais d'association, aux essais de pédiatrie lorsque les molécules sont toutes administrées à des doses actives. Il requiert en général des tailles d'échantillon plus larges.
Discussion Comme décrit par les revues de la littérature [5,6], des centaines de patients participant aux essais de phase I ont été inclus dans des cohortes d'expansion. Pour une molécule donnée, plusieurs cohortes sont souvent ouvertes en parallèle dans différentes indications. Ainsi pour l'essai du nivolumab publié en 2012, la cohorte d'expansion incluait 207 patients et était toujours ouverte dans certaines localisations [26] ; depuis le protocole a été amendé pour permettre l'ouverture de 20 nouvelles cohortes avec 60 patients par cohorte. Elles fournissent une quantité d'information importante pour une étude détaillée de la toxicité et de la pharmacocinétique dans des conditions expérimentales contrôlées. Du fait de la sélection de patients, des indications préliminaires de l'activité voire des estimations précises du taux de réponse peuvent être obtenues chez des
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patients réfractaires aux traitements standards ; enfin elles offrent un champ riche pour l'étude des mécanismes d'action soit par la mesure dans des biopsies répétées de critères pharmacodynamiques, soit par l'étude de facteurs pronostiques de réponse à condition que suffisamment de réponses aient été observées. Ces informations complémentaires permettent non seulement d'identifier une dose maximale tolérée, mais surtout de mieux définir une dose recommandée pour les essais de phase II ou III. À ces objectifs s'ajoutent fréquemment des décisions de type « go/no go » pour une molécule dans une indication donnée. Deux rôles principaux sont donc dévolus à ces cohortes : estimer le risque de toxicité observé à la RP2D, et documenter une activité, ainsi que souvent tester si l'activité existe ou elle est suffisante pour continuer le développement dans cette indication. Dans chaque situation, se pose la question méthodologique du plan expérimental et du nombre de patients à inclure. La contrainte est de répondre au mieux à ces objectifs tout en limitant le nombre de patients traités avec un agent n'ayant pas fait la preuve de son activité. En outre, il faut intégrer le risque pour un patient de recevoir une dose trop élevée. Le HUB phase I des CLIP2 de l'Inca s'est appuyé sur les revues de la littérature pour proposer des recommandations méthodologiques de plan d'expérience dans ce contexte des cohortes d'expansion. Ces recommandations sont exprimées en fonction des objectifs. Il semble essentiel que ces objectifs soient cohérents avec le niveau du développement de l'un agent évalué. Ainsi, une première administration chez l'homme d'une nouvelle classe thérapeutique n'aura pas le même objectif qu'une phase I d'une combinaison succédant à d'autres essais d'association avec des médicaments similaires. Les cinq points du plan d'expérience que nous avons jugés importants sont les suivants :
la toxicité d'un agent qui sera probablement administré jusqu'à progression de la maladie, doit être décrite en détail pour déterminer la RP2D en utilisant les données de tous les cycles et en incluant les grades modérés qui conduisent à réduire la dose intensité ; le suivi de la toxicité doit être effectué avec la même attention que pendant l'étape d'escalade de dose. En particulier, une révision du palier de dose correspondant à la RP2D doit être possible pendant l'inclusion des patients dans la cohorte d'expansion ; l'étude de l'activité d'un traitement doit se faire avec la même rigueur que dans un essai de phase II. Que ce soit pour déterminer si une activité existe (de type preuve de concept) ou pour tester si cette activité est suffisante, des plans d'expérience de type Gehan d'une part, Fleming, d'autre part, offrent un cadre méthodologique rigoureux pour aider à l'interprétation des résultats ; la prise en compte d'informations multiples à différentes doses, à différents cycles est plus aisée avec des méthodes utilisant des modèles. Ainsi la précision de l'estimation, la réestimation de la dose à tester, l'étude d'un compromis entre toxicité et réponses sont naturellement fournies par ces méthodes statistiques ; des plans d'expérience spécifiques doivent être développés pour les essais planifiant un grand nombre de bras parallèles dans différentes populations afin de pouvoir arrêter précocement les bras sans activité, contrôler le risque de faux positif dû aux tests multiples, et fournir des informations sur l'hétérogénéité de la réponse au traitement entre les différents bras.
Synthèse
Le rôle des cohortes d'expansion dans les essais de phase I en cancérologie : des recommandations du HUB phase I
Déclaration d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet article.
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